Et demain … ? Petite revue de presse des avancées technologiques Résumé : Pour ce numéro de janvier 2014, nous vous proposons quelques informations sur les innovations dans le domaine médical. Alors que le premier cœur artificiel inventé par la société française Carmat vient d’être implanté sur un patient, nous verrons que les axes de recherche dans le domaine médical sont nombreux et que les applications commencent à arriver à maturité. Que ce soit l’œil bionique ou la main artificielle, les connaissances en électronique sont largement utilisées pour améliorer la santé de l’homme. Ces projets multidisciplinairesouvrent une ère nouvelle en recherche,où ingénieurs en électronique, biologistes et médecins travaillent conjointement pour remplacercellules et nerfs endommagés. Enfin, les implants permettent de combler le chaînon manquant à l'exécution de fonctions essentielles comme la vue ou le toucher. 1. Création d'un œil bionique par la société Second Sight(bulletins-electroniques.com, 7juin 2013) 1,5 million de personnes à travers le monde sont touchées par de la maladie héréditaire retinitispigmentosa (rétinite pigmentaire), qui provoque une dégénérescence progressive des cellules de la rétine (ou photorécepteurs). Les photorécepteurs sont regroupés en six types, suivant leurs capacité à discerner les contrastes lumineux entre le clair et l'obscur, le rouge et le vert, et le bleu et le jaune. Grâce à l'Argus II, l’œil bionique crée par la société Second Sight, start-up californienne fondée en 1998,les personnes atteintes de retinitispigmentosa pourront, dans certains cas, de nouveau distinguer des formes et certains contrastes lumineux. L'Argus II est un implant oculaire, accessoirisé de lunettes qui possèdent une mini caméra. La caméra enregistre électroniquement des images en noir et blanc avec une résolution de 60 pixels. Les données sont transmises à un récepteur radio localisé dans l'Argus II,associé à une grille de microélectrodes implantées dans la rétine. Les microélectrodes, au nombre de soixante, envoient des signaux électriques au nerf optique qui, une fois excité, transmet le message au cerveau. Ce dernier peut ensuite interpréter le message (signal nerveux) comme une image et la personne aveugle peut voir.Les 60 microélectrodes ne peuvent reproduire, pour l'instant, que les contrastes entre zones claires et zones sombres et la faible résolution des images transmises au cerveau s'apparente à une vue de 20/1260, contre 20/20 pour une personne voyant parfaitement. Bien sûr, l'Argus II nécessite que le nerf optique de la personne aveugle fonctionne encore pour transmettre les messages au cerveau. Le fonctionnement de l'œil bionique permet pour l'instant de remédier uniquement à la rétinite pigmentaire, et non à d'autres maladies de l’œil comme la DMLA (Dégénérescence Maculaire Liée à l'Age) ou les maladies du nerf optique tellesque le glaucome.A ce jour, une trentaine de personnes ont bénéficié de la pose de cet implant lors de tests cliniques aux Etats-Unis et en Europe. Le professeur Wentai Liu, aujourd'hui à UCLA, pionnier de la recherche en implant, a spécifiquement travaillé sur la création du circuit de microélectrodes destiné à envoyer des messages électriques au nerf optique pour simuler l'action des cellules rétiniennes. Dans les prochaines années, la grille devrait compter 256 puis 1026 microélectrodes capables de coder les contrastes entre noir et blanc, mais également entre couleurs. Ceci permettra d'améliorer la qualité des images perçues par un patient, aussi bien en résolution qu'en couleur. Le professeur Liu envisage, parallèlement, d'implanter la caméra dans l'œil pour éviter l'utilisation de lunettes. Ainsi, dans les années à venir, les chercheurs espèrent pouvoir élargir l'utilisation de la plaquette d'électrodes à d'autres handicaps, comme les paralysies des membres ou les paralysiesfacialesainsi que pour combattre les crises d'épilepsie. Par ailleurs, d'autres équipes à travers le monde travaillent aussi sur le développement d'implants bioniques rétiniens. 2. Une main artificielle avec des sensations réelles (TechnologyReview, 5, déc 2013) Lors des guerres en Irak et en Afghanistan, au moins 1715 soldats ont souffert d’amputations. Malheureusement, malgré les remarquables avancées technologiques de ces dernières années dans le domaine des prothèses, les chercheurs n’ont jamais réussi à recréer la véritable sensation du toucher chez la personne amputée. Toutefois, les travaux des chercheurs du Cleveland VeteransAffairsMedical Center et de la Case Western Reserve Universityvont peut-être permettre une percée dans ce domaine. En effet, ces groupesont développé une nouvelle interface reproduisant la sensation du toucher sur 20 points d’une main artificielle. Cette prouesse est obtenue en stimulant directement les nerfs périphériques du bras du patient à l’aide d’un dispositif électronique de sept millimètres de long. Pour cela, trois faisceaux de nerfs du bras (radian, médian, etcubital) sont reliés à undispositif électronique. Celui-ci comporte 20électrodescapables de délivrer un signal électrique aux axones des nerfs à partir de l’extérieur de la gaine de cellules qui entoure la fibre nerveuse. Cette approche diffère d’autres technologies qui traversent la gaine pour toucher directement les axones :si cette dernière technique offre ainsi une meilleure résolution, elle risque en revanche de dégrader le nerf à plus long terme. Une fois le dispositif installé, le patient peut détecter des sensations sur plusieurs doigts et sur les faces avant et arrière de la main absente.Lorsque l’implant est en place, le signal électrique peut être réglé pour produire différentes sensations. Le patient peut décrire ainsi la sensation du toucher d’une balle, du coton, des cheveux, etc. Ces descriptions sont beaucoup plus proches d’un effet naturel que celles obtenues avec les technologies précédentes. D’autres sociétés ou groupes de recherche travaillent à l’amélioration des capteurs de force pour permettre de générer des signaux plus nuancés. Les travaux du Case Western en sont encore à la phase de faisabilité et un équipement pourrait-être commercialisé d’ici 5 à 10 ans. 3. Un mini laboratoire biomédical sous la peau d’un patient (EPFL actualités, 20, mars 2013) Le corps est une véritable usine chimique. Parmiles milliers de substances qu’il produit et charrie à travers la circulation sanguine, certaines servent d’indicateur de l’état de santé. Des chercheurs de l’EPFL ont mis au point un minuscule implant capable d’analyser la concentration de différents composés. Logé sous la peau, le dispositif détecte simultanément jusqu’à cinq protéines ou acides organiques. Il transmet en direct les résultats sur l’ordinateur du médecin. Mis au point par l’équipe de Giovanni de Micheli et Sandro Carrara, le dispositif est un véritable concentré de technologie. En effet, sur un implant de quelques millimètres cube, les chercheurs sont parvenus à intégrer cinq capteurs, un transmetteur radio ainsi qu’un système d’alimentation. A même l’épiderme, un patch muni de batteries transmet le dixième de watt nécessaire au fonctionnement de l’implant, à travers la peau du patient - nul besoin d’opérer le patient pour changer une batterie. Les informations transitent par toute une série d’étapes, du corps du patient à l’ordinateur du médecin. L’implant émet des ondes radio sur une fréquence inoffensive, explique Giovanni de Micheli. Le patch récolte ces données, et les transmet par Bluetooth à un téléphone portable, qui les fait parvenir au médecin via le réseau de téléphonie mobile. Autre défi de taille de ce dispositif, la partie électronique. «Ce n’était pas évident de faire fonctionner un tel système avec seulement un dixième de watts de puissance.» Les chercheurs ont également transpiré sur la minuscule bobine permettant de recevoir l’énergie électrique du patch. Ce système pourrait s’avérer extrêmement intéressant dans le cadre des chimiothérapies. Pour évaluer la tolérance des patients au traitement, les oncologues procèdent notamment à de fréquentes analyses sanguines. Pour Sandro Carrara, ce système est un pas supplémentaire vers une médecine plus personnalisée. «Il permettra un suivi en direct et en continu, basé sur la tolérance propre au patient, et non uniquement sur des tabelles d’âge et de poids ou des analyses hebdomadaires.» Dans le domaine des maladies chroniques également, les implants pourraient permettre de donner l’alarme avant même les premiers symptômes et d’anticiper la prise de médicaments. «De manière générale, notre système a un potentiel considérable dans de très nombreux cas, où il faut contrôler l’évolution d’une pathologie ou la tolérance à une thérapie.» Les chercheurs espèrent voir les premiers transferts de technologie sur le marché d’ici à 4 ans.