ÉDITORIAL
L
es forêts méditerranéennes sont étroitement liées à la vie des
populations de la région. Elles fournissent du bois, du liège
et divers autres produits, et sont également une source de
revenus pour de nombreuses personnes. Elle contribuent à la conser-
vation de la biodiversité, piègent et stockent le carbone, protègent
les sols et l’eau, et offrent des espaces de récréation.
Elles sont cependant soumises à une pression croissante. Elles
doivent non seulement répondre aux exigences des êtres humains,
dont les besoins sont grandissants et changeants, mais aussi à l’impact
du changement climatique, caractérisé par des hausses de tempé-
rature, une baisse des précipitations et des sécheresses prolongées.
Aussi est-il essentiel de considérer les biens et services offerts par
ces forêts de manière holistique, et de dénir des solutions durables
et intégrées.
Le message positif qui émerge de ce numéro d’Unasylva est qu’il
existe, dans les pays du bassin méditerranéen, une solide base tech-
nique et une volonté politique forte de trouver de telles solutions, et
d’affronter ces questions dans un esprit de collaboration. Un certain
nombre d’initiatives, nées à des moments et dans des contextes dif-
férents, sont en train de converger, notamment grâce au travail du
Partenariat de collaboration sur les forêts méditerranéennes, qui vise
à ce que la recherche et les stratégies s’inscrivent dans une approche
régionale et à ce que la volonté politique se traduise en action.
Dans le premier article, V. Garavaglia et C. Besacier dressent un
tableau de la situation actuelle des forêts dans le bassin méditerra-
néen, en s’appuyant sur la nouvelle publication de la FAO lancée en
2013, l’État des forêts méditerranéennes. Répondant à la requête de
membres du Comité des questions forestières méditerranéennes-Silva
Mediterranea lors d’une réunion tenue à Antalya, Turquie, en 2010,
ce corpus de connaissances établit un point de repère pour la future
collecte de données, en vue de surveiller et gérer adéquatement les
forêts de la région. Aussi bien l’article que la publication désignent le
changement climatique comme l’enjeu majeur, et soulignent l’impor-
tance d’envisager des stratégies régionales. Le Cadre stratégique
pour les forêts méditerranéennes, décrit dans l’article suivant, se
propose précisément cela. C. Besacier présente les grandes lignes
du nouveau cadre, qui entend fournir une orientation politique
commune à toute la région, et servir d’outil pour favoriser une
meilleure coordination.
Plusieurs études de cas donnent ensuite un aperçu de ce que divers
pays méditerranéens entreprennent actuellement pour relever les dés
auxquels ils sont confrontés. J. Suárez Torres et F. Navarro Baixauli
exposent les mesures adoptées dans la région de Valence, Espagne,
pour lutter contre les incendies, dont 75 pour cent sont causés par
des actions humaines telles que la mise à feu de déchets agricoles
et horticoles, l’apiculture ou les activités récréatives.
Dans l’étude de cas consacrée à Montpellier, F. Besse, M. Conigliaro,
B. Fages, M. Gauthier, G. Mille, F. Salbitano et G. Sanesi examinent
un autre domaine essentiel, à savoir les forêts et les arbres présents
dans le contexte urbain et périurbain. Ils décrivent l’innovante «vision
verte» de la Ville de Montpellier et les améliorations apportées à la
qualité de la vie de ses habitants grâce à une planication efcace
et à l’entière participation de la société civile.
Dans leur article sur le projet «cœur vert du liège», M. Bugalho et
L. Silva mettent en lumière les problèmes spéciques qui affectent
les paysages de chêne-liège au Portugal, et montrent comment la
certication et les incitations économiques pourraient constituer
un moyen de favoriser la gestion durable des forêts de la région.
Trois exemples d’initiatives de Forêts modèles concluent les études
de cas, chacun ayant une perspective différente sur l’approche même
de la Forêt modèle, qui conjugue les besoins des communautés locales
et la durabilité à long terme des territoires. À Tlemcen, Algérie,
P. Valbuena, O. Aissaoui et M. Segur examinent comment la démarche
est utilisée pour traiter la question des changements d’utilisation des
forêts et des menaces pesant sur le chêne-liège. Dans le cas d’Ifrane,
Maroc, M. Qarro, P. Valbuena et M. Segur exposent comment la Forêt
modèle vise à préserver les cédraies de la région tout en répondant aux
exigences économiques et aux besoins de subsistance des populations
locales. M. Özdemir, P. Valbuena et M. Segur montrant quant à eux
qu’à Yalova, Turquie, l’objectif majeur de la Forêt modèle consiste à
développer des activités génératrices de revenus, notamment celles
liées aux produits forestiers non ligneux, aux loisirs et au tourisme.
La section nale de cette édition présente le Partenariat de col-
laboration sur les forêts méditerranéennes et une série de projets
menés par des organisations membres de ce dernier. Établi en 2010,
le Partenariat rassemble un vaste éventail d’acteurs régionaux se
proposant d’améliorer la gestion des forêts et d’accroître les béné-
ces issus de celles-ci.
F. Ducci, V. Garavaglia et M.C. Monteverdi illustrent l’œuvre de
la Coopération européenne dans le domaine de la recherche scienti-
que et technique (COST) et présentent une action de conservation
et partage des connaissances. Celle-ci porte sur les ressources
génétiques forestières et les caractères adaptatifs de populations
d’espèces parvenant à survivre dans des environnements margi-
naux – un potentiel important pour les stratégies d’adaptation au
changement climatique. C. Besacier et C. Gallo Granizo décrivent
un projet de coopération régional nancé par le Fonds français pour
l’environnement mondial, qui explore les opportunités offertes par
le mécanisme REDD+ dans le bassin méditerranéen. R.A. Kastl
et L. Liagre présentent un projet de l’agence allemande pour la
coopération internationale, la GIZ, qui vise à adapter les conditions
stratégiques d’ensemble au changement climatique dans la région
Moyen-Orient et Afrique du Nord, au travers du renforcement
des capacités et de la collaboration intersectorielle. Un espace est
également consacré à l’EFIMED, Bureau régional méditerranéen
de l’Institut forestier européen, qui joue un rôle important dans
la coordination de la recherche au sein de la région, comme cela
a été le cas lors du vaste processus de consultation ayant conduit
au Plan stratégique de recherche sur les forêts méditerranéennes
2010-2020. L. Amandier, A. Khaldi et S. Vallée présentent deux
initiatives de l’Association internationale forêts méditerranéennes
(AIFM), organisme centré sur l’échange de connaissances, portant
sur le changement climatique et la gestion intégrée des territoires.
Le numéro s’achève sur un rapport de l’évaluation indépendante
menée par le Comité des questions forestières méditerranéennes-
Silva Mediterranea. Le rapport retrace l’histoire de cet organe
statutaire de la FAO créé en 1948, et montre le rôle encore plus
fort qu’il pourrait être amené à jouer si les recommandations de
l’évaluation étaient prises en compte.
Nombre de thèmes apparaissant dans ce numéro d’Unasylva évo-
queront des problématiques déjà soulevées dans le numéro 197 de
la revue, également consacré aux forêts méditerranéennes et publié
en 1999. Quinze ans plus tard, il est temps de jeter un regard heuf
sur ces questions, à la lumière des transformations sociales et envi-
ronnementales en cours dans la région et des mesures entreprises
pour y faire face. u