VIE PROFESSIONNELLE
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La Lettre du Pneumologue - n° 1 - octobre 1998
es Journées de printemps de la Société de Réani-
mation de Langue Française qui se sont déroulées à
Tours les 4 et 5 juin 1998 avaient pour thème :
“Réanimation et onco-hématologie : de l’exception d’hier
au quotidien de demain”.
La dernière session de cette réunion scientifique a été consa-
crée au sujet : “pronostic et choix éthique”, qui occupe une
part prépondérante de la réflexion de tout médecin réanimateur
amené à prendre en charge les patients d’onco-hématologie.
Après plusieurs communications portant sur le panorama des
pratiques européennes, l’intérêt et les limites des indices et
scores de gravité, et les bases d’une réflexion éthique appli-
quée, une table ronde animée par F. Lemaire (Créteil) et J.C.
Raphaël (Garches), et à laquelle participaient J.C. Chevrolet
(Genève), J.F. Dhainault (Paris), G. Nitenberg (Villejuif) et B.
Schlemmer (Paris) a clos le congrès en essayant de répondre à
plusieurs questions ; l’une d’entre elles, à l’origine d’un débat
riche et animé, pourrait servir d’exemple à d’autres champs de
la médecine en raison de son caractère paradoxalement peu
spécifique : doit-on envisager une réflexion éthique propre
aux patients d’onco-hématologie hospitalisés en réanimation ?
mDes interrogations ont tout d’abord été exprimées quant à la
pertinence de la question
‘Pour certains (J.C. Chevrolet), la question en elle-même n’est
pas éthique.
En effet, elle laisserait entendre que pour des êtres humains
aux caractéristiques dissemblables (cancer, cirrhose, sida, dif-
férences ethniques...), différentes éthiques doivent s’appliquer.
Or, les règles éthiques se rapportent à l’être humain face à la
maladie ou à un certain nombre de problèmes et ne concernent
pas le diagnostic. Le diagnostic doit être discuté en amont et
relève de la technique médicale au même titre que l’évaluation
pronostique. La réflexion éthique qui vient après est d’une
autre nature : il s’agit de la “pesée” des valeurs. Affirmer que
certaines pesées de valeurs s’appliquent à des patients qui ont
un certain diagnostic et qu’une autre éthique va s’appliquer à
d’autres patients qui ont un autre diagnostic est inacceptable.
Enfin, on pourrait considérer qu’à l’heure de la biologie molé-
culaire moderne, des problèmes aussi différents que l’artério-
sclérose, l’infection sévère ou le cancer concernent des gènes,
des molécules et cette biologie n’a rien de spécifique.
‘Pour d’autres intervenants (F. Lemaire), la question mérite
d’être défendue, car les équipes soignant les patients d’onco-
hématologie savent bien que ceux-ci ne sont pas des “patients
comme les autres” ; ne pas en être conscient, c’est refuser le
problème. En effet, le comportement des médecins, des infir-
mières et des équipes soignantes est différent quand ils sont
confrontés à ce type de patients, et cela pour deux raisons :
– le pronostic souvent effroyable. On pourrait donc se deman-
der s’il existe des règles éthiques particulières pour les patients
ayant un pronostic de survie inférieur à 5 % par exemple, car il
n’est pas sûr qu’il y ait beaucoup d’autres types de pathologies
avec un tel pronostic ;
– le problème du coût. Toute la réflexion sur la justice distri-
butive, qui est l’un des grands principes de l’éthique médicale,
est un vrai problème. Dans un système à budget limité,
l’argent distribué à certains patients ne sera pas disponible
pour d’autres. Admettre des patients qui vont probablement
mourir et qui vont être à l’origine de dépenses considérables
est un réel problème que certains peuvent ne pas considérer
comme éthique, mais que l’on ne peut nier.
Une réflexion d’équipe
mSi l’on pose néanmoins cette question au caractère peut-être
provoquant, la réponse unanime est de dire que l’on ne doit
pas envisager une réflexion éthique propre à un type de
patient, et aux patients d’onco-hématologie en particulier, tout
en reconnaissant que ceux-ci posent un certain nombre de pro-
blèmes spécifiques.
Le pronostic, qui reste habituellement sombre, est certaine-
ment un des éléments majeurs dans le processus de décision.
On peut toutefois noter que l’on manque de données compara-
tives entre les patients d’onco-hématologie et les patients por-
teurs d’autres pathologies de gravité a priori “comparable”,
pour lesquels il semblerait y avoir moins de limites quant à
l’admission en réanimation. Pour un pronostic comparable, les
coûts sont en revanche très différents et peuvent être un critère
important quand on sait, par exemple, qu’un seul patient greffé
de moelle peut “consommer” le budget de plusieurs mois
d’une unité de réanimation.
Ce pronostic sombre, voire cet échec “prévisible”, peut retentir
sur le comportement des équipes soignantes. Pour ne pas
rompre un équilibre psychologique souvent fragile, certains
médecins peuvent être amenés à ne pas admettre, à certains
moments, des patients au pronostic jugé irréversible. Cela
Pronostic et éthique
Prise en charge des patients d’onco-hématologie
l
D. Perrotin*
*CHU Tours, Service de réanimation médicale polyvalente.
L