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Supplément à La Lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 3 - vol. VII - mai-juin 2004
E n t retien avec le Dr Isabelle Moley-Massol*,
auteur de “L’annonce de la maladie,
une parole qui engage**
Propos recueillis par F. Arnold-Richez***
** Collection Le Pratique. Puteaux : édi-
tions DaTeBe, 2004, 244 pages.
*** Journaliste médicale.
Lemalademontrelavoie
Il n’est pas un soignant qui n’ait un jour
été confronté à cette épreuve relationnel-
le des plus délicates, celle de l’ann o n c e
d’une maladie grave, invalidante...
P r ofonment stabilisante pour le
malade, sidéré, l’annonce perturbe aussi
celui qui doit la faire. Et parfois, faute de
savoir-faire ou de “savoir-être”, c’est l ’ a n-
nonce elle-même qui truit celui ou celle
qui la reçoit au moment elle est faite.
Ou même, longtemps après. Dans
l’après-coup. Bien sûr, il est difficile de
d resser la liste de tous les effets délétère s
possibles d’une annonce, maladro i t e ,
b rutale, mal formulée, et de proposer un
vade-mecum du meilleur comport e m e n t
face à une telle situation. I s a b e l l e
Moley-Massol, médecin qui pratique la
psychologie médicale et la psycho-onco-
logie clinique, récuse d’emblée la perti-
nence de recettes ou de “fiches-p r o t o-
coles de la meilleure annonce, mais elle
connt les formules, les mots, les
d é m a rches à éviter. Elle propose dans cet
ouvrage, à la fois pratique et très humain,
des pistes, des attitudes, des chemine-
ments de communication qui perm e t t e n t
au malade d’aborder cette nouvelle vie
bouleversée, mais non dénuée de la pos-
sibilité de re c o n s t ru i re autour de la maladie
ou du handicap. Et avec eux.
Son ouvrage comprend deux parties : la
p re m i è re est consacrée à l’appréhension
des principes fondamentaux de l’annonce
d’une mauvaise nouvelle, et la seconde
envisage la spécificité de cette annonce
en fonction des diverses spécialités m é d i-
cales : les cancers, les psychoses, les mala-
dies rhumatismales, cardiaques, digestives,
sexuellement transmissibles, le VIH, les
hépatites, les “mauvaises nouvelles” péri-
natales... Un ouvrage de référence à lire
absolument !
Existe-t-il une bonne façon d’annoncer
une mauvaise nouvelle ?
Isabelle Moley-Massol :Non, il n’y a pas
une façon idéale, ni même “bonne”
d’annoncer une mauvaise nouvelle, et nul
ne peut faire l’économie de la souff r a n c e
éprouvée par le sujet au moment de
l’annonce d’une maladie, d’un handicap,
d’un traitement lourd ou d’une interv e n-
tion chiru rgicale... En revanche, l’attitude du
médecin, du soignant, joue un rôle c o n s i-
dérable à ce moment si sensible de l ’ i n f o r-
mation sur le diagnostic ou le traitement,
et certaines règles fondamentales sont à
connaître.
Unseulmot-clé:l’empathie
Quelles sont-elles ? Pouvez-vous
nous en donner des exemples ?
I M M : Le médecin doit entendre la souf-
france du malade et en accuser réception.
Il doit éviter de camper sur ses certitudes,
ses a priori, ses propres représentations de
soignant. Nous ne pouvons pas anticiper la
réaction du patient, car elle dépend de son
h i s t o i r e, de sa personnalité, des événe-
ments de vie qu’il est en train de traverser. Il
n’existe pas d’annonce anodine, et son
impact pend de la subjectivité de la per-
sonne qui la reçoit. Dans le cas d’un can-
cer, par exemple, le traumatisme p s y-
chique pour le malade ne se situe pas for-
cément à la place attendue par le méde-
cin. La représentation de la maladie, de
l ’ o rga ne atteint, la peur des traitements
envisagés et de leurs conséquences, la
perte des cheveux notamment, peuvent
bouleverser le malade plus p ro f o n d é m e n t
e n c o r e que la sévérité de la maladie et les
données “objectives” s’y référant. Il existe
alors un risque de décalage entre l’appré-
ciation que le médecin a de la maladie et
celle qu’en a le malade, décalage qui nuit
considérablement à la relation médicale
et à la commun ication entre ces part e-
n a i r es de soins. La position du médecin la
plus a p p ropriée est celle de l’empathie, ce
q u i signifie une grande qualité découte,
sans jugement ni projection de ses pro p re s
c royances et certitudes, et un ajustement
de son discours sur celui du malade. “Le
malade montre la voie”, a dit Georges
Bataille.
Toute annonce d’une mauvaise nouvelle –
je préfère le terme d’“information”, car il
s’agit d’un processus continu, jamais fini,
jamais figé, à reprendre et à réajuster sans
cesse engendre, comme nous l’avons
vu, un traumatisme psychique plus ou
moins sévère, en fonction de chaque per-
sonne et de la résonance qu’elle pro d u i t
dans l’histoire du patient.
Dans de nombreuses pathologies, on
constate une distorsion entre la percep-
tion de la sévérité de l’affection que le
decin peut avoir et celle que le patient
en a. Un diabète, une hypertension art é-
rielle ne représentent pas a priori des dia-
gnostics difficiles pour le médecin, alors
qu’ils peuvent être reçus avec une g r a n d e
angoisse par le malade, en fonction de la
représentation qu’il s’en fait ou de sa
connaissance subjective de la maladie. Un
tel diagnostic bouleverse sa vie et remet
en cause la vision qu’il a de son existence,
de son rapport au monde et à la mort, de
ses projets de vie, de ses liens sociaux et
familiaux. La blessure narcissique est tou-
jours au cœur de la mauvaise nouvelle
que constitue la maladie ou le handicap,
pour soi-même, son enfant, un proche.
Quelle vérité dire au malade ? Peut-il
tout entendre ?
IMM : C’est une question fort com-
plexe à laquelle on ne peut donner une
ponse unique. De quelle rité parle-t-on ?
De celle dudecin, du malade, du pro n o s -
tic, des données statistiques, d’aujourd ’ h u i
ou de demain ? Lorsque l’on a tout dit,
a-t-on dit l’essentiel ? La vérité n’est pas la
somme des réalités. La rité est celle du
malade, de son re s s e n t i , dans toute sa sub-
jectivité. Il convient de partir de son point
de vue, pour s’approcher au plus ps de sa
ri à lui. Si l’information fait partie du soin
que le médecin doit au malade et consti-
tue un devoir inscrit dans le code de déon-
tologie médicale, le malade a aussi le droit
de ne pas vouloir savoir. Au médecin de
d é c r ypter sa demande, ses besoins, et d’y
r é p o n d re pas à pas en fonction de ses res-
sources, dans une relation de confiance e t
de sincérité. Si seule la rité peut être
dite, jusqu’où aller dans la révélat i o n ,
comment et à quel rythme ? Voice qui me
paraît constituer la question fondamentale.
Il peut être utile de demander au malade :
“Que savez-vous de la maladie dont vous
s o u f f r ez, et que souhaiteriez-vous savoir ? ” .
Que dire alors à l’entourage ?
IMM : La famille joue souvent un rôle
essentiel. Elle est informée si le malade le
souhaite. Il n’est, en effet, pas question
de livrer à la famille des informations aux-
quelles le malade n’aurait pas accès (sauf
situations pathologiques particulières et
spécifiques). Le malade en ressentirait un
sentiment d’exclusion qui re nf o r cerait son
isolement et sa souff r a n c e .
En pratique : qu’est-ce qu’il ne faut
surtout pas faire ?
IMM : Dans la première partie du livre, un
chapitre est consacré à un certain nombre
de conduites à tenir pour faciliter le moment
de l’information sur la maladie ou le handi-
cap. Quelques pistes : choisir un lieu adapté
qui permette une grande disponibilité, dans
le bureau du médecin ou la chambre du
m a l a d e ; éteindre la télévision ou la radio ;
ne pre n d r e aucune communication télépho-
n i q u e ; s’asseoir pour parler, face à face, sans
séparation (par un bureau par exemple).
Un diagnostic ne devrait jamais être
donpar téléphone, par courrier ou par
l’intermédiaire d’un laboratoire.
Par ailleurs, une annonce se prépare. On
peut ainsi proposer au patient de venir
avec un proche lors de la remise de r é s u l-
tats, pour deux raisons essentielles : d’une
part, le proche apporte un soutien, un
étayage, et, d’autre part, il sera un relais
utile de l’information après la consulta-
tion. Souvent le malade, sidéré par la
mauvaise nouvelle, n’entend plus ce qui
lui est dit, expliqué, il ne perçoit plus le
sens des mots et des phrases. Il ne retient
pas les paroles mais garde un souvenir
précis de leur musique, du sentiment géné-
ral de ce moment douloureux l’infor-
mation “est tombée”. L’émotion p re n d
toute la place. Un proche, présent au cours
de cette consultation d’annonce, perm e t -
tra de re p r e n d re les termes employés par le
médecin et de pours u i v re la communica-
tion. Une deuxième consultation avec le
praticien est très souhaitable dans tous
les cas.
Je tiens à terminer en disant que l’ann o n-
ce d’une maladie exige du temps : du
temps à donner au malade pour l’écouter,
l’entendre, recevoir ses émotions et y
r é p o n d r e ; du temps pour le patient afin d e
dépasser le traumatisme psychique, la b l e s-
s u r e narcissique, faire le deuil de son“être
en bonne santé”, “invincible”, de ses
projets de vie, de son corps parfois ampu-
té au niveau d’un organe, et qui s’affiche
aux yeux des autres ; du temps pour se
laisser traverser par l’épreuve et se
reconstruire.
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Nombre d’exemplaires Total
L’annonce de la maladie (29 e)
Infirmières (– 20 %) (23,20 e)
Tarif spécial abonnés (15 e)
Frais de port (3,80 e)
soit un total de e
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