Rachis, 1997, vol. 9, nO 5 pp FAIT CLINIQUE MÉNINGOCÈLE SACRÉE ANTÉRIEURE A propos d'un cas, revue de la littérature ANTERIOR SACRAL MENINGOCELE Case report and review of the Iiterature A. DIAZ*, S. TAHA*, L. VINIKOFF*, C. ANDRIAMAMONJY*, 'Service PH. DAVID**, B. LERICHE* de Neurochirurgie, Centre Hospitalier Sud Réunion, 97448 St Pierre "Service de Neurochirurgie, C.H.U. Kremlin Bicêtre RESUME SUMMARY Les auteurs rapportent un cas de méningocèle sacrée antérieure, chez un homme de 46 ans, diagnostiquée par échographie, scanner et I.R.M, devant un syndrome douloureux des membres inférieurs et une constipation chronique. Le patient est opéré par voie postérieure trans-sacrée, permettant l'exclusion de la malformation. Ils rappellent les dangers de la méconnaissance de la malformation, du fait de la symptomatologie peu évocatrice, pouvant orienter vers un problème digestif ou urinaire et amener des gestes diagnostics ou thérapeutiques néfastes tels que ponction de kyste, responsables d'infections méningées souvent très graves. L'échographie pelvienne, les radiographies standards du bassin, le scanner, l'I.R.M, et également la saccoradiculographie, sont les éléments du diagnostic paraclinique. Différentes voies d'abord chirurgicales ont été proposées. Actuellement la voie postérieure trans-sacrée est la plus satisfaisante permettant d'exclure la malformation, en contrôlant les éléments nerveux et en minimisant les risques infectieux. The authors report one case of anterior sacral meningocele in a 46 years old man, diagnosed by uItrasonographie, CT.scan, and MRI. The patient was suffering chronic constipation and radiculalgia of the lower limbs. The malformation has been operated by a posterior trans-sacral approach with a good resuIt. They discuss the danger of being unaware of the malformation because of the non evocative symptomatology that may drive to unappropriate procedure as puncture of the cyst with serious infectious consequences. UItrasonography, standard Xray, CT scan, MRI, and most rarely saccoradiculographia are the different paraclinical exams to confirm the diagnosis. The usual treatment is surgical by a posterior trans-sacral approach allowing to excIude the malformation with control of the nerve roots and without infectious risks. Mots clés: Méningocèle Keys words : Anterior sacral meningocele - Posterior approach. sacrée antérieure - Abord postérieur. 231 A. DIAZ, S. TAHA, L. VINIKOFF, C. ANDRTAMAMONJY, La méningocèle sacrée antérieure (MSA) est une hernie du sac duraI dans le petit bassin à travers une déhiscence du sacrum. Suivant son extension, on décrit 4 formes (1,5): intramurale: ne dépassant les limites du sacrum; pelvienne: la face supérieure de la MSA reste en dessous de SI; abdomino-pelvienne: la MSA s'étend au dessus de SI dans la cavité abdominale; pelvi-sciatique: l'extension est latérale dans l'échancrure sciatique. Elle contient le plus souvent du LCR, mais aussi des racines sacrées, des tumeurs bénignes (lipomes, tératomes, kystes dermoïdes, dysembryomes). Une agénésie partielle ou totale du sacrum est presque constante. D'autres anomalies urinaires et de la terminaison du tube digestif lui sont plus rarement associées (sténose ou atrésie anale, agénésie rénale unilatérale), on décrit également l'association avec un syndrome de Marfan, (12) et un syndrome de la moelle attachée basse (6). La fréquences de cas familiaux ainsi que l'association à d'autres maladies transmissibles (neurofibromatose (10), syndrome de Marfan (12») ont fait évoquer une origine héréditaire, par transmission autosomique dominante à pénétrance variable (9,13) • Classiquement, on retrouve dans la littérature une nette prédominance féminine vraisemblablement lié à la fréquence (3,5) avec toucher pelviens des examens gynécologiques, permettant la découverte fortuite d'une masse du petit bassin. Il s'agit d'une affection rare, mais surement plus fréquente que les quelques 200 cas publiés du fait d'une symptomatologie souvent absente. Le diagnostic paraclinique est facile une fois qu'on a pensé à ce type de malformation. PH. DA VlD, B. LERICHE ..•. 1 2 •. OBSERVATION Mr V. 46 ans, Mahorais, présente des douleurs des membres inférieurs depuis quelques mois, associées à une constipation chronique. L'examen neurologique est normal. L'échographie abdomino-pelvienne retrouve une masse liquidienne rétro-rectale, confirmée par le scanner montrant également un élargissement des 2èmes trous sacrés. L'IRM (figures 1 et 2) met en évidence la MSA, ses rapports avec la paroi postérieure du rectum, sa communication avec le pelvis à travers une large déhiscence du 2ème trou sacré gauche, mais la communication avec le cul de sac duraI n'est pas visible. La saccoradiculographie (figures 3 et 4) apporte la preuve en montrant l'injection de la MSA qui se fait de manière tardive, sans visualisation de la communication entre la MSA et les espaces sous-arachnoïdiens spinaux. Figures 1 et 2: I.RM.: Masse liquidienne rétro-rectale en communication durai, à travers un élargissement du 2ème trou sacré. avec le sac L'étanchéité est parachevée par de la graisse et de la colle biologique. La communication entre le cul-de-sac et la partie intra sacrée de la MSA n'est pas visible et doit se faire par un micro-pertuis. Les suites opératoires sont simples, la sacco-radiculographie post-opératoire (figure 5) montre la bonne étanchéité de la plastie et la non opacification de la MSA. Le patient est opéré par voie postérieure trans-sacrée, après laminectomie SI, S2, S3, exposant la malformation. Après aspiration du LCR, l'orifice d'entrée de la MSA dans le pelvis est colmaté, sous microscope opératoire, en utilisant un fragment de la paroi latérale de la dure mère de la MSA qui est relevée et suturée au pourtour du 2ème trou sacré. 232 A. DIAZ, S. T AHA, L. VINIKOFF, C. ANDRIAMAMONJY, PH. DA VID, B. LERICHE ..•. 3 4T Figure 5: Sacco- radiculographie MSA. post -opératoire: absence d'opacification de la DISCUSSION L'élément clinique prédominant dans la MSA est la disparité des symptômes (1,4,5,6,8) expliquant la fréquence des découvertes fortuites ou lors de complications. Contrairement aux méningocèles postérieurs, il n'existe pas de signes cutanés, La MSA ne « parle» en général qu'en cas de volume important, supérieur à un litre, entraînant un effet de masse sur les structures abdomino-pelviennes et nerveuses. On décrit ainsi des troubles urinaires avec dysurie ou incontinence, des troubles digestifs pouvant réaliser un tableau pseudo-abdominal, une constipation chronique est un signe presque constant (2.4,6) (notre cas), des troubles génitaux avec dyspareunie ou dysménorrhée (6), plus rarement des troubles neurologiques par compression radiculaire, des céphalées positionnelles avec syndrome d'hypertension intracrânienne (4). La compression veineuse peut être responsable de phlébite des membres inférieurs. Les com- Figures 3 et 4: Sacco- radiculographie pré-opératoire: opacification tardive de la méningocèle. La communication entre la MSA et le cul de sac duraI n'est pas visible. 234 MENINGOCÈLE SACRÉE ANTÉRIEURE ture sont élevés, imposant dans un premier temps une césarienne et le traitement de la MSA dans un deuxième temps. Les principales voies d'abord utilisées sont la voie postérieure trans-sacrée et la voie antérieure abdominale rétro- plications infectieuses sont les plus graves et surviennent lors d'une rupture de la MSA: rupture spontanée dans le rectum avec méningite stercorale, rupture lors d'un accouchement dystocique (premier cas de MSA décrit par Bryant) (1) ou de manière iatrogène, en ]' absence de diagnostic: ponction trans-rectale d'une masse liquidienne (2). Du fait de la non spécificité des signes cliniques, les examens paracliniques prennent ici toute leur valeur. Les radiographies standards du bassin sont toujours parlantes (4), montrant typiquement une agénésie totale ou partielle du sacrum, avec l'aspect classique « en cimeterre »; dans notre observation, on retrouvait uniquement un élargissement des trous sacrés (figure 1). L'échographie pelvienne confirme une masse présacrée rétro-rectale liquidienne pouvant en imposer chez la femme pour un kyste de l'ovaire. Le diagnostic définitif est établi par le scanner, l'IRM, et plus rarement la saccoradiculographie. Pour Lee (8), J'IRM est l'examen clé, étudiant la MSA dans les trois plans de l'espace, confirmant son contenu liquidien, sa communication avec les espaces sous-arachnoïdiens spinaux, ses rapports avec les organes abdomino-pelviens. Elle permet également le diagnostic de malformations associées (tératomes, hamartomes, lipomes, et kystes dermoïdes). Nous pensons que la saccoradiculographie conserve encore ses indications pour les MSA à collet étroit, quand la communication n'est pas visible sur l'IRM, et également en post-opératoire pour vérifier la bonne exclusion de la MSA et son étanchéité. rectale. Plus récemment, Raftopoulos (10,11) a présenté un cas de traitement par voie endoscopique. Le but du traitement chirurgical est d'interrompre la communication entre la MSA et le cul-de-sac duraI. La voie postérieure trans-sacrée est actuellement la plus utilisée (1,3.5,6): les résultats sont satisfaisants permettant le plus souvent d'exclure la malformation, elle permet également de bien individualiser les racines sacrées et n'expose pas au risque septique. Le but est de colmater l'orifice de la MSA, par simple suture s'il est petit, ou par plastie le plus souvent aponévrotique. Dans notre observation, j'étanchéité a été réalisée par suture d'un fragment de la paroi latérale de la MSA au pourtour duraI et complétée par de la graisse et de la co]]e biologique. La résection de la poche intra-pelvienne n'est pas nécessaire (3,5) et même dangereuse, du fait de ses adhérences avec la paroi postérieure du rectum, avec des risques importants de rupture et de dissémination bactérienne. La MSA une fois privée de sa communication avec le sac duraI s'affaisse progressivement, sous la pression des organes intra pelviens et abdominaux (11). La voie antérieure est abandonnée par la plupart des auteurs car elle ne permet pas de contrôler la queue de cheval, et fait courir un risque septique. Elle est utilisée le plus souvent quand le diagnostic n'est pas fait en préopératoire, et est souvent suivie par un deuxième temps postérieur. Le traitement endoscopique avec suture simple de l'orifice de communication proposé par Raftopoulos est très élégant et semble être une alternative à la chirurgie classique dans les MSA à collet étroit, les résultats étant actuellement difficilement comparables du fait du nombre de cas très restreints et du faible recul. Une fois le diagnostic de MSA établi, tous les auteurs préconisent un traitement chirurgical (3,5). Le traitement conservateur peut être discuté chez les personnes âgées. L'évolution spontanée de la MSA peut se faire vers une fistulisation à la peau, une rupture spontanée dans le rectum avec méningite stercorale parfois fatale, un état grabataire chronique par compression du petit bassin (1). Chez la femme enceinte, les risques d'accouchement dystociques et de rup- CONCLUSION Notre observation permet de rappeler les principaux problèmes liés à la MSA: d'une part les erreurs de diagnostics du fait d'une symptomatologie non univoque, pouvant amener des gestes thérapeutiques ou diagnostiques inadéquats et dangereux (aspiration-drainage de kyste, abord chirurgical antérieur), d'autre pal11e problème de la mise en évidence de la communication entre la MSA et les espaces sous arachnoïdiens, parfois difficile en cas de collet étroit. Le traitement actuel est chirurgical par voie postérieure trans-sacrée, permettant d'exclure la malformation en supprimant sa communication avec le cul-de-sac duraI. 235 A. DIAZ, S. TAHA, L. YINIKOFF, C. ANDRIAMAMONJY, PH. DA YID, B. LERICHE BIBLIOGRAPHIE 1- BOUSQUET Ch,: Les méningocèles sacrées thérapeutique, Thèse, 1973, Lille, antérieures, étude clinique et 8- JABRE A., BALL J.B., TEW J.M.: Anterior sacral meningocele, current diagnosis. 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