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diabétologie
Urgences en endocrinologie,
et maladies métaboliques
Hypoglycémies chez l’enfant
Hypoglycemia in children
G. Touati*
Définition
L’hypoglycémie se définit par une
glycémie inférieure à 2,8 mmol/l
chez l’enfant et à 2,2 mmol/l chez le
nouveau-né à terme.
L’hypoglycémie est une urgence en
raison du risque de séquelles neurologiques des formes profondes et/ou
prolongées.
Signes cliniques
Les principales manifestations cliniques des hypoglycémies sont :
Chez l’enfant
faim impérieuse, douleurs abdominales, nausées, vomissements ;
✓ pâleur, sueurs ;
✓ troubles du comportement, irritabilité, état confusionnel ;
✓ céphalées, troubles visuels ;
✓ regard vide, somnolence, apathie,
coma ;
✓ des convulsions sont très souvent
révélatrices.
Tous ces signes sont non spécifiques,
d’où la nécessité de pratiquer une
glycémie devant tout symptôme
anormal chez l’enfant.
✓
✓ difficultés d’alimentation, vomissements ;
✓ polypnée, pauses respiratoires ;
✓ tachycardie ;
✓ trémulations, mouvements anormaux, hypotonie, somnolence ;
✓ un malaise grave ou une convulsion
sont souvent révélateurs.
Des hypoglycémies, même profondes,
peuvent rester longtemps asymptomatiques à cet âge, d’où la nécessité
de les dépister par une surveillance
glycémique systématique, en particulier chez le nouveau-né à risque.
Diagnostic
Les signes cliniques étant peu
spécifiques, le diagnostic ne peut
être affirmé que par la mesure de la
glycémie au moment des symptômes
anormaux. Les méthodes de dosage
sur sang capillaire avec un lecteur
de glycémie sont très utiles pour un
diagnostic rapide d’orientation au lit
du malade. Cependant, le diagnostic
doit toujours être confirmé par une
glycémie mesurée au laboratoire par
une méthode de référence.
Éléments cliniques
nécessaires au diagnostic
étiologique
Chez le nouveau-né
✓
✓
✓
pâleur, flush ;
hypothermie ;
cri anormal, irritabilité ;
* Praticien hospitalier, hôpital Necker enfantsmalades, Paris.
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Certains éléments simples permettent
souvent d’orienter rapidement le
diagnostic :
✓ L’âge de début, variable selon les
différentes pathologies.
✓ L’horaire de survenue par rapport
aux repas est essentiel à connaître :
les hypoglycémies de jeûne évo-
Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (IX), n° 5, septembre/octobre 2005
quent des anomalies de la néoglucogenèse et de la glycogénolyse, des
troubles de l’oxydation des acides
gras, mais aussi la plupart des hypoglycémies par déficit hormonal. La
durée de jeûne est un élément clé du
diagnostic des différents déficits
enzymatiques. Les hypoglycémies
postprandiales s’observent au cours
des intolérances au fructose, au
galactose ou au glycérol, mais aussi
dans les hyperinsulinismes leucinesensibles et les hyperinsulinismes
poststimulatifs. Les hypoglycémies
sans horaire, anarchiques, sont très
évocatrices des hyperinsulinismes.
Le déficit en hormone de croissance
(GH) survenant essentiellement chez
le petit enfant peut parfois présenter
aussi ce caractère anarchique.
✓ L’existence d’une hépatomégalie
est un élément clé du diagnostic.
Une hépatomégalie franche évoque
a priori une anomalie enzymatique
héréditaire.
✓ La courbe de croissance est d’intérêt. Une croissance accélérée fait
suspecter un hyperinsulinisme. Une
cassure de la courbe de croissance
fait évoquer un déficit en GH.
Examens biologiques
nécessaires au diagnostic
étiologique
Les prélèvements doivent être effectués au moment de l’hypoglycémie et
permettent alors, le plus souvent,
d’affirmer le diagnostic étiologique.
Le bilan initial comprend :
✓ dans le sang : bilan hépatique,
ionogramme, équilibre acide-base,
lactate, et recueil de 2 ml de plasma
qui permettra l’ensemble des dosages
Deuxième partie : urgences métaboliques
hormonaux : insuline, C-peptide,
GH et cortisol, ainsi que l’étude du
profil des acyl-carnitines ;
✓ dans les urines : le recueil de la
première miction qui suit l’hypoglycémie permettra d’effectuer une
recherche de cétonurie avec une
bandelette urinaire spécifique et
une chromatographie des acides
organiques.
Principales causes
des hypoglycémies
chez l’enfant
Les hyperinsulinismes primitifs
persistants se traduisent par des
hypoglycémies sévères, répétées,
d’horaire anarchique, sans cétose et
sans hyperlactacidémie. Elles sont
difficiles à corriger en raison de
besoins importants en glucose. La
réponse au glucagon (i.m. ou i.v.) est
un élément très utile du diagnostic et
de la thérapeutique. L’élévation de
l’insulinémie (> 5 mU/l) au moment
d’une hypoglycémie affirme l’hyperinsulinisme, mais elle peut être difficile à mettre en évidence et nécessiter des dosages répétés.
Les hyperinsulinismes transitoires du
nouveau-né s’observent souvent dans
des situations favorisantes : nouveauné de mère diabétique, macrosomie,
souffrance fœtale.
Les insuffisances hypophysaires à
l’origine d’hypoglycémies surviennent surtout dans les deux premières
années de vie. L’existence d’une
cassure de la courbe de croissance,
l’association à un micropénis ou à
une ectopie testiculaire bilatérale
chez le garçon, ou l’association à
une anomalie de la ligne médiane,
peuvent orienter le diagnostic. Le
déficit en GH peut être isolé ou
associé à un déficit en ACTH. Les
hypoglycémies sont très fréquentes
dans le syndrome de Laron lié à une
résistance à l’action de la GH.
L’insuffisance surrénale primaire
peut associer à l’hypoglycémie une
mélanodermie ou une hyponatrémie,
ce qui oriente le diagnostic. Il s’agit
d’hypoglycémies de jeûne ou survenant à l’occasion d’un stress.
Autres déficits endocriniens : l’hypoglycémie est un signe d’hypothyroïdie profonde. Le déficit en glucagon est exceptionnel.
Le diagnostic de glycogénoses se
discute surtout dans les deux premières années de vie. L’hypoglycémie survient au jeûne et s’accompagne de la constitution rapide
d’une hépatomégalie. À l’hypoglycémie s’associe, en règle générale,
une hyperlactacidémie. Les plus fréquentes des glycogénoses sont le
déficit en glucose-6-phosphatase
(glycogénose type I), en enzyme
débranchante ou amylo-1,6-glucosidase (type III), en phosphorylase
hépatique (type VI), en phosphorylase-b-kinase (type IX) et en glycogène-synthase.
Dans les déficits héréditaires de la
néoglucogenèse (en fructose-1,6diphosphatase et en phosphoénolpyruvate kinase [PEPCK]), l’hypoglycémie survient uniquement à
jeun et s’accompagne d’une hyperlactacidémie.
Au cours des déficits de l’oxydation
mitochondriale des acides gras et
des déficits de la cétogenèse, l’hypoglycémie peut survenir en période
néonatale, souvent en contexte de
défaillance polyviscérale. Chez
l’enfant plus grand, l’hypoglycémie
survient après un jeûne prolongé, ou
lors d’une infection. Elle est caractérisée par une hypocétonémie associée.
L’intolérance au fructose est une cause
d’hypoglycémie postprandiale.
D’autres maladies métaboliques peuvent être responsables d’hypoglycémies. Il s’agit de la galactosémie et
de certaines maladies du métabolisme des acides aminés : leucinose,
tyrosinose type I, acidémie propionique, méthylmalonique. L’hypoglycémie n’est pas isolée et accompagne
les autres signes de ces maladies.
Quelques rares cas de déficits de la
chaîne respiratoire mitochondriale
ont été révélés par une hypoglycémie
avec hyperlactacidémie.
L’hypoglycémie récurrente avec
cétose se manifeste par des hypoglycémies débutant le plus souvent
entre 1 et 5 ans. L’hypoglycémie
survient après un jeûne long (12 à
18 heures) et est favorisée par les
infections intercurrentes et le catabolisme.
Les insuffisances hépatiques ne sont
responsables d’hypoglycémie symptomatique qu’à un stade d’insuffisance hépatique préterminale.
Les hypoglycémies induites, ou
syndrome de Munchhausen par
procuration, doivent être évoquées
devant des hypoglycémies répétées
inexpliquées.
Les autres causes rares d’hypoglycémie incluent l’insuffisance rénale
sévère, les cardiopathies cyanogènes, les intoxications alcooliques
aiguës, les intoxications médicamenteuses (hypoglycémiants oraux,
salicylés, quinine i.v., antipaludéens
type chloroquine, ß-bloquants, etc.),
les hypoglycémies auto-immunes
par apparition d’anticorps anti-insuline ou d’anticorps antirécepteurs de
l’insuline.
Traitement
des hypoglycémies
L’hypoglycémie est une urgence
thérapeutique. Toute hypoglycémie,
même asymptomatique, nécessite
un traitement rigoureux.
Chez le grand enfant conscient, la
voie orale avec des apports combinant des glucides d’absorption
rapide (sucre et boissons sucrées) et
des glucides d’absorption lente
(pain et féculents), permet le plus
souvent de maintenir une glycémie
normale.
La seconde mesure thérapeutique
est l’injection intraveineuse rapide
de 0,5 à 1 g/kg de glucose sous
forme de glucosé à 30 %. En cas de
coma, et même après le réveil du
malade, il est prudent de maintenir
un apport glucidique continu oral ou
i.v. sur une base de 6-8 mg/kg/mn
Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (IX), n° 5, septembre/octobre 2005
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diabétologie
Urgences en endocrinologie,
et maladies métaboliques
de glucose pendant 12 à 24 heures.
Selon l’état clinique de l’enfant et la
cause de l’hypoglycémie, le relais
sera plus ou moins rapidement pris
par voie orale sous surveillance des
glycémies capillaires.
Chez le nouveau-né, la normalisation de la glycémie doit être régulièrement vérifiée en raison de la
fréquence des hypoglycémies
asymptomatiques à cet âge.
En cas d’hypoglycémies répétées,
une injection de glucagon (1 mg)
intramusculaire constituera un
double test thérapeutique et diagnostique. L’efficacité est rapide
(< 10 minutes) en cas d’hyperinsulinisme, et l’administration continue
de glucagon par voie veineuse est
alors un traitement d’urgence très
utile, notamment dans les formes
sévères du nouveau-né.
Si une insuffisance surrénale est
suspectée, la mise en route d’un
traitement substitutif en urgence
peut être justifiée dès que les prélèvements sanguins sont faits.
Prévention
de l’hypoglycémie
Elle doit être prévenue et dépistée
dans les situations à risque chez le
nouveau-né :
✓ prématurité ;
dysmaturité ;
macrosomie ;
enfant de mère diabétique ;
souffrance fœtale ;
polyglobulie.
Toutes situations qui imposent une
surveillance systématique des glycémies.
✓
✓
✓
✓
✓
Références
De Lonlay P, Castelnau P, Martin D et al. Hypoglycémies du jeune enfant : orientation diagnostique. À propos d’une série de 240 cas. Journées
parisiennes de pédiatrie 1998 ; Flammarion
Médecines-Sciences, pp 261-70.
● Touati G, Ogier de Baulny H. Anomalies héréditaires du métabolisme des glucides. Encycl Med
Chir (Elsevier, Paris), Endocrinologie-Nutrition,
10-364-A-10, 1998, 6 p.
●
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prochain numéro
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endocrinologie, diabétologie
Urgences en
et maladies métaboliques
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Troisième partie :
“Hypophyse et surrénales”
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