Chapitre 12 Orientations cliniques et autres pathologies respiratoires pédiatriques

Pneumologie pédiatrique : guide pratique
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Chapitre 12
Guillaume Aubertin
Orientations cliniques et autres
pathologies respiratoires
pédiatriques
Déformations thoraciques
de l’enfant
Au sein des déformations thoraciques, il faut dis-
tinguer les déformations « pures » (anomalies du
plastron sternochondrocostal) des déformations
secondaires et des asymétries de la cage thoraci-
que. La radiographie thoracique reste l’examen de
première intention, mais la tomodensitométrie
multibarrettes a révolutionné la prise en charge de
ces pathologies « en 3 dimensions » grâce aux dif-
férentes reconstructions, en particulier la recons-
truction tridimensionnelle osseuse et des cartilages
costaux, voire des parties molles. L’imagerie par
résonance magnétique et l’échographie thoraci-
que ont des indications plus restreintes.
Scoliose
Une scoliose est le premier diagnostic à envisager
car relativement fréquent (prévalence 4 %), et ce
d’autant qu’il existe des antécédents chez les
parents ou la fratrie de l’enfant. En effet, une
déformation du rachis dans les 3 plans de l’espace
peut entraîner une déformation de la cage thoraci-
que, mais uniquement dans les formes sévères.
La scoliose peut être idiopathique (80 % des cas)
et à prédominance féminine (7 fois sur 10), ou
s’intégrer dans le cadre d’une maladie plus géné-
rale ; elle n’est alors qu’un élément du tableau cli-
nique. L’examen clinique du dos en position
debout puis en antéflexion précise la rectitude du
dos, la symétrie des différents plis cutanés et des
épines iliaques antérieures, l’existence d’une gib-
bosité (son côté et son importance) ou, au
contraire, d’un dos plat (scoliose lombaire). Le
diagnostic radiologique (radiographie standard du
rachis de face et de profil debout) permet de diffé-
rencier attitude scoliotique de scoliose vraie.
Les causes de scolioses secondaires sont essentiel-
lement les malformations vertébrales (hémivertè-
bres, bloc vertébral, etc.), les syndromes
malformatifs type Marfan ou certaines dystrophies
osseuses, et les maladies neuromusculaires.
Sur le plan fonctionnel, les scolioses des maladies
neuromusculaires s’accompagnent fréquemment
d’une diminution de la capacité vitale et de la
capacité pulmonaire totale (syndrome restrictif
aux explorations fonctionnelles respiratoires) dont
l’étiologie est mixte, à la fois musculaire et parié-
tale. Ces anomalies fonctionnelles peuvent être
accompagnées de symptômes cliniques à type
d’essoufflement et/ou de dyspnée, en particulier à
l’effort. En cas de scoliose idiopathique, le syn-
drome restrictif est généralement plus modéré,
sauf en cas de scoliose évoluée. Dans certains cas,
des symptômes respiratoires, en particulier d’ef-
fort, peuvent être présents. Dans tous les cas, l’ex-
ploration fonctionnelle respiratoire fait partie du
bilan préopératoire des scolioses. Celle-ci peut
aussi être nécessaire en dehors d’une indication
198 Pneumologie pédiatrique : guide pratique
chirurgicale évidente lorsque des symptômes res-
piratoires sont présents, pour en comprendre
l’origine (épreuve de base, voire épreuve d’effort).
On peut également constater des conséquences
cardiaques, un retentissement esthétique et
psychique.
Le traitement relève du spécialiste avec, selon la
gravité et l’étiologie éventuelle de la scoliose, un
traitement orthopédique par corset et/ou chirur-
gical (fig. 12.1).
Déformations thoraciques pures
Les déformations thoraciques « pures » sont des
anomalies congénitales de la paroi antérieure du
thorax et correspondent à des déformations ostéo-
cartilagineuses du plastron sternochondrocostal.
Elles sont plus fréquentes chez le garçon.
On distingue :
•lepectumexcavatumpardépressiondusternum;
•lepectumcarinatumparprotusiondusternum;
•lepectumarcuatum,correspondantàuneforme
mixte (saillie en avant du manubrium sternal et
des deux premiers cartilages costaux, associée à
une dépression du sternum) ;
•l’agénésiesternale.
Pectum excavatum
Le pectum excavatum, ou thorax en entonnoir,
représente près de 90 % des déformations congé-
nitales de la paroi thoracique antérieure (fig.
12.2). L’incidence est de 1 pour 300 à 400 nais-
sances. Il est 4 fois plus fréquent chez les garçons
et on retrouve des formes familiales dans un tiers
des cas. Il est présent dès la naissance ou apparaît
chez l’enfant d’âge scolaire (vers 6 à 8 ans).
Il correspond à une dystrophie de croissance du
cartilage costal qui entraîne une dépression sternale
à grand axe vertical, de profondeur variable (peut
aller jusqu’à un contact avec le rachis), symétrique
ou non, respectant ou non le manubrium sternal.
Le pectum excavatum peut être isolé ou intégré
dans un syndrome polymalformatif (syndrome de
Marfan, syndrome d’Ehlers-Danlos, trisomie 21).
Trois types sont distingués, selon la classification
de Chin :
•déformation localisée étroite et symétrique ne
dépassant pas la ligne mammaire ;
•déformation symétrique mais plus large, fran-
chissant la ligne mammaire avec inclinaison des
cartilages en pente douce ;
•déformation asymétrique ou unilatérale avec
rotation sternale.
Fig. 12-1. Scoliose sévère.
a. Cliché préopératoire. b. Cliché postopératoire.
(Coll. A. Kheniche, hôpital Robert-Debré, AP–HP.)
Chapitre 12. Orientations cliniques et autres pathologies respiratoires pédiatriques 199
Sur le plan respiratoire, le pectum excavatum ne
s’accompagne pas de symptôme chez le jeune
enfant, au contraire de l’adolescent, chez qui on
peut retrouver des symptômes généralement à
l’effort (douleurs thoraciques ou dorsales, fatiga-
bilité, dyspnée). Les explorations fonctionnelles
respiratoires peuvent retrouver un syndrome res-
trictif, d’autant plus marqué que la déformation
est importante. Le retentissement à l’effort est dif-
ficile à interpréter, car il peut être secondaire au
déconditionnement physique de ces adolescents
qui, par crainte de moqueries, ne pratiquent plus
d’activité physique.
Sur le plan cardiaque, la déformation intrathoraci-
que du sternum dévie le cœur sur la gauche sans
retentissement sur les cavités cardiaques (ou, rare-
ment, sur les cavités droites). Un prolapsus mitral
est associé dans 20 % des cas. Parfois, les patients
se plaignent de palpitations (pouvant être inté-
grées dans un syndrome de Wolff-Parkinson-
White à rechercher).
Le seul traitement est chirurgical. Il est réseraux
formes graves accompagnées d’une mauvaise tolé-
rance respiratoire, cardiaque, ou aux patients souf-
frant de l’inesthétisme de la déformation. La
chirurgie se pratique généralement après la puberté
ou chez l’adulte jeune.
La chirurgie est réalisée par voie endothoracique,
sous contrôle thoracoscopique, avec mise en
place d’une barre métallique rétrosternale (tech-
nique de Nuss) (fig. 12.3 et 12.4). Des complica-
tions graves ont été décrites, l’indication de
correction chirurgicale doit donc être mûrement
réfléchie.
Pectum carinatum
Le pectum carinatum correspond à un excès de
longueur des cartilages costaux avec projection
antérieure du sternum. Il est le plus souvent asy-
métrique et prédomine également chez le garçon
(fig. 12.5). Il a tendance à s’aggraver lors de la
puberté. Une scoliose est associée dans 8 à 21 %
des cas. Il peut être présent dans de nombreux
syndromes, au premier rang desquels le syndrome
de Marfan.
Le retentissement fonctionnel est absent ou
minime. Il n’y a généralement pas de retentisse-
ment cardiorespiratoire et les seules véritables
conséquences sont esthétiques.
Le traitement, lorsqu’il est indiqué, notamment
du fait du retentissement psychologique, est
chirurgical ou orthopédique par contention pro-
longée juste après la puberté.
Fig. 12-2. Pectum excavatum.
a. Thorax préopératoire. b. Tomodensitométrie préopératoire. Le sternum reste à distance du corps vertébral.
(Coll. P. Mary, hôpital Armand-Trousseau, AP–HP.) (Coll. A. Kheniche, hôpital Robert-Debré, AP–HP.)
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Pectum arcuatum
Le pectum arcuatum est beaucoup plus rare et
correspond à une orientation en avant du manu-
brium et des premières pièces sternales, qui réalise
un surplomb au-dessus d’une cuvette inférieure.
Les jonctions chondrosternales sont saillantes et
forment des crêtes latérales.
Le seul retentissement est esthétique. La correc-
tion chirurgicale est possible.
Autres déformations thoraciques
Il convient notamment de citer le syndrome de
Poland (1 naissance sur 30 000, prédominance
Fig. 12-3. Technique de Nuss.
a. Schéma de la technique de Nuss. b. Cliché standard postopératoire de la technique de Nuss.
(Coll. A. Kheniche, hôpital Robert-Debré, AP–HP.)
abc
Fig. 12-4. Pectum excavatum postopératoire.
a. Thorax postopératoire. b. Tomodensitométrie de profil préopératoire. c. Tomodensitométrie de profil post opératoire.
(Coll. P. Mary, hôpital Armand-Trousseau, AP–HP.) (Coll. A. Kheniche, hôpital Robert-Debré, AP–HP.)
Chapitre 12. Orientations cliniques et autres pathologies respiratoires pédiatriques 201
masculine, 2 fois sur 3). Il associe une asymétrie
de la cage thoracique par agénésie ou hypopla-
sie unilatérale du muscle grand pectoral (parfois
associée à une atteinte du muscle petit pectoral),
une atteinte mamelonnaire et des anomalies du
membre supérieur homolatéral (hypoplasie, syn-
dactylie). Ce syndrome est un peu plus fréquent
chez les garçons et du côté droit.
Enfin, les malformations costales sont fréquentes
(agénésie, hypoplasie, synostose et bifidité) et de
diagnostic radiologique sur un cliché standard.
Elles n’ont aucun caractère de gravité mais doi-
vent faire rechercher une malformation vertébrale
associée, ou plus rarement une malformation vis-
cérale (cœur, muscle, mammaire).
Troubles respiratoires
du sommeil
Introduction
Les symptômes les plus fréquents sont les ronfle-
ments nocturnes et les apnées. La cause la plus
fréquente chez l’enfant est l’obstruction des voies
aériennes supérieures par hypertrophie des végéta-
tions et/ou des amygdales.
L’incidence des ronflements primaires (ronfle-
ments sans conséquence sur la qualité du som-
meil) est estimée à environ 10 % des enfants d’âge
préscolaire ; celle du syndrome d’apnées obstructi-
ves du sommeil (SAOS) est d’environ 3 %.
Le SAOS est défini par :
•lasurvenuedurantlesommeild’épisodesanor-
malement fréquents et prolongés d’obstruc-
tion complète ou partielle des voies aériennes
supérieures ;
•des interruptions (apnées) ou des réductions
significatives (hypopnées) de la ventilation ;
•l’associationàdesmanifestationscliniques.
Le diagnostic suspecté cliniquement est posé sur
un nombre excessif d’événements (apnées et
hypopnées) constatés au cours d’un enregistre-
ment polysomnographique.
Dépister et traiter les troubles respiratoires du
sommeil permet d’éviter les complications qui
peuvent être neurocognitives (troubles d’appren-
tissage, de mémorisation, échec scolaire), cardiaques
(hypertension artérielle systémique ou pulmonaire)
ou de retard de croissance staturopondérale.
Clinique
L’interrogatoire et l’examen clinique préciseront
les symptômes :
•nocturnes:
ronflements ou bruits respiratoires ;
pauses respiratoires ou difficultés respiratoires ;
sueurs ;
réveils nocturnes ;
changements de position fréquents et posi-
tion particulière (cou en hyperextension) ;
troubles de l’endormissement, somnambu-
lisme, agitation ;
énurésie, polyurie ;
troubles du rythme cardiaque.
•diurnes:
somnolence ;
respiration buccale ;
altération des fonctions supérieures, troubles
de l’apprentissage ;
troubles du comportement ;
céphalées matinales ;
Fig. 12-5. Pectum carinatum.
Pectum escavatum asymétrique (plus marqué à gauche)
chez un garçon de 10 ans.
(Coll. N. Beydon, hôpital Armand-Trousseau, AP–HP.)
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