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A S C L I N I Q U E
La Lettre du Rhumatologue - n° 304 - septembre 2004
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intenses en T2 FLAIR et en imagerie de diffusion, compatibles
avec des lésions œdémateuses intracellulaires. La topographie
était essentiellement périventriculaire diffuse à prédominance
p o s t é ri e u r e, avec toutefois une atteinte de la capsule intern e.
Des lésions sous-tentorielles étaient également visibles. On
notait aussi une prise de contraste nodulaire au niveau de la tête
du noyau caudé, qui semblait être indépendante des lésions
périventriculaires.
Dans un premier temps, le méthotrexate a été arrêté et un trai-
tement par bolus de corticoïdes (1g/j pendant 3 jours) a été
i n s t a u r é , mais sans aucune amélioration de l’état cl i n i q u e,qui s’ag-
gravait progre s s ivement. Cette évolution a motivé des perfusions
mensuelles d’immu n og l o bulines (4 jours à 0,4 g / k g / j ) , c o m m e n -
cées 2 mois après le début des symptômes. Ce tra i t e m e n t ,
conjointement à la rééducation, a permis la disparition progres-
sive mais complète des signes cliniques en 6 mois. Au contrôle
biologique, on notait la régression du syndrome inflammatoire.
Après 9 mois de traitement, l’IRM de contrôle a objectivé une
discrète régression des lésions périventriculaires (figure 1b). Le
traitement associant du Cortancyl
®
à 15 mg/j, une antivitamine
K et des perfusions mensuelles d’Ig i.v. est poursuivi pour l’ins-
tant au long cours , p e rmettant de contrôler les manife s t at i o n s
articulaires et, potentiellement, de consolider l’amélioration de
l’état neurologique.
DISCUSSION
Cette observation a plusieurs aspects ori ginaux. Le tabl e a u
clinique était particulièrement “bruyant”, avec une grabatisa-
tion et une importante altération des fonctions supéri e u re s
( t ro u bles de l’élocution et du comportement). L’ i m age rie IRM
a révélé des lésions œdémateuses diffuses de la substance
blanche.
Plusieurs arguments plaident contre une origine lymphoma-
t e u s e. A i n s i , l ’ atteinte bilat é rale et symétri q u e,l ’ absence de pri s e
de contraste,l’hypersignal en diffusion et la non-régression sous
c o r ticoïdes sont autant d’éléments permettant d’écarter un
lymphome intracérébral.
Une étiologie infectieuse est systématiquement évoquée dans
ce contexte de maladie dysimmunitaire traitée par immunosup-
presseurs. Cependant, l’aspect IRM et l’absence d’anomalie du
LCR n’ont pas permis de confirmer cette hypothèse. La leuco-
e n c é p h a l o p a thie mu l t i focale progre s s ive (LEMP), liée à une
infection par le JC virus, a été décrite au cours de lupus et chez
des immunodéprimés (1, 2). La recherche par PCR du JC virus
dans le LCR s’est avérée négat ive dans notre observation. De
plus, la topographie et la répartition des lésions, classiquement
a s y m é t ri q u e s , sont autant d’éléments qui s’opposent à ce
diagnostic. D’autres agents infectieux ont été rapportés, en par-
ticulier le VIH (leucoencéphalopathie subaiguë), le virus Herpes
simplex, Borrelia burgdorferi... mais aucun de ces agents n’a été
identifié dans cette observation.
L’aspect est donc celui d’une leucoencéphalopathie à prédo-
minance postéri e u re. Cette entité doit fa i re discuter plusieurs
possibilités diagnostiques.
1 - Une leucoencéphalopathie postéri e u re régre s s i ve
La leucoencéphalopathie postéri e u re régre s s ive (LEPR) peut être
secondaire à une hypertension artérielle souvent associée à une
i n s u ffisance rénale ou à un traitement immu n o s u p p resseur (cicl o-
sporine, tacrolimus, interféron α, etc.) (3). La symptomatologie
est habituellement régressive en deux semaines si le traitement
des fa c t e u rs favo r isants est effi c a c e. Les lésions IRM peuve n t
persister de six mois à un an.
La LEPR pourrait aussi être d’origine dysimmunitaire. En effet,
p l u s i e u r s observations de LEPR associées à une HTA et une insuf-
fisance rénale surviennent au cours de lupus ( 4 ) . De plus, q u e l q u e s
observations de lupus sans HTA ni insuffisance rénale ont égale-
ment été rapportées. Dans une série de 58 patients avec ou sans
manifestation neuropsychiatrique, 8 avaient une atteinte caracté-
risée par une démy é l i n i s ation postéri e u re et pari é t o - o c c i p i t a l e
évoquant une LEPR (5). Le plus souvent, les manifestations cli-
niques sont des céphalées, une confusion, des troubles visuels,
des crises d’épilepsie et une hémiparésie. L’évolution peut être
spontanément favo r abl e,mais des fo rmes persistantes et/ou récur-
rentes sont décrites. L’aspect IRM se caractérise par des signaux
hy p e rintenses corticaux et sous-corticaux. Cet aspect est bien
différent de notre observation où les lésions ont une topographie
périventriculaire sans atteinte corticale ou sous-corticale immé-
diate permettant d’écarter le diagnostic de LEPR.
2 - Une leucoencéphalopathie toxique
L’Aracytine
®
et le méthotrexate (6-8) ont souvent été impliqués,
en particulier lors des traitements à haute dose,en intraveineux
ou en intrathécal dans des indications en onco-hématologie. La
présence de calcifi c ations sous-cort i c a l e s , absentes dans notre
o b s e rvat i o n , a u rait pu orienter le diagnostic ( 9 ) . Dans cert a i n s
c a s , l ’ e n c é p h a l o p ath ie est d’évolution défavo rabl e . Plusieurs
hypothèses phy s i o p at h o l ogiques ont été évo q u é e s , n o t a m m e n t
un vasospasme ou une neurotoxicité directe (10).
Une seule observation rapporte un accident semblable avec du
méthotrexate faible dose,en prise hebdomadaire, chez un patient
atteint de polyarthrite rhumatoïde (11). Ce type de complication
semble rare car le méthotrexate est fortement ionisé et insoluble
dans les lipides, ce qui rend son passage de la barrière hémato-
encéphalique difficile. Il est intéressant de noter que le patient en
question présentait une mononévrite multiplex en rapport avec
une vasculite rhumatoïde, pouvant expliquer une altération de la
barrière hémato-encéphalique. L’évolution s’est stabilisée à l’ar-
rêt du méthotrex ate sans que l’on puisse noter d’améliorat i o n .
Dans notre observation, le dosage du méthotrexate dans le LCR,
qui n’a pu être réalisé, aurait pu apporter un argument en faveur
de l’ori gine tox i q u e. L’ hypothèse que la leucoencéphalopat h i e
soit liée à la conjonction du traitement par méthotrexate et d’une
lésion dysimmunitaire qui aurait “fragilisé” la barrière hémato-
encéphalique n’est pas ex cl u e, mais elle ne peut pas être
documentée.
3 - Une leucoencéphalopathie spécifique
Une atteinte spécifique, liée au syndrome de Gougerot-Sjögren
ou à un lupus, ne peut être écart é e. En effe t , le cara c t è re non
régressif à l’arrêt du méthotrexate et le fait que très peu d’obser-
vations soient rap p o rtées après utilisation de méthotrex ate à fa i bl e