C Infections opportunistes multiples révélant une lymphopénie CD4 au cours d’une connectivite

108 | La Lettre de l’Infectiologue Tome XXV - n° 3 - mai-juin 2010
Mycoses
Images en Dermatologie Vol. II n° 4 octobre-novembre-décembre 2009
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Cas cliniqueCas clinique
Infections opportunistes multiples
vélant une lymphopénie CD4
au cours d’une connectivite
Multiple opportunistic infections revealing CD4
lymphopenia in the time course of connectivitis
N. Dupin, I. Gorin, L. Gressier, S. Régnier, M.F. Avril (Service de dermatologie, hôpital Cochin,
Paris)
Cette patiente de 37 ans consulte en dermatologie pour des lésions papu-
leuses annulaires et arciformes du tronc et des membres évoluant depuis
plusieurs semaines (figure 1).
Observation
Elle est suivie depuis plusieurs années pour une connectivite d’étiologie indéterminée
avec polyarthrite et présence de marqueurs lupiques (facteurs antinucléaires [FAN +]
avec présence d’anticorps anti-DNA natifs, anti-RoSSA et anti-RoSSB positifs mais
anticentromères et anticorps antinucléoprotéine [anti-RNP] négatifs). Le test au
latex et le test de Waaler-Rose sont négatifs tout comme la recherche d’anticorps
anticitrulline. Devant cette éruption, le premier diagnostic évoqué est celui de lupus
subaigu. L’histologie d’une lésion cutanée est compatible avec ce diagnostic, mais
l’immunofluorescence directe est négative. Un traitement par hydroxychloroquine
200 mg (2 comprimés par jour) associé à des applications de clobétasol est instauré
mais la réponse n’est pas satisfaisante. La patiente est revue quelques semaines plus
tard avec des lésions qui se sont modifiées. Les plaques sont plus étendues, franche-
ment annulaires et sont le siège d’une fine desquamation
(figures 2a et b)
. Devant
cette évolution atypique, une deuxième histologie est pratiquée sur des lésions annu-
laires. Celle-ci retrouve des éléments en faveur d’une infection mycosique avec une
coloration au PAS positive. Les prélèvements mycologiques sont positifs et révèlent
des filaments mycéliens à l’examen direct ; la culture à
Trichophyton mentagrophytes
est positive. L’examen systématique des membres de la famille de la patiente permet
de mettre en évidence le même dermatophyte chez son fils et son mari avec comme
source potentielle de contamination animale un cobaye récemment acquis. L’évolution
est initialement favorable sous terbinafine crème à 1 % à raison de 2 applications par
jour ; puis, devant une rechute avec survenue de lésions nodulaires des cuisses dont
l’histologie confirme la nature mycosique, un traitement par terbinafine per os à (1
comprimé de 250 mg par jour) est instauré entraînant une amélioration rapidement
progressive ainsi qu’une disparition des lésions annulaires.
Trois mois plus tard, la patiente est revue en consultation. Elle présente de nouvelles
lésions avec une dizaine de nodules en regard de la cuisse et du genou. Certains
nodules sont partiellement nécrosés et fistulisés. Une nouvelle histologie montre un
granulome inflammatoire gigantocellulaire en faveur d’une infection à mycobactérie.
La coloration de Ziehl-Neelsen met en évidence des bacilles alcoolo-acido-résistants.
La culture est positive et permet d’isoler une mycobactérie à
chelonae abcessus
.
Un traitement antibiotique associant pendant 21 jours clarithromycine (2 comprimés,
2 fois par jour) et linézolide (1 200 mg par jour) permet un affaissement et une régres-
sion partielle des nodules en quelques semaines. Devant ces 2 infections oppor-
tunistes et la constatation d’une lymphopénie majeure à 90/mm3, un phénotypage
lymphocytaire met en évidence une lymphopénie CD4 sévère à 14/mm3 avec inversion
du rapport CD4/CD8. Les sérologies VIH 1 et 2,
human T-cell lymphotropic Virus
de
Lupus • Lymphopénie CD4
Dermatophytes Mycobac-
térie atypique.
Lupus • CD4 lymphopenia
Dermatophytes Atypical
mycobacteria.
Légendes
Figure 1. Lésions arciformes évoquant des
lésions de lupus.
Figure 2 a et b. Lésions annulaires et squa-
meuses du tronc et de la face antéro-interne
de la cuisse.
Figure 3. Lésions nodulaires inflammatoires
de la cuisse et du genou.
Figure 4 . Évolution favorable des nodules
après 1 mois d’une bi-antibiothérapie par
clarithromycine et linézolide.
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CAS CLINIQUE
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Cas clinique
type 1 et 2 (HTLV1 et 2),
human herpes virus
(HHV-8), cytomégalovirus (CMV) sont
négatives. Des aérosols de pentamidine sont prescrits pour pvenir une pneumocys-
tose. L’exploration de la lymphopénie met en évidence son caractère polyclonal sans
réarrangement du récepteur des cellules T (TCR). Après 3 mois d’antibiothérapie, les
lésions nodulaires des cuisses ont totalement régressé ; la clarithromycine est inter-
rompue après 6 mois de traitement. À ce moment, les lésions du tronc réapparaissent
mais les prélèvements mycologiques restent négatifs et les nouvelles histologies sont
compatibles avec le diagnostic de lupus malgré la négativité de l’immunofluorescence
directe. Du fait de l’absence d’efficacité de l’hydroxychloroquine et des applications
de clobétasol, un traitement par salazopyrine (500 mg, 2 comprimés, 2 fois par jour)
est introduit et permet en quelques semaines une résolution des lésions cutanées.
Discussion
Cette observation illustre l’intérêt d’explorer l’immunité chez une patiente présentant
successivement 2 infections de présentation atypique. En effet, initialement et compte
tenu du contexte, le premier diagnostic évoqué est celui de lupus subaigu et les
lésions représentées sur la
figure 1
sont très probablement des lésions de lupus.
En revanche, l’évolution défavorable sous dermocorticoïdes doit faire reconsidérer
le diagnostic. Les dermocorticoïdes peuvent avoir vélé l’infection dermatophy-
tique, mais c’est probablement le déficit immunitaire sévère qui est responsable du
tableau particulièrement floride. L’infection à mycobactérie est une véritable infection
opportuniste qui dans tous les cas devait conduire à rechercher un déficit immu-
nitaire. Chez cette patiente, la cause de ce déficit reste inconnue : si le lupus peut
être responsable de lymphopénies, elles sont rarement aussi sévères. Nous n’avons
retrouvé aucun marqueur d’infection virale pouvant engendrer une lymphopénie. Le
contexte de connectivite n’autorise pas à retenir le diagnostic de lymphopénie CD4
idiopathique.
II
CAS CLINIQUE
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