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La Lettre du Rhumatologue - n° 340 - mars 2008
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La Lettre du Rhumatologue
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Le conseil génétique
a-t-il un intérêt dans la maladie
de Paget ?
Is genetic counselling useful
for Pagets disease of bone?
IP L. Michou*
Mots-clés : Maladie de Paget Sequestosome 1 Mutation – Test génétique
Conseil génétique.
Keywords: Paget’s disease of bone Sequestosome 1 – Mutation – Genetic
test – Genetic counselling.
L
a maladie osseuse de Paget est la pathologie osseuse métabolique
la plus fréquente après l’ostéoporose dans les pays industrialisés.
L’existence d’une composante génétique dans cette maladie,
suspectée devant une forte agrégation familiale, est connue depuis de
nombreuses années. Dans les formes familiales de la maladie de Paget,
le mode de transmission est autosomique dominant : le risque théo-
rique pour un individu dont l’un des parents est atteint de maladie de
Paget est donc de 50 %. Sa pénétrance est toutefois incomplète, encore
qu’elle augmente avec l’âge. En 2002, le premier gène de la maladie de
Paget, appelé sequostosome 1 (SQSTM1), a été identifié sur le bras
long du chromosome 5 (1). À ce jour, 14 mutations de ce gène, toutes
localisées dans les exons 7 et 8, ont été mises en évidence dans des
populations originaires d’Europe de l’Ouest. Dans les formes familiales,
la mutation P392L, la première décrite, est la plus fréquente (23,6 %) [2],
sachant qu’au moins une mutation du gène SQSTM1 a été identifiée dans
36,8 % des familles étudiées. Dans les cas sporadiques, une mutation de
SQSTM1 n’a été décrite que dans 8,3 % des cas. Là encore, P392L reste
la mutation la plus fréquente (7,1 %). La pénétrance de la mutation
P392L est incomplète et augmente avec l’âge : si elle n’est que de 17 %
avant 50 ans, elle atteint 42 % à partir de 50 ans et 87 % à partir de
60 ans (2). En France, le test génétique de la maladie osseuse de Paget est
disponible en pratique médicale courante depuis la fin de l’année 2002.
Une analyse effectuée sur les 94 premiers patients pagétiques testés en
France a permis d’identifier au moins une mutation de SQSTM1 chez 13 %
d’entre eux, la mutation P392L étant de nouveau majoritaire (8,5 %) [3].
La recherche de corrélations génotype-phénotype dans cette population
a permis de montrer que les patients porteurs de mutations de SQSTM1
* Fédération de rhumatologie, hôpital Lariboisière, Paris.
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Tableau. Déroulement du test génétique.
1. Information
2. Décision en consultation individuelle
3. Recueil du consentement par écrit
4. Prescription avec attestation de recueil de consentement
5. Respect du droit de ne pas savoir
6. Communication du résultat par le prescripteur en consultation
individuelle
7. Respect du secret médical, y compris vis-à-vis de la famille.
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avaient un âge de diagnostic plus précoce (53 ans en
moyenne, contre 60 ans) et une atteinte osseuse plus
étendue (4 atteintes osseuses en moyenne, contre 2).
Une observation similaire a été faite dans la population
anglaise, les auteurs ont montré que les patients
porteurs de mutations avaient un phénotype plus sévère,
en particulier en cas de mutation stop (4).
Il y a quelques années, la plupart des tests génétiques
réalisés étaient des “tests de reproduction” ayant pour
objectif de connaître le risque de survenue d’une patho-
logie génétique chez un enfant à venir, par exemple
un test génétique pour la mucoviscidose. Mais depuis
une dizaine d’années, les tests prédictifs cherchant à
déterminer le risque de développer une pathologie géné-
tique chez l’individu testé sont devenus de plus en plus
fréquents. Ces tests prédictifs incluent les tests présympto-
matiques et les tests de prédisposition. Les tests présymp-
tomatiques sont utilisés lors de la recherche de mutations
dans des pathologies génétiques à pénétrance complète
(par exemple, la maladie de Huntington). Les tests de
prédisposition visent à rechercher la mutation d’un gène
qui constitue un facteur de risque pour une maladie,
la présence de la mutation indique une augmentation
du risque de développer la maladie mais n’en apporte
pas la certitude (par exemple, les tests génétiques pour
les cancers du sein et de l’ovaire). Ce type de test est
très vraisemblablement appelé à devenir le principal
type de test génétique proposé dans un avenir proche
pour étudier les gènes de prédisposition à des maladies
communes : cancers, maladie d’Alzheimer, pathologies
cardio-vasculaires, diabète, etc. L’étude des facteurs
influençant la décision de faire ou de ne pas faire un
test génétique montre que c’est la possibilité effective de
traiter ou de prévenir la pathologie en cause qui constitue
la principale source de motivation. Ainsi, quand peu de
propositions thérapeutiques peuvent être offertes, la
plupart des patients ne souhaitent pas connaître leur
statut. Par exemple, dans la maladie de Huntington,
seuls 10 % des individus à risque réalisent effectivement
le test présymptomatique. Au contraire, dans le cancer
du sein, qui offre des possibilités de prévention et de
traitement, on estime à 50 % le pourcentage de patientes
à risque qui se font dépister. Enfin, dans la polypose
adénomateuse familiale, pour laquelle un traitement
efficace existe, environ 80 % des individus à risque se
soumettent au test prédictif (5).
Dans la maladie osseuse de Paget, le seul test génétique à
envisager en pratique médicale courante est la recherche
de mutations du gène SQSTM1, test réalisé par séquen-
çage des exons 7 et 8. Ce test peut être proposé dans un
but diagnostique chez un patient atteint de maladie de
Paget ; il peut alors être prescrit par tout médecin en
respectant les sept étapes du test génétique (tableau).
La découverte de la mutation dans ce cas signe le carac-
tère héréditaire de la maladie. L’absence de mutation
n’infirme pas le diagnostic, mais elle élimine le caractère
héréditaire. Aucune modification des indications théra-
peutiques individuelles n’est actuellement justifiée par
la découverte d’une mutation. Néanmoins, les données
récentes de corrélation phénotype-génotype incitent à un
suivi très régulier des patients porteurs d’une mutation
de SQSTM1, ces derniers ayant un phénotype volontiers
plus sévère. Lorsqu’une mutation est mise en évidence
chez un patient, l’intérêt principal de la recherche de
mutations chez les sujets apparentés réside dans le
dépistage précoce de la maladie pour pouvoir prévenir
l’évolution vers des complications. Dans ce cas, il s’agit
d’un test présymptomatique qui n’est envisageable que
chez une personne majeure, apparentée à une personne
atteinte de maladie de Paget chez qui une mutation de
SQSTM1 a été identifiée. La loi prévoit alors de renforcer
la qualité de l’information avant recueil du consen-
tement éclairé en réservant la prescription du test à
des équipes pluridisciplinaires rassemblant des compé-
tences cliniques et génétiques, dotées d’un protocole
type et déclarées auprès du ministère de la Santé. La
présence d’un psychologue spécifiquement rattaché à
cette équipe est hautement souhaitable. L’existence de la
mutation chez un apparenté asymptomatique indique
a priori un risque élevé de développer une maladie de
Paget radiologiquement décelable. Le dépistage précoce
est recommandé à partir de l’âge de 40 ans, celui-ci
reposant sur une scintigraphie osseuse, à renouveler
– uniquement si l’examen est négatif – tous les dix ans
jusqu’à l’âge de 70 ans, associée au dosage des phos-
phatases alcalines totales. En cas de découverte d’une
maladie de Paget cliniquement asymptomatique, les
indications thérapeutiques sont à discuter en équipe
dans le but de prévenir la survenue de complications,
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éventuellement après une période de surveillance radio-
logique annuelle. Les atteintes du crâne, du rachis et des
extrémités articulaires, qui concernent plus de la moitié
des patients en fréquences cumulées, doivent faire l’objet
d’une attention particulière, car elles évoluent souvent
vers des complications. Actuellement, les traitements
par bisphosphonates peuvent être prescrits chez les
patients pagétiques asymptomatiques en cas d’atteinte
sur des localisations à risque ou comportant un risque
de complication. Bien qu’il existe peu de doutes sur la
corrélation entre l’évolutivité et l’apparition de compli-
cations en rapport avec la déformation osseuse, et sur
l’efficacité des bisphosphonates récents pour bloquer
la progression des déformations, aucune étude spéci-
fique n’a démontré que cette stratégie thérapeutique
permet de diminuer l’incidence des complications à
long terme.
À ce jour, en France, environ 220 tests génétiques ont été
prescrits dans la maladie osseuse de Paget ; il s’agissait
dans la plupart des cas de tests diagnostiques réalisés
chez des patients atteints. Dans le cadre du conseil géné-
tique offert au patient lors de la réalisation du test,
il est systématiquement rappelé que c’est au patient
lui-même d’informer ses apparentés du résultat du test
génétique, notamment en cas de positivité, afin que les
sujets apparentés puissent consulter en vue d’un test
présymptomatique, s’ils le souhaitent. Compte tenu de
la présence d’équipes pluridisciplinaires pour les tests
présymptomatiques dans tous les centres hospitaliers
universitaires français, on peut supposer que le faible
nombre de sujets apparentés ayant fait un test présymp-
tomatique dans la maladie de Paget est en rapport
avec une volonté de ne pas connaître leur statut géné-
tique pour cette maladie. Cela peut être aux incer-
titudes concernant l’efficacité d’un éventuel traitement
préventif, ou au caractère rarement symptomatique de
cette affection. Le coût actuel du test gétique est de
125 € environ. La démarche consistant à proposer un
test génétique à toute personne atteinte de la maladie
de Paget, puis, en cas de mutation seulement, aux sujets
apparentés, test suivi d’une scintigraphie osseuse et,
éventuellement, d’un traitement par bisphosphonates,
n’a pas fait l’objet d’une évaluation médico-économique.
Toutefois, le coût lui-même du test, qui ne sera réalisé
qu’une seule fois pour un individu donné, ne paraît pas
constituer un obstacle dans cette démarche, sachant
que le coût annuel de la maladie de Paget par patient
atteint en France est estimé à 1 269 € (6). Cependant,
il n’existe à ce jour aucune démonstration formelle de
l’efficacité du traitement précoce en termes de préven-
tion des complications de la maladie. Néanmoins, la
diminution du nombre de patients atteints de formes
sévères de la maladie, observée depuis quelques années,
semble coïncider avec l’utilisation plus répandue des
bisphosphonates. Une étude visant à évaluer l’accepta-
bilité d’un test génétique suivi d’un traitement préventif
par acide zolédronique 5 mg versus placebo chez les
sujets apparentés aux patients atteints de maladie de
Paget devrait débuter prochainement (7).
En conclusion, malgré la faible prévalence actuelle de
la maladie de Paget, la proportion de patients ayant
bénéficié d’un test génétique n’est pas négligeable, ce qui
traduit une bonne transmission de l’information par les
rhumatologues sur le test et une acceptabilité élevée du
test génétique malgré l’absence de réel bénéfice direct
pour les patients. La faible proportion de tests génétiques
chez les sujets apparentés peut s’expliquer par le carac-
tère rarement symptomatique de la maladie et par les
incertitudes relatives à l’effet d’un traitement préventif.
Si l’étude prévue prochainement en Europe démontre
l’efficacité du traitement préventif, il est probable que la
proportion de tests présymptomatiques chez les sujets
apparentés augmentera de façon importante.
RéféRences bibliogRaphiques
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Saraux A, Brun-Strang C, Mimaud V et al. Epidemiology, impact, management,
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Langston AL, Johnston M, Roberston C et al. Protocol for stage I of the GAP
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