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mai 2010 - jurisport 98
1. R. Madugu & A. Mohamed, 2008, voir biblio. 9, p. 25.
2. L’impact économique ne se serait pas cantonné
à l’Allemagne, puisque pour l’ensemble des 32 pays
disputant la compétition, les retombées se seraient
montées à 14,3 milliards d’euros. L’Europe aurait été
le premier bénéficiaire avec 12,4 milliards d’euros,
essentiellement du fait d’un accroissement de la
consommation. Les retombées pour le Royaume-Uni
ont été estimées à 1,4 milliard d’euros, 1,3 milliard pour
la France, et 770 millions pour l’Italie.
Quel impact sur
la valeur ajoutée
et l’emploi ?
Selon la société de consultants Grant
Thornton qui a conduit une analyse écono-
mique durant la phase de candidature à la
Coupe du monde, l’accueil par l’Afrique
du Sud allait générer environ 2,1 milliards
d’euros dans l’économie sud-africaine,
dont 1,25 milliard d’euros d’impact direct
(et 848 millions d’euros d’effets induits,
soit un multiplicateur de 1,68). Leffet sur
le marc du travail a été chiff à 159000
nouveaux emplois. Les dépenses des spec-
tateurs devraient bécier prioritairement
au secteur touristique, et celles en infras-
tructures au secteur de la construction et du
BTP. Les seules dépenses des collectivis
publiques devraient se traduire par une
augmentation de l’activité économique
de 1,28%; les secteurs les plus nettement
bénéciaires étant le secteur de la construc-
tion en hausse de 6,94% et celui des trans-
ports et communications en progression
de 2,21%1. Par comparaison, la Coupe du
monde en Allemagne en 2006 aurait ré
un impact de 8,2 milliards d’euros sur léco-
nomie nationale (Centre for Economics and
Business Research)2.
Il faut rester très prudent quant à ces
pvisions, tant les modalités de calcul sont
fquemment contestables, dans ce type
d’étude. Les retomes sont ralement
fortement suresties pour alimenter des
études alibi. Ainsi, on a assisté à une suren-
cre politique, le ministre de l’eau et
des affaires environnementales évoquant
jusqu’à 5,43 milliards d’euros d’im-
important qui est attendu et l’audience
cumulée à travers le monde entier devrait
passer 26 milliards de léspectateurs.
Les retombées économiques espérées sont
importantes.
La Coupe du monde occasionne des
coûts importants détaillés dans le tableau
p.24. Cet événement a impliqué la mise
à niveau des infrastructures du pays :
828 millions d’euros ont été consacrés à
la construction et à la rénovation de dix
stades, 513millions d’euros dans l’amé-
lioration des aéroports du pays et 345
millions d’euros dans l’amélioration
des routes et de la desserte ferroviaire
(notamment un train à grande vitesse
Johannesburg-Pretoria).
Si l’on appréhende aisément l’audience
de cet événement ainsi que les coûts
associés, la question des retombées
économiques s’avérera beaucoup plus
complexe à traiter. Dépenses, coûts et
impact économique sont des notions à ne
pas confondre.
LAfrique du Sud a accueilli les plus
grands événements sportifs interna-
tionaux depuis 1994 (Coupe du monde de
rugby 1995), Coupe du monde de cricket
2003, Coupe du monde minine de golf
2005 et 2006…), mais la Coupe du monde
de football constitue une étape supplé-
mentaire puisque c’est le second événe-
ment sportif mondial après les Jeux olym-
piques, qu’elle passe me en termes
d’audience cumulée. C’est un volume
LIMPACT ÉCONOMIQUE
DE LA COUPE DU MONDE
DE FOOTBALL 2010
L’organisation de la Coupe du monde de football
nécessite des investissements importants, dont les
retombées économiques s’avèrent difficiles à évaluer.
Dépenses, coûts et impact économique sont des
notions à ne pas confondre.
2,9
MILLIARDS
D’EUROS
C’est la somme totale investie par l’Afrique
du Sud pour accueillir la Coupe du monde de
football 2010.
dossier
jurisport 98 - mai 2010
24
3. 2008, voir biblio. 8, p. 25.
4. J.-L. Chappelet, 2005, voir biblio. 6, p. 25.
5. « Les bénéfices socio-économiques de 2010 sont sur le
point de décevoir », Herald Tribune, 8 septembre 2009.
buable, dans un pays beaucoup reste à
faire concernant par exemple l’habitat (l’es-
sentiel des habitants vit dans des townships,
c’est-dire des bidonvilles). Comme l’in-
dique J.-L.Chappelet4: «il n’y a eu que ts
peu d’évaluations des impacts économiques
des projets sportifs dans les pays les moins
dévelops, il convient donc d’être prudent
sur les effets économiques directs attendus
de projets sportifs».
Des retombées
économiQues
surévaluées ?
Le réalisme commence d’ailleurs à s’im-
poser… sans doute bien tard. Ainsi, lors de
la conférence annuelle africaine qui a eu
lieu à Rhodes en septembre 2009, l’idée
commeait à émerger selon laquelle «la
FIFA World Cup 2010 serait très proba-
blement décevante quant aux bénéces
socio-économiques vendus au grand
public sud-africain par ses promoteurs»5.
La contribution au veloppement
économique, à la création d’emploi et à la
duction de la pauvreté a ainsi très certai-
nement été surestimée. Bien que supposé
être un événement africain, il reste à voir
dans quelle mesure il protera à l’Afrique
et non aux pays européens qui en retirent
d’habitude les dividendes. Seule une étude
postérieure à la FIFA World Cup, réalisée
de manière rieuse, permettrait de tran-
cher cette question.
Si les dépenses des deniers publics sont
justifiées, c’est probablement davantage
en raison d’effets à long terme plutôt que
ment pourrait être assu par le biais du
supplément de taxes générées dans l’immé-
diat et des revenus résultant de la croissance
économique future et de l’investissement
pri. Autrement dit, si la Coupe du monde
n’est pas suivie d’une phase d’expansion
mais de récession (comme c’est enral
le cas pour les mégnements sportifs),
l’économie sud-africaine pourrait ne pas y
avoir gag mais plutôt perduCe n’est
véritablement que lors détudes posrieures
à la Coupe du monde que l’on pourra
connaître le retour sur investissement des
lourdes penses nanes par le contri-
pact économique sur le PIB (3,25
milliards deuros liés aux constructions, 789
millions d’euros aux dépenses des visiteurs et
592 millions à la vente de billets) et 415000
emplois nouveaux. On le voit le sujet est très
sensible et fortement politique.
Les pvisions des économistes chevronnés
aboutissent à des sultats nettement plus
nuancés. Ainsi, une simulationalisée par
H.R. Bohlmann & J.H.V. Heerden3, à partir
d’un mole d’équilibre néral calculable,
aboutit à la conclusion selon laquelle il n’y
aurait de néces pour léconomie à court
terme que dans la mesure le nance-
VENTILATION DES CTS DE L’ACCUEIL
DE LA COUPE DU MONDE FIFA 2010
Poste de dépense Coûts
(en millions d’euros)
Stades 828
Transport 888
Retransmissions 39
Information, communication & technologie 247
Sécurité et secours 66
FIFA 306
Surveillance des ports d’entrée 155
Formation des volontaires 2,5
Mobilisation des citoyens 1,7
Projets concernant le legs de la Coupe du monde 33
Arts et culture 15
Comité organisateur 315
[Source : R. Madugu & A. Mohamed (2008, voir bibio. 9, p. 25)]
25
mai 2010 - jurisport 98
6. H.R. Bohlmann & J.H.V. Heerden, 2008, voir biblio. 8, p. 25.
7. African Response est le plus grand centre de recherche
sud-africain dirigé par des personnes de couleur
(www.africanresponse.co.za).
8. « Un milliard de préservatifs pour la Coupe du
monde », L’Équipe, 11 mars 2010.
9. Bohlmann, 2006, voir biblio 7, p. 25.
d’hypottiques retomes à court terme
dont on sait qu’elles sont souvent illu-
soires. Cela a trait plus à la opolitique
qu’à l’économique à proprement parler.
L’événement peut entraîner une modi-
cation de l’image du pays et susciter un
effet durable sur le tourisme (ce qui est
très lié aux questions de curité durant la
Coupe du monde). Plus largement, dans
les affaires, ce changement de perception
de l’Afrique du Sud aups des investis-
seurs étrangers peut contribuer à accroître
les investissements directs étrangers sur
la longue période, dont on sait qu’ils sont
particulièrement cruciaux pour les pays en
voie de veloppement6. La crise écono-
mique mondiale qui a débuté en 2009
n’est pas favorable à l’optimisation des effets
économiques de la Coupe du monde en
Afrique du Sud, les enquêtesgulières
menées par la société African Response7
auprès d’un panel de citoyens de Durban,
Johannesburg, Pretoria et Cape Town
montrant que 63% d’entre eux considé-
raient que cela affecterait négativement le
tourisme assocà l’événement.
Des enjeux
sociaux et sportifs
à long terme
Les enjeux sur la longue riode portent
également sur les dimensions sociales
et sportives. Ainsi, les autres arguments
avancés par Rich Mkhondo, directeur de la
communication du comité d’organisation,
concernent le veloppement des transports
publics dans les grands centres (beaucoup
reste à faire) ainsi que le renforcement de
l’identité du pays et du patriotisme. Mais le
risque existe, dans un pays comme l’Afrique
du Sud où les disparités sont parmi les plus
élees au monde, que les différences soient
au contraire exacerbées par l’énement.
Dans cette perspective, l’envoi en Afrique
du Sud d’un milliard de préservatifs par la
communauté internationale8, dans un pays
où il y a déjà plus de 4 millions de séroposi-
tifs, conduit à se demander s’il faut se réjouir
de ce type de retombées économiques? La
dimension sportive est également à in-
grer à la réexion, la FIFA s’étant engae
à ployer cinquante-trois gazons articiels
et un certain nombre de centres sportifs
à travers le continent. Mais on touche ici
à l’utilité sociale et aux effets externes de
la Coupe du monde, qui ne peuvent être
abordés dans le cadre de l’étude d’impact
économique, mais impliquent un élargisse-
ment de la réexion: c’est ce que propose
l’analyse cts-avantages abore par
ailleurs dans ce dossier (voir p.20 et 26).
un contexte
géopolitiQue et
économiQue inéDit
L’édition sud-africaine de la Coupe du
monde seroule dans un contexte géopo-
litique (pays en voie de veloppement dans
lequel existent des tensions ethniques) et
économique (riode de crise mondiale)
difrent des précédentes. Ces éléments,
AUTEUR Éric Barget
Centre de droit et d’économie du sport
BIBLIOGRAPHIE
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développement économique par le sport,
2nd Magglingen conférence, Sport & ve-
loppement, 4-6 décembre.
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Department of Economic Working Paper
Series, 2006-11, may 2006.
8. Bohlmann H.R. – Heerden J.H.V. (2008),
Predicting the Economic Impact of the 2010
FIFAWorld Cup on South Africa, Internatio-
nal Journal of Sport Management and Mar-
keting, vol. 3, no 4, pp. 383-396.
9. Madugu R. Mohamed A. (2008), The
Economic Impacts of Government Financing
of the 2010 FIFA World Cup, Stellenbosch
working paper 08/08.
analys par H.R. Bohlmann9, sont primor-
diaux et vont fortement inuer sur lampleur
de l’impact économique engend. Étant
don le contexte africain, dans lequel les
besoins de premre cessité de certaines
populations ont du mal à être satisfaits, on
peut gitimement se demander si l’orga-
nisation de mégnements sportifs doit
véritablement constituer une priorité dans
l’affectation des fonds publics.n
La contribution au veloppement
économique, à la cation d’emploi
et à la duction de la pauvreté a
ts certainement été surestimée
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