DETTE :L`ETE MEURTRIER DES ECONOMIES OCCIDENTALES

Terra Nova – Note - 1/15
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D
ETTE
:
L
ETE MEURTRIER
DES ECONOMIES OCCIDENTALES
Par
Guillaume Hannezo
, ancien conseiller économique de François Mitterrand,
membre du Bureau de Terra Nova
Le 25 at 2011
Quelques considérations de politique économique pour une « note de rentrée » faisant le point des
enjeux de la crise financre qui s’est approfondie au cours de l’été.
Le krach de l’été ne vient ni d’une surévaluation des marchés, comme en 1987 ou en 2001, ni de
l’anticipation d’un credit crunch, comme en 2008. Il est fait de main d’homme, d’homme politique :
indécision des Euroens, qui ont acceple défaut partiel de la Gce en provoquant une perte de
confiance et une hausse des taux qui coûtera plus cher que les 37 milliards à hauteur desquels
contribue le secteur privé ; irresponsabilides Américains, dont le système politique bloq a rendu
envisageable le défaut de la seule dette occidentale que le marché était prêt à absorber en quantité
illimie ; amateurisme des agences.
Il nous amène au point où la solvabili des Etats va être l’enjeu principal des débats politiques, où
l’Europe est la première victime née d’un rebondissement de la crise aux Etats–Unis, et les
marcs spéculent sur le pire me s’il n’est pas le plus probable. Et le pire n’est pas que les pays
du Sud sortent de la zone euro, ce qui est pratiquement impossible, mais que l’Allemagne envisage
de le faire, si elle épuise tous les autres choix.
Or, l’Europe est très solvable si elle est mieux intégrée. Le cœur dun nouveau Traité euroen, au
rimètre de la zone euro ou entre certains Etats seulement, c’est d’assurer institutionnellement le
respect d’une feuille de route de contrôle des déficits budtaires, contre une garantie mutuelle,
progressive et conditionnelle d’une partie des émissions de dette souveraine au fur et à mesure de
leur renouvellement. Cet accord devra tenir compte des inqutudes légitimes de l’Allemagne. Il peut
être comp par de nouvelles responsabilités de la banque centrale et la mise en place de
ressources communautaires. Mais les Etats de la zone euro devront un jour, maintenant qu’ils ont
ouvert la bte de Pandore du défaut grec, tracer la « ligne dans le sable » entre les dettes
souveraines qui peuvent faire défaut et les autres. S’ils le font, la sculation s’arrêtera sur cette
ligne.
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D’ici , les progressistes, fenseurs naturels de la solvabilité de l’Etat, patrimoine des plus faibles,
devront adopter une attitude de plus en plus proactive sur les enjeux de ce bat : définir une vraie
« règle d’or », garantissant une produre budtaire réaliste autant que des engagements chiffs ;
proposer les mesures qui permettront d’engager dès aujourd’hui le redressement, sans risque
excessif sur la croissance mesures qui consistent à maîtriser les penses, mais aussi à revenir
sur la politique fiscale des dix dernières années, plus nettement que le gouvernement actuel n’a
commencé à le faire.
1 - LE PREMIER KRACH « POLITIQUE »
La « novlangue » de l’économie financière comporte de faux amis. Quand les marchés s’effondrent,
comme cela a é le cas pendant l’été, on dit qu’ils « capitulent ».
Cela veut dire, en français, qu’ils ont pris le pouvoir.
C’est un krach qui ne vient ni de la surévaluation des marcs boursiers, comme en 1987 ou en
2001, ni de l’anticipation d’un retournement de conjoncture ou d’un credit crunch comme en 2008. Il
s’est
construit patiemment de main d’homme, et en l’espèce d’homme politique
: des dirigeants
européens incapables de surmonter rapidement l’impasse grecque, qui ne représente que un à deux
points de leur PIB, et se résolvant au premier défaut d’un Etat occidental depuis 60 ans ; des
conservateurs américains réussissant la prouesse de menacer sérieusement de faut immédiat la
seule dette du monde que les marcs étaient prêts à absorber en quantité presque illimitée, la dette
en dollars de l’Etat américain ; et une agence de crédit qui grade la note de l’Etat américain juste
avant que tout le monde parte en vacances, et non sans se tromper de 2 000 milliards dans ses
considérants.
Après ces démonstrations spectaculaires d’indécision des Euroens, d’irresponsabili des
Américains, et d’amateurisme des agences, le pouvoir a é laissé aux machines, puisque ce sont
elles qui orent au mois d’at, dans des volumes limités, aux cotés de quelques traders incultes.
mission des politiques, vacances des investisseurs fondamentaux, programme de vente
automatie au moment même où les évolutions économiques remettent en cause les logiciels les
mieux établis des dernières années : il n’y a rien d’étonnant à ce que la réaction des marchés ait
laissé libre cours à la action des « esprits animaux ».
Les victimes du krach n’auront donc rien à voir avec les coupables
: le marc a réagi en un
premier temps de façon purement « bestiale », en quittant ce qu’il a l’habitude de vendre dans les
moments de stress, les actions et les dettes à risque, et en cherchant refuge là il a l’habitude
d’aller : l’or bien sûr, mais aussi les emprunts d’Etat allemands, et aussi, puisqu’il faut bien que
l’argent aille quelque part… américains ! Il s’est donc « protégé » en achetant ces mêmes actifs dont
le risque peu d’insolvabilité est la cause de la crise. Et
l’Europe a été la première victime de ce
rebondissement de la crise né d’un dérèglement américain.
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Chute des bourses donc, augmentation des spreads intra-européens, tensions sur le marché
interbancaire, particulièrement en Europe. Tout cela nourrit une prochaine étape de la crise, et ne
sera pas sans impact sur l’économie dite « elle », sans que les clarations d’intention politiques
n’y puissent grand-chose : de toutes façons, on n’allait pas créer une Europe fédérale au milieu du
mois d’août.
Mais une fois passée cette purge, la décision politique redeviendra cruciale pour orienter les
opérateurs qui vont devoir réévaluer tous leurs risques et tous les scénarios de financement de
l’économie, notamment sur les
trois sujets critiques
sur lesquels les analystes « fondamentaux »
vont avoir à reprendre position :
L’anticipation de croissance, d’inflation et de changes.
Une fois la poussière retombée,
on s’apercevra que
le risque d’un défaut à court terme de l’Etat américain est très
limité, et a été créé de façon purement artificielle par un système institutionnel et
politique absurde
, qui demande au Parlement de voter positivement sur une obligation
absolue la dette -, qui n’est que la sultante des cisions budgétaireset ceci dans un
contexte où la Droite peut bloquer les hausses d’imts et la Gauche les ductions de
penses, alors me que les deux sont cessaires ; et où les divergences iologiques
entre les uns et les autres sont en fait encore plus prononcées qu’en Europe, puisque le Tea
Party ne cherche rien d’autre que manteler l’Etat fédéral et rentrer chez lui. C’est ce jeu
politique mortire sur un risque de défaut que Standard & Poors, au-de de ses erreurs de
calcul, a cherché a sanctionner. Mais ce jeu restera artificiel : car les Etats-Unis, au pire,
peuvent imprimer leur monnaie, et le dollar restera au moins une des monnaies de réserve
majeure. La question n’est donc pas de savoir quel est le risque de faut de l’Etat
américain, ce à quoi devraient se limiter en principe les évaluations des agences, mais quel
est le risque de cation monétaire excessive aux Etats-Unis, et donc de dévaluation de
toutes les créances en dollars. Elle est également de savoir comment les politiques
monétaires occidentales peuvent être gérées sans provoquer une récession trop grave, mais
aussi sans engager une spirale d’inflation incontrôlable.
La réévaluation de la notion de valeur refuge.
Même si la réaction initiale des esprits
animaux nous a emmenés dans l’autre sens, il est probable qu’à moyen terme les obligations
d’Etat perdent leur statut de valeurs sûres, ce qui posera des problèmes de financement aux
Etats dépensiers. Apres tout, le propre des obligations d’Etat est qu’elles n’ont pas de
collaral, les Etats font parfois défaut… et les actions occidentales rapportent aujourdhui
4 % de dividendes, alors que les obligations souveraines ne rapportent que 2 à 3 % ; les
premres peuvent baisser mais aussi monter, les secondes ne peuvent qu’au mieux être
remboursées au pair, ou valuées par l’inflation, ou massacrées en cas de défaut. A terme,
les actions et les obligations des entreprises internationales inpendantes des Etats,
relativement résistantes aux récessions, et capables d’ajuster leurs prix à l’inflation, risquent
de devenir les nouvelles « valeurs sûres » : celles-là, par exemple les valeurs de grande
consommation, ont d’ailleurs assez peu bais pendant ce krach qui s’est employé à
massacrer les valeurs financres et les entreprises dépendantes des Etats. Nous allons vers
un univers les valeurs Coca-Cola ou Danone seront plus « sûres » que les titres émis par
l’Etat aricain ou fraais.
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Le prisme à travers lequel il faudra regarder la zone euro.
Car la zone euro est
paradoxale.
Si on la regarde de façon intégrée, c’est, après le Canada, la région
occidentale la plus stable
: 4,5 % de ficit, deux fois moins que les Etats-Unis ; moins de
80 % de dette publique, plus qu’il ne faudrait, mais moins que les USA et le Japon ; et des
difrences structurelles entre régions qui, quoiqu’on en dise et me si la barrre de la
langue fait obstacle à la fluidité du marché du travail, ne sont pas plus fortes quaux Etats-
Unis.
Mais si la zone euro n’est qu’un « collier de perles » d’Etats indépendants, alors
sa résistance aux crises se mesure à celle des maillons les plus faibles de la chaîne.
Et celle-ci, on l’a vu, est faible. D’abord parce que certains Etats d’Europe sont endettés bien
au-de de 80 % : c’est précisément le point les Etats entrent dans la spirale de la dette. À
80 % d’endettement, même avec des taux d’intérêt de 3 ou 4 %, la charge de la dette croît
par effet des intéts au me rythme que le PIB en valeur ; au-de de ce niveau, la seule
stabilisation des ratios dendettement, sans me chercher à les réduire, exige donc de
gager des exdents primaires hors charge de la dette, c’est-à-dire que l’Etat prélève plus
sur l’économie elle que ce qu’il y réinjecte. C’est un risque pour la croissance, et aussi le
risque qu’un jour un gouvernement populiste trouve un intérêt électoral à court terme à renier
sa dette. Il n’est donc pas étonnant que les marcs sanctionnent par des taux d’intérêt plus
éles les Etats qui passent ces niveaux d’endettement, d’autant plus que ces Etats, à la
difrence de l’Etat américain, ont renoncé pour de bonnes raisons à imprimer de la
monnaie.
2 - UN RISQUE POUR LA FRANCE ET POUR LA ZONE EURO DANS LES
MOIS QUI VIENNENT
Une action de marc aussi violente vient de ce que les opérateurs anticipent le pire, qui n’est
heureusement jamais sûr. Mais doit être compris pour être évité.
Que peut-il se passer de pire ? Que la crise de défiance s’approfondisse, qu’elle s’étende à l’Italie et
l’Espagne, et fasse passer la France sinon de leur côté, du moins à un point où elle ne pourrait plus
aider les autres.
La lecture de la note de Standard & Poors motivant la dégradation aricaine est intéressante.
D’abord parce
qu’elle mentionne explicitement la France comme le seul Etat encore triple A
dont l’endettement projeté à l’horizon 2015 est supérieur à celui des Etats-Unis. Ce qui se lit
en creux comme : nous ne sommes pas encore dégradés
, sans doute parce que notre système
institutionnel permet mieux de gouverner et parce que la TVA constitue un imt à rendement élevé
et assiette large, facilement augmentable après les échéances électorales.
Mais l’agence se sent
obligée de s’en justifier.
D’autant que le rating ne mesure pas le risque de dévaluation, mais le
risque de défaut : et il est paradoxal qu’à niveau d’endettement égal, un pays qui s’endette dans une
monnaie dont il n’a pas le contrôle ait un risque de faut plus faible qu’un pays motairement
souverain. me si l’analyste note que la situation de la France est censée s’améliorer après 2015,
ce genre de prévision à très long terme est extrêmement sensible à une modification de perspective,
et devra être confirmée par des évolutions réelles bien avant 2015.
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Or,
si la France cesse d’être « triple A »
, les spreads fraais, qui se sont déjà creus jusqu’à 90
points de base par rapport à l’Allemagne depuis le début de la crise, risquent de s’écarter bien
davantage. Le fonds de soutien euroen ne pourrait alors plus emprunter qu’à proportion de la
seule signature allemande pour venir au secours des Etats les plus faibles. Et s’il faut venir au
soutien de l’Italie ou de l’Espagne, les ressources du fonds de soutien, qui doit tout à la fois soutenir
les plans grecs, irlandais et portugais, intervenir pour racheter les dettes d’Etat attaqués par la
spéculation, contre-garantir les interventions de la BCE, recapitaliser les banques en danger, etc.,
seront massivement insuffisantes.
Ce serait donc toute l’architecture du système de soutien
imaginé depuis deux ans qui serait mise en cause. Ou bien il faudrait en trouver une autre, ou
bien l’Allemagne déciderait seule : et seule elle pourrait aussi envisager de larguer les
amarres.
Car l’évolution du débat politique en Allemagne ne va pas dans le bon sens. L’opinion est excédée
par les plans de soutien successifs et le risque de voir la zone euro se transformer en ce que les
Allemands appellent une « union de transfert » : ce que les Allemands de l’ouest ont accepté avec
l’Allemagne de l’est, mais en contrôlant ses réformes ; ce que, à l’intérieur d’un même pays, les
Italiens du Nord acceptent de moins en moins vis-vis des Italiens du Sud ; ce que les Flamands
n’acceptent plus vis-à-vis des Wallons. Peut-on vraiment s’étonner, dans ce contexte, que l’opinion
allemande ne veuille pas payer les ficits de toute l’Europe du Sud ? Déjà les autorités allemandes
ont sèchement menti les déclarations de dirigeants français ou de la Commission laissant entendre
que la taille du fonds de soutien pourrait être augmentée en cas de besoin, ce qui était pourtant le
moyen d’avoir une bonne chance déviter que la question soit posée.
Le risque existe dans l’opinion, mais aussi sur le terrain juridique : le Tribunal constitutionnel
allemand peut cider de pointer les incohérences entre les plans de soutien actuels et certaines
clauses du Trai. Il existe en Allemagne, mais aussi dans d’autres pays d’Europe du Nord : si
d’autres pays accompagnent la demande finlandaise de « collatéralisation » des prêts à la Grèce, qui
ne vise rien de moins qu’à les exonérer de leur quote-part d’aide, cest même le plan existant d’aide à
la Grèce qui pourrait être remis en cause.
Dans une situation il n’y aurait plus que l’Allemagne pour sauver tout le Sud, il ne faut pas
être trop confiant dans le fait que « l’Allemagne paiera ».
Si la crise devait atteindre un point de
non retour, elle comparerait simplement les cts et les risques des deux « mauvaises » solutions qui
s’offriraient à elle :
accepter une intégration plus forte des dettes européennes, ou sortir
l’Allemagne de l’euro.
La première solution est bien r la meilleure pour la zone, et sans doute la plus probable, tant il est
mont que l’ingration européenne ne progresse qu’à l’occasion des crises. Elle comporte pour
l’Allemagne un ct auquel elle pourrait peut-être se résoudre, la hausse de son taux d’endettement
réel à un niveau correspondant au moins à la moyenne européenne, et des taux d’int un peu plus
éles. Mais aussi des risques quelle combattra de toutes ses forces : le risque qu’après avoir
garanti les ficits pass de ses voisins, elle doive prendre en charge les débordements futurs.
L’alternative n’est pas, comme on le dit parfois, la sortie « par le bas » des pays du Sud qui
quitteraient l’euro.
Cette solution est juste impraticable. Les pays qui y auraient recours verraient
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