Terra Nova – Note - 3/15
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Chute des bourses donc, augmentation des spreads intra-européens, tensions sur le marché
interbancaire, particulièrement en Europe. Tout cela nourrit une prochaine étape de la crise, et ne
sera pas sans impact sur l’économie dite « réelle », sans que les déclarations d’intention politiques
n’y puissent grand-chose : de toutes façons, on n’allait pas créer une Europe fédérale au milieu du
mois d’août.
Mais une fois passée cette purge, la décision politique redeviendra cruciale pour orienter les
opérateurs qui vont devoir réévaluer tous leurs risques et tous les scénarios de financement de
l’économie, notamment sur les
trois sujets critiques
sur lesquels les analystes « fondamentaux »
vont avoir à reprendre position :
−
L’anticipation de croissance, d’inflation et de changes.
Une fois la poussière retombée,
on s’apercevra que
le risque d’un défaut à court terme de l’Etat américain est très
limité, et a été créé de façon purement artificielle par un système institutionnel et
politique absurde
, qui demande au Parlement de voter positivement sur une obligation
absolue – la dette -, qui n’est que la résultante des décisions budgétaires… et ceci dans un
contexte où la Droite peut bloquer les hausses d’impôts et la Gauche les réductions de
dépenses, alors même que les deux sont nécessaires ; et où les divergences idéologiques
entre les uns et les autres sont en fait encore plus prononcées qu’en Europe, puisque le Tea
Party ne cherche rien d’autre que démanteler l’Etat fédéral et rentrer chez lui. C’est ce jeu
politique mortifère sur un risque de défaut que Standard & Poors, au-delà de ses erreurs de
calcul, a cherché a sanctionner. Mais ce jeu restera artificiel : car les Etats-Unis, au pire,
peuvent imprimer leur monnaie, et le dollar restera au moins une des monnaies de réserve
majeure. La question n’est donc pas de savoir quel est le risque de défaut de l’Etat
américain, ce à quoi devraient se limiter en principe les évaluations des agences, mais quel
est le risque de création monétaire excessive aux Etats-Unis, et donc de dévaluation de
toutes les créances en dollars. Elle est également de savoir comment les politiques
monétaires occidentales peuvent être gérées sans provoquer une récession trop grave, mais
aussi sans engager une spirale d’inflation incontrôlable.
−
La réévaluation de la notion de valeur refuge.
Même si la réaction initiale des esprits
animaux nous a emmenés dans l’autre sens, il est probable qu’à moyen terme les obligations
d’Etat perdent leur statut de valeurs sûres, ce qui posera des problèmes de financement aux
Etats dépensiers. Apres tout, le propre des obligations d’Etat est qu’elles n’ont pas de
collatéral, les Etats font parfois défaut… et les actions occidentales rapportent aujourd’hui
4 % de dividendes, alors que les obligations souveraines ne rapportent que 2 à 3 % ; les
premières peuvent baisser mais aussi monter, les secondes ne peuvent qu’au mieux être
remboursées au pair, ou dévaluées par l’inflation, ou massacrées en cas de défaut. A terme,
les actions et les obligations des entreprises internationales indépendantes des Etats,
relativement résistantes aux récessions, et capables d’ajuster leurs prix à l’inflation, risquent
de devenir les nouvelles « valeurs sûres » : celles-là, par exemple les valeurs de grande
consommation, ont d’ailleurs assez peu baissé pendant ce krach qui s’est employé à
massacrer les valeurs financières et les entreprises dépendantes des Etats. Nous allons vers
un univers où les valeurs Coca-Cola ou Danone seront plus « sûres » que les titres émis par
l’Etat américain ou français.