Médecine
& enfance
ECHANGES
juin 2011
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Rubrique réalisée avec l’association
Echanges pédiatre de ville-pédiatre hospitalier
Saturnisme : vingt ans de lutte
pour tendre à son éradication
Présentation de J. Cheymol, pédiatre, Clichy,
lors d’une réunion de l’association
Echanges pédiatre de ville-pédiatre hospitalier
Rédaction : H. Collignon, J. Lerner
Le dépistage institué à la fin des années 80 et la très forte mobilisation de cer-
tains médecins ont permis de diminuer notablement la fréquence du saturnis-
me chez l’enfant en France. Le dernier bilan de l’activité de dépistage, qui fait
état de plus de 300 cas annuels, incite à poursuivre les actions de prévention.
Le plomb ne fait pas partie des
composants organiques, il n’a au-
cun rôle physiologique connu, sa
présence dans l’organisme témoigne
donc toujours d’une contamination. Les
sources de cette contamination sont di-
verses. Certains sites miniers ou des
usines spécialisées dans les métaux non
ferreux, comme Métaleurop, ont favori-
sé l’imprégnation des ouvriers et de la
population avoisinante. Le plomb a éga-
lement été utilisé comme antidétonant
dans l’essence des voitures. La suppres-
sion de cet additif a permis de diminuer
considérablement la teneur en plomb
de l’atmosphère. Les canalisations en
plomb étaient et restent encore une
source possible d’intoxication. Le plomb
est aujourd’hui proscrit dans les mai-
sons modernes, et la rénovation de l’an-
cien implique obligatoirement le rem-
placement des canalisations par des
tuyaux en PVC. Les peintures au plomb
utilisées jusqu’en 1948 constituent une
source importante de contamination
dans certaines habitations vétustes et
mal entretenues dont les peintures sont
dégradées. L’absorption d’écailles de
peinture contenant du plomb, parfois
en rapport avec un comportement de
pica, est ainsi la principale source de
contamination des jeunes enfants.
C’est dans les années 1970 que l’atten-
tion a été attirée par la survenue de dé-
cès de jeunes enfants qui ne semblaient
pas s’expliquer par une cause médicale.
Ces enfants avaient pour point commun
de vivre dans un environnement parti-
culier : habitat vétuste, promiscuité,
précarité, familles nombreuses souvent
immigrées.
Le plomb, absorbé essentiellement par
voie digestive, diffuse rapidement et se
fixe au niveau du cerveau, des reins, du
foie, de la rate, des os, des dents. Sa de-
mi-vie dans l’organisme est de dix ans.
Les manifestations cliniques de l’intoxi-
cation au plomb sont diverses et peu
spécifiques (tableau I) : anémie, atteintes
rénales (tubulopathies, gloméruloné-
phrites), atteintes digestives, atteinte du
système nerveux à l’origine d’une encé-
phalopathie lors de fortes intoxications.
Une diminution du QI a été rapportée
pour des intoxications relativement lé-
gères : pour des plombémies d’au moins
100 μg/l, une augmentation de 10 μg/l
de la plombémie serait associée à une
perte moyenne de 1 point de QI.
UNE PLOMBÉMIE
SUPÉRIEURE OU ÉGALE
À 100 μg/l
La plombémie reste l’examen de base
pour détecter et apprécier la gravité de
l’intoxication. Le diagnostic repose sur
l’existence d’une plombémie supérieure
ou égale à 100 μg/l.
Ce taux de plombémie de 100 μg/l a été
fixé en 1995. Il ne représente en fait
qu’un seuil d’intervention et non un
seuil d’effet toxicologique. Diverses pu-
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blications ont montré depuis qu’un taux
inférieur à 100 μg/l présentait déjà un
effet délétère. Se pose maintenant la
question d’abaisser ce seuil.
Les modalités de la prise en charge dé-
pendent du taux de plombémie présen-
té par l’enfant (tableau II).
En 1999, la publication par l’Inserm
d’un état des lieux du saturnisme et de
l’action de diverses équipes de terrain a
abouti à la législation actuelle, qui pré-
voit la déclaration obligatoire de la ma-
ladie. Lorsque le taux de plombémie
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UNE DIMINUTION NETTE
DU NOMBRE DE CAS
DEPUIS 1995
Depuis 1995, un système de surveillan-
ce des plombémies chez l’enfant a été
mis en place en France. Il enregistre
toutes les plombémies quel que soit leur
résultat, ainsi que les déclarations obli-
gatoires de cas de saturnisme chez l’en-
fant. Environ 9000 enfants (zéro à dix-
sept ans) en 2005 et 7500 en 2006 et
en 2007 ont bénéficié d’un premier dé-
pistage de plombémie [1]. La répartition
géographique de ce dépistage est très
hétérogène ; il est concentré pour une
large part en Ile-de-France (64 %). La
moyenne géométrique des plombémies
au primodépistage diminue régulière-
chez un enfant se situe au-dessus de
100 μg/l, une enquête environnementa-
le est menée par la DDASS et la préfec-
ture. Des prélèvements sont effectués
au domicile de la famille pour mesurer
la teneur en plomb des murs et des cloi-
sons. Sur la base de ces mesures, le
bailleur est tenu de mettre aux normes
le local qu’il vend ou loue. Cela s’ap-
plique également aux bailleurs sociaux.
Au cours des quinze dernières années,
cette procédure a permis d’améliorer de
façon significative l’habitat concerné.
Tableau I
Les effets du plomb
1500
1000
500
400
300
200
100
– – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – Décès – – – –
– – – – – – – – – – – – – – Encéphalopathie – – – –
– – – – – – – – – – – – – – – – Néphropathie – – – –
– – – – – – – – – – – – – – – Anémie – – – –
Douleurs abdominales – – – –
Synthèse de l’hémoglobine – – –
Métabolisme de la vitamine D – – –
Vitesse de conduction nerveuse – – –
Protoporphyrines érythrocytaires – – – –
(?) Métabolisme de la vitamine D – – – –
Toxicité neurologique – – – –
QI – – – –
Audition – – –
Croissance – – – –
Passage placentaire – – – –
– – – Encéphalopathie – – – – – – – – – – – – – –
– – – – Anémie – – – – – – – – – – – – – – – – – – – –
– – – – Longévité diminuée – – – – – – – – – – – – –
– – – – Altération de la synthèse d’hémoglobine
– – – – Neuropathie périphérique – – – – – – – – –
– – – – Infertilité masculine – – – – – – – – – – – – –
– – – Néphropathie – – – – – – – – – – – – – – – –
– – – – Pression artérielle systolique (hommes)
– – – – Acuité auditive – – – – – – – – – – – – – –
– – – – Protoporphyrines érythrocytaires – – – –
(hommes)
– – – – Protoporphyrines érythrocytaires – – – –
(femmes)
– – – – Hypertension (?) – – – – – – – – – – – – – –
Enfants Plombémie (µg/l) Adultes
augmenté(e) diminué(e)
Tableau II
Prise en charge selon le taux de
plombémie
Classe I : plombémie < 100 µg/l
absence d’intoxication
suivi de la plombémie jusqu’à l’âge de
trois ans si l’enfant appartient à un groupe à
risque
Classe II : plombémie de 100 à 249 µg/l
bilan clinique (recherche d’anémie)
signalement du cas à la DDASS, enquête
environnementale, réduction, voire
suppression des sources d’exposition
suivi de la plombémie tous les trois à
quatre mois
Classe III : plombémie de 250 à 449 µg/l
bilan hospitalier
signalement du cas à la DDASS, enquête
environnementale, réduction, voire
suppression des sources d’exposition
Classe IV : plombémie de 450 à 699 µg/l
bilan hospitalier en urgence pour
traitement
signalement du cas à la DDASS, enquête
environnementale, réduction, voire
suppression des sources d’exposition
Classe V : plombémie > 700 µg/l
hospitalisation en urgence
signalement du cas à la DDASS, enquête
environnementale, réduction, voire
suppression des sources d’exposition
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ment, de 59 μg/l en 1995 à 23 μg/l en
2007. La proportion de cas de saturnis-
me au primodépistage est également en
constante diminution, de 24,3 %
(817 enfants) en 1995 à 3,7 % (277 en-
fants) en 2007 (figure ci-dessus). Sur la pé-
riode 2005-2007, 1265 nouveaux cas
de saturnisme ont été enregistrés. La
plupart ont été identifiés sur la notion
d’un habitat antérieur à 1949 et d’un
habitat dégradé.
Ces résultats témoignent de l’efficacité
du ciblage des enfants dépistés et de
l’impact des actions mises en place pour
diminuer l’exposition au plomb. Toute-
fois, la détection de 330 nouveaux cas
(cas au primodépistage et cas dépistés
lors du suivi d’une situation à risque) en
2007 souligne bien la nécessité de pour-
suivre les actions de prévention indivi-
duelles et collectives.
Les progrès indéniables qui ont été réa-
lisés dans le dépistage et la prise en
charge du saturnisme ont été largement
favorisés par la motivation et l’implica-
tion très fortes de certains médecins,
notamment des médecins des services
de Protection maternelle et infantile
ainsi que d’un certain nombre de méde-
cins de ville.
Référence
[1] LECOFFRE C., PROVINI C., GARNIER R., LAGARCE L., SA-
BOURAUD S., HEYMAN C., GINOT L., CHEYMOL J., BRETIN P. :
« Dépistage du saturnisme chez l’enfant en France : données de
surveillance 2005-2007 »,
Bull. Epidémiol. Hebd.,
2010 ;
38-39 :
397-400.
En Seine-Saint-Denis, département particu-
lièrement touché par le saturnisme, sur les
9003 enfants qui ont bénéficié d’un primo-
dépistage entre 1988 et 2000, 2408
(26,5 %) étaient intoxiqués. Parmi eux,
125 enfants (1,5 %) avaient un taux de
plombémie supérieur à 450 μg/l. Les carac-
téristiques de l’habitat constituaient le critè-
re essentiel de dépistage.
La moitié des enfants ont été suivis pendant
plus de trois ans et demi. Une rupture de
suivi a été enregistrée dans 16 % des cas
Une meilleure adhésion au suivi médical a
été notée lors du recours à l’hospitalisation à
domicile, encore peu utilisée actuellement
pour les chélations. Pour les deux tiers des
enfants, les plombémies de suivi ont été réa-
lisées dans les délais préconisés. Les familles
de 96 de ces enfants (76,8 %) ont été relo-
gées ; dans 14 % des cas, ce relogement a
été fait dans un habitat qui était également
source d’intoxication. Dans la moitié des
cas, le délai de relogement était supérieur à
vingt-deux mois ; il était plus long pour les
familles nombreuses. Enfin, le délai des tra-
vaux de réfection du logement était dans la
moitié des cas supérieur à cinq mois.
Ces résultats confirmaient la nécessité de
mettre en place les mesures de lutte contre
le saturnisme prévues dans la loi dite « pré-
carité » votée en juin 1998 et encore insuffi-
samment appliquée à l’époque.
Evolution 1995-2007 du nombre des plombémies de primodépistage et des cas de
saturnisme au primodépistage chez les moins de dix-huit ans en France
0
2000
4000
6000
8000
10000
cas au primodépista
g
e
plombémies de primodépistage
2007200620052004200320022001200019991998199719961995
(n)
7468
7874
9033
10060
7286
5455
3519
2938
2805
3677
3704
2602
3357
277
333
396
504
485458
351
378
425
476
575
691
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