Médecine & enfance Saturnisme : vingt ans de lutte pour tendre à son éradication ECHANGES Présentation de J. Cheymol, pédiatre, Clichy, lors d’une réunion de l’association Echanges pédiatre de ville-pédiatre hospitalier Rédaction : H. Collignon, J. Lerner Le dépistage institué à la fin des années 80 et la très forte mobilisation de certains médecins ont permis de diminuer notablement la fréquence du saturnisme chez l’enfant en France. Le dernier bilan de l’activité de dépistage, qui fait état de plus de 300 cas annuels, incite à poursuivre les actions de prévention. Rubrique réalisée avec l’association Echanges pédiatre de ville-pédiatre hospitalier e plomb ne fait pas partie des composants organiques, il n’a aucun rôle physiologique connu, sa présence dans l’organisme témoigne donc toujours d’une contamination. Les sources de cette contamination sont diverses. Certains sites miniers ou des usines spécialisées dans les métaux non ferreux, comme Métaleurop, ont favorisé l’imprégnation des ouvriers et de la population avoisinante. Le plomb a également été utilisé comme antidétonant dans l’essence des voitures. La suppression de cet additif a permis de diminuer considérablement la teneur en plomb de l’atmosphère. Les canalisations en plomb étaient et restent encore une source possible d’intoxication. Le plomb est aujourd’hui proscrit dans les maisons modernes, et la rénovation de l’ancien implique obligatoirement le remplacement des canalisations par des tuyaux en PVC. Les peintures au plomb utilisées jusqu’en 1948 constituent une source importante de contamination dans certaines habitations vétustes et mal entretenues dont les peintures sont dégradées. L’absorption d’écailles de peinture contenant du plomb, parfois en rapport avec un comportement de pica, est ainsi la principale source de contamination des jeunes enfants. C’est dans les années 1970 que l’attention a été attirée par la survenue de décès de jeunes enfants qui ne semblaient pas s’expliquer par une cause médicale. Ces enfants avaient pour point commun L juin 2011 page 246 de vivre dans un environnement particulier : habitat vétuste, promiscuité, précarité, familles nombreuses souvent immigrées. Le plomb, absorbé essentiellement par voie digestive, diffuse rapidement et se fixe au niveau du cerveau, des reins, du foie, de la rate, des os, des dents. Sa demi-vie dans l’organisme est de dix ans. Les manifestations cliniques de l’intoxication au plomb sont diverses et peu spécifiques (tableau I) : anémie, atteintes rénales (tubulopathies, glomérulonéphrites), atteintes digestives, atteinte du système nerveux à l’origine d’une encéphalopathie lors de fortes intoxications. Une diminution du QI a été rapportée pour des intoxications relativement légères : pour des plombémies d’au moins 100 μg/l, une augmentation de 10 μg/l de la plombémie serait associée à une perte moyenne de 1 point de QI. UNE PLOMBÉMIE SUPÉRIEURE OU ÉGALE À 100 μg/l La plombémie reste l’examen de base pour détecter et apprécier la gravité de l’intoxication. Le diagnostic repose sur l’existence d’une plombémie supérieure ou égale à 100 μg/l. Ce taux de plombémie de 100 μg/l a été fixé en 1995. Il ne représente en fait qu’un seuil d’intervention et non un seuil d’effet toxicologique. Diverses pu- Médecine & enfance Tableau II Prise en charge selon le taux de plombémie Tableau I Les effets du plomb Enfants Plombémie (µg/l) Adultes 1500 – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – Décès – – – – 1000 – – – Encéphalopathie – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – Encéphalopathie – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – Néphropathie – – – – – – – – Anémie – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – Anémie – – – – – – – – Longévité diminuée – – – – – – – – – – – – – Douleurs abdominales – – – – – – – – Altération de la synthèse d’hémoglobine– 500 – – – – Neuropathie périphérique – – – – – – – – – – – – – Infertilité masculine – – – – – – – – – – – – – ↓ Synthèse de l’hémoglobine – – – 400 – – – Néphropathie – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – Pression artérielle systolique ↑ (hommes) – ↓ Métabolisme de la vitamine D – – – 300 – – – – Acuité auditive ↓ – – – – – – – – – – – – – – – – – – Protoporphyrines érythrocytaires ↑ – – – – (hommes) ↓ Vitesse de conduction nerveuse – – – 200 – – – – Protoporphyrines érythrocytaires ↑ – – – – (femmes) ↑ Protoporphyrines érythrocytaires – – – – ↓ (?) Métabolisme de la vitamine D – – – – Toxicité neurologique – – – – ↓ QI – – – – – – – – Hypertension ↑ (?) – – – – – – – – – – – – – – ↓ Audition – – – 100 ↓ Croissance – – – – Passage placentaire – – – – ↑ augmenté(e) ↓ diminué(e) blications ont montré depuis qu’un taux inférieur à 100 μg/l présentait déjà un effet délétère. Se pose maintenant la question d’abaisser ce seuil. Les modalités de la prise en charge dépendent du taux de plombémie présenté par l’enfant (tableau II). En 1999, la publication par l’Inserm d’un état des lieux du saturnisme et de l’action de diverses équipes de terrain a abouti à la législation actuelle, qui prévoit la déclaration obligatoire de la maladie. Lorsque le taux de plombémie chez un enfant se situe au-dessus de 100 μg/l, une enquête environnementale est menée par la DDASS et la préfecture. Des prélèvements sont effectués au domicile de la famille pour mesurer la teneur en plomb des murs et des cloisons. Sur la base de ces mesures, le bailleur est tenu de mettre aux normes le local qu’il vend ou loue. Cela s’applique également aux bailleurs sociaux. Au cours des quinze dernières années, cette procédure a permis d’améliorer de façon significative l’habitat concerné. juin 2011 page 247 Classe I : plombémie < 100 µg/l 첸 absence d’intoxication 첸 suivi de la plombémie jusqu’à l’âge de trois ans si l’enfant appartient à un groupe à risque Classe II : plombémie de 100 à 249 µg/l 첸 bilan clinique (recherche d’anémie) 첸 signalement du cas à la DDASS, enquête environnementale, réduction, voire suppression des sources d’exposition 첸 suivi de la plombémie tous les trois à quatre mois Classe III : plombémie de 250 à 449 µg/l 첸 bilan hospitalier 첸 signalement du cas à la DDASS, enquête environnementale, réduction, voire suppression des sources d’exposition Classe IV : plombémie de 450 à 699 µg/l 첸 bilan hospitalier en urgence pour traitement 첸 signalement du cas à la DDASS, enquête environnementale, réduction, voire suppression des sources d’exposition Classe V : plombémie > 700 µg/l 첸 hospitalisation en urgence 첸 signalement du cas à la DDASS, enquête environnementale, réduction, voire suppression des sources d’exposition UNE DIMINUTION NETTE DU NOMBRE DE CAS DEPUIS 1995 Depuis 1995, un système de surveillance des plombémies chez l’enfant a été mis en place en France. Il enregistre toutes les plombémies quel que soit leur résultat, ainsi que les déclarations obligatoires de cas de saturnisme chez l’enfant. Environ 9 000 enfants (zéro à dixsept ans) en 2005 et 7 500 en 2006 et en 2007 ont bénéficié d’un premier dépistage de plombémie [1]. La répartition géographique de ce dépistage est très hétérogène ; il est concentré pour une large part en Ile-de-France (64 %). La moyenne géométrique des plombémies au primodépistage diminue régulière- Médecine & enfance Evolution 1995-2007 du nombre des plombémies de primodépistage et des cas de saturnisme au primodépistage chez les moins de dix-huit ans en France (n) 10060 10000 9033 7286 8000 7468 5455 6000 4000 3357 2000 817 1995 0 7874 3704 3677 691 575 1996 1997 3519 2805 2938 476 425 378 351 458 485 504 396 333 277 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2602 plombémies de primodépistage ment, de 59 μg/l en 1995 à 23 μg/l en 2007. La proportion de cas de saturnisme au primodépistage est également en constante diminution, de 24,3 % (817 enfants) en 1995 à 3,7 % (277 enfants) en 2007 (figure ci-dessus). Sur la période 2005-2007, 1 265 nouveaux cas de saturnisme ont été enregistrés. La plupart ont été identifiés sur la notion d’un habitat antérieur à 1949 et d’un habitat dégradé. Ces résultats témoignent de l’efficacité du ciblage des enfants dépistés et de l’impact des actions mises en place pour diminuer l’exposition au plomb. Toutefois, la détection de 330 nouveaux cas (cas au primodépistage et cas dépistés lors du suivi d’une situation à risque) en cas au primodépistage 2007 souligne bien la nécessité de poursuivre les actions de prévention individuelles et collectives. Les progrès indéniables qui ont été réalisés dans le dépistage et la prise en charge du saturnisme ont été largement favorisés par la motivation et l’implication très fortes de certains médecins, notamment des médecins des services de Protection maternelle et infantile ainsi que d’un certain nombre de médecins de ville. 첸 Référence [1] LECOFFRE C., PROVINI C., GARNIER R., LAGARCE L., SABOURAUD S., HEYMAN C., GINOT L., CHEYMOL J., BRETIN P. : « Dépistage du saturnisme chez l’enfant en France : données de surveillance 2005-2007 », Bull. Epidémiol. Hebd., 2010 ; 38-39 : 397-400. En Seine-Saint-Denis, département particulièrement touché par le saturnisme, sur les 9003 enfants qui ont bénéficié d’un primodépistage entre 1988 et 2000, 2408 (26,5 %) étaient intoxiqués. Parmi eux, 125 enfants (1,5 %) avaient un taux de plombémie supérieur à 450 μg/l. Les caractéristiques de l’habitat constituaient le critère essentiel de dépistage. La moitié des enfants ont été suivis pendant plus de trois ans et demi. Une rupture de suivi a été enregistrée dans 16 % des cas Une meilleure adhésion au suivi médical a été notée lors du recours à l’hospitalisation à domicile, encore peu utilisée actuellement pour les chélations. Pour les deux tiers des enfants, les plombémies de suivi ont été réalisées dans les délais préconisés. Les familles de 96 de ces enfants (76,8 %) ont été relogées ; dans 14 % des cas, ce relogement a été fait dans un habitat qui était également source d’intoxication. Dans la moitié des cas, le délai de relogement était supérieur à vingt-deux mois ; il était plus long pour les familles nombreuses. Enfin, le délai des travaux de réfection du logement était dans la moitié des cas supérieur à cinq mois. Ces résultats confirmaient la nécessité de mettre en place les mesures de lutte contre le saturnisme prévues dans la loi dite « précarité » votée en juin 1998 et encore insuffisamment appliquée à l’époque. Le service de pédiatrie du centre hospitalier de Voiron Isère, 25 km de Grenoble, 80 km de Lyon, bassin de population de 140 000 habitants situé au cœur de la Chartreuse recrute UN ASSISTANT SPÉCIALISTE EN PÉDIATRIE pour constituer une équipe de 6 pédiatres Service de 13 lits de pédiatrie et 6 lits de néonatologie - Urgences pédiatriques : 5 700 consultations par an Maternité de niveau II A : 1 650 naissances par an - Plateau technique complet (scanner, IRM, laboratoire) Projet nouvel hôpital en cours avec augmentation de la capacité d’accueil Pour tout renseignement et candidature contacter : Dr Gaelle Demay-Legros et Dr Laurence Eitenschenck [email protected] - [email protected] - Tél. : 04 76 67 14 16 Centre hospitalier de Voiron, 14, route des Gorges, BP 208, 38506 Voiron cedex juin 2011 page 248