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La Lettre de l’Infectiologue - Tome XV - n° 8 - octobre 2000
RÉUNIONS
ASPECTS ACTUELS DES INFECTIONS À STREPTOCOQUE
HÉMOLYTIQUE DU GROUPE A CHEZ L’ENFANT
(EN DEHORS DE L’ANGINE)
Syndrome de choc toxique streptococcique
[D. Floret et al.,
Lyon]
Les éléments majeurs du tableau clinique (Cone NL et al.
NEngl J Med 1987 ; Stevens DL et al. N Engl J Med 1989) sont
un choc (95 %), une insuffisance rénale aiguë (80 %), dont 10 %
irréversible, un syndrome de détresse respiratoire de l’adulte
(55 %) et une mortalité à 30 %. Le début est brutal avec fièvre,
rash cutané, parfois érythrodermie. Les toxines de Streptococ-
cus pyogenes et la toxine TSST-1, exotoxine produite par
Staphylococcus aureus, sont des superantigènes capables de
provoquer une activation polyclonale des lymphocytes T avec
sécrétion massive de cytokines. Pour les trois cas rapportés,
concernant des enfants âgés de 2 à 10 ans, le tableau était
typique avec deux cellulites et une pleuropneumopathie post-
varicelle. Les toxines érythrogènes sécrétées étaient la B asso-
ciée à la C (2 cas) et la A (1 cas). Deux décès ont été précoces.
Chez l’enfant, ce syndrome grave reste rare, avec plus de décès
que chez l’adulte. L’étiologie majeure est la surinfection de
varicelle. L’exotoxine A, possédant 50 % d’homologie struc-
turale avec TSST-1, a un lien certain avec les infections inva-
sives sévères (peut-être du fait leur sécrétion à un pH très acide
par S. pyogenes). Le traitement du choc s’associe à une action
chirurgicale sur les lésions cutanées et une antibiothérapie
(pénicilline M dix fois moins active que pénicilline A ou G).
La clindamycine pourrait être intéressante (valeur antitoxinique
propre). Les immunoglobulines intraveineuses sont discutées.
En conclusion, les souches de streptocoque recherchées dans
les infections des tissus mous doivent être adressées à des
centres spécialisés pour recherche de toxines.
Formes inhabituelles de l’infection streptococcique
[R. Cohen, Créteil]
L’auteur a parlé des formes inhabituelles chez l’enfant avec
deux aspects ORL et cutanéo-muqueux. Le test de diagnostic
rapide (TDR) n’est pas réservé à l’angine ; il rend service dans
ce type d’infection. S. pyogenes est le germe le plus fréquent
dans les adénites après l’âge de trois ans avec peu de fièvre,
peu de suppuration et pas d’angine. Un TDR fait sur prélève-
ment de gorge est souvent positif et permet une antibiothéra-
pie ciblée. La rhinopharyngite à streptocoque est plutôt obser-
vée chez l’enfant de moins de trois ans ayant une fièvre modérée
évoluant au-delà de quatre jours associée à une polyadénopa-
thie. Les croûtes nasales avec muqueuse nasale sanguinolente
sont évocatrices. Un prélèvement local permet le diagnostic.
L’otite moyenne aiguë à S. pyogenes touche le grand enfant et
se traduit souvent par une otorrhée suivant de près l’otalgie.
Une mastoïdite est possible. Le TDR est positif une fois sur
deux. La mise en évidence de la bactérie permet une antibio-
thérapie à spectre étroit. Les fièvres isolées (avant l’apparition
de tout signe local ORL) méritent des examens successifs pour
affirmer l’angine qui apparaît de façon retardée. Un aspect très
particulier lié à S. pyogenes est l’existence de pétéchies avec
des anneaux à centre plus clair du voile du palais “en beignet”.
Parmi les aspects cutanéo-muqueux, l’anite touche les enfants
de deux à huit ans, surtout en période hivernale. Le diagnostic,
évoqué sur un érythème un peu induré débordant la région
anale, est fait par un TDR sur prélèvement de gorge. La vulvo-
vaginite à S. pyogenes (9 à 20 % des étiologies), qui touche les
fillettes de deux à sept ans, associe des leucorrhées importantes
résistantes au traitement local, parfois une anite. Le TDR sur
prélèvement local fait le diagnostic. Le panaris péri-unguéal
(“tourniole”) est de diagnostic facile. Le lien entre le psoriasis
et S. pyogenes (Rasmussen JE. PIDJ 2000 ; 19 : 153) repose
sur l’association d’une angine lors d’un premier épisode de
plaques ou gouttes cutanées. Aucune souche particulière n’a
été identifiée. Il s’agirait d’une activation des CD4 par des
superantigènes avec homologie entre la kératine 14 et la pro-
téine M6 de la bactérie.
Infections cutanées sévères à streptocoque β-hémolytique
du groupe A
[E.Mallet et al., Rouen]
S. pyogenes possède des capacités d’adhésion aux cellules épi-
théliales et kératinocites, des exotoxines “super antigènes”, un
potentiel thrombogène, facilitant des événements successifs
(invasion cutanée, adhésion, multiplication bactérienne, pro-
duction et diffusion d’enzymes multiples, cascade inflamma-
toire, hypercoagulation et nécrose). L’hôte est vulnérable lors
d’une varicelle (30 % auront des complications infectieuses),
d’immunodépression, de jeune âge, d’administration conco-
mitante d’anti-inflammatoire non stéroïdien. Dans la cellulite
(dermohypodermite), la fièvre est élevée, le placard érythéma-
teux induré inflammatoire. L’association à une varicelle existe
dans 50 % des cas. Le traitement antibiotique permet le retour
à la normale. Le diagnostic de fasciite nécrosante (qui touche
les fascias et le muscle) est évoqué dans un contexte fébrile et
douloureux, devant un placard escarrotique avec des bulles
hémorragiques nécrotiques, éventuellement des signes de choc.
Les hémocultures sont positives dans 5 à 20 % des cas. Le pré-
lèvement de la porte d’entrée assure un diagnostic bactériolo-
gique. L’IRM, examen majeur, montrant des hypersignaux dans
les fascias, est utile à la décision opératoire (indispensable :
débridement et abord des foyers de nécrose). Le traitement
symptomatique des complications hémodynamiques et l’anti-
biothérapie sont nécessaires. Certains ont proposé l’oxygéno-
thérapie hyperbare.
Bactériémies à streptocoque hémolytique
[E.Varon, Paris]
L’auteur a rapporté une étude prospective faite en 1995
(98 hôpitaux, 61 départements) portant sur 122 bactériémies,
chez des patients âgés de 1 jour à 99 ans. Elles représentaient
8% des 303 souches invasives (I) et des 1 112 non invasives
(NI). Les souches I prédominaient au-delà de 55 ans et les
souches NI entre 0 et 19 ans. Un facteur favorisant (80 % des
cas) a été identifié (insuffisance veineuse, éthylisme, chirurgie
récente, diabète, corticothérapie, anti-inflammatoire non sté-
roïdien [AINS]). La porte d’entrée (plus de 80 % des cas) était
cutanée (érysipèle 24 %, cellulite 20 %, plaie cutanée autre
31 %), pleuropulmonaire, osseuse. La bactériémie était isolée
dans 15/122 cas. Des troubles hémodynamiques accompa-
gnaient la bactériémie une fois sur quatre, qu’il y ait ou non
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