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CHAPITRE 1 : L’ÉVANGILE DE LA GNOSE
“ Je vous révélerai ce qu’aucun oeil ne peut voir, ce qu’aucune oreille ne peut entendre,
ce qu’aucune main ne peut toucher, ce que l’esprit humain ne peut pas concevoir.’’
Jésus, Evangile de Thomas
La vie est un Mystère. Un Mystère si redoutable que nous nous isolons de son intensité.
Pour anesthésier notre peur de l’inconnu, nous nous désensibilisons du miracle de vivre.
Nous perpétuons le mensonge nonchalant de savoir qui nous sommes et ce qu’est la vie.
Néanmoins, derrière ce bluff grotesque, le Mystère demeure immuable. Il attend que
nous nous souvenions de nous émerveiller. Il attend dans un rayon de lumière, dans la
pensée de la mort, dans l’ivresse d’un nouvel amour, dans la joie d’une naissance ou dans
le choc d’une perte. Pendant un instant, nous vaquons à nos occupations comme si la vie
n’était rien de spécial et l’instant d’après, nous nous retrouvons en présence d’un
Mystère profond insondable à vous couper le souffle. C’est à la fois l’origine et
l’aboutissement de la quête spirituelle.
Quoique les conditions de vie aient changé continuellement au cours de l’Histoire, le
Mystère de la vie est resté le même. C’est un livre au sujet d’un groupe d’hommes et de
femmes remarquables, qui, il y a quelque 2000 ans, furent touchés par le Mystère et qui
osèrent sonder ses profondeurs. Des libres-penseurs révolutionnaires qui synthétisèrent
la sagesse disponible du monde et qui articulèrent des vérités éternelles de manière
dynamique et novatrice. Des visionnaires créatifs qui codèrent leurs enseignements dans
des mythes extraordinaires. Des explorateurs de la conscience dont la philosophie
mystique promettait la ‘’gnose’’ — la connaissance empirique de la Vérité. Ces pionniers
spirituels oubliés n’auraient pas pu concevoir l’impact inégalé qu’ils auraient sur l’histoire
de l’humanité. Qui étaient-ils ? Ils s’appelaient eux-mêmes les ‘’chrétiens’’.
Ce sont ces individualistes radicaux qui créèrent involontairement la religion la plus
autoritaire de l’Histoire. Presque à en devenir méconnaissable, leur mysticisme
investigateur fut dénaturé dans la croyance dogmatique de ce qu’ils appelèrent une
‘’Eglise d’imitation’’.
Quand cette forme appauvrie du christianisme fut adoptée comme
la religion officielle du brutal Empire romain, les premiers chrétiens furent violemment
réprimés, leurs Ecritures brûlées et leur mémoire presque effacée. L’Eglise romaine
fabriqua sa propre version des origines du christianisme—encore à l’honneur aujourd’hui
— qui rejette les premiers chrétiens comme un culte mineur d’obscurs hérétiques. Mais
ce furent ces brillants mythographes qui conçurent une histoire qui continue à dominer
l’imagination spirituelle du monde occidental. A partir de l’allégorie archaïque d’un Fils de
Dieu qui meurt et qui ressuscite, ils ont fabriqué un mythe neuf et vibrant qui a capturé le
cœur et l’esprit de millions de personnes : la fable d’un paysan juif qui a sauvé le monde :
l’histoire de Jésus, le Christ.