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Le CCPPRB, des origines à demain
CCPPRB, past, present, future
● J.P. Demarez*
RÉSUMÉ. La question des missions et de la place des CCPPRB dans le système administratif de contrôle des recherches biomédicales connaît
un regain d’actualité, grâce à la transposition en droit interne français de la directive 2001/20/CE relative aux bonnes pratiques cliniques. Il
apparaît clairement, à la lecture des textes pertinents, que les CCPPRB ne sont ni des comités scientifiques, ni des comités d’éthique, même si
leur rôle dans la protection des personnes qui se prêtent à des recherches médicales comporte des considérations relatives à la pertinence de
la recherche envisagée et n’exclut pas des références aux principes généraux de l’éthique biomédicale.
La coexistence, nouvellement organisée par la loi pour la mise en route d’un essai, d’un avis obligatoirement favorable et d’une autorisation
administrative préalable renvoie à la jurisprudence classique en droit administratif de “l’avis conforme”. Cela devra conduire les CCPPRB,
devenant CPP (Comités de protection des personnes), à une préoccupation de plus grande rigueur juridique dans leur mode de fonctionnement,
leurs avis et les éléments pris en considération pour les motiver.
Mots-clés : Comité d’éthique - CCPPRB - Recherches biomédicales - Législations essais cliniques.
ABSTRACT. We can see a renewed topicality about the missions and place of CCPPRBs in the administrative control system of the biomedical
research since the 2001/20/EC Directive relating to Good Clinical Practice was adapted to the French law. On reading relevant texts, it clear ly appears that CCPPRBs are neither scientific nor ethics committees, even if their role in the protection of people involved in medical resear ch takes into account the relevance of the planned research and refers to the general principles of biomedical ethics.
The recent legal obligation to have a favourable opinion together with a preliminary administrative authorization before starting a trial refers
to the usual jurisprudence of “the approval” in the administrative law. CCPPRBs are becoming CPP (Committees of Protection of People)
and consequently will have to be more rigorous on a legal level in their operating mode, their opinions and the choice of elements taken into
account to justify them.
Keywords: Ethic Committee - CCPPRB [1] - Biomedical researches - Clinical trials rules.
“
Le premier rôle d’un comité d’éthique est de
garantir, pour toute étude chez l’homme, l’adhé sion d’un groupe, ce qui est une protection assez
efficace contre les projets inavouables.” Ainsi Alain Spriet et
Pierre Simon préconisaient-ils (1) aux expérimentateurs, en
1982, de soumettre tout projet à un comité d’éthique “dont le
rôle sera spécifiquement d’examiner, dans le protocole, si les
intérêts des sujets recevant les traitements étudiés sont res pectés”. À cette époque, les comités d’éthique étaient une
nouveauté dans le paysage français de la pharmacologie clinique. Depuis, les recommandations sont devenues obligations légales. Les comités locaux d’éthique ont été remplacés
par des CCPPRB (Comité de protection des personnes dans la
recherche biomédicale), mutation dont le sens, vingt ans plus
tard, ne semble pas avoir été perçu par beaucoup d’acteurs de
la recherche biomédicale, universitaires, hospitaliers, indus* Unité de pharmacologie clinique, hôpital Saint-Antoine, 75012 Paris.
[1]
Comité de protection des personnes dans la recherche biomédicale :
in France, Special Committee in charge of verifying the legal aspects of
protection of people before the initiation of a clinical trial.
La Lettre du Pharmacologue - Volume 18 - n° 2 - avril-mai-juin 2004
triels, voire même administratifs. Mais il est dans la nature
des choses qu’un professionnel soit approximatif dès lors que
la matière abordée n’appartient pas à sa discipline ou à son
métier. Or, ce n’est pas dans les ouvrages de pharmacologie
clinique qu’il convient de chercher les éléments permettant de
définir les CCPPRB, mais dans le code de la Santé publique
(CSP) et les principes généraux du droit administratif. De
fausses similitudes en idées reçues, de références non pertinentes, issues de la littérature médicale anglo-saxonne, à des
interprétations erronées, parfois candides, parfois volontaires,
le CCPPRB demeure un objet mal identifié. Sa courte histoire est d’ailleurs fertile en luttes d’influence. Il a d’abord failli
être intégré dans un système de comités d’éthique, manœuvre
vite avortée. Des tentatives récurrentes ont ensuite visé à le
transformer en comité scientifique ; quatre fois, le législateur
s’est opposé à une telle orientation. Le CCPPRB avait peine à
se situer entre une lecture très “biomédicale” de ses prérogatives
et une interprétation strictement juridique de ses missions.
Paradoxalement, c’est une directive européenne qui va l’ancrer
(définitivement ?) dans le droit public.
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Au moment où son texte fondateur, la loi dite loi HurietSérusclat, vient d’être modifié, peut-être est-il temps de
remettre les choses en perspective.
LE “COMITÉ D'ÉTHIQUE”, UN CONCEPT D'IMPORTATION
De Nuremberg à Helsinki
En 1947, un tribunal militaire américain siégeant à
Nuremberg avait à juger trente médecins allemands accusés,
entre autres crimes, d'avoir pratiqué des expérimentations sur
des prisonniers en temps de guerre. L'avocat du principal
inculpé, mentionnant des essais concernant la malaria, réalisés à la prison d’État de Chicago (2), rétorqua qu'aux ÉtatsUnis, il en avait été de même durant la même période.
L’émotion fut grande, et, le 13 mars 1947, le gouverneur de
l’Illinois, Dwight H. Green, constituait un comité ayant pour
mission d’examiner les conditions de réalisation de ces essais.
Le comité devait se prononcer sur l’éventualité de déviations
entre les protocoles expérimentaux et les conditions normales
de la pratique médicale, vérifier si les prisonniers inclus dans
les recherches étaient tous informés et consentants, et dire si
le système de remise de peine destiné à récompenser la bonne
conduite en milieu carcéral était acceptable dans cette situation, du point de vue de l’authenticité du volontariat.
Tocqueville (3) avait déjà remarqué cette propension des
Américains, héritée des pionniers de la Nouvelle-Angleterre,
à se réunir en comité pour examiner toute question un peu
sérieuse posée par la vie en collectivité. Illustration de la
démocratie directe où les intéressés s’intéressent moins à la
théologie qu’à l’application de la théologie au quotidien.
Ce comité, en quelque sorte le premier “comité d’éthique”,
rassemblait trois médecins, un rabbin, un jésuite, un juriste et
un industriel producteur de cornflakes, ce dernier représentant
ici le profane (en langage moderne : la société civile).
Rapportant quelque temps plus tard leur expérience dans les
colonnes d’une revue médicale (4), les membres du comité
conclurent en recommandant que, dans le futur, un comité
permanent soit mis en place, pour conseiller les autorités de
santé publique en matière de recherches sur l’homme.
En 1957, examinant les aspects “médico-légaux” de l’expérimentation humaine, Irwin Ladimer préconisait l’organisation
de comités ayant pour fonction de relire, préalablement à leur
réalisation, les projets de recherche médicale, ne serait-ce
qu’à titre de précaution, tant pour la responsabilité du chercheur que pour la sécurité du volontaire participant (normal
volunteers or patients) (5).
Accepté en juin 1964 par l’Association médicale mondiale,
lors de son assemblée générale d’Helsinki, le “code d’Éthique
de l’Association médicale mondiale pour l’expérimentation
humaine” ne dit mot d’un tel comité.
Toutefois, de façon quasiment simultanée, en 1975, les autorités
fédérales américaines prennent en référence la déclaration
60
d’Helsinki, et l’Association médicale mondiale (assemblée
générale de Tokyo) modifie cette déclaration, en recommandant
que, avant la mise en place d’une expérimentation sur l’homme, le protocole “soit soumis pour examen, commentaires et
conseils à un comité constitué spécialement à cet effet, indé pendant du chercheur et du promoteur”. Une commission
officielle ayant dévoilé les pratiques discutables de certains
chercheurs, pour remédier à de telles déviations, la Food and
Drug Administration (FDA) définit alors le système des
Institutional Review Boards (IRB), expression qui peut s’appliquer (6) à tout conseil, comité ou groupe, explicitement
désigné par une institution pour examiner, approuver la mise
en place et assurer le contrôle régulier, tout au long de sa réalisation, d’une recherche pratiquée sur l’homme (7). Le but
principal de cet examen est la garantie de la protection des
droits et de la santé des personnes participant à la recherche.
À partir de 1981, tout essai clinique, préalablement à sa déclaration à la FDA, doit avoir fait l’objet de l’approbation et du
contrôle d’un IRB (8). La FDA limite l’acceptation d’un essai
clinique réalisé en dehors des États-Unis, et présenté pour
l’enregistrement d’un médicament par l’administration américaine, à la condition d’avoir été construit selon les principes
énoncés dans la déclaration d’Helsinki (version 1975, puis
1983, puis 1989 [a]), c’est-à-dire ceux d’un essai clinique ayant,
en particulier, fait l’objet de l’examen d’un comité indépendant, préalablement à sa mise en place.
Cette restriction a entraîné, dans les années 1980, en Europe
en général et en France [b] en particulier, la création de comités
d’éthique hospitaliers ou hospitalo-universitaires.
Le Conseil national de l’Ordre des médecins avait, à ce propos,
apporté les précisions suivantes (9) :
“Le Conseil national de l’Ordre approuve la procédure des
comités déontologiques (appelés aussi comités d’agréments,
comités scientifiques et éthiques) existant déjà dans les pays
anglo-saxons et à titre exceptionnel en France. Leur rôle doit
être d’apprécier le caractère scientifique des projets, la com pétence des expérimentateurs, la réalité du consentement
libre des sujets, les précautions de prudence prévues. Ils ont à
donner un avis, éventuellement à conseiller des modifications
dans les projets. Les comités doivent avoir communication
des contrats passés entre les investigateurs et les firmes phar maceutiques”.
La dernière version de la déclaration d’Helsinki (Édimbourg, 2000) comportant
des recommandations auxquelles elle ne souscrit pas (concernant en particulier
l’usage du placebo comme comparateur), la FDA s’est abstenue d’y faire référence. FDA Guidance for Industry-Acceptance Foreign Clinical Studies, mars
2001.
[b] Ils sont nés de l’initiative d’administrations hospitalières ou de celle de praticiens
de la recherche clinique et, du fait de leur fermeture aux étrangers au monde de
la santé, ont plus produit une “évaluation par les pairs”, qu’un examen
“éthique” au sens général du terme, particulièrement au regard du consentement informé. Au reste, leur consultation n’était ni obligatoire, ni formalisée.
[a]
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En octobre 1984, le Comité consultatif national d’éthique (10)
saisi par Edmond Hervé, secrétaire d’État auprès du ministre
des Affaires sociales, chargé de la Santé, d’une demande
d’avis “sur les problèmes d’éthique posés par les essais de
médicaments chez l’homme”, recommande que tout essai de
médicament soit obligatoirement soumis, préalablement à sa
mise en place, à un comité d’éthique. Celui-ci aurait pour mission de vérifier que les obligations préalables à la réalisation
d’un essai sont remplies :
✓ Obligation de prérequis pharmacologiques et toxicologiques.
✓ Valeur scientifique du projet.
✓ Bilan risques-avantages acceptable.
✓ Consentement libre et éclairé “sauf exceptions justifiées par
l’intérêt du patient”.
Un putsch raté : l’avant-projet Braibant
Une enquête (11), réalisée en 1985 par la Direction de la
Pharmacie et du Médicament (DPhM) et la Direction générale
de la Santé (DGS), identifie l’existence de vingt et un comités
d’éthique, dont neuf de création très récente, le plus grand
nombre comprenant une “majorité de membres médecins,
scientifiques et infirmiers et une minorité de membres dits
profanes”. Le nombre total de membres dans un comité varie
de dix à vingt-quatre.
L’occupation principale de ces comités est l’expérimentation
des médicaments, cinq d’entre eux se préoccupant également
“des questions liées à la vie et à la mort”. Les comités
expriment des avis, favorables, défavorables ou assortis de
conditions, par consensus entre les membres présents.
Curieusement, l’enquête ne se préoccupe pas d’interroger les
comités sur l’identité ou la nature des “demandeurs d’avis”,
se bornant à relever que “c’est l’expérimentateur qui soumet
son projet”. Expérimentateur pour le compte de qui ? Sans
doute, dans la quasi totalité des cas, pour le compte d’une
firme pharmaceutique.
Un groupe de travail (12), réuni en octobre 1988, définit ainsi
les éléments sur lesquels devrait porter l’avis d’un comité
d’éthique dans le cadre d’une recherche médicale :
✓ L’acceptabilité quantitative et qualitative des “prérequis”,
informations scientifiques sur lesquelles se fonde la recherche
envisagée.
✓ La méthodologie, le comité devant simplement s’assurer que
la pertinence générale du projet est adaptée aux objectifs, sans
entrer dans les détails de la méthodologie proposée. “Ainsi, un
comité d’éthique doit s’assurer que la puissance de l’essai est
adaptée à ses objectifs et que la sélection des malades se fera de façon
appropriée, mais il n’a pas à prendre position en ce qui concerne
le choix du test statistique ou de la méthode d’évaluation”.
✓ L’appréciation du rapport bénéfice/risque individuel, considéré comme “un point essentiel de la réflexion du comité”.
✓ Les modalités d’information et de consentement du patient,
le consentement étant un élément essentiel de l’éthique des
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essais, “même si, dans des cas très particuliers (soins en
urgence notamment), le comité doit pouvoir admettre des excep tions à ce principe”. Cette position relative au consentement
était un progrès, les médecins hospitaliers réalisant les essais
cliniques ayant, à l’époque, l’habitude de pratiquer vis-à-vis du
consentement explicite à la recherche la restriction mentale ou
l’omission. Les patients français étaient considérés par eux
comme inaptes à cette démarche.
S’incluant dans une préoccupation européenne de définition de
“bonnes pratiques cliniques” (BPC) dans l’expérimentation
pharmaceutique, la DPhM publie, en 1987, un document (13)
où le terme de “comité d’éthique” apparaît. Il est précisé que :
“Ce terme a été retenu en raison de son emploi dans le lan gage courant et dans la littérature, il ne saurait préjuger de
la nature administrative ni de l’étendue des compétences de
ces comités”. Un essai ne peut débuter qu’après avis du
“comité d’éthique”, “avis portant sur :
✓ L’appréciation de la qualification de l’investigateur pour l’es sai projeté, et l’adéquation des moyens dont il dispose.
✓ La pertinence générale du protocole soumis par l’investigateur.
✓ L’adéquation entre l’objectif de l’essai, ses risques potentiels et
les désagréments liés aux modalités prévues par le protocole.
✓ L’information destinée aux sujets ou à leurs parents ou
tuteurs ainsi que les modalités de recueil du consentement.
Dans les cas exceptionnels où le consentement ne peut être
obtenu, les raisons doivent en être fournies.
✓ L’existence d’une assurance couvrant la responsabilité civile
de l’investigateur et du promoteur”.
En cours d’essai, le “comité d’éthique” devra être saisi
“lorsque des éléments nouveaux entraînent une modification
significative du protocole ou sont susceptibles de remettre en
cause l’avis donné initialement”.
Déjà en 1985, un projet de loi “relatif aux essais chez l’homme
d’un médicament ou d’une substance susceptible de le devenir, en
dehors de tout acte de soins” avait précisé, de son côté (14), que :
✓ “Un comité consultatif pour les essais de médicaments,
chargé de rendre un avis préalable à tout essai, est institué à
l’échelon régional”.
✓ “Le comité est saisi par la personne qui décide de réaliser
ou de faire réaliser un essai dénommé promoteur de l’essai”.
L’avis du comité porte notamment sur :
✓ “Les conditions relatives aux essais”.
✓ “La nature et les modalités de l’information destinée aux
personnes qui acceptent de se soumettre à l’essai”.
✓ “La situation créée par l’existence éventuelle d’un lien de
dépendance entre le promoteur et le directeur de l’essai d’une
part, et les catégories de personnes susceptibles de participer
à l’essai d’autre part”.
Le comité s’assure également que les indemnités éventuellement
versées pour compenser les éventuels désagréments ou les
frais et pertes de gains subis par la personne participant du fait
de l’essai ne sont pas disproportionnées.
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Dans une lettre accompagnant ce projet, Jacques Dangoumau,
directeur de la Pharmacie et du Médicament, soulignait à l’intention du ministre des Affaires sociales, Georgina Dufoix (15) :
“Certains souhaitent d’une part que ces comités soient appe lés comités d’éthique, et que leur vocation soit plus large (que
les seuls essais de médicaments… expérimentation chez
l’homme en général, et même expérimentation scientifique),
d’autre part que des possibilités de recours vers le comité
national d’Éthique en cas d’avis négatif du comité local
soient prévues.
Il ne faut pas se cacher que derrière ces considérations se dis simule un conflit de pouvoir. Qui est le véritable responsable
de l’expérimentation ou du développement du produit : le
chercheur et l’industriel, ou bien la structure médicale (ou
l’administration)?”
Il y a effectivement des conflits de pouvoir.
Le 5 septembre 1988, parallèlement au dépôt par un groupe de
sénateurs, à l’initiative de MM. Huriet et Sérusclat, d’une proposition de loi “relative aux essais sur l’homme d’une sub stance à visée thérapeutique ou diagnostique”, le premier
Ministre, Michel Rocard, a chargé le conseiller d’État Guy
Braibant d’une étude destinée à “répondre aux problèmes
nouveaux posés par les sciences de la vie”.
Ce travail fait suite à un rapport, remis par le Conseil d’État (16)
le 21 janvier 1988, intitulé “De l’éthique au dro i t ”, également
confié au conseiller Braibant.
En relation étroite avec Jean Bernard, président du Comité
national d’Éthique pour les sciences de la vie et de la santé, le
conseiller Braibant rédige un avant-projet de loi (17) ayant en
vue de mettre en place un réseau de comités d’éthique visant
“Par une activité de consultation, de réflexion, de formation
et d’information, à promouvoir l’éthique de la recherche
menée dans les domaines de la biologie, de la médecine et de
la santé.
Ces comités (pourraient), sans préjudice des attributions de
l’Ordre national des médecins, s’associer aux réflexions que
suscitent, pour les professionnels de la santé, les problèmes
éthiques nés de la pratique médicale”. “Ils (auraient) notam ment pour objet de contribuer à la protection des personnes
qui se prêtent à des recherches biomédicales, en formulant un
avis sur les projets de recherche”.
Le comité national d’Éthique pour les sciences de la vie et de
la santé assurerait la coordination des comités locaux
“à tous les niveaux”.
Ce texte restera à l’état d’avant-projet.
Les comités d’éthique locaux, structures officieuses, s’étioleront, à quelques exceptions près, suite à la mise en place, à
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partir de décembre 1988, des comités consultatifs de protection des personnes dans la recherche biomédicale (CCPPRB).
L’administration prendra ainsi congé des comités d’éthique (18) :
“La compétence et le dévouement de leurs membres ont per mis à ces comités de jouer un rôle très bénéfique : bien que
leur avis soit dépourvu de portée juridique, ils ont beaucoup
contribué à la qualité de la recherche et à la protection des
personnes”.
LE COMITÉ CONSULTATIF DE LA PROTECTION
DES PERSONNES DANS LA RECHERCHE BIOMÉDICALE
(CCPPRB) SELON LA LOI 88.1138 DU 20 DÉCEMBRE 1988
“RELATIVE À LA PROTECTION DES PERSONNES
DANS LA RECHERCHE BIOMÉDICALE”
Genèse et évolution de sa définition législative
La première mouture de ce texte, plus connu sous le nom de
“loi Huriet-Sérusclat”, est “relative aux essais chez l’homme
d’une substance à visée thérapeutique ou diagnostique”. Se
réclamant explicitement de la déclaration d’Helsinki révisée à
Tokyo en 1975, elle prévoit, tout naturellement, que : “Tout
essai pratiqué chez l’homme est soumis à l’avis préalable
d’un comité d’éthique déclaré auprès du ministère chargé de
la Santé. L’avis du comité d’éthique porte notamment sur les
conditions de l’essai et sur la pertinence générale du projet”.
Au cours des navettes entre le Sénat (19) et l’Assemblée
nationale, la proposition de loi [c] change de titre, et devient, le
13 octobre 1988, “relative à la protection des personnes dans
la re c h e rche biomédicale”. Dans cette version, l’avis
“consultatif du comité local d’éthique porte sur les conditions
de validité de la recherche, notamment la pertinence généra le du projet, les moyens techniques et financiers et la protec tion des participants”.
Mais la Commission des Affaires culturelles familiales et
sociales de l’Assemblée nationale propose, le 16 novembre
1988 (20), de remplacer l’expression “comité d’éthique” par
“comité consultatif de protection des personnes dans la
recherche biomédicale”.
“Ces comités locaux ne doivent pas se substituer au législa teur ou au comité national d’éthique, seul compétent pour
donner des avis sur les grandes questions morales soulevées
par la recherche biomédicale. Il importe d’organiser ces
comités autour de l’État et de ses services extérieurs pour
éviter la prolifération de comités ad hoc ou l’influence pré pondérante de personnalités ou de groupes locaux. Enfin, il
convient d’assurer le pluralisme au sein de ces comités audelà des professionnels de la médecine”.
Un p rojet de loi émane du gouvernement, une proposition de loi émane des
parlementaires.
[c]
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En fait, cette déclaration reprend implicitement les principaux reproches relevés à l’encontre des comités d’éthique
locaux en place : large prépondérance des médecins dans leur
composition, magistère de certaines “grandes consciences”,
hétérogénéité des façons de voir, ambivalence des rapports
entre les dignitaires hospitaliers et les firmes pharmaceutiques, incapacité à traiter les problèmes relatifs au consentement informé à l’expérimentation, considéré par le milieu
médical comme inadapté à la sensibilité du malade.
Il paraît souhaitable au rapporteur que la mission des comités
spécifiques chargés de la protection des personnes dans la
recherche biomédicale “soit limitée à l’appréciation des pro tocoles de recherche à l’exclusion de toute autre réflexion,
soit sur les grandes questions éthiques, soit sur les problèmes
liés à des décisions cliniques ou thérapeutiques concrètes, ce
qui relève du colloque singulier entre le praticien et ses
patients, mais également à l’exclusion de toute appréciation
qui en ferait des précommissions d’autorisation de mise sur le
marché, s’agissant des protocoles d’essai de substances phar maceutiques”, c’est-à-dire les considérations pharmacologiques ou méthodologiques. Il s’agit, avant tout, d’installer un
contrôle démocratique des recherches biomédicales, par la
constitution d’un comité d’examen.
En 1994, des amendements destinés à modifier la loi HurietSérusclat sont déposés. Lors de la séance du 15 juin 1994, est
soulevée, à l’Assemblée nationale, la question du champ de
compétence du CCPPRB. Il est rappelé à cette occasion que
“les comités consultatifs de protection des personnes dans la
recherche biomédicale ne sont ni des comités scientifiques, ni
des comités locaux d’éthique”.
Le législateur décide alors de préciser les limites du rôle du
CCPPRB en inscrivant dans la loi, après la phrase “Le comité
rend son avis sur les conditions de validité de la recherche”…
la restriction suivante… “au regard de la protection des
personnes”, certains comités se laissant aller à d’autres considérations que celles prévues par la législation.
Toutefois, les sollicitations effectuées auprès des parlementaires concernés par les représentants des comités ne restent
pas improductives. Ils souhaitaient que le rôle du comité puisse se poursuivre au cours de l’essai : “Beaucoup de membres
des comités déplorent de n’être pas tenus informés des suites
des projets de recherche qu’ils ont examinés, et particulière ment des déclarations d’événements graves faite au ministère
(de la Santé) par les promoteurs. Cette revendication s’appuie
sur la réglementation américaine (sic) [d] et sur la note expli Note de l’auteur : se manifeste ici l’habituelle référence implicite ou explicite
au rôle des IRB.
[d]
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cative du comité des spécialités pharmaceutiques communau taire qui prévoit que les événements graves survenus au cours
d’essais doivent être déclarés au comité consulté” (21).
Un amendement proposé par le sénateur Claude Huriet et
repris par le député Jean-François Mattei conduit à une modification de la loi dans ce sens, modification pas aussi explicite que souhaité. La loi 94-630 du 28 juillet 1994 dispose :
“Le CCPPRB peut émettre dans les conditions prévues à
l’article L 209-12 un avis favorable à la réalisation d’une
recherche, sous réserve de la transmission d’informations
complémentaires par l’investigateur pendant le déroulement
de celle-ci.
À la suite de cette transmission, le comité peut maintenir ou
modifier son avis…”
La demande des représentants des comités de voir étendre le
rôle de leur structure a été entendu ailleurs qu’au Parlement.
Lors des débats à l’Assemblée nationale concernant la loi
2003-303 du 4 mars 2002, “relative aux droits des malades
et à la qualité du système de santé”, une tentative est faite
par la DGS, visant à conférer un rôle de “comité scientifique” au CCPPRB, par l’adjonction, après “la pertinence
générale du projet”, expression figurant à l’article L 1123-7
du code de la Santé publique (CSP), des mots “notamment
la qualité de sa conception scientifique”.
Cet amendement sera rejeté.
Autre tentative en juin 2003 (la dernière en date), le projet de
loi relatif “à la politique de santé publique”. Dans ce texte,
une disposition émanant de la DGS prévoit, outre la création
de comités spécialisés à compétence nationale pour tel type
de recherche, à la fonction nettement scientifique, un article
L 41-5 proposant de confier aux CCPPRB, qui deviennent les
“comités de protection des personnes (CPP)”, une mission
plus large, en relation avec les orientations de la directive
européenne 2001/20/CE concernant les essais cliniques de
médicaments : “Le comité rend son avis sur les conditions de
validité de la recherche au regard de la protection des per sonnes, sur…, la pertinence générale du projet et de sa
conception scientifique, le caractère satisfaisant de l’évalua tion des bénéfices et des risques attendus et l’adéquation
entre les objectifs poursuivis et les moyens mis en œuvre ainsi
que la qualification du ou des investigateurs”.
Lors de la séance du 14 octobre 2003, les débats conduisent à
un échange entre le ministre de la Santé, Jean-François Mattei,
et le député Claude Evin, échange susceptible de clore les
questions d’un éventuel rôle scientifique des CCPPRB (ou de
la nouvelle appellation CPP), et de leur compétence en
matière d’éthique :
Claude Evin : “Il est hors de question d’ignorer que des
recherches nécessitent une expertise. Il importe donc que les
63
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comités de protection des personnes s’entourent d’experts, ce qui
est prévu. Mais il ne faut pas que l’on transforme les comités
de protection des personnes en comités d’expertise...”
Jean-François Mattei : … “Je crois pouvoir dire qu’il y a eu
une dérive car les CCPPRB n’ont aucune compétence
éthique ni scientifique. Ils avaient été créés pour vérifier que
la loi de 1988 était bien respectée...
Peu à peu, par l’usage, les CCPPRB ont élargi leurs compé tences au domaine de l’éthique, voire au domaine scienti fique. Or je crois qu’ils ne doivent pas être des comités scien tifiques : ils ne sont pas faits pour cela. Sur le plan éthique,
ils peuvent naturellement donner leur point de vue, mais j’at tire votre attention sur le fait qu’ils ont surtout pour vocation
de veiller au respect des dispositions législatives et réglementaires”.
Ni instance scientifique, ni instance éthique, le comité a pour
seul rôle de vérifier le respect des dispositions législatives et
réglementaires.
La dérive constatée par le ministre est incontestable.
Certains éléments contribuent à brouiller la lisibilité des missions dévolues aux CCPPRB :
✓ Interprétation excessive (22) de la notion de “recherche bio médicale” au sens du CSP, l’expression tend à être considérée
comme concernant “toute évaluation clinique ou biologique
humaine”. Conséquences : des chercheurs sollicitent l’avis d’un
comité pour des activités n’entrant pas dans le champ de sa
fonction.
✓ Case à cocher “avis du CCPPRB” figurant dans le dossier
d’instruction des demandes de financement d’une recherche ou
d’une évaluation scientifique par une institution publique
(INSERM, AP-HP…). Que le chercheur considère ou ne
considère pas son projet comme relevant de l’avis d’un comité,
il sera nécessairement conduit à lui présenter son dossier, sous
la pression de son administration (18).
✓ Nécessité de “l’avis d’un comité d’éthique” pour toute publication de travail scientifique conduit chez l’être humain (ce qui
ne signifie pas obligatoirement conduit sur l’être humain) et
présenté à une revue ou un colloque nord-américain. Le chercheur ira chercher cet avis, que son projet soit ou non “soumis
à la loi Huriet”, et le CCPPRB n’aura pas la dureté de cœur de
refuser d’examiner le projet.
✓ Connaissance imprécise de la mission exacte d’un CCPPRB,
observée tant chez beaucoup d’investigateurs, de cadres de l’industrie pharmaceutique en charge du développement clinique
que chez certains membres de CCPPRB, voire même des administrations compétentes. Certains comités s’engagent d’ailleurs
dans un rôle de conseil, à la demande d’investigateurs. On
s’étonnera de ce mélange de genres, conduisant le comité à donner ensuite un avis sur le protocole issu de ses recommandations (23).
64
✓ Réticence des comités à se déclarer incompétents… déclaration d’incompétence pouvant mettre le chercheur dans l’embarras (cf. supra).
✓ Internationalisation des recherches conduisant les acteurs à
se cadrer insensiblement sur le modèle dominant, celui des IRB.
De ce point de vue, la profusion de congrès de vulgarisation
des réglementations donnant la parole à des orateurs d’origines
diverses, industriels, académiques, administratifs, plus issus
des milieux scientifiques que juridiques, contribue à répandre
une vision critique d’un système qu’on nommera alors des
“particularités franco-françaises”[e], c’est-à-dire cultivant de
façon ringarde une exception à “une règle européenne”, voire
occidentale, donc mondiale.
En pratique, les industriels ont d’ailleurs intérêt, pour l’organisation de leurs essais internationaux, non à une harmonisation, mais à la plus large uniformisation des procédures par le
monde industrialisé...
✓ Tendance naturelle pour les pharmacologues membres des
comités, les plus présents aux réunions (23), à faire valoir leurs
compétences.
✓ Sans oublier la volonté délibérée de certains de parvenir à
ce que les comités obtiennent à terme le rôle le plus large dans
le contrôle de la recherche (en référence implicite ou explicite
aux IRB). Il s’agit là d’une stratégie de pouvoir dont on a pu
voir ci-dessus qu’elle était présente, dès le début, dans la
construction du système.
Analyse juridique du caractère et des missions des CCPPRB
Le législateur a pris soin de construire une expression particulièrement alambiquée pour dénommer les comités, à
la place de l’expression “comité d’éthique”. Ce n’est pas
sans intentions. Il convient de retenir que, si l’on peut aller
“de l’éthique au droit” (bien qu’il ne soit pas certain que la
transposition dans le droit de grands principes supposés universels suffise à résoudre les questions posées par l’éthique),
l’une n’est pas l’autre ; l’interrogation “comment conduire ma
vie de chercheur” n’est pas “comment préserver l’ordre
public”. Si les principes de l’éthique applicables à la
recherche scientifique sont à peu près les mêmes dans tous les
pays développés, l’encadrement juridique est très variable
d’un pays à l’autre.
“L’éthique explore les possibilités de transformer la relation
entre expérimentateurs et expérimentés pour qu’elle devienne
une relation humaine positive et bien vécue. La loi vise à
protéger les gens contre d’éventuels abus de la recherche”
(24), voire même des chercheurs.
[e]
Comme si l’IRB n’était pas typiquement américano-américain !
La Lettre du Pharmacologue - Volume 18 - n° 2 - avril-mai-juin 2004
L
Une grande imprécision règne quant à la frontière entre
l’éthique et le droit. Il est fréquent de relever, dans les protocoles d’essais cliniques, à la rubrique préconisée par la déclaration d’Helsinki : “Considérations éthiques relatives au pré sent protocole”, la réponse : “Ce protocole a été conduit
selon la loi Huriet-Sérusclat”, sans que les auteurs d’un tel
contresens aient conscience de son incongruité.
En mai 1991, le ministère des Affaires sociales et de l’Intégration va publier un “Guide des textes législatifs et régle mentaires” destiné à permettre aux acteurs sociaux organisant des recherches biomédicales de se retrouver dans les
nouvelles dispositions. Bien que de valeur juridique modeste,
ce document comporte des indications intéressantes, notamment les considérations liées à l’expression “pertinence
générale du projet”. Pour s’assurer de la réalité de cette pertinence, le comité doit vérifier que le projet “vise bien un
objectif scientifique (la question posée est-elle une vraie
question ?), qu’il ne repose pas sur des bases erronées, péri mées ou insuffisantes, qu’il ne présente pas des défauts de
conception manifestes qui compromettraient la valeur des
données recueillies”(25).
Dans la mise en place des comités, la partie réglementaire du
code de la Santé publique imposait l’adoption de statuts
conformes à des statuts-types fixés par décret en Conseil
d’État (article R 2009 – CSP), ces statuts devant être ensuite
complétés par un règlement intérieur précisant les modalités
de fonctionnement de comités.
Ces statuts-types n’ont jamais été adoptés, et l’édifice actuel
n’est par conséquent ni complet ni satisfaisant du point de
vue juridique.
Yves Gaudemet (26), relevant cette difficulté sérieuse, y a vu
“un grief d’incompétence qui, en cas de contentieux, constitue rait un moyen d’ordre public que le juge pourrait relever d’office”. Concernant les attributions des comités, le même auteur
précise : “La mission des CCPPRB est uniquement d’apprécier
si le projet de recherche présenté respecte bien les conditions de
la législation et de la réglementation en vigueur assurant la pro tection des personnes qui se prêtent à la recherche médicale
selon les dispositions du livre correspondant du CSP”.
La loi, aménageant en matière de recherche biomédicale une
véritable police administrative spéciale, confie au ministre de
la Santé publique (ou, dans le cas des essais préparant l’autorisation de mise sur le marché [AMM] d’une spécialité pharmaceutique, au directeur de l’Agence française de sécurité de
la santé publique [AFSSAPS]), les compétences de police, lui
donnant pouvoir de suspension ou d’interdiction d’un essai.
Le ministre est éclairé dans ces décisions par l’“avis” du
comité “consultatif”, lequel n’a qu’une compétence d’avis.
La consultation est toutefois obligatoire.
La Lettre du Pharmacologue - Volume 18 - n° 2 - avril-mai-juin 2004
É G I S L A T I O N
Au reste, l’avis défavorable d’un CCPPRB sur un protocole
de recherche n’empêche pas le promoteur de mettre celui-ci
en œuvre. Le promoteur doit cependant attendre deux mois
avant de passer à l’acte, à compter de la réception par l’autorité compétente de cet avis défavorable, le temps pour l’autorité compétente d’interdire le projet s’il lui paraît nécessaire
de le faire. Quant à l’exacte nature des CCPPRB, relevant
qu’ils sont dotés de la personnalité juridique et de ressources
propres, en utilisant la méthode traditionnelle du faisceau
d’indices, Yves Gaudemet conclut : “Ces comités, créés unila t é r alement par l’État, agréés par le ministre, constitués par le
Préfet, bénéficiant de ressources fixées par la loi, installés au
sein de service administratif et ayant pour unique fonction
d’éclairer les décision du ministre, ont vraisemblablement
une personnalité morale de droit public”, se distinguant toutefois de celle d’autres personnes publiques plus traditionnelles.
Pour Dominique Thouvenin (27), “La mission du comité
n’est pas quelconque : il doit apprécier les protocoles de
recherche en examinant leurs conditions de validité. Les élé ments sur lesquels devront porter l’avis appartiennent à deux
catégories distinctes : les premiers concernent les conditions
juridiques aux termes desquelles la loi autorise une
recherche, tandis que les seconds sont d’ordre plutôt tech nique et visent la qualité scientifique du projet”.
Relevons que cette qualité scientifique est à apprécier de
façon générale (pertinence générale du projet et adéquation
entre les objectifs et les moyens), un avis défavorable pouvant être fondé sur le caractère grossièrement inepte ou
inadéquat, insuffisant, mal fondé, mal construit d’un projet,
sans aller jusqu’à la déviation de l’analyse détaillée de la
méthode, de l’inspection sur place, ou de la critique approfondie des données scientifiques objectives représentant le
dernier état des connaissances.
Soulignons que les autocontrôles existent ; ils relèvent de la
responsabilité des promoteurs et des investigateurs, qu’il
n’est pas question ici de remplacer. Le premier examen d’un
projet est celui du promoteur, et doit concerner aussi bien les
aspects scientifiques qu’éthiques, parallèlement aux aspects
législatifs et réglementaires. Un deuxième examen incombe à
l’investigateur, tant du point de vue scientifique que déontologique. Aucun investigateur n’est tenu de s’engager sans
discernement dans un protocole qui ne lui paraîtrait pas
convenable sur l’un ou l’autre de ces critères.
Ensuite, le CCPPRB a pour mission de vérifier que les chercheurs se proposent de respecter les règles imposées par la loi.
La loi ayant, en 1994, ouvert la possibilité pour un CCPPRB
de se faire transmettre, en cours d’essai, des informations par
l’investigateur, transmission rendant possible une modification de l’avis favorable initial, on a pu voir dans cette latitude
l’existence ou l’amorce d’un rôle des comités dans la gestion
des événements adverses graves susceptibles d’être observés
en cours d’essai.
65
L
É G I S L A T I O N
En fait, le ministre de la Santé ou le directeur général de
l’AFSSAPS sont les seuls compétents pour tirer, en termes de
suspension ou d’interdiction d’un essai, les conséquences des
événements indésirables graves. La loi dispose explicitement
que “le promoteur informe, dès qu’il en a connaissance, l’au torité administrative compétente de tout effet ayant pu, à la
survenue d’un décès, provoquer une hospitalisation ou entraî ner des séquelles organiques ou fonctionnelles durables, et
susceptibles d’être dû à la recherche” (article L 1123-8/CSP).
Le ministre de la Santé a créé une commission d’experts[f]
ayant en particulier la mission “d’examiner les événements
indésirables graves susceptibles d’être dus à des recherches
biomédicales… de proposer le cas échéant toute mesure utile,
notamment des demandes d’informations complémentaires
ou des mesures de suspension ou d’interdiction desdites
recherches”. Cela lui permet d’exercer, avec les analyses
techniques utiles, le pouvoir de police administrative lui
incombant de façon générale, et précisé en matière de
recherches biomédicales.
Portée juridique de l’avis du CCPPRB (à la date du 31 mars 2004),
à retenir pour l’étude du futur
Aux termes de l’article L 1123-1 (CSP), les CCPPRB sont
des organismes consultatifs qui rendent des avis et non des
décisions. La décision finale de mettre en œuvre une recherche
appartient au promoteur, et seule l’autorité administrative
compétente (le ministre de la Santé ou le directeur général
de l’AFSSAPS) peut, le cas échéant, suspendre ou interdire
cette recherche par une décision, l’avis défavorable devant lui
être transmis par le comité. Simple acte préparatoire, l’avis
du comité ne peut être déféré au juge de l’excès de pouvoir.
En revanche, la régularité externe ou interne de l’avis peut
être contestée à l’occasion d’un recours pour excès de pouvoir qui serait dirigé contre une décision d’interdiction de
recherche prise par le ministre après avis défavorable du
comité :
✓ Motifs de forme, une irrégularité de l’avis tenant au fonctionnement du comité (qualité des membres, quorum, droits de
la défense, statut et règlement intérieur etc.).
✓ Motifs de fond de l’avis (compétence du comité pour retenir
tel motif à un avis défavorable ne relevant pas de sa mission,
détournement de pouvoir ou de procédure, erreur de fait,
absence de motivation...).
Toutefois, un jugement du tribunal administratif de Paris (28),
répondant à une demande d’annulation de l’avis défavorable
d’un CCPPRB, précise “que l’administration n’est pas tenue
Arrêté du 8 décembre 1992 portant création d’un groupe d’experts sur les
recherches biomédicales.
[f]
66
par l’avis envisagé par le comité ; que cet avis a par suite un
caractère préalable et n’est pas susceptible d’être directement
l’objet d’un recours pour excès de pouvoir, que sa régularité
ne peut être contestée qu’à l’occasion de la décision prise sur
cet avis” par le ministre, s’il en prend une.
Cependant, pour obtenir une indemnité du juge administratif,
le promoteur doit justifier d’un préjudice actuel et certain
(refus des investigateurs et des personnes d’engager la
recherche au vu de l’avis défavorable) et d’un lien direct de
causalité entre le comportement du comité (avis défavorable
injustifié ou mal fondé, retard, lenteur, voire absence d’avis)
et le dommage (refus des investigateurs d’engager la
recherche). La preuve devra cependant être apportée que
l’avis est entaché d’irrégularité de forme ou de fond et que le
caractère défavorable de l’avis est infondé, ce qui permet, le
cas échéant, au promoteur d’avoir accès au procès-verbal de
la séance du CCPPRB et oblige celui-ci à motiver ses avis
défavorables.
L’éventuelle modification d’avis favorable suite à des informations relatives à la survenue “d’événements indésirables
graves” pendant la recherche, et dont le comité aurait
demandé à être informé par l’investigateur, selon l’article
1123-9 CSP, mérite examen : le comité n’a pas compétence
pour se prononcer sur la nature et la portée “d’événements
indésirables graves”. Ses missions, énumérées à l’article
L 1123-7 CSP, ne font d’ailleurs pas mention de l’appréciation
de ce type d’événements cliniques, sauf à prendre dans ce
sens très particulier le concept large de “protection des parti cipants”. La compétence est explicitement attribuée par le
législateur à l’autorité administrative, et c’est vers elle que le
promoteur est renvoyé pour toute information complémentaire à une déclaration d’événement grave susceptible d’être
dû à la recherche.
La transformation par un comité d’un avis favorable en un
avis défavorable sur le motif de l’appréciation qu’il a faite
d ’ e ffets indésirables graves des médicaments à l’essai ne
serait pas sans conséquences.
L’avis défavorable devant être communiqué à l’ensemble
des investigateurs et aux personnes participant à la
recherche, nul doute que cette communication entraînerait
dans le devenir de l’essai des retraits préjudiciables à
sa poursuite, et, par conséquent, un dommage quantifiable
pour le promoteur (voire pour les investigateurs). La question ne serait plus celle de l’annulation d’un acte administratif de suspension ou d’interdiction auquel l’avis
est préparatoire, mais de la réparation d’un dommage, dont
le comité, doté de la personnalité juridique, aurait vraisemblablement à répondre dans le cadre d’un recours
contentieux.
La Lettre du Pharmacologue - Volume 18 - n° 2 - avril-mai-juin 2004
L
LE COMITÉ CONSULTATIF DE LA PROTECTION
DES PERSONNES DANS LA RECHERCHE BIOMÉDICALE
(CCPPRB) DEVIENT COMITÉ DE PROTECTION
DES PERSONNES (CPP)
International Conference on Harmonization
“La Conférence internationale d’harmonisation (ICH)
concernant les exigences techniques préalables à l’enregis trement des spécialités pharmaceutiques à usage humain”
avait pour but “de faire en sorte que les autorités compétentes
de l’Europe, du Japon et des États-Unis d’Amérique, d’une
part, et les experts de l’industrie pharmaceutique de ces trois
régions, d’autre part, puissent s’entendre sur les aspects
scientifiques et techniques relatifs au dossier d’enregistre ment des produits”[g].
Afin d’aboutir à des accords permettant la reconnaissance
mutuelle des dossiers de demande d’AMM des spécialités
pharmaceutiques entre ces trois entités géopolitiques des
membres issus des institutions représentatives de l’industrie
pharmaceutique concernées, des personnalités désignées par
les autorités compétentes européennes, américaines et japonaises se sont réunies régulièrement, en comités spécialisés.
L’aboutissement du processus s’est concrétisé par la production de textes (29), établissant des principes et des procédures
faisant consensus, proposés à la prise en considération, voire
à l’adoption par les États, dans leur législation ou leur réglementation internes. Les textes ICH ne sont pas, par nature,
juridiquement opposables, mais peuvent être considérés (sauf
dispositions différentes des autorités compétentes impliquées)
comme des usages utilisables entre professionnels. Du point
de vue des essais cliniques, les recommandations ICH ne
considèrent que ceux effectués en préalable à la mise sur le
marché d’une nouvelle spécialité pharmaceutique, ce qui
n’est qu’une partie de la “recherche biomédicale”.
Dès le début de leurs travaux, les participants à l’ICH n’ont
pas manqué de se préoccuper de ce “comité indépendant”
recommandé par la Déclaration d’Helsinki (version Tokyo),
pour constater qu’il existait, pour les États-Unis, le système
des IRB, réglementairement organisés, pour l’Europe des dispositions officieuses ou officielles variables d’un État
membre à l’autre, et, pour le Japon, une absence des structures
de ce type, culturellement explicable.
Note de l’auteur : du point de vue du droit de la Communauté européenne,
harmonisation n’est pas synonyme d’unification. L’harmonisation, prévue par
l ’ a rticle 100 du traité CEE, consiste en le rapprochement entre États membres
des dispositions législatives, réglementaires et administratives ayant une incidence directe sur l’établissement et le fonctionnement du marché commun (du
“marché intérieur” depuis le traité de Maastricht). L’adaptation des droits nationaux étant susceptible de degrés, l’incidence du droit communautaire d’harmonisation peut varier d’un pays à l’autre, suivant le caractère propre de chacun et
sa proximité plus ou moins grande par rapport au modèle commun à réaliser. Le
droit communautaire et le droit national ont trois modes de relations, l’harmonisation, la substitution, la coordination. Ils peuvent également se borner à
coexister.
[g]
La Lettre du Pharmacologue - Volume 18 - n° 2 - avril-mai-juin 2004
É G I S L A T I O N
Tenant compte de ces diversités, la définition retenue en 1995
associera dans une même rubrique : Institutional Review
Board (IRB)/Independent Ethics Committee (IEC) : “Structure
indépendante constituée de médecins et de scientifiques, et de
membres n’appartenant pas à ces professions, qui a la respon sabilité d’assurer la protection des droits et du bien-être des
personnes participant à un essai clinique, et de garantir au
public la réalité de cette protection par le fait de l’approbation
ou l’avis favorable du comité sur le protocole de l’essai, ses
amendements, la méthode et les installations utilisées, ainsi
que les informations délivrées pour recueillir le consentement
éclairé des personnes participant à l’essai”.
La directive 2001/20/CE
Tandis que la FDA plaçait le guide des “bonnes pratiques
cliniques ICH” en annexe de la réglementation fédérale, la
Commission européenne a choisi d’en faire la matière d’une
directive européenne “relative à l’application des bonnes
pratiques cliniques dans la conduite d’essais cliniques de
médicaments à usage humain”.
Le Parlement européen et le conseil de l’Union européenne
“considérant que les principes de base reconnus pour la
conduite d’essais cliniques chez l’homme sont fondés sur la
protection des droits de l’homme et de la dignité humaine à
l’égard des applications de la biologie et de la médecine,
telle qu’elle est évoquée, par exemple, dans la version de
1996 de la Déclaration d’Helsinki, que la protection des par ticipants à un essai clinique est assurée par une évaluation
des risques fondée sur les résultats des essais de toxicologie
préalables à tout essai clinique, par le contrôle exercé par
les comités d’éthique, par les autorités compétentes des États
membres ainsi que par les règles de protection des données
personnelles”,… décident… qu’un “comité d’éthique (l’ap pellation en usage dans la quasi-totalité des États membres a
prévalu) (est un) organe indépendant, composé de professionnels
de la santé et de membres non médecins, chargé de préserv e r
les droits, la sécurité et le bien-être des participants à un essai
et de rassurer le public à ce sujet, notamment en formulant un
avis sur le protocole d’essai, l’aptitude des investigateurs et
l’adéquation des installations, ainsi que sur les méthodes et les
documents à utiliser pour informer les participants aux essais
en vue d’obtenir leur consentement éclairé”, définition similaire à celle préconisée par la conférence ICH.
Dans le dispositif de cette directive, sont à citer, pour illustrer
le présent exposé, les articles :
✓ A rticle 7 …“Le promoteur ne peut commencer un essai
clinique qu’après délivrance d’un avis favorable de la part du
comité d’éthique”…
7.4. “Le comité d’éthique est tenu d’émettre son avis avant le
commencement de tout essai clinique au sujet duquel il a été
sollicité”…
67
L
É G I S L A T I O N
7.4.3 Ce comité d’éthique formule son avis en prenant en
compte, notamment, les éléments ci-après :
a) la pertinence de l’essai clinique et de sa conception ;
b) le protocole ;
c) l’aptitude de l’investigateur et de ses collaborateurs ;
d) la brochure de l’investigateur ;
e) la qualité des installations ;
f) l’adéquation et l’exhaustivité des informations écrites à
fournir ainsi que la procédure, dans le but de formuler le
consentement éclairé ;
g) les dispositions prévues en vue de la réparation, de l’in demnisation en cas de dommage ou de décès imputables à
l’essai clinique ;
h) toutes assurances ou indemnités couvrant la responsabilité
de l’investigateur et du promoteur ;
i) les montants et les modalités de rétribution ou d’indemni sation éventuelles des investigateurs et des participants à
l’essai clinique et les éléments pertinents de tout contrat
prévu entre le promoteur et le site ;
j) les modalités de recrutement des personnes participant à
l’essai.
7.6. Pendant la période d’examen de la demande d’avis, le
comité d’éthique ne peut formuler qu’une seule demande de
renseignements en complément des informations déjà fournies
par le demandeur.
✓ Article 8
8.1. Après le commencement de l’essai clinique, le promoteur
peut apporter des modifications au protocole. Lorsque ces
modifications sont substantielles et sont de nature à présenter
des incidences sur la sécurité des participants ou à changer
l’interprétation des pièces scientifiques qui viennent appuyer
le déroulement de l’essai, ou si elles sont significatives
de quelque point de vue que ce soit, le promoteur notifie
les raisons et le contenu de ces modifications aux autorités
compétentes du ou des États membres concernés et en informe
le comité d’éthique ou les comités concernés... Le comité
d’éthique rend un avis sur la proposition de modification… Si
cet avis n’est pas favorable, le promoteur ne peut pas mettre
en œuvre la modification du protocole.
✓ Article 15
15.1. a) Le promoteur s’assure que toutes les informations
importantes concernant les suspicions d’effets indésirables
graves inattendus ayant entraîné ou pouvant entraîner la
mort sont enregistrées et notifiées le plus rapidement possible
aux autorités compétentes de tous les États membres concer nés, ainsi qu’au comité d’éthique...
c) Toutes les suspicions d’autres effets indésirables graves
inattendus sont notifiées aux autorités compétentes concernées,
ainsi qu’au comité d’éthique concerné…
d) …Une fois par an pendant toute la durée de l’essai clinique,
68
le promoteur fournit aux États membres de la Communauté
sur le territoire desquels l’essai clinique est conduit et au
comité d’éthique une liste de toutes les suspicions d’effets
indésirables graves survenus au cours de cette durée, ainsi
qu’un rapport concernant la sécurité des participants à l’essai
clinique.
Ces différents articles [h] sont en voie de transposition législative et réglementaire dans le code de la Santé publique.
S’agissant de dispositions relatives à la protection des personnes, constitutionnellement de la compétence du législateur,
un projet de loi a par conséquent été soumis par le gouvernement au Parlement.
Paradoxalement, la directive européenne, instaurant un avis
obligatoirement favorable, renforce l’ancrage du comité dans
le droit administratif français.
La loi Huriet-Sérusclat, version 200 4
Différentes dispositions modifient notablement la façon de
mettre en place et de conduire une recherche biomédicale en
France. Certaines concernent les CCPPRB, devenant comités
de protection des personnes (CCP), la disparition du C de
consultatif étant censée traduire le caractère de l’avis rendu,
qui doit désormais être obligatoirement favorable pour que la
recherche biomédicale puisse être mise en œuvre (il n’empêche que, juridiquement, la procédure reste “consultative”).
Cet avis est demandé non plus par l’investigateur, mais par le
promoteur.
“Le comité rend son avis sur les conditions de validité de la
recherche au regard de :
– la protection des personnes, notamment la protection des
participants ;
– l’adéquation et l’exhaustivité des informations écrites à
fournir ainsi que la procédure à suivre pour obtenir le
consentement éclairé, et la justification de la recherche sur
des personnes incapables de donner leur consentement
éclairé ;
– la nécessité éventuelle d’un délai de réflexion ;
– la pertinence de la recherche, le caractère satisfaisant de
l’évaluation des bénéfices et des risques attendus et le bienfondé des conclusions ;
– l’adéquation entre les objectifs poursuivis et les moyens mis
en œuvre ;
– la qualification du ou des investigateurs ;
– les montants et les modalités d’indemnisation des partici pants ;
– les modalités de recrutement des participants.
L’avis concernant “les montants et modalités de rétribution
des investigateurs” prévu dans la directive européenne a un
Rappelons qu’une directive européenne s’adresse, en règle générale, non aux
personnes physiques ou morales, mais aux États membres. Tant qu’elle n’a pas
fait l’objet d’une transposition en droit interne, la directive est (sauf cas particul i e rs) inopérante pour les ressortissants d’un État membre donné.
[h]
La Lettre du Pharmacologue - Volume 18 - n° 2 - avril-mai-juin 2004
L
instant figuré dans le projet de loi, pour disparaître en deuxième lecture à l’Assemblée nationale (séance du 27 avril 2004).
L’analyse classique est que cet aspect de la construction d’une
recherche biomédicale relève d’un contrat de droit privé entre
le promoteur et l’investigateur, non soumis à l’appréciation de
tiers.
L’article 1121-23 (CSP) est complété par une phrase ainsi
rédigée : “L’autorité compétente est informée des modifica tions apportées au protocole de recherche introduites à la
demande du comité de protection des personnes”.
Le comité, si la recherche envisagée lui paraît “comporter par
l’importance des contraintes ou la spécificité des interven tions auxquelles elle conduit un risque sérieux d’atteinte à la
vie privée du corps humain”, peut renvoyer vers le conseil de
famille ou le juge des tutelles l’éventualité du consentement
d’un mineur ou majeur sous tutelle, d’une personne sous curatelle ou vers le juge des tutelles, celui d’une “personne majeure
hors d’état d’exprimer son consentement et ne faisant pas
l’objet d’une mesure de protection juridique”.
Le comité s’assure, avant de rendre son avis, que la compatibilité du lieu de recherche avec les impératifs de sécurité et l e s
éventuelles autorisations préalables dont il doit faire l’objet
sont satisfaisantes. Toute modification substantielle du protocole pendant la recherche est également soumise à l’avis favorable. Le comité rend également un avis sur le protocole d’information et de suivi des recherches visant à évaluer les soins
courants non médicamenteux dans le cadre habituel de l’exercice médical.
Les membres du comité adressent aux préfets de région, à
l’occasion de leur nomination, une déclaration relative aux
“conflits d’intérêts” qu’ils pourraient avoir avec les promoteurs ou les investigateurs, déclaration rendue publique et
actualisée à leur initiative, permettant à quiconque de relever
une incompatibilité.
Les catégories existantes dans lesquelles s’inscrivent les
membres (domaine biomédical, questions éthiques, sociales,
psychologiques, juridiques) s’étendent maintenant aux
“représentants des malades et des usagers du système de
santé”.
Au cours de la réalisation de l’essai, le comité doit être informé, parallèlement à l’autorité administrative compétente
(l’AFSSAPS pour les essais de médicament, le ministre pour
les autres recherches) des événements et effets indésirables,
des faits nouveaux susceptibles de porter atteinte à la sécurité
des personnes et des mesures palliatives prises. Si le comité
peut s’assurer, si nécessaire, que les personnes participant à la
recherche ont été informées des effets indésirables et qu’elles
La Lettre du Pharmacologue - Volume 18 - n° 2 - avril-mai-juin 2004
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confirment leur consentement, c’est l’autorité compétente qui
conserve sur ce sujet l’autorité de police administrative, et
demeure, de ce fait, le demandeur et le destinataire des informations complémentaires fournies par le promoteur. Le comité est informé de l’arrêt de la recherche et des raisons d’un
arrêt anticipé. Ne sont pas soumises aux précédentes dispositions les recherches “dans lesquelles tous les actes sont prati qués et les produits utilisés de manière inhabituelle et lorsque
aucune procédure supplémentaire ou inhabituelle de diagnos tic ou de surveillance n’est appliquée”.
Les modifications les plus intéressantes du point de vue du
droit administratif sont, sans conteste, le changement de régime des conditions préalables à la mise en place d’un essai,
déclaration à l’origine, devenant une autorisation, et la coexistence avec cette autorisation d’un avis obligatoirement favorable. “La recherche biomédicale ne peut être mise en œuvre
qu’après avis favorable du comité de protection des per sonnes et l’autorisation de l’autorité compétente. La demande
d’avis au comité et la demande d’autorisation à l’autorité
compétente peuvent ou non être présentées simultanément, au
choix du promoteur”.
Le comité et l’autorité sont destinataires, de façon croisée, des
modifications introduites dans un protocole à la demande de
l’un ou de l’autre.
Passons rapidement sur les démarches du promoteur. Il doit
recueillir à la fois un avis favorable sur le protocole de
recherche, portant sur les différents points énumérés supra, de
la part du CPP, et une autorisation de procéder à l’essai, acte
administratif unilatéral, délivré par l’autorité compétente. En
l’absence de l’une comme de l’autre, il ne peut procéder à la
recherche biomédicale projetée.
Curieusement, il a la possibilité de demander l’avis avant ou
après avoir demandé l’autorisation. On pourrait en conclure
que ces deux demandes portant sur des points différents, peu
importe leur ordre d’accomplissement.
Il existe cependant des indices conduisant à hiérarchiser :
✓ Le choix des mots : le comité ne donne pas une autorisation
mais émet un avis.
✓ La définition des missions : tandis que l’autorisation compétente intervient sur tout ce, qui dans un projet de recherche
ou pendant la réalisation d’une recherche (voire même après),
est de nature à mettre en péril la santé publique ou la protection des personnes, la portée de l’avis du comité fait l’objet
dans la loi d’une énumération précise, plus restrictive. On
retiendra, pour l’interprétation de la loi, le classique recours
aux travaux parlementaires qui rendent compte de ce qui a été
choisi, mais également de ce qui a été refusé. Ici, tout particulièrement : “La pertinence de la recherche et de sa conception
scientifique, notamment méthodologique” réduit à “la perti nence de la recherche”. Le dictionnaire précise, pour p e rt i nence : “Ce qui est conforme à la raison, au bon sens – ce qui
69
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c
o
n
v
i
e
n
t
exactement à l’objet dont il s’agit”. Dans la mission du CPP
figure également l’appréciation du “caractère satisfaisant de
l’évaluation des bénéfices et des risques attendus et le bienfondé des conclusions”.
✓ La priorité dévolue à l’autorité administrative compétente
quant aux informations complémentaires sur la recherche ou à
l’éventualité d’une suspension ou d’interdiction.
✓ L’existence d’une disposition selon laquelle, nonobstant la
personnalité juridique attribuée aux comités, “en cas de faute
du comité dans l’exercice de sa mission, la responsabilité de
l’État est engagée”.
✓ La possibilité, pour le promoteur contestant un avis défavorable, de demander au ministre un deuxième examen par un
autre comité désigné par l’autorité administrative.
Il est évident que l’autorité administrative ne peut in fine (car
le dernier mot lui appartient) autoriser une recherche biomédicale ayant fait l’objet d’un avis défavorable de la part du
comité, car l’avis est aussi à destination de l’autorité compétente, mais celle-ci peut refuser d’autoriser une recherche
ayant fait l’objet d’un avis favorable. Au sens du droit administratif, le refus est une abstention, pas un acte exprimé, mais
le silence gardé par l’administration peut être assimilé à une
décision tacite ou implicite.
Se retrouve ici un principe déterminé par la jurisprudence
administrative pour les avis dits “conformes”. Si l’administration ne peut pas agir autrement que dans le sens de l’avis
qui lui a été transmis, elle conserve la faculté de ne pas agir.
C’est-à-dire, dans le cas présent, de ne pas autoriser. La situation de la recherche biomédicale passant d’un régime purement déclaratoire à un régime d’autorisation préalable avec
avis conforme, l’autorisation procède de l’intervention de
deux participants coauteurs d’un acte unilatéral, le comité et
l’autorité compétente.
Reste à déterminer l’auteur de l’acte final, car un acte administratif ne peut être indifféremment édicté par n’importe qui.
Il ne peut l’être que par celle des autorités qui est qualifiée à
cette fin par le droit, celle qui a l’aptitude légale, la compétence. Les règles de compétence s’imposent de manière stricte.
Les défauts constatés dans les interventions des CCPPRB,
péchant parfois par amateurisme, confusion ou appréciation
très large de ce sur quoi ils ont à émettre un avis, ne sont plus
de mise pour les CPP. Les infractions aux règles de compétence constituent des illégalités d’ordre public, susceptibles
d’être soulevées, à l’occasion d’une action contentieuse, à
tout moment par le juge, qu’elle se fonde sur des motifs de
compétence au sens géographique (compétence ratione loci)
ou relevant de la matière entrant dans la sphère propre à
chaque autorité, l’une s’ingérant dans les attributions de
l’autre (compétence ratione materiae). Les solutions des
infractions aux règles de compétence sont la nullité de l’acte
70
ou le recours en excès de pouvoir. Possibilités ouvertes si le
CPP s’aventure, notamment, dans les voies de l’évaluation
scientifique, éthique ou méthodologique des protocoles.
Toutefois (30) “le contentieux des procédures consultatives
est dominé par la double idée que la consultation constitue
une mesure préparatoire qui s’incorpore à l’acte définitif, et
que l’avis donné ne constitue pas une décision faisant grief.
Il en résulte que les irrégularités concernant la procédure de
consultation ne peuvent être soulevées qu’à l’occasion d’un
recours dirigé contre l’acte administratif final et que l’avis en
lui-même est insusceptible de recours” (CE, 5 avril 1957,
commune de Abymes A JDA 1957, p. 290 conclu. Lasry).
Un avis défavorable contesté ne sera attaqué que par un
recours contre l’absence d’autorisation lui faisant suite, une
absence d’autorisation faisant suite à un avis favorable étant
directement susceptible de recours.
CONCLUSION
Le rôle et les missions du CCPPRB, devenant CPP, ne dépendent pas des vœux des uns et des autres ou des souhaits de
telle société savante. Institué par la loi et réglementairement
organisé, ce comité procède de la volonté du législateur,
exprimant la volonté générale. Il en va ainsi dans notre État de
droit... même si les conséquences qui en découlent ne coïncident pas exactement avec la vision que les professionnels de
la recherche biomédicale peuvent avoir de l’institution.
■
R
É F É R E N C E S
B I B L I O G R A P H I Q U E S
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G
À Jack Baillet
S
elon les dires de certains historiens et
des témoins de l’époque, Napoléon Ier
mangeait comme il baisait : vite et mal. Il a
toutefois laissé son nom à une position
érotique, dite “Napoléon sur les remparts”.
Une recette est également rattachée à son
nom : celle du poulet à la Marengo.
Concernant la chorégraphie amoureuse, nous
renverrons le lecteur aux informations de
son site Internet favori. Quant à la recette de
cuisine, davantage dans le sujet de cette
rubrique, la voici après quelques mots d’explication.
Dunand, le cuisinier suisse du Premier
consul, avait reçu des ordres très précis.
Son patron, les jours de bataille, ne man-
[1]
Pain de guerre : également appelé pain de munition. Préparation boulangère destinée aux soldats
et ayant la particularité d’être, au moment de sa
consommation, difficilement entamable par une
mâchoire normale.
geant que lorsque la victoire était assurée,
il mettait, à intervalles réguliers, un poulet
à rôtir, de façon à ce qu’une volaille soit
toujours cuite à point. À Marengo, le
14 juin 1800, la précaution fut inutile. La
charge de cavalerie s’étant portée fort avant
dans les positions autrichiennes, les fourgons de l’intendance étaient restés à une
distance considérable du bivouac. Voyant
l’ennemi en fuite, le général Bonaparte
demande son repas, jugeant le moment
venu de s’alimenter. Drame. Rien sous la
main à la roulante. Le maître queux fit
s’activer les fourriers, les plantons et les
ordonnances pour battre la campagne à la
recherche de quelque chose à briffer. La
récolte se limita à trois œufs, quatre
tomates, six écrevisses, une petite poulette,
un peu d’ail, de l’huile d’olive, une poêle.
Avec du pain de guerre[1], Dunand confectionna tout d’abord une panade à l’huile et
à l’eau, puis, ayant plumé, vidé et découpé
la volaille, il la fit revenir à l’huile, mit
les œufs à frire, avec les gousses d’ail et les
tomates, arrosa le tout d’eau rehaussée d’un
peu de cognac tiré de la gourde du général,
et posa les écrevisses sur l’appareil pour les
cuire à la vapeur.
La Lettre du Pharmacologue - Volume 18 - n° 2 - avril-mai-juin 2004
A S T R O N O M I E
L’ensemble fut servi sur un plat d’étain, le
poulet entouré des œufs frits et des écrevisses, arrosé de la sauce. Bonaparte s’en
régala et dit à Dunand : “Tu m’en serviras
comme ça après chaque bataille”.
Mais Dunand s’était bien rendu compte
que les écrevisses étaient en trop et n’avait
aucune raison de figurer dans l’assiette.
Il reconsidéra la préparation, remplaça
l’eau par du vin blanc et ajouta des champignons. Mais Napoléon préférait avec les
écrevisses. Il en fit part, vertement, à son
officier de bouche. Elles demeurent, par
conséquent, dans la recette traditionnelle,
telle qu’elle est rapportée par Paul Bocuse
dans sa “Cuisine du marché”. Le maître y
ajoute des truffes. Fantaisie superfétatoire...
comme si on trouvait des truffes, en juin,
sur un champ de bataille !
Alex Corton, gastrologue de garde
71
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