La Lettre du Pharmacologue - Volume 18 - n° 2 - avril-mai-juin 2004
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Le premier rôle d’un comité d’éthique est de
garantir, pour toute étude chez l’homme, l’adhé -
sion d’un groupe, ce qui est une protection assez
efficace contre les projets inavouables.Ainsi Alain Spriet et
Pierre Simon préconisaient-ils
(1)
aux expérimentateurs, en
1982, de soumettre tout projet à un comité d’éthique “dont le
rôle sera spécifiquement d’examiner, dans le protocole, si les
intérêts des sujets recevant les traitements étudiés sont res -
pectés. À cette époque, les comités d’éthique étaient une
nouveauté dans le paysage français de la pharmacologie cli-
nique. Depuis, les recommandations sont devenues obliga-
tions légales. Les comités locaux d’éthique ont été remplacés
par des CCPPRB (Comité de protection des personnes dans la
recherche biomédicale), mutation dont le sens, vingt ans plus
tard, ne semble pas avoir été perçu par beaucoup d’acteurs de
la recherche biomédicale, universitaires, hospitaliers, indus-
triels, voire même administratifs. Mais il est dans la nature
des choses qu’un professionnel soit approximatif dès lors que
la matière abordée n’appartient pas à sa discipline ou à son
métier. Or, ce n’est pas dans les ouvrages de pharmacologie
clinique qu’il convient de chercher les éléments permettant de
définir les CCPPRB, mais dans le code de la Santé publique
(CSP) et les principes généraux du droit administratif. De
fausses similitudes en idées reçues, de références non perti-
nentes, issues de la littérature médicale anglo-saxonne, à des
interprétations erronées, parfois candides, parfois volontaires,
le CCPPRB demeure un objet mal identifié. Sa courte histoi-
re est d’ailleurs fertile en luttes d’influence. Il a d’abord failli
être intégré dans un système de comités d’éthique, manœuvre
vite avortée. Des tentatives récurrentes ont ensuite visé à le
transformer en comité scientifique ; quatre fois, le législateur
s’est opposé à une telle orientation. Le CCPPRB avait peine à
se situer entre une lecture très “biomédicale” de ses prérogatives
et une interprétation strictement juridique de ses missions.
Paradoxalement, c’est une directive européenne qui va l’ancrer
( d é f i n i t i v e m e n t ?) dans le droit public.
*Unité de pharmacologie clinique, hôpital Saint-Antoine, 75012 Paris.
[1]
Comité de protection des personnes dans la recherche biomédicale :
in France, Special Committee in charge of verifying the legal aspects of
protection of people before the initiation of a clinical trial.
RÉSUMÉ.
La question des missions et de la place des CCPPRB dans le système administratif de contrôle des re c h e rches biomédicales connaît
un regain d’actualité, grâce à la transposition en droit interne français de la directive 2001/20/CE relative aux bonnes pratiques cliniques. Il
apparaît clairement, à la lecture des textes pertinents, que les CCPPRB ne sont ni des comités scientifiques, ni des comités d’éthique, même si
leur rôle dans la protection des personnes qui se prêtent à des re c h e rches médicales comporte des considérations relatives à la pertinence de
la re c h e r che envisagée et n’exclut pas des références aux principes généraux de l’éthique biomédicale.
La coexistence, nouvellement organisée par la loi pour la mise en route d’un essai, d’un avis obligatoirement favorable et d’une autorisation
administrative préalable renvoie à la jurisprudence classique en droit administratif de “l’avis conforme”. Cela devra conduire les CCPPRB,
devenant CPP (Comités de protection des personnes), à une préoccupation de plus grande rigueur juridique dans leur mode de fonctionnement,
leurs avis et les éléments pris en considération pour les motiver.
Mots-clés :
Comité d’éthique - CCPPRB - Recherches biomédicales - Législations essais cliniques.
ABSTRACT.
We can see a renewed topicality about the missions and place of CCPPRBs in the administrative control system of the biomedical
research since the 2001/20/EC Directive relating to Good Clinical Practice was adapted to the French law. On reading relevant texts, it clear -
ly appears that CCPPRBs are neither scientific nor ethics committees, even if their role in the protection of people involved in medical resear -
ch takes into account the relevance of the planned research and refers to the general principles of biomedical ethics.
The recent legal obligation to have a favourable opinion together with a preliminary administrative authorization before starting a trial refers
to the usual jurisprudence of “the approval” in the administrative law. CCPPRBs are becoming CPP (Committees of Protection of People)
and consequently will have to be more rigorous on a legal level in their operating mode, their opinions and the choice of elements taken into
account to justify them.
Keywords:
Ethic Committee - CCPPRB
[1]
- Biomedical researches - Clinical trials rules.
Le CCPPRB, des origines à demain
CCPPRB, past, present, future
J.P. Demarez*
Au moment son texte fondateur, la loi dite loi Huriet-
Sérusclat, vient d’être modifié, peut-être est-il temps de
remettre les choses en perspective.
LE “COMITÉ D'ÉTHIQUE”,UN CONCEPT D'IMPORTATION
De Nuremberg à Helsinki
En 1947, un tribunal militaire aricain sgeant à
Nuremberg avait à juger trente médecins allemands accusés,
entre autres crimes, d'avoir pratiqué des expérimentations sur
des prisonniers en temps de guerre. L'avocat du principal
inculpé, mentionnant des essais concernant la malaria, réali-
sés à la prison d’État de Chicago (2), rétorqua qu'aux États-
Unis, il en avait été de même durant la même période.
L’émotion fut grande, et, le 13 mars 1947, le gouverneur de
l’Illinois, Dwight H. Green, constituait un comité ayant pour
mission d’examiner les conditions de réalisation de ces essais.
Le comité devait se prononcer sur l’éventualité de déviations
entre les protocoles expérimentaux et les conditions normales
de la pratique médicale, vérifier si les prisonniers inclus dans
les recherches étaient tous informés et consentants, et dire si
le système de remise de peine destiné à récompenser la bonne
conduite en milieu carcéral était acceptable dans cette situa-
tion, du point de vue de l’authenticité du volontariat.
Tocqueville (3) avait déjà remarqué cette propension des
Américains, héritée des pionniers de la Nouvelle-Angleterre,
à se réunir en comité pour examiner toute question un peu
sérieuse posée par la vie en collectivité. Illustration de la
démocratie directe les intéressés s’intéressent moins à la
théologie qu’à l’application de la théologie au quotidien.
Ce comité, en quelque sorte le premier comité d’éthique”,
rassemblait trois médecins, un rabbin, un jésuite, un juriste et
un industriel producteur de cornflakes, ce dernier représentant
ici le profane (en langage moderne : la société civile).
Rapportant quelque temps plus tard leur expérience dans les
colonnes d’une revue médicale (4), les membres du comité
conclurent en recommandant que, dans le futur, un comité
permanent soit mis en place, pour conseiller les autorités de
santé publique en matière de recherches sur l’homme.
En 1957, examinant les aspects médico-légaux” de l’expéri-
mentation humaine, Irwin Ladimer préconisait l’organisation
de comités ayant pour fonction de relire, préalablement à leur
réalisation, les projets de recherche médicale, ne serait-ce
qu’à titre de précaution, tant pour la responsabilité du cher-
cheur que pour la sécurité du volontaire participant (normal
volunteers or patients) (5).
Accepté en juin 1964 par l’Association médicale mondiale,
lors de son assemblée générale d’Helsinki, le “code d’Éthique
de l’Association médicale mondiale pour l’expérimentation
humaine” ne dit mot d’un tel comité.
Toutefois, de façon quasiment simultanée, en 1975, les autorités
fédérales américaines prennent en référence la déclaration
d’Helsinki, et l’Association médicale mondiale (assemblée
nérale de Tokyo) modifie cette déclaration, en recommandant
que, avant la mise en place d’une expérimentation sur l’hom-
m e , le protocole “soit soumis pour examen, commentaires et
conseils à un comité constitué spécialement à cet effet, indé -
pendant du chercheur et du promoteur”. Une commission
officielle ayant dévoilé les pratiques discutables de certains
chercheurs, pour remédier à de telles déviations, la Food and
Drug Administration (FDA) définit alors le système des
Institutional Review Boards (IRB), expression qui peut s’ap-
pliquer (6) à tout conseil, comité ou groupe, explicitement
désigné par une institution pour examiner, approuver la mise
en place et assurer le contrôle régulier, tout au long de sa réa-
lisation, d’une recherche pratiquée sur l’homme (7). Le but
principal de cet examen est la garantie de la protection des
droits et de la santé des personnes participant à la recherche.
À partir de 1981, tout essai clinique, préalablement à sa décla-
ration à la FDA, doit avoir fait l’objet de l’approbation et du
contrôle d’un IRB (8). La FDA limite l’acceptation d’un essai
clinique réalisé en dehors des États-Unis, et présenté pour
l’enregistrement d’un médicament par l’administration améri-
caine, à la condition d’avoir été construit selon les principes
énoncés dans la déclaration d’Helsinki (version 1975, puis
1983, puis 1989
[a]
), c’est-à-dire ceux d’un essai clinique ayant,
en particulier, fait l’objet de l’examen d’un comité indépen-
dant, préalablement à sa mise en place.
Cette restriction a entraîné, dans les années 1980, en Europe
en général et en France
[ b ]
en particulier, la création de comités
d’éthique hospitaliers ou hospitalo-universitaires.
Le Conseil national de l’Ordre des médecins avait, à ce propos,
apporté les précisions suivantes (9) :
“Le Conseil national de l’Ordre approuve la procédure des
comités déontologiques (appelés aussi comités d’agréments,
comités scientifiques et éthiques) existant déjà dans les pays
anglo-saxons et à titre exceptionnel en France. Leur rôle doit
être d’apprécier le caractère scientifique des projets, la com -
pétence des expérimentateurs, la réalité du consentement
l i b re des sujets, les précautions de prudence prévues. Ils ont à
donner un avis, éventuellement à conseiller des modifications
dans les projets. Les comités doivent avoir communication
des contrats passés entre les investigateurs et les firmes phar -
maceutiques”.
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[a]
La dernière version de la déclaration d’Helsinki (Édimbourg, 2000) comport a n t
des recommandations auxquelles elle ne souscrit pas (concernant en particulier
l’usage du placebo comme comparateur), la FDA s’est abstenue d’y faire réfé-
rence. FDA Guidance for Industry-Acceptance Foreign Clinical Studies, mars
2001.
[b]
Ils sont nés de l’initiative d’administrations hospitalières ou de celle de praticiens
de la recherche clinique et, du fait de leur fermeture aux étrangers au monde de
la santé, ont plus produit une “évaluation par les pairs”, qu’un examen
“éthique” au sens général du terme, particulièrement au regard du consente-
ment informé. Au reste, leur consultation n’était ni obligatoire, ni formalisée.
En octobre 1984, le Comité consultatif national d’éthique (10)
saisi par Edmond Hervé, secrétaire d’État auprès du ministre
des Affaires sociales, chargé de la Santé, d’une demande
d’avis sur les problèmes d’éthique posés par les essais de
médicaments chez l’homme”, recommande que tout essai de
médicament soit obligatoirement soumis, préalablement à sa
mise en place, à un comité d’éthique. Celui-ci aurait pour mis-
sion de vérifier que les obligations préalables à la réalisation
d’un essai sont remplies :
Obligation de prérequis pharmacologiques et toxicologiques.
Valeur scientifique du projet.
Bilan risques-avantages acceptable.
Consentement libre et éclairé “sauf exceptions justifiées par
l’intérêt du patient”.
Un putsch raté : l’avant-projet Braibant
Une enquête (11), réalisée en 1985 par la Direction de la
Pharmacie et du Médicament (DPhM) et la Direction générale
de la Santé (DGS), identifie l’existence de vingt et un comités
d’éthique, dont neuf de création très récente, le plus grand
nombre comprenant une “majorité de membres médecins,
scientifiques et infirmiers et une minorité de membres dits
profanes”. Le nombre total de membres dans un comité varie
de dix à vingt-quatre.
L’occupation principale de ces comités est l’expérimentation
des médicaments, cinq d’entre eux se préoccupant également
“des questions liées à la vie et à la mort”. Les comités
expriment des avis, favorables, défavorables ou assortis de
conditions, par consensus entre les membres présents.
Curieusement, l’enquête ne se préoccupe pas d’interroger les
comités sur l’identité ou la nature des “demandeurs d’avis”,
se bornant à relever que “c’est l’expérimentateur qui soumet
son projet”. Expérimentateur pour le compte de qui ? Sans
doute, dans la quasi totalité des cas, pour le compte d’une
firme pharmaceutique.
Un groupe de travail (12), réuni en octobre 1988, définit ainsi
les éléments sur lesquels devrait porter l’avis d’un comité
d’éthique dans le cadre d’une recherche médicale :
L’acceptabiliquantitative et qualitative des “prérequis”,
informations scientifiques sur lesquelles se fonde la recherche
envisagée.
La méthodologie, le comité devant simplement s’assurer que
la pertinence générale du projet est adaptée aux objectifs, sans
entrer dans les détails de la méthodologie proposée. Ainsi, un
comité d’éthique doit s’assurer que la puissance de l’essai est
adaptée à ses objectifs et que la sélection des malades se fera de fon
a p p ropriée, mais il n’a pas à pre n d re position en ce qui concerne
le choix du test statistique ou de la thode d’évaluation”.
L’appréciation du rapport bénéfice/risque individuel, consi-
déré comme “un point essentiel de la réflexion du comité”.
Les modalités d’information et de consentement du patient,
le consentement étant un élément essentiel de l’éthique des
essais, “même si, dans des cas très particuliers (soins en
u rgence notamment), le comité doit pouvoir admettre des excep -
tions à ce principe”. Cette position relative au consentement
était un progrès, les médecins hospitaliers réalisant les essais
cliniques ayant, à l’époque, l’habitude de pratiquer vis-à-vis du
consentement explicite à la recherche la restriction mentale ou
l’omission. Les patients français étaient considérés par eux
comme inaptes à cette démarche.
S’incluant dans une préoccupation européenne de finition de
“bonnes pratiques cliniques” (BPC) dans l’expérimentation
pharmaceutique, la DPhM publie, en 1987, un document (13)
où le terme de “comité d’éthique” apparaît. Il est précisé que :
“Ce terme a été retenu en raison de son emploi dans le lan -
gage courant et dans la littérature, il ne saurait préjuger de
la nature administrative ni de l’étendue des compétences de
ces comités”. Un essai ne peut débuter qu’après avis du
“comité d’éthique, “avis portant sur :
L’appréciation de la qualification de l’investigateur pour les -
s a i projeté, et l’adéquation des moyens dont il dispose.
La pertinence rale du protocole soumis par l’investigateur.
L’adéquation entre l’objectif de l’essai, ses risques potentiels e t
les désagréments liés aux modalités prévues par le protocole.
L’information destinée aux sujets ou à leurs parents ou
tuteurs ainsi que les modalités de recueil du consentement.
Dans les cas exceptionnels où le consentement ne peut être
obtenu, les raisons doivent en être fournies.
L’existence d’une assurance couvrant la responsabilité civile
de l’investigateur et du promoteur”.
En cours d’essai, le “comité d’éthique” devra être saisi
“lorsque des éléments nouveaux entraînent une modification
significative du protocole ou sont susceptibles de remettre en
cause l’avis donné initialement”.
jà en 1985, un projet de loi “ r elatif aux essais chez l’homme
d’un médicament ou dune substance susceptible de le devenir, en
dehors de tout acte de soinsavait préci, de sonté ( 1 4 ) , que :
Un comiconsultatif pour les essais de médicaments,
charde rendre un avis préalable à tout essai, est institué à
l’échelon régional”.
“Le comité est saisi par la personne qui décide de réaliser
ou de faire réaliser un essai dénommé promoteur de l’essai”.
L’avis du comité porte notamment sur :
“Les conditions relatives aux essais”.
“La nature et les modalités de l’information destinée aux
personnes qui acceptent de se soumettre à l’essai”.
“La situation créée par l’existence éventuelle d’un lien de
dépendance entre le promoteur et le directeur de l’essai d’une
part, et les catégories de personnes susceptibles de participer
à l’essai d’autre part”.
Le comité s’assure également que les indemnis éventuellement
versées pour compenser les éventuels désagréments ou les
frais et pertes de gains subis par la personne participant du fait
de l’essai ne sont pas disproportionnées.
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Dans une lettre accompagnant ce projet, Jacques Dangoumau,
directeur de la Pharmacie et du Médicament, soulignait à l’in-
tention du ministre des A f faires sociales, Georgina Dufoix ( 1 5 ) :
“Certains souhaitent d’une part que ces comités soient appe -
lés comités d’éthique, et que leur vocation soit plus large (que
les seuls essais de médicaments… expérimentation chez
l’homme en général, et même expérimentation scientifique),
d’autre part que des possibilités de recours vers le comité
national d’Éthique en cas d’avis négatif du comité local
soient prévues.
Il ne faut pas se cacher que derrière ces considérations se dis -
simule un conflit de pouvoir. Qui est le véritable responsable
de l’expérimentation ou du développement du produit : le
chercheur et l’industriel, ou bien la structure médicale (ou
l’administration)?”
Il y a effectivement des conflits de pouvoir.
Le 5 septembre 1988, parallèlement au dépôt par un groupe de
sénateurs, à l’initiative de MM. Huriet et Sérusclat, d’une pro-
position de loi “relative aux essais sur l’homme d’une sub -
stance à visée thérapeutique ou diagnostique”, le premier
Ministre, Michel Rocard, a charle conseiller d’État Guy
Braibant d’une étude destinée à “répondre aux problèmes
nouveaux posés par les sciences de la vie”.
Ce travail fait suite à un rapport, remis par le Conseil d’État ( 1 6 )
le 21 j a n v i e r 1988, intitulé De l’éthique au dro i t ”, également
confié au conseiller Braibant.
En relation étroite avec Jean Bernard, président du Comité
national d’Éthique pour les sciences de la vie et de la santé, le
conseiller Braibant rédige un avant-projet de loi (17) ayant en
vue de mettre en place un réseau de comités d’éthique visant
“Par une activité de consultation, de réflexion, de formation
et d’information, à promouvoir l’éthique de la recherche
menée dans les domaines de la biologie, de la médecine et de
la santé.
Ces comités (pourraient), sans préjudice des attributions de
l’Ordre national des médecins, s’associer aux réflexions que
suscitent, pour les professionnels de la santé, les problèmes
éthiques nés de la pratique médicale”. “Ils (auraient) notam -
ment pour objet de contribuer à la protection des personnes
qui se prêtent à des recherches biomédicales, en formulant un
avis sur les projets de recherche”.
Le comité national d’Éthique pour les sciences de la vie et de
la santé assurerait la coordination des comités locaux
“à tous les niveaux”.
Ce texte restera à l’état d’avant-projet.
Les comités d’éthique locaux, structures officieuses, s’étiole-
ront, à quelques exceptions près, suite à la mise en place, à
partir de décembre 1988, des comités consultatifs de protec-
tion des personnes dans la recherche biomédicale (CCPPRB).
L’administration prendra ainsi congé des comités d’éthique ( 1 8 ) :
“La compétence et le dévouement de leurs membres ont per -
mis à ces comités de jouer un rôle très bénéfique : bien que
leur avis soit dépourvu de portée juridique, ils ont beaucoup
contribué à la qualité de la recherche et à la protection des
personnes”.
LE COMITÉ CONSULTATIF DE LA PROTECTION
DES PERSONNES DANS LA RECHERCHE BIOMÉDICALE
(CCPPRB) SELON LA LOI 88.1138 DU 20 DÉCEMBRE 1988
“RELATIVE À LA PROTECTION DES PERSONNES
DANS LA RECHERCHE BIOMÉDICALE”
Genèse et évolution de sa définition législative
La première mouture de ce texte, plus connu sous le nom de
“loi Huriet-Sérusclat”, est “relative aux essais chez l’homme
d’une substance à visée thérapeutique ou diagnostique”. Se
réclamant explicitement de la déclaration d’Helsinki révisée à
Tokyo en 1975, elle prévoit, tout naturellement, que :“Tout
essai pratiqué chez l’homme est soumis à l’avis préalable
d’un comité d’éthique déclaré auprès du ministère chargé de
la Santé. L’avis du comité d’éthique porte notamment sur les
conditions de l’essai et sur la pertinence générale du projet”.
Au cours des navettes entre le Sénat (19) et l’Assemblée
nationale, la proposition de loi
[c]
change de titre, et devient, le
13 octobre 1988, “relative à la protection des personnes dans
la re c h e rch e biomédicale”. Dans cette version, l’avis
“consultatif du comité local d’éthique porte sur les conditions
de validité de la recherche, notamment la pertinence généra -
le du projet, les moyens techniques et financiers et la protec -
tion des participants”.
Mais la Commission des Affaires culturelles familiales et
sociales de l’Assemblée nationale propose, le 16 novembre
1988 (20), de remplacer l’expression “comité d’éthique” par
“comité consultatif de protection des personnes dans la
recherche biomédicale”.
“Ces comités locaux ne doivent pas se substituer au législa -
teur ou au comité national d’éthique, seul compétent pour
donner des avis sur les grandes questions morales soulevées
par la recherche biomédicale. Il importe d’organiser ces
comités autour de l’État et de ses services extérieurs pour
éviter la prolifération de comités ad hoc ou l’influence pré -
pondérante de personnalités ou de groupes locaux. Enfin, il
convient d’assurer le pluralisme au sein de ces comités au-
delà des professionnels de la médecine”.
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[c]
Un p rojet de loi émane du gouvernement, une p r oposition de loi émane des
p a r l e m e n t a i r e s .
En fait, cette déclaration reprend implicitement les princi-
paux reproches relevés à l’encontre des comités d’éthique
locaux en place : large prépondérance des médecins dans leur
composition, magistère de certaines “grandes consciences”,
hétérogénéité des façons de voir, ambivalence des rapports
entre les dignitaires hospitaliers et les firmes pharmaceu-
tiques, incapacité à traiter les problèmes relatifs au consente-
ment informé à l’expérimentation, considéré par le milieu
médical comme inadapté à la sensibilité du malade.
Il paraît souhaitable au rapporteur que la mission des comités
spécifiques chargés de la protection des personnes dans la
recherche biomédicale “soit limitée à l’appréciation des pro -
tocoles de recherche à l’exclusion de toute autre réflexion,
soit sur les grandes questions éthiques, soit sur les problèmes
liés à des décisions cliniques ou thérapeutiques concrètes, ce
qui relève du colloque singulier entre le praticien et ses
patients, mais également à l’exclusion de toute appréciation
qui en ferait des précommissions d’autorisation de mise sur le
marché, s’agissant des protocoles d’essai de substances phar -
maceutiques”, c’est-à-dire les considérations pharmacolo-
giques ou méthodologiques. Il s’agit, avant tout, d’installer un
contrôle démocratique des recherches biomédicales, par la
constitution d’un comité d’examen.
En 1994, des amendements destinés à modifier la loi Huriet-
Sérusclat sont déposés. Lors de la séance du 15 juin 1994, est
soulevée, à l’Assemblée nationale, la question du champ de
compétence du CCPPRB. Il est rappelé à cette occasion que
“les comités consultatifs de protection des personnes dans la
recherche biomédicale ne sont ni des comités scientifiques, ni
des comités locaux d’éthique”.
Le législateur décide alors de préciser les limites du rôle du
CCPPRB en inscrivant dans la loi, après la phrase “Le comité
rend son avis sur les conditions de validité de la re c h e rc h e
la restriction suivante… “au regard de la protection des
personnes”, certains comités se laissant aller à d’autres consi-
dérations que celles prévues par la législation.
Toutefois, les sollicitations effectuées auprès des parlemen-
taires concernés par les représentants des comités ne restent
pas improductives. Ils souhaitaient que le rôle du comité puis-
se se poursuivre au cours de l’essai :“Beaucoup de membres
des comités déplorent de n’être pas tenus informés des suites
des projets de recherche qu’ils ont examinés, et particulière -
ment des déclarations d’événements graves faite au ministère
(de la Santé) par les promoteurs. Cette revendication s’appuie
sur la réglementation américaine (sic)
[d]
et sur la note expli -
cative du comité des spécialités pharmaceutiques communau -
taire qui prévoit que les événements graves survenus au cours
d’essais doivent être déclarés au comité consulté” (21).
Un amendement proposé par le sénateur Claude Huriet et
repris par le député Jean-François Mattei conduit à une modi-
fication de la loi dans ce sens, modification pas aussi expli-
cite que souhaité. La loi 94-630 du 28 juillet 1994 dispose :
“Le CCPPRB peut émettre dans les conditions prévues à
l’article L 209-12 un avis favorable à la réalisation d’une
recherche, sous réserve de la transmission d’informations
complémentaires par l’investigateur pendant le déroulement
de celle-ci.
À la suite de cette transmission, le comité peut maintenir ou
modifier son avis…”
La demande des représentants des comités de voir étendre le
rôle de leur structure a été entendu ailleurs qu’au Parlement.
Lors des débats à l’Assemblée nationale concernant la loi
2003-303 du 4 mars 2002, “relative aux droits des malades
et à la qualité du système de santé”, une tentative est faite
par la DGS, visant à conférer un rôle de “comité scienti-
fique” au CCPPRB, par l’adjonction, après “la pertinence
générale du projet”, expression figurant à l’article L 1123-7
du code de la Santé publique (CSP), des mots “notamment
la qualité de sa conception scientifique”.
Cet amendement sera rejeté.
Autre tentative en juin 2003 (la dernière en date), le projet de
loi relatif “à la politique de santé publique”. Dans ce texte,
une disposition émanant de la DGS prévoit, outre la création
de comités spécialisés à compétence nationale pour tel type
de recherche, à la fonction nettement scientifique, un article
L41-5 proposant de confier aux CCPPRB, qui deviennent les
“comités de protection des personnes (CPP)”, une mission
plus large, en relation avec les orientations de la directive
européenne 2001/20/CE concernant les essais cliniques de
médicaments : “Le comité rend son avis sur les conditions de
validité de la recherche au regard de la protection des per -
sonnes, sur…, la pertinence générale du projet et de sa
conception scientifique, le caractère satisfaisant de l’évalua -
tion des bénéfices et des risques attendus et l’adéquation
entre les objectifs poursuivis et les moyens mis en œuvre ainsi
que la qualification du ou des investigateurs”.
Lors de la séance du 14 octobre 2003, les débats conduisent à
un échange entre le ministre de la Santé, Jean-François Mattei,
et le député Claude Evin, échange susceptible de clore les
questions d’un éventuel rôle scientifique des CCPPRB (ou de
la nouvelle appellation CPP), et de leur compétence en
matière d’éthique :
Claude Evin : “Il est hors de question d’ignorer que des
recherches nécessitent une expertise. Il importe donc que les
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Note de l’auteur : se manifeste ici l’habituelle référence implicite ou explicite
au rôle des IRB.
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