D O S S I E R T H É M A T I Q U E Place des explorations dans la prise en charge de l’incontinence fécale ● F. Guillemot, A. Abifadel, B. Mauroy, M. Bourneville* P O I N T S F O R T S MANOMÉTRIE ANORECTALE P O I N T S F O R T S La manométrie permet l’étude des fonctions anales (résistives), et rectales (capacitives). La manométrie anorectale se pratique avec différentes sondes : cathéters perfusés, sonde à ballonnet ou capteurs électroniques avec des résultats comparables. La sonde enregistre la pression de repos des parties haute et basse du canal anal, la contraction volontaire, le réflexe anal inhibiteur (partie haute) et excitateur (partie basse), ainsi que la pression rectale, reflet de la pression abdominale. Un ballonnet de distension rectale reproduisant l’arrivée des selles permet de solliciter le réflexe anal inhibiteur à la partie haute et anal excitateur à la partie basse du canal anal. La sensibilité rectale est évaluée par le ballonnet gonflé progressivement mesurant d’abord le plus faible volume de perception consciente, puis constante, et finalement le volume maximal tolérable, avec envie impérieuse d’exonérer. La mesure de la compliance traduisant l’élasticité de la paroi rectale est pratiquée après la mesure des pressions sphinctériennes. La courbe d’adaptation du rectum à un volume donné permet d’obtenir facilement, par le rapport du volume du ballon sur la pression à l’intérieur du ballon, la compliance (figure 1). La manométrie anorectale n’est pas ■ L’interrogatoire minutieux et l’examen clinique suffisent le plus souvent au diagnostic et à la prise en charge initiale. ■ L’échographie endo-anale est l’exploration de référence chez les patients présentant une incontinence fécale d’origine sphinctérienne. ■ La manométrie anorectale permet de rechercher une cause rectale souvent méconnue par l’examen clinique. ■ Les explorations neurophysiologiques sont souhaitables avant traitement chirurgical. ■ La défécographie dynamique prend tout son intérêt en s’intégrant dans une pelvigraphie globale. ■ Les explorations fonctionnelles anorectales ne peuvent être dissociées d’une approche périnéologique. a connaissance de la physiologie anorectale et des mécanismes de la continence a bénéficié du développement des explorations fonctionnelles anorectales : manométrie anorectale, explorations neurophysiologiques et défécographie dynamique. Exploration morphologique, l’échographie endo-anale permet la détection des ruptures sphinctériennes parfois méconnues par l’examen clinique. Plus récemment, le barostat rectal a permis une meilleure compréhension du mécanisme de certaines incontinences fécales d’origine rectale (1). Pourtant, la pertinence clinique de ces différents examens et leur place dans l’exploration d’une incontinence fécale restent à définir. Qu’attendre des explorations fonctionnelles dans la prise en charge de l’incontinence fécale ? L * Consultation pluridisciplinaire de périnéologie, CH de Roubaix. Figure 1. Manométrie anorectale : les deux ballonnets inférieurs sont positionnés en regard des parties haute et basse du canal anal. Ils permettent l’enregistrement du réflexe anal-inhibiteur (en jaune) obtenu après distension du ballon intrarectal et de la concentration volontaire (en rouge). La courbe pression/volume évalue l’adaptabilité des parois rectales au volume du ballonnet intrarectal. La lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 1 - vol. V - janvier-février 2002 19 D O S S I E R T exempte de critiques méthodologiques : la perfusion rectale des capteurs peut être responsable d’artefacts comme un relâchement réflexe de la partie haute du canal anal, le diamètre et la forme de la sonde peuvent modifier les pressions de repos, l’enregistrement est statique et réalisé en décubitus latéral. Malgré ces réserves, quels sont les résultats de la manométrie anorectale chez les patients incontinents ? La comparaison des mesures des pressions sphinctériennes chez les patients incontinents montre une diminution des pressions sphinctériennes par rapport aux témoins (2). Cependant, il n’existe pas de valeurs de pressions discriminantes, avec des zones de chevauchement importantes tant pour les pressions de repos que pour la contraction volontaire (3). En revanche, l’absence de réflexe anal excitateur est évocatrice d’une atteinte neurogène en première approche (4). Le seuil de perception consciente et constante, le délai de reconnaissance de la distension rectale, le volume maximal tolérable et la compliance rectale peuvent être altérés, mais sans que ces anomalies soient discriminantes chez les patients incontinents. Que peut apporter la manométrie anorectale par rapport à l’examen clinique dans la prise en charge d’un patient incontinent ? Sur le plan diagnostique, l’examen clinique est le plus souvent suffisant pour identifier une cause sphinctérienne. Toutefois, la manométrie, simple et atraumatique, permet d’identifier une cause rectale d’approche plus difficile par le simple examen clinique : trouble de la sensibilité dans l’incontinence fécale neurogène ou dans la constipation terminale compliquée d’encoprésie, volume maximal tolérable diminué dans les rectites radiques ou inflammatoires, par exemple. Sur le plan thérapeutique, la visualisation des anomalies sphinctériennes permet d’orienter la rééducation anorectale. Par ailleurs, les données objectives fournies par la manométrie anorectale sont une référence pour les traitements ultérieurs, en particulier chirurgicaux. Cependant, la valeur pronostique des données de la manométrie anorectale sur les résultats est très discutée, quel que soit le traitement préconisé, de rééducation ou chirurgical (5). Seule l’existence d’une hypotonie majeure paraît être un élément pronostique péjoratif (6). La manométrie anorectale ne semble donc pas indispensable en première intention à la prise en charge d’un patient présentant une incontinence fécale. EXPLORATIONS NEUROPHYSIOLOGIQUES Les explorations neurophysiologiques en proctologie sont essentiellement l’exploration électromyographique directe du muscle (EMG) et la mesure du temps de latence du nerf pudendal. L’EMG permet, par l’aiguille, l’exploration directe du muscle sphincter externe, mais également du muscle puborectal. La mesure du temps de latence est effectuée après stimulation endorectale pratiquée au contact du trou obturateur, à l’émergence du nerf pudendal. Le recueil réalisé à la partie basse pour la branche anale, en regard du bulbocaverneux pour la branche périnéale, permet le 20 H É M A T I Q U E calcul de la vitesse de conduction et de son ralentissement éventuel. Sur le plan diagnostique, l’existence d’une neuropathie pudendale a été fréquemment rapportée chez les patients présentant une incontinence fécale (7). Certains auteurs ont expliqué cette fréquence par la dénervation liée à l’étirement au cours de la descente périnéale constatée chez les patients présentant une incontinence fécale (8,9). Cependant, la signification clinique de la présence d’une neuropathie pudendale est discutée : ainsi, l’existence d’une corrélation entre les anomalies des temps de latence et les pressions sphinctériennes chez les patients présentant une incontinence fécale, dite idiopathique, est polémique, avancée par certains travaux, mais contestée par d’autres (10,11,12). La dénervation pourrait être le reflet du “vieillissement périnéal” plus qu’un facteur étiologique majeur d’incontinence (13). Sur les plans thérapeutique et pronostique, la place des explorations neurophysiologiques est discutée. L’existence d’une dénervation périnéale paraît être un facteur de mauvais pronostic pour la rééducation et pour la réparation chirurgicale par sphinctéroplastie (6,14). Cependant, la valeur pronostique des résultats des explorations neurophysiologiques est contestée par d’autres, suggérant des études prospectives pour une meilleure évaluation de la place de ces explorations (15,16). En pratique, les explorations neurophysiologiques ne sont pas indispensables en première intention à la prise en charge des patients présentant une incontinence fécale. En revanche, la réalisation d’explorations neurophysiologiques est souhaitable avant traitement chirurgical, l’existence d’une dénervation importante imposant une information complète du patient quant aux risques de persistance de l’incontinence. La place des explorations neurophysiologiques dans le bilan avant discussion d’un sphincter artificiel ou d’une neuromodulation des racines sacrées sera envisagée dans un autre article du dossier. ÉCHOGRAPHIE ENDO-ANALE L’échographie endo-anale permet une visualisation anatomique des sphincters interne et externe, validée par l’exploration chirurgicale ultérieure des ruptures sphinctériennes (17) (figure 2). Différents artifices, en particulier l’abord vaginal, permettent d’affiner l’examen, dont l’orientation de la rupture. Sur le plan diagnostique, sa sensibilité et sa spécificité sont excellentes, de 90 à 100 %. Sur le plan thérapeutique, l’existence d’un angle de rupture important peut remettre en cause l’indication d’une sphinctéroplastie. La persistance d’une incontinence fécale après réparation sphinctérienne doit faire rechercher la récidive d’une rupture par échographie endo-anale (18). En pratique, la réalisation de l’échographie endo-anale est souhaitable quand une incontinence sphinctérienne est suspectée par l’interrogatoire – incontinence active avec urgence défécatoire – et/ou par l’examen clinique, quand est suspectée une solution de continuité lors du toucher anal. En particulier, la rupture du sphincter interne peut être méconnue par l’examen clinique. La lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 1 - vol. V - janvier-février 2002 D O S S I E R T H É M A T I Q U E incontinence fécale interrogatoire examen clinique rectum sphincter traitement d'épreuve EEA succès échec rupture MAR : sphinter, rectum ? sphincter Figure 2. Échographie endo-anale : rupture complète du sphincter anal interne (rétraction) et externe, en regard du quadrant supérieur. DÉFÉCOGRAPHIE La défécographie dynamique est un examen à la fois morphologique et fonctionnel. Elle permet, par opacification de l’ampoule rectale avec traceur dans le canal anal, la mesure de l’angle anorectal au repos, en poussée retenue et en évacuation, l’évaluation de la descente périnéale, la recherche d’une rectocèle, de son type – haute ou basse – et de son caractère fonctionnel en fin d’évacuation. Il est souhaitable de la compléter, au minimum, par une opacification préalable des anses grêles pour recherche d’entérocèle, ou mieux, par une opacification vaginale et vésicale permettant une pelvigraphie. Sur le plan diagnostique, sa place reste cependant limitée dans le bilan d’une incontinence fécale. L’angle anorectal est fréquemment augmenté chez les patients incontinents par rapport aux témoins, mais sa signification reste imprécise (19). En effet, l’ouverture de l’angle anorectal est fréquemment associée à une descente périnéale, qui, elle-même, paraît être la conséquence du vieillissement plutôt que la cause d’incontinence. Par ailleurs, il n’y a pas de relation entre la descente périnéale constatée en défécographie, l’existence d’une neuropathie et l’importance de l’incontinence fécale (20). En pratique, la défécographie dynamique isolée a peu d’utilité dans la prise en charge des patients avec incontinence fécale. En revanche, la défécographie dynamique prend tout son intérêt quand elle est intégrée à une pelvigraphie, permettant une prise en charge globale périnéologique. Ainsi, les rapports d’une rectocèle et d’une cystocèle et l’existence d’une élytrocèle dans une colopocèle peuvent être aisément visualisés et bénéficier d’une approche globale. Dans un futur proche, l’IRM dynamique permettra la visualisation précise des éléments de soutènement du périnée. CONCLUSION Au total, que retenir des explorations fonctionnelles dans l’exploration d’une incontinence fécale ? L’interrogatoire et l’examen clinique rigoureux et systématique permettent d’orienter EEA rectum traitement spécifique succès défécographie dynamique troubles de la statique ? pas de rupture MAR/ENP échec EEA :récidive de la rupture ? Figure 3. Place des explorations dans la prise en charge thérapeutique de l’incontinence fécale, (MAR : mamométrie anorectale, EEA : échographie endo-anale, ENP : explorations neurophysiologiques). d’emblée le diagnostic et la prise en charge thérapeutique chez la majorité des patients (figure 3). Les explorations fonctionnelles prennent tout leur intérêt dans un deuxième temps, en cas d’échec de la prise en charge médicale ou avant un traitement chirurgical (21). La recherche d’autres troubles du périnée moyen ou antérieur, incontinence urinaire en particulier, est essentielle chez les patients présentant une incontinence fécale. L’approche pluridisciplinaire offre aux patients une prise en charge globale périnéale et aux coloproctologues l’opportunité de passionnantes confrontations avec les autres spécialistes. ■ Mots clés. Incontinence fécale – Anus – Rectum – Manométrie – Endosonographie – Électromyographie. R É F É R E N C E S B I B L I O G R A P H I Q U E S 1. Siproudhis L, Belissant E, Pagenault M et al. Fecal incontinence with normal anal canal pressures : where is the pitfall ? Am J Gastroenterol 1999 ; 94 : 1556-63. 2. Felt-Bersma RJF, Klikenber G, Knol EC et al. Ano-rectal function investigations in incontinent and continent patients. 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Bartolo DCC, Jarrat JA , Read MG et al. The role of partial denervation of the La lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 1 - vol. V - janvier-février 2002 21 D O S S I E R T H puborectalis in idiopathic faecal incontinence. Br J Surg 1983 ; 70 : 664-7. 9. Infantino A, Melega E , Negrin P et al. Striated anal sphincter electromyography in idiopathic fecal incontinence. Dis Colon Rectum 1995 ; 38 : 27-31. 10. Rieger NA, Sarre RG, Saccone GT et al. Correlation of pudendal nerve terminal motor latency with the results of anal manometry. Int Colorectal Dis 1997 ; 12 : 303-7. 11. Suileabhain CB, Horgan AF, McEnroe L et al. The relationship of pudendal nerve terminal motor latency to squeeze pressure in patients with idiopathic fecal incontinence. Dis Colon Rectum 2001 ; 44 : 666-71. 12. Osterberg A, Graf W, Edebol Eeg-Olofsson K et al. Results of neurophysiologic evaluation in fecal incontinence. Dis Colon Rectum 2000 ; 43 : 1256-61. 13. Jorge JMN, Wexner SD, Ehrenpreis ED et al. 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Annoncez-vous... Annoncez-vous... Annoncez-vous... Annoncez-vous... Annoncez-vous... Annoncez-vous... D O S S I E R T H É M A T I Q U E Quelles sont les répercussions des résultats des explorations complémentaires dans la prise en charge thérapeutique de l’incontinence fécale ? ✑ L. Siproudhis*, F. Guillemot ** incontinence fécale de L’ l’adulte est une pathologie fréquente, sous estimée et insuffisamment prise en charge (1). Le coût moyen généré par l'incontinence fécale postobstétricale est, aux États-Unis, de 17 166 dollars par patiente. Si les prestations du médecin ne représentent que 18 % des coûts thérapeutiques, les explorations complémentaires s’élèvent à 64 % des dépenses d'évaluation et de suivi symptomatique (2). La réalisation d’explorations complémentaires dans cette pathologie peut avoir pour but : a) de vérifier et de quantifier le symptôme (test de continence aux liquides, manométrie anale) ; b) de comprendre le mécanisme physiopathologique dont les symptômes procèdent (endosonographie anale, défécographie, manométrie anorectale, exploration neurophysiologique) ; c) d’orienter la thérapeutique. Seul ce dernier type d’indication présente de l’intérêt pour le patient. Les données de la littérature dans ce domaine sont pourtant peu nombreuses et concluent de façon contradictoire. Deux travaux rétrospectifs ont suggéré que les explorations complémentaires pouvaient modifier la prise en charge des patients incontinents plus de quatre fois sur cinq après * Hôpital Pontchaillou, Rennes. ** Hôpital Victor-Provo, Roubaix. exploration complémentaire (3, 4). Par rapport à l’examen clinique, les explorations complémentaires permettaient un diagnostic étiologique dans 66 % des cas (versus 11 % pour le seul examen clinique) et débouchaient sur une prise en charge thérapeutique propre dans 55 % des cas d’incontinence (80 patients) (4). À l’inverse, trois autres études ont suggéré que les explorations complémentaires n’apportaient pas d’élément supplémentaire à un bon examen clinique et n’avaient pas d’impact sur le diagnostic et la décision thérapeutique (5-7). Dans un travail prospectif, le diagnostic étiologique et la prise en charge thérapeutique étaient modifiés par les résultats des explorations complémentaires dans 19 et 16 % des cas respectivement (7). Les principales critiques méthodologiques de ces travaux sont l’ancienneté des publications (avant l’ère de l’endosonographie), la nature rétrospective des travaux, les causes très hétérogènes et parfois discutables d’incontinence fécale ayant fait l’objet d’une inclusion, l’absence de méthodologie rigoureuse d’analyse. En dépit d’un important travail bibliographique et de conclusions d’experts, il n’existe pas, en France, de recommandation systématique concernant la place précise des explorations réalisées dans cette pathologie : “Les exa- mens complémentaires sont au mieux réalisés dans les centres disposant de l’ensemble des moyens d’investigation nécessaires et développant une expertise dans ce domaine….” (8). L’American Gastroenterological Association a récemment tenté de définir la place des explorations anorectales sur la base d’une réunion d’experts et de l’analyse de la littérature (medical position statement on anorectal testings). Dans le cas précis de l’incontinence fécale : a) la manométrie anorectale n’a d’intérêt que si une rééducation est envisagée ou si l’on veut quantifier le retentissement fonctionnel d’un défect sphinctérien ; b) l’endosonographie anale a pour but d’identifier un défect sphinctérien ; c) la défécographie n’a pas de place précise dans l’incontinence fécale, bien qu’on connaisse la responsabilité de la statique pelvirectale dans la genèse de l’incontinence fécale (prolapsus rectal) ; d) les explorations neurophysiologiques n’ont pas d’intérêt démontré dans cette indication (9, 10). Cette position peut, à l’inverse, paraître extrême, parce que des résultats contradictoires ou manquants font éliminer des explorations qui pourraient avoir un grand intérêt dans une prise en charge thérapeutique spécifique (réparation sphinctérienne). C’est le cas, par exemple, de l’intérêt pronostique des résultats de La lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 1 - vol. V - janvier-février 2002 l’endosonographie et des explorations neurophysiologiques dans l’incontinence fécale. ■ 1. Denis P, Bercoff E, Bizien MF et al. Prévalence de l’incontinence anale de l’adulte. Gastroenterol Clin Biol 1992 ; 16 : 344-50. 2. Mellgren A, Jensen LL, Zetterstrom JP et al. Long-term cost of fecal incontinence secondary to obstetric injuries. Dis Colon Rectum 1999 ; 42 : 857-65. 3. Rao SS, Patel RS. How useful are manometric tests of anorectal function in the management of defecation disorders? Am J Gastroenterol 1997 ; 92 : 469-75. 4. Wexner SD, Jorge JM. Colorectal physiological tests : use or abuse of technology ? Eur J Surg 1994 ; 160 :167-74. 5. Fink RL, Roberts LJ, Scott M. The role of manometry, electromyography and radiology in the assessment of faecal incontinence. Aust NZ J Surg 1992 ; 62 : 951-8. 6. Farouk R, Bartolo DC. The clinical contribution of integrated laboratory and ambulatory anorectal physiology assessment in faecal incontinence. 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