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Écho des congrès
Écho des congrès
Supplément à La Lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 2 - vol. VII - mars-avril 2004
3eCongrès international sur la vidéocapsule
(Miami, 29 février-3 mars 2004)
V. Maunoury*
Given Imaging Ltd, fabricant de la
seule vidéocapsule (wireless cap-
sule endoscopy) actuellement dispo-
nible pour l’exploration de l’intestin
grêle, a réuni à Miami, du 29 février au
3 mars 2004, la “3rd International
Conference on Capsule Endoscopy:
Advances in Diagnosis and Manage-
ment”. Deux cent dix spécialistes de
30 pays ont fait le point, autour de
90 communications orales ou affi-
chées, sur le développement de cette
récente et novatrice technique d’ex-
ploration de l’intestin grêle et de sa
pathologie, sous l’autorité des co-
chairmen David R. Cave (St Eliza-
beth’s Medical Center, Boston) et
David Fleischer (Mayo Clinic Scotts-
dale, Scottsdale).
Rappel
L’intestin grêle est l’ultime “frontière”
de l’endoscopie digestive. Long de plu-
sieurs mètres, son exploration endosco-
pique est difficile et limitée. L’inges-
tion d’une caméra vidéo miniaturisée
sous la forme d’une capsule relève le
défi de son exploration complète, en
quelques heures, de manière parfaite-
ment tolérée puisque non invasive et
ambulatoire. Sa principale indication
est constituée par les hémorragies diges-
tives d’origine indéterminée lorsque le
bilan endoscopique, avec biopsies sys-
tématiques du duodénum et de l’esto-
mac, est négatif. D’autres indications
sont en cours d’évaluation : maladie de
Crohn, entéropathie aux AINS, mala-
die cœliaque, polyposes, angiomatoses,
tumeurs muqueuses et sous-muqueuses
(carcinoïdes), etc.
Le système Given Imaging comprend
une capsule endoscopique à usage
unique, un système d’antennes collées
sur l’abdomen et relié à un enregistreur
externe portable alimenté par une bat-
terie, et une station informatique de
génération puis de lecture de l’enregis-
trement. La capsule pèse 3,7 g et mesure
26 mm de long pour 11 mm de diamètre.
L’alimentation du dispositif optique,
de l’éclairage et de la transmission des
données est assurée par deux batteries
miniatures et autonomes. La capsule
est avalée le matin, à jeun. La prise de
boisson est autorisée deux heures plus
tard et il est possible de manger quatre
heures après. La capsule transmet deux
images par seconde à l’enregistreur
pendant la durée de l’examen, soit
habituellement 6 à 8 heures. Sa pro-
pulsion est passive, liée au péristal-
tisme intestinal. Elle est ensuite élimi-
née dans les selles.Après l’examen, les
images sont téléchargées de l’enregis-
treur externe vers la station de lecture.
L’analyse des images par le médecin
prend ensuite environ 90 minutes...
mais une infirmière fait presque aussi
bien (McAlindon, Sheffield).
Compte-rendu
Les aspects techniques ont été étudiés
au cours de trois ateliers portant res-
pectivement sur :
la préparation du patient,
les aides à la lecture vidéo,
les accidents obstructifs de rétention
de la capsule.
L’examen est réalisé chez un malade à
jeun ; une préparation de type “Ford-
tran” (1 à 2 l) est volontiers prescrite
par une petite majorité des praticiens
deux heures avant l’examen. L’admi-
nistration d’un prokinétique pour accé-
lérer la vidange gastrique n’est pas, par
contre, préconisée par la majorité
d’entre eux (placer le malade en décu-
bitus latéral droit pendant 20 minutes
après l’ingestion est recommandé pour
faciliter le passage de la capsule dans
le duodénum). Enfin, un pacemaker ou
un défibrillateur ne semblent plus cons-
tituer de contre-indication à la réalisa-
tion de l’examen.
Les logiciels d’aide à l’interprétation,
que ce soit celui de dépistage automa-
tique d’un saignement ou celui de loca-
lisation lésionnelle, sont peu utiles. En
revanche, la double-view facilite gran-
dement la lecture, à condition de ne pas
abuser d’une lecture trop rapide, qui
augmente le risque de méconnaître une
lésion. Enfin, il faut lire l’enregistre-
ment jusqu’à son terme : au-delà du
franchissement de la valvule iléo-
cæcale, il n’est pas exceptionnel de
trouver dans le côlon droit l’origine du
saignement...
La rétention intestinale de la capsule
en amont d’une sténose est la seule
complication de l’examen, mais tous
les experts s’accordent pour en relati-
viser la gravité. Elle rend exception-
nellement compte d’une obstruction
intestinale aiguë ; elle peut être soup-
çonnée lorsque le cæcum n’est pas
atteint ou lorsque la progression de la
capsule est d’évidence stoppée en amont
d’une sténose. Elle ne constitue pas une
* Service des maladies de l’appareil digestif
et de la nutrition, hôpital Huriez, CHR Lille.
Figure 1. Angiome du grêle.
indication de laparotomie en urgence
mais relève d’une surveillance (ASP
au 15ejour), éventuellement associée à
un traitement corticoïde en cas de sté-
nose inflammatoire (Crohn). Si tout le
monde s’accorde pour ne pas réaliser
d’emblée une exploration intestinale
par la vidéocapsule en cas de symp-
tômes subocclusifs, l’accord s’est aussi
fait sur la faible valeur prédictive du
transit baryté du grêle pour prédire
aussi bien le risque obstructif d’une sté-
nose que pour éliminer le risque d’une
rétention. Enfin, cultivant le goût, sinon
du risque, du moins du paradoxe, cer-
tains vont jusqu’à considérer que la
vidéocapsule est un bon moyen d’explo-
rer les sténoses du grêle, la rétention
éventuelle de la capsule venant sim-
plement confirmer l’indication d’un
traitement chirurgical !
L’AMM réserve l’exploration de
l’intestin grêle par la vidéocapsule aux
patients âgés de plus de 10 ans. Plu-
sieurs équipes de pédiatres l’ont cepen-
dant mise en œuvre chez des patients
bien plus jeunes à partir de 18 kg, seuil
auquel le pylore est franchi sans diffi-
culté par la capsule. Toute la difficulté
est de la faire avaler par un jeune
enfant. La méthode la plus courante est
sa mise en place directe dans l’estomac
par endoscopie (la capsule enserrée
dans un panier du type Dormia), sous
anesthésie générale et après intubation.
Les indications sont cependant excep-
tionnelles : polyposes, angiomatoses
(blue rubber bleb naevus syndrome) et,
surtout, douleurs abdominales récur-
rentes de l’enfant lorsqu’il existe un
syndrome inflammatoire faisant évo-
quer une maladie de Crohn ou une gas-
troentérite à éosinophiles.
Deux innovations ont été présentées :
la patency capsule et la capsule dédiée
à l’exploration de l’œsophage. La pre-
mière est une “pseudo-capsule” en lac-
tose qui se dissout spontanément en cas
de rétention prolongée dans le tube
digestif ; elle permet d’évaluer la
liberté de la lumière digestive. La seconde
prend deux images par seconde à cha-
cune de ses extrémités et réalise donc
un double enregistrement vidéo ; elle
est ingérée par le malade en décubitus.
Présentée pour explorer l’œsophage et
dépister une muqueuse de Barrett, elle
témoigne surtout des progrès techno-
logiques en cours et à venir pour de
nouvelles indications de cette tech-
nique d’exploration du tube digestif...
Les principaux thèmes abordés ont
été :
Les hémorragies digestives d’ori-
gine obscure (figure 1)
Pennazio (Turin) et de Franchis (Milan)
ont rapporté leur travail, qui fait aujour-
d’hui référence en matière de perfor-
mance de la vidéocapsule pour le dia-
gnostic des hémorragies digestives
d’origine obscure (bilan endoscopique
négatif). Ils ont d’abord clarifié le pro-
blème en distinguant trois groupes de
patients : a) avec une hémorragie exté-
riorisée en cours, b) avec un antécédent
d’hémorragie extériorisée, et c) avec une
hémorragie occulte en cours attestée par
une anémie ferriprive et une recherche
de sang dans les selles positive. L’explo-
ration par la vidéocapsule a identifié
l’origine du saignement (une angiodys-
plasie dans 29 % des cas, une maladie de
Crohn dans 6 % des cas) chez 92 % des
malades du groupe a), chez 13 % de
ceux du groupe b) et chez 44 % de ceux
du groupe c). La valeur prédictive néga-
tive globale de l’examen a été de 83 %.
Conclusion : les patients avec une
hémorragie digestive patente ou occulte
en cours, d’origine obscure au terme
du bilan endoscopique, doivent béné-
ficier d’emblée et sans délai d’une explo-
ration par la vidéocapsule. On en rap-
proche l’étude prospective randomisée
originale de Cave (Boston), qui vise à
tester la pertinence d’une exploration
par la vidéocapsule des malades avec
une hémorragie digestive dès leur
admission (in the emergency room),en
l’absence de sang dans la cavité gas-
trique. On n’en retient pour l’instant
que la fréquence des facteurs iatro-
gènes hémorragiques chez les patients
inclus, puisque l’auteur réserve la pré-
sentation de ses résultats pour l’AGA !
La maladie de Crohn (figure 2)
Elle n’atteint que l’intestin grêle dans
20 à 30 % des cas, le plus souvent
l’iléon, mais parfois les lésions peuvent
être plus proximales. Les symptômes
révélateurs (douleurs abdominales, diar-
rhée) sont peu spécifiques et les lésions
muqueuses débutantes sont souvent
superficielles. C’est dire le champ
ouvert à une exploration par la vidéo-
capsule de l’intestin chez les malades
avec une symptomatologie digestive,
pour peu que le retentissement des
troubles digestifs ou la présence de
signes biologiques d’inflammation fas-
sent évoquer l’hypothèse diagnostique
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Écho des congrès
Supplément à La Lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 2 - vol. VII - mars-avril 2004
Figure 2. Ulcère du grêle (Crohn).
d’une maladie de Crohn. Mais nous ver-
rons que les choses ne sont pas simples :
les lésions peuvent en effet parfois être
confondues avec celles de l’entéropa-
thie aux AINS, et des sujets présumés
sains peuvent présenter, dans un nombre
non négligeable de cas, des lésions
minimes de la muqueuse de l’intestin
grêle ! On conçoit enfin l’aide dia-
gnostique apportée par cette explora-
tion au diagnostic des colites inclassées
et l’aide à la prise en charge thérapeu-
tique, via un “CDCEIS” (Crohn’s
Disease Capsule Endoscopy Index of
Severity), notamment lorsqu’une réci-
dive est suspectée. Autant de perspec-
tives qui restent cependant à préciser.
Les tumeurs du grêle
Elles sont rares, même si l’on prend en
compte le fait que leur fréquence est
peut-être sous-estimée par défaut de
diagnostic. Là encore, la vidéocapsule
est la technique diagnostique de choix,
même si les observations rapportées
restent anecdotiques.
La maladie du greffon contre l’hôte
(figure 3)
C’est une complication majeure de la
greffe de moelle. Lorsqu’elle touche
l’intestin grêle, un renforcement du
traitement immunosuppresseur (corti-
coïdes) est requis, avec ses risques d’in-
fections opportunistes souvent létales.
Une diarrhée profuse en est le symp-
tôme habituel mais non univoque. En
identifiant, de manière non invasive,
chez ces patients particulièrement fra-
giles une atteinte spécifique de l’intes-
tin grêle, la vidéocapsule offre dans cette
indication originale l’illustration d’un
véritable impact thérapeutique.
La maladie cœliaque
Le tapis villositaire est bien vu par la
vidéocapsule. Son apparente atrophie
paraît bien corrélée à l’atrophie observée
sur les biopsies duodénales. L’explora-
tion par la vidéocapsule peut être indi-
quée chez les patients en apparente
rémission clinique et histologique sous
régime sans gluten mais continuant à
souffrir de douleurs abdominales. Tou-
tefois, c’est l’étude d’Adler (Jérusalem)
qui a particulièrement retenu l’atten-
tion en montrant l’existence de lésions
inflammatoires discrètes, éparses, pou-
vant cependant aller jusqu’à des ulcé-
rations de la muqueuse intestinale chez
des patients souffrant de douleurs abdo-
minales avec une sérologie antigliadine
positive mais sans atrophie villositaire
sur les biopsies duodénales. L’inter-
prétation de ces aspects passe en pre-
mier lieu par une étude comparative
entre ce groupe de patients et un groupe
contrôle de sujets avec des douleurs
abdominales mais sans sérologie cœ-
liaque positive.
L’entéropathie aux AINS
Elle est très vraisemblablement sous-
estimée, comme le montrent les explo-
rations par la vidéocapsule des patients
sous AINS. Mieux encore, elle n’est
pas prédite par l’aspect de l’estomac
en fibroscopie. Elle constitue le premier
diagnostic à éliminer devant des lésions
inflammatoires ou ulcérées du grêle
car, si l’aspect des lésions est parfois
évocateur (diaphragme fibrineux), il
peut ailleurs être tout à fait confondu
avec des lésions de Crohn. Là encore,
il est curieux d’observer des lésions
inflammatoires discrètes mais authen-
tiques chez environ 15 % des sujets
témoins...
En conclusion, la vidéocapsule est
l’examen de choix pour l’exploration
de l’intestin grêle et il est légitime d’y
recourir en première intention lorsque
l’on suspecte une pathologie de cet
organe, en l’absence de symptômes
occlusifs. Pour autant, il est peu probable
que l’on découvre grâce à elle un conti-
nent
inconnu de la pathologie digestive !
Encore que l’on puisse être troublé par
l’observation de lésions inflammatoires
dans des situations diverses mais non
clairement présumées pathologiques ;
Adler en a rapporté la guérison, véri-
fiée par la vidéocapsule, après admi-
nistration de probiotiques.
Reste une question : “How to manage
what we find?”. Selon De la Mora
(Rochester), seules les lésions identi-
fiées moins d’une heure après le pas-
sage de la vidéocapsule dans le duo-
dénum sont accessibles en endoscopie.
Ce sera peut-être le retour de l’entéro-
scopie selon la double-balloon method
pour biopsier et traiter les lésions obser-
vées jusqu’à l’iléon, au prix de quelques
efforts de reptation.
Pour en savoir plus
Pennazio M, Santucci R, Rondonetti E
et al. Outcome of patients with obscure
gastrointestinal bleeding after capsule
endoscopy: report of 100 consecutive
cases. Gastroenterology 2004;126:643-53.
Schulmann K, Hollerbach S, Schmie-
gel W. Diagnosing small bowel Crohn’s
disease with wireless capsule endoscopy.
Gut 2003;52(10):1531-2.
Van Gossum A, François E, Hittelet A
et al. A prospective, comparative study
between push enteroscopy and wireless
videocapsule in patients with obscure
digestive bleeding. Gastroenterology
2003;125(1):276.
Loftus EV. Capsule endoscopy for
Crohn’s disease: ready for prime time? Clin
Gastroenterol Hepat 2004;2:14-6.
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Écho des congrès
Écho des congrès
Supplément à La Lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 2 - vol. VII - mars-avril 2004
Figure 3. Ulcère nécrotique à cytomégalo-
virus chez un immunodéprimé.
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