La Lettre du Gynécologue - n° 333 - juin 2008
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Depuis la découverte de la maladie canreuse, initia-
lement vécue par le malade ainsi que par le médecin
comme une fatalité hors de portée de toute ressource
thérapeutique, la médecine na cessé de faire des progrès dans
la prise en charge thérapeutique du cancer. Cette avancée est la
conséquence d’une meilleure compréhension des mécanismes
moléculaires impliqués dans la carcinogenèse, ayant permis le
développement de la radiothérapie, de chimiothérapies de plus
en plus efficaces et de nouvelles thérapies ciblées, ainsi que
d’une amélioration des techniques opératoires et des mesures
réanimatoires nécessaires à une chirurgie de qualité. Elle est
également secondaire à l’amélioration de la prise en charge des
symptômes liés au cancer grâce aux traitements de la douleur
et des soins de supports, de même quà l’essor de gestes inter-
ventionnels hautement techniques contribuant à une meilleure
prise en charge des complications liées à la maladie.
Cette amélioration de la prise en charge thérapeutique du can-
cer s’accompagne-t-elle, au-delà des prouesses scientifiques et
technologiques, d’une prise en compte des préoccupations,
de l’information et des choix du patient ? En effet, le concept
de guérison et le retour à une normalité sociale, ou à une vie
sociale compatible avec la maladie, impliquent que soit pris en
compte l’impact du cancer sur la vie personnelle, profession-
nelle, affective et familiale.
Dans cette perspective, on sait que le choix du traitement et de
ses modalités (durée d’hospitalisation, traitement ambulatoire,
traitement préservant une quali relationnelle ou la possibilité
de travailler) sont des demandes fortes des patients et de leurs
proches. C’est en ce sens qu’il restait du chemin à parcourir, si l’on
en croit les nombreux moignages de patients recueillis lors des
états généraux du cancer organisés en 1998 et 2000 par la Ligue
nationale contre le cancer, évoquant les mauvaises conditions
dans lesquelles était parfois faite l’annonce de leur cancer.
Au-delà de l’annonce du diagnostic, déjà difficile à entendre et
à comprendre, ils évoquaient le manque général d’information
sur le déroulement des traitements à venir, sur les alternatives
thérapeutiques et les possibilités de choix, ainsi qu’un défaut
de soutien psychologique et social.
Les principales demandes avaient trait à la mise à disposi-
tion d’une information intelligible sur les traitements et les
examens, à l’accès au dossier dical et à une coordination
des soins au sein d’une équipe multidisciplinaire. Il nétait pas
rare de constater que l’annonce du diagnostic avait été faite
par un médecin que le patient ne connaissait pas ou qu’il ne
reverrait pas – à l’occasion d’un examen conduisant à poser le
diagnostic de cancer ou, qu’elle avait été faite de façon un
peu rapide sans temps consacré aux questions des patients,
au cours d’une consultation brève, interrompue par des appels
téléphoniques, voire même parfois dans un couloir.
Ces points s’améliorent progressivement, mais les troisièmes
états généraux des malades et des proches, organisés par la
Ligue contre le cancer en 2005, montrent que du chemin reste
à faire.
Parallèlement à ces constatations, plusieurs travaux (1-3) ont
montré l’importance de l’écoute du patient et de la manière
d’annoncer une mauvaise nouvelle. Différentes équipes ont
étudié les diverses réactions du patient, mais aussi du de-
cin, face à l’annonce d’une maladie grave, ouvrant la voie à une
médecine plus humaniste, la relation decin-malade ne
serait plus occultée par l’obsession aveuglante des performan-
ces techniques et thérapeutiques. Cest dans ce cadre qu’a été
mis en œuvre le dispositif d’annonce du cancer dans les éta-
blissements de santé, à la suite d’une expérimentation natio-
nale. Cette mesure du Plan cancer 2003-2007 s’est concrétisée
par l’élaboration d’un cahier des charges.
LE PLAN CANCER 2003-2007 ET LA PRISE
EN CHARGE GLOBALE DU PATIENT
Le Plan cancer est un plan de mobilisation nationale visant à
améliorer l’organisation des soins en cancérologie en France
(4). Il résulte des travaux menés par une mission intermi-
nistérielle et propose 70 mesures regroupées en sept grands
thèmes :
Pla prévention ;
Ple dépistage ;
Pl’amélioration de la qualité des soins, passant par :
– la coordination des soins autour du patient,
– l’accès à l’information,
une prise en charge globale du patient tenant compte de
ses désirs et de son mode de vie : développement des soins à
domicile, des soins palliatifs, soutien psychologique, prise en
charge de la douleur,
* Laboratoire d’éthique médicale et de médecine légale, faculté de médecine, université
Paris-Descartes. Secrétaire général de la Sem, Société française et francophone d’éthique
médicale. www.ethique.inserm.fr
Le dispositif d’annonce en cancérologie :
aspects pratiques et interrogations
A new organization to announce a diagnosis of cancer in France:
practical aspects and interrogations
IP G. Moutel*, A. Lièvre**
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– laccès à l’innovation diagnostique et thérapeutique ;
P l’accompagnement social ;
P une formation plus adaptée ;
P le développement de la recherche fondamentale et clinique
en cancérologie ;
P la création d’un Institut national du cancer (INCa) ayant
pour but une meilleure coordination de l’ensemble des diffé-
rents intervenants de la lutte contre le cancer.
À l’énoncé de ces objectifs, de nombreux points semblent
essentiels à aborder avec le patient dès le début de sa mala-
die, afin de lui faciliter l’organisation et la compréhension de
son parcours de soin. Cette construction passe par un temps
dévolu, privilégié : la consultation d’annonce.
LA CONSULTATION D’ANNONCE EN CANCÉROLOGIE
La consultation d’annonce s’intègre dans le champ plus vaste
du dispositif d’annonce du cancer correspondant à la mesure
40 du Plan cancer, qui vise à améliorer l’accès à l’informa-
tion du patient. Elle repose sur deux grands principes :
tout patient doit pouvoir bénéficier d’un dispositif d’annonce
organisé, devant être mis en place dans tous les établissements
traitant des patients atteints de cancer ;
la coordination interprofessionnelle, la relation avec le
patient et leurs proches, dont le but est l’amélioration du vécu
du patient vis-à-vis de sa maladie.
Le dispositif dannonce nest pas une mesure centrée sur la rela-
tion entre un médecin et un malade, mais un processus interac-
tif faisant intervenir différents acteurs de santé impliqués dans
la prise en charge globale du patient atteint de cancer. Il s’agit de
placer le patient au centre du dispositif, avec une centralisation
des informations et une mise à disposition rapide et appropriée
qui lui est destinée ainsi qu’à son médecin généraliste référent,
qui devra être tenu informé dès les premiers moments de la
prise en charge spécialisée et tout au long du parcours de soin.
Le dispositif d’annonce doit permettre l’information, le soutien
et l’accompagnement du patient et de ses proches, facilitant
ainsi l’implication du patient dans la cision thérapeutique.
Il s’agit d’une volution conceptuelle de la relation méde-
cin-patient, ce dernier devenant en théorie acteur d’une codé-
cision concernant son avenir. Cette évolution fait dire que la
cancérologie a participé fortement à la fin du paternalisme
médical, ouvrant la voie à un participation plus grande des
patients, préconisée par de nombreux médecins depuis main-
tenant plus de 20 ans (5).
Le cadre général
Ce dispositif d’annonce se construit autour de quatre temps
théoriques.
Un temps médical
Ce temps correspond à proprement parler aux consultations
médicales (deux en général) diées à l’annonce du cancer
puis aux explications relatives au projet thérapeutique proposé
au patient et défi ni lors de la réunion de concertation pluri-
disciplinaire, qui rassemble plusieurs decins de spécialités
différentes impliqués dans le diagnostic et le traitement de
leur cancer. En effet, le temps de l’annonce diagnostique et
celui de l’annonce thérapeutique sont souvent difficilement
dissociables, ce d’autant qu’il s’agit le plus souvent, en milieu
hospitalier, d’une “ré-annonce” ou d’une confirmation d’un
diagnostic déjà abordé ou annoncé par le médecin généraliste,
le radiologue ou le spécialiste d’organe. Le médecin, lors de
la consultation d’annonce, doit disposer d’un dossier médical
complet, avec en particulier le compte-rendu opératoire et les
résultats des examens biologiques, anatomopathologiques et
d’imagerie. Lensemble des informations est donné ou redonné
au patient par le médecin et doit porter sur le diagnostic, sur
les différentes alternatives thérapeutiques, leur modalité ainsi
que leurs risques immédiats ou à distance et, si la situation le
permet, sur le pronostic. Ces informations cessitent donc
une consultation longue permettant un dialogue entre le
patient et le médecin, lequel aura à répondre à de multiples
questions au moyen de mots simples et compréhensibles. Il va
sans dire que cette consultation d’annonce du diagnostic, tout
comme celle de l’annonce de la stratégie thérapeutique, doit
se dérouler dans le calme et en l’absence d’interruptions exté-
rieures (appels léphoniques, bips, etc.) délétères. La présence
d’un accompagnant est bien sûr acceptée, voire même encou-
ragée et habituellement proposée au patient, pour lequel elle
constitue un soutien psychologique indéniable lorsqu’il en fait
le choix. En ce sens, la loi du 4 mars 2002 relative aux droits
des patients préconise la désignation par le patient d’une per-
sonne de confiance auprès du médecin, personne qui sera dès
lors habilitée à partager le secret dical et à participer avec
le patient et l’équipe aux prises de cision (6). Cependant, il
sera parfois utile de voir le patient seul afin de pouvoir discu-
ter de sujets qu’il noserait probablement pas évoquer en com-
pagnie d’un conjoint ou d’une autre personne ; c’est le cas, par
exemple, de la question cruciale du pronostic de la maladie,
que le patient évitera par souci de protection de son entourage
proche, ou bien de celle de la sexualité, rarement évoquée au
cours d’une consultation médicale. Chez les sujets jeunes, la
question corrolaire du désir d’enfants doit être posée, avec la
proposition systématique d’une autoconservation de sperme
(voire, à titre expérimental, de tissu ovarien) au CECOS, qui
doit être réalisée avant le début de toute chimiothérapie (7).
Les informations données au patient doivent lui permettre de
comprendre la proposition de traitement, reposant sur des
protocoles thérapeutiques validés, et de prendre une place
importante dans la prise de décision thérapeutique. Cette
décision thérapeutique doit être acceptée par le patient avant
d’être formalisée par écrit dans le dossier médical et remise au
patient sous la forme d’un programme personnalisé de soins.
Ce dernier doit comprendre au minimum le plan de traite-
ment accepté par le malade, son organisation (durée prévisi-
ble et fréquence des hospitalisations), ainsi que les différents
bilans prévus. Pour cela, le patient peut souhaiter un délai de
réflexion, voire même un deuxième avis spécialisé. Dans ce
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cas, il convient de tout mettre en oeuvre pour lui en facili-
ter l’accès en lui procurant les informations et les documents
utiles de son dossier. Cest pour cette raison que le patient a
désormais un droit d’accès libre à son dossier s lors qu’il le
demande. Un compte-rendu des consultations médicales doit
impérativement être rédigé, inséré dans le dossier (appelé
désormais dossier médical personnel”) et communiqué aux
différents médecins et soignants impliqués dans la prise en
charge du patient, avec son accord.
Ce temps médical est un processus dynamique, puisqu’il est
ponctué de plusieurs consultations qui devront intégrer des
données nouvelles liées à l’évolution de la maladie. Le temps
médical permet également de connaître les conditions psy-
chologiques et sociales dans lesquelles évolue le patient au
quotidien, et de lui présenter les personnels soignants ou les
travailleurs sociaux pouvant intervenir de manière utile au
cours de la prise en charge de la maladie, en lui expliquant l’in-
térêt de leur travail. Cela constitue le volet accès aux droits”
du Plan cancer et de la loi du 4 mars 2002. Les coordonnées
de l’ensemble des intervenants seront dès lors communiquées
au patient de manière systématique afin qu’il puisse prendre
contact ultérieurement avec chacun d’eux au moment il le
souhaite au cours de sa maladie.
Si cest le choix de l’équipe dicale et de l’équipe soignante, la
présence d’un infirmier en tout ou en partie de la consultation
médicale, ou la mise en oeuvre d’une consultation infirmière
individualisée après la consultation médicale, permettra au
médecin de connaître les réactions du patient. On sait que,
face à un interlocuteur autre que le médecin, le patient aura la
possibilité de poser des questions sur ce qu’il na pas compris,
ce qui permet d’assurer une continuité dans l’information en
offrant au patient un interlocuteur parfois plus facile d’accès.
De plus, cet infirmier pourra donner des informations plus
pratiques (perfusions, soins du corps, soins de sites veineux
implantables, etc.) et de nouvelles explications, complément
précieux aux informations médicales initiales.
Enfin, cette consultation médicale est également le moment de
prendre contact avec le decin traitant du patient, qui doit
être tenu informé, dès ce stade, du diagnostic et du projet thé-
rapeutique afin de pouvoir assurer la meilleure prise en charge
possible à domicile des événements médicaux survenant en
dehors des séjours hospitaliers et de coordonner au mieux une
hospitalisation en cas de complication de la maladie ou des
traitements reçus.
Un temps d’accompagnement soignant
Ce temps permet au patient et à ses proches d’avoir accès à des
soignants, disponibles à cet effet, dont les rôles fondamentaux
sont l’écoute, la reformulation de l’information, le soutien psy-
chologique et la prise en charge sociale du patient. Ce temps
fait donc intervenir plusieurs professionnels tels que :
les infirmiers ;
les psychologues et/ou les psychiatres ;
les assistants sociaux, qui établissent un bilan social initial,
pouvant aider plus tard à améliorer la qualité de vie du patient.
Ce temps d’accompagnement, qui est concomitant du temps
médical, est primordial et fait désormais partie intégrante de
l’offre de soins dans le cadre du dispositif d’annonce du cancer.
En pratique, il se concrétise par l’ouverture de postes de
consultations paramédicales, ce qui constitue un apport
majeur du dispositif, apprécié à la fois par les patients et les
soignants. Cette consultation paramédicale doit donc être
accessible immédiatement après la consultation médicale,
quand le patient se retrouve seul face à l’annonce du diagnos-
tic. Elle comporte tout d’abord un temps d’écoute, d’informa-
tion et de soutien du patient visant à reformuler ce qui a déjà
été dit au cours de la consultation dicale, à compléter, voire
à réexpliquer les informations reçues, et permet de présen-
ter l’organisation de la prise en charge au sein du service ou
du pôle d’hospitalisation. Elle est importante pour la recon-
naissance des besoins psychologiques et sociaux du patient et
pour l’identification des situations à risque, afin d’anticiper les
potentielles difficultés de prise en charge. Cest aussi l’occa-
sion d’aborder la maladie avec les proches qui seront amenés
à accompagner le patient tout au long des soins, de mettre en
valeur leur rôle, de les aider à gérer leurs émotions et à mieux se
situer dans l’accompagnement à venir. Le deuxième temps de
cette consultation paramédicale est un temps de coordination
avec les autres acteurs impliqués dans la prise en charge de la
maladie ; il permet d’orienter, si cessaire, le malade vers les
équipes compétentes en soins de support, mais aussi de faire
un lien entre les intervenants à domicile (infirmiers, decin
traitant), le personnel ambulatoire (consultation) et celui du
secteur d’hospitalisation, en permettant une communication
immédiate de l’information entre ces différentes équipes.
Le personnel paramédical peut intervenir immédiatement
ou de façon un peu différée (quelques jours au plus) après la
consultation médicale d’annonce du diagnostic et/ou de la
stratégie thérapeutique, le moment de cette intervention étant
laissé au libre choix du patient et peut faire l’objet d’un suivi
téléphonique.
Laccès à une équipe impliquée dans les soins de support
Léquipe compétente en soins de support peut être mobili-
sée soit à la demande du patient les coordonnées de celle-
ci lui ayant préalablement été communiquées au cours de la
consultation dannonce – soit à la demande du médecin ou de
l’équipe soignante, en cas de nécessité.
Les soins de support comprennent :
l’accompagnement social, qui permet d’informer le patient
sur ses droits et sur les aides sociales dont il peut bénéficier.
Des informations d’ordre pratique sont également diffusées
concernant les personnes compétentes et les lieux de ressour-
ces qui peuvent être sollicités afin d’accéder à ces aides. Le but
de ce volet social est de pouvoir repérer le plus tôt possible des
éléments de fragilité sociale existant ou à venir chez le patient.
Ce travail, amorcé dès la consultation d’annonce, est appro-
fondi lors de l’entretien soignant et oriente, si cessaire, le
patient vers les services sociaux. Une coordination entre les
médecins, les infirmiers de consultation d’annonce et les assis-
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tants sociaux est donc indispensable s ce stade de la prise en
charge. Si la situation sociale le cessite, un entretien avec un
travailleur social permet de faire le point sur les droits ouverts
en matière de mutuelle et d’assurance, sur les démarches à faire
en matière de conventions collectives et de droit du travail au
regard d’une situation professionnelle salariée ou libérale, sur
les aménagements du temps de travail possibles, l’articulation
avec la médecine du travail et le congé d’accompagnement.
Cet entretien permet également d’informer le patient des aides
dont il pourrait bénéficier, notamment les aides au maintien à
domicile (aide ménagère, auxiliaire de vie, etc.) ;
la prise en charge psychologique, qui est, dans un premier
temps, assurée par le decin et le personnel soignant qu’est
amené à voir le patient en premier lieu. Le psychologue doit,
cependant, autant que faire se peut, être présenté au patient
dès le début de sa prise en charge dans le but d’établir un pre-
mier contact, celui-ci pouvant être suivi d’une prise en charge
psychologique au long cours si le patient en ressent le besoin.
Cette offre doit rester une proposition et ne jamais revêtir un
caractère obligatoire. Le suivi par le psychologue peut se faire
sur le mode de consultations ayant lieu à des moments le
patient est hospitalisé (pendant ses séances de chimiothéra-
pie, par exemple), voire en dehors des hospitalisations, ou bien
sur le mode d’entretiens téléphoniques raison pour laquelle
le patient doit pouvoir disposer du numéro de téléphone du
psychologue afin d’établir facilement un contact aux moments
où il en ressent le besoin. La prise en charge psychologique ne
s’adresse pas seulement au patient, mais également aux pro-
ches (conjoint, enfants, parents, membres de la famille, etc.)
qui l’accompagnent quotidiennement pendant la maladie ;
la prise en charge de la douleur, qui fait souvent appel à des
médecins référents de la douleur, spécialisés dans la prise en
charge non seulement des sympmes douloureux, mais aussi
de tous les autres symptômes liés aux cancers (dyspnée, asthé-
nie, etc.) ou relatifs à la toxicité des traitements anticancéreux ;
les autres compétences en soins de support sont assurées
par des professionnels spécialisés (kinésithérapeutes, diété-
ticiens, etc.) qui, après évaluation des besoins, sont sollicités
de manière ponctuelle pour la prise en charge de problèmes
particuliers.
Larticulation entre la médecine de ville et l’hôpital
autour de l’annonce
Le rôle du médecin traitant est primordial dans la prise en
charge d’un patient atteint de cancer, puisqu’il est le de-
cin de proximité que le patient consulte en premier recours.
D’autre part, il est le seul médecin qui puisse intervenir au
jour le jour au domicile du patient. Enfin, il ne faut pas oublier
qu’il est, en règle générale, le decin de famille qui connaît
le mieux le contexte familial et social du patient. Il est donc
important qu’il soit informé et associé, dès le début de la prise
en charge du cancer, du diagnostic et du projet thérapeutique
afin d’être associé très tôt au parcours de soins et d’assurer
la meilleure coordination des soins entre l’hôpital et le domi-
cile. Le médecin traitant doit être le destinataire principal des
résultats significatifs des examens complémentaires réalisés à
chaque étape de la prise en charge du cancer, en particulier
des résultats anatomopathologiques et d’imagerie. Il doit éga-
lement être tenu au courant de tous les temps successifs de la
stratégie thérapeutique (chirurgie, radiothérapie, chimiothé-
rapie, etc.), des effets indésirables prévisibles des traitements
et des modifications éventuelles en cours de traitement en rai-
son d’évolutions non prévues. Pour cela, le médecin respon-
sable du traitement du cancer doit demander au patient les
coordonnées de son médecin traitant ou l’inviter, s’il nen na
pas, à en choisir un. En effet, le decin traitant est devenu
indispensable pour les démarches de demande de prise en
charge à 100 % par la Sécurité sociale pour affection de lon-
gue durée” (ALD) : c’est impérativement lui qui doit remplir
les formulaires cessaires, le médecin spécialiste, oncologue
ou autre, nétant plus habilité à les signer. En pratique, il est
souhaitable que ce protocole ALD se fasse de concert entre le
médecin généraliste et l’oncologue.
Un point particulier est celui de lannonce dans le cadre d’un
programme de dépistage. Elle concerne tous les médecins sus-
ceptibles de participer au dépistage du cancer (radiologues,
gastro-entérologues, gynécologues, dermatologues, oncogéné-
ticiens, généralistes). Lannonce d’un dépistage positif doit être
associée à l’information immédiate du médecin traitant, avec
l’accord du patient, et à l’orientation la plus rapide possible vers
un centre spécialisé dans la prise en charge du cancer diagnosti-
qué, incluant le dispositif dannonce tel que décrit plus haut.
LA CONSULTATION DANNONCE : ET APRÈS ?
La mise en place du dispositif d’annonce du cancer constitue-t-
elle la solution aux problèmes soulevés lors des états généraux
du cancer organisés en 1998 et 2000 par la Ligue nationale
contre le cancer ? Bien présomptueux serait celui qui avancerait
cette affirmation. Même si cette mesure a permis un vrai pro-
grès en termes de prise de conscience des besoins des patients,
il conviendra de voir au fil du temps si les différents points sont
tous effectifs dans la prise en charge des patients. Cela fait par-
tie des objectifs d’évaluation du Plan cancer. S’il est certain que
l’on ressent déjà des améliorations en termes d’information du
patient (du fait des discussions engendrées sur les conditions
de l’annonce au sein des équipes soignantes), de renforcement
en personnel infirmier, de reconnaissance du temps consacré
aux consultations d’annonce et d’implication significative des
administrations, il nen demeure pas moins que la consultation
d’annonce n’est qu’un cadre qui ne remplace pas le contenu
humain que chaque médecin désire y mettre. Le temps passé à
donner toutes les informations ayant trait au diagnostic et au
projet personnalisé de soins ne doit pas faire oublier le temps,
probablement plus long, nécessaire à une réelle écoute du
patient, de son histoire et de ses questions existentielles ou
religieuses. Toutes ces facettes, tout aussi importantes pour le
vécu de ses priorités et de ses projets à venir, sont essentielles,
afin que la consultation ne devienne pas le lieu d’une relation
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qui ne serait, elle aussi, guidée, comme les soins, que par des
règles et des artifices techniques.
Il ne faut pas non plus méconnaître l’hétérogénéité de la prise
en charge des patients atteints de cancer selon le lieu d’exer-
cice, étant admis que tous les hôpitaux ne disposent pas des
mêmes moyens financiers sur le territoire français. Les états
généraux soulignaient la grande inégalité territoriale de la
prise en charge en France d’une région à l’autre.
Cela fait appel à une politique de santé publique encore à par-
faire de manière à répondre à l’objectif républicain d’égalité,
en termes de moyens non seulement matériels, mais aussi
humains, à un moment où lon sait qu’il existe une réelle pénu-
rie de médecins et un déficit de formation persistant… C’est
peut-être pourquoi, malgré les discours et les belles théories,
de nombreuses situations quotidiennes où le patient peut
se retrouver seul face à un examen non équivoque échap-
pent encore au dispositif d’annonce du cancer. Des exemples
concrets laissent perplexes, qu’il s’agisse du patient apprenant
son diagnostic en lisant un compte-rendu d’examen d’ima-
gerie qui lui a été remis directement avant même qu’il ait
revu son médecin traitant ou, de celui auquel on annonce
le diagnostic en quelques minutes dans un couloir d’hôpital
ou dans le hall d’un cabinet dans les suites immédiates d’un
examen. Ce point ouvre le débat sur la nécessité d’une consul-
tation dicale systématiquement associée à la remise des
examens vélant un diagnostic de cancer, ou de l’envoi de
ces résultats directement par courrier au médecin prescrip-
teur, en expliquant au patient que cest ce dernier qui les lui
communiquera. Ces données remettent en question le libre
accès du patient à ses résultats d’examens et, surtout, posent
clairement la question du rôle humain des médecins réalisant
des actes techniques.
Il faudra aussi continuer à s’interroger sur le fonctionnement des
institutions médicales pour regarder en quoi et comment elles
ne hiculent pas des attitudes et des habitudes contraires aux
évolutions souhaitées. On peut parler ici de la traditionnelle
grande” visite hospitalière, qui devra elle aussi évoluer afin dévi-
ter que le patient napprenne fortuitement son diagnostic devant
un groupe détudiants à l’occasion d’une lecture éducative” de
scanners, sans que l’on ne s’adresse jamais directement à lui.
Enfin, il ne faut pas non plus faire d’angélisme sur la question
de la vérité à tout prix ni sur le fait que tout patient est à même
de recevoir une information complète. Dans de nombreuses
situations, celle psychique ou socioculturelle du patient fait
que l’annonce doit être distillée avec prudence et tact au fil du
temps. Il faut donc entendre dans ces situations que la consul-
tation d’annonce n’est pas un moment ponctuel, défi ni dans le
temps, mais un parcours de relation à construire lentement.
CONCLUSION
Au-delà de la mise en place de dipositifs” comme celui de la
consultation dannonce du cancer, il serait dommage d’oublier
que l’écoute, le partage et l’information sont les actes fonda-
teurs de la relation médecin-patient, et qu’il appartient à tout
médecin de construire hors de tout cadre législatif ou admi-
nistratif un cadre relationnel et d’empathie. L’un des problè-
mes majeurs de la médecine “moderne” est probablement
le manque de valorisation institutionnelle et financière de
ce temps “humainconsacré à un patient comparé au temps
“technique”, plus court et plus lucratif, contre lequel les méde-
cins, même les plus motivés, ont des difficultés à lutter.
Lannonce du diagnostic de cancer est, sans aucun doute, une
étape très importante dans l’histoire d’un patient atteint de can-
cer, justifiant que l’on s’interroge sur la façon d’en améliorer les
conditions relationnelles, au besoin à laide du dispositif d’an-
nonce du cancer. Ce dispositif névoque cependant pas d’autres
étapes probablement aussi importantes, comme lannonce d’une
récidive tumorale après chirurgie à visée curative, qui plonge de
nouveau le patient dans un univers fragile alors qu’il se croyait
guéri” de son cancer, ou l’annonce d’une progression tumorale
nécessitant le changement du traitement anticancéreux. Elle
névoque pas, non plus, celle, peut-être la plus redoutée (par
le patient, mais aussi par l’équipe soignante), de la progression
tumorale échappant à toute ressource thérapeutique et pour
laquelle il faut envisager l’arrêt définitif de la chimiothérapie ou
de tout autre traitement anticancéreux au profit des soins de
support. Lamélioration de la prise en charge globale du patient
atteint de cancer ne saurait donc se résumer au seul dispositif
d’annonce du cancer, dont le bénéfice reste un présupposé, étant
donné, l’absence à ce jour, de travaux objectivant au regard du
patient le bénéfice escompté. Peut-être faudrait-il désormais,
avant de crier victoire, poser la question aux patients à travers
des travaux d’évaluation de nos pratiques dans ce domaine.
POUR EN SAVOIR PLUS : DÉTAIL DES PRINCIPALES
MESURES DU PLAN CANCER
Nous détaillerons les principales mesures du plan cancer
concernant les soins du patient et en particulier la coordina-
tion autour du patient, l’accès à l’information et l’amélioration
de la prise en charge du patient atteint de cancer.
Concertation pluridisciplinaire
Faire bénéficier 100 % des nouveaux patients atteints de can-
cer d’une concertation pluridisciplinaire autour de leur dos-
sier. Synthétiser le parcours thérapeutique prévisionnel issu
de cette concertation sous la forme d’un “programme person-
nalisé de soins” expliqué et remis au patient. Il doit être par-
faitement compréhensible par le patient. Dans l’attente d’un
véritable dossier communiquant, ce programme doit, lors des
épisodes extra-hospitaliers (qui représentent environ 90 % du
temps de traitement), faciliter la transmission des informa-
tions entre les professionnels, et en premier lieu le decin
généraliste.
Ce programme identifiera en outre le réseau et l’établissement
de prise en charge, le médecin référent pour le patient, et les
coordonnées d’un représentant des patients pour l’hôpital.
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