
La Lettre du Gynécologue - n° 323 - juin 2007
Dossier
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Sachant que certains agents de chimiothérapie ont un effet
nocif sur les testicules et sur les follicules ovariens chez l’en-
fant et l’adulte, on peut craindre que le même risque existe
chez les enfants exposés in utero, mais cela n’a pas été rap-
porté (5, 31).
CAS PARTICULIERS
Soins de support
L’utilisation d’ondansétron (y compris pendant le premier
trimestre) ne semble pas être à l’origine de malformations
fœtales. La prescription de corticoïdes doit, en revanche,
être réservée aux deux derniers trimestres (34).
Les facteurs de croissance (G-CSF) et l’érythropoiétine ont
été utilisés sans problème particulier chez des femmes encein-
tes et leur utilisation est donc possible selon les recomman-
dations habituelles, tout en tenant compte des modifications
physiologiques (hémodilution pendant la grossesse) [34].
Les bisphosphonates ont été utilisés au troisième trimestre
chez des patientes ayant un cancer du sein avec métastases
osseuses. Il n’a pas été observé de malformations fœtales, mais
on a noté une hypocalcémie chez le nouveau-né. Plus que l’ef-
fet du médicament en lui-même, l’inhibition des parathyroïdes
fœtales par l’hypercalcémie maternelle est évoquée (35).
Cancers du sein
Entre 0,2 % et 3,8 % de l’ensemble des cancers du sein sur-
viennent pendant la grossesse ou l’allaitement (36). L’in-
cidence annuelle des cancers du sein pendant la grossesse
serait de 3 500 aux États-Unis (37). Contrairement à ce qui
a longtemps été pensé, le pronostic des cancers du sein chez
la femme enceinte est le même que celui des autres femmes
à âge et facteurs pronostiques identiques (38). En revanche,
les tumeurs sont souvent plus volumineuses, avec plus d’en-
vahissements ganglionnaires et une extension métastatique
plus fréquente (39). Le risque d’envahissement ganglionnaire
augmente avec le temps : pour des tumeurs à croissance
rapide (soixante-cinq jours de temps de doublement), il
est d’environ 1,8 % en un mois, 5,2 % en trois mois et jus-
qu’à 10,2 % en six mois. Ce risque ne permet pas d’attendre
l’accouchement pour commencer la chimiothérapie lorsque
le diagnostic de cancer du sein est en début de grossesse.
Les cancers du sein en cours de grossesse doivent être trai-
tés selon les mêmes modalités qu’en l’absence de grossesse,
c’est-à-dire par une chimiothérapie dans la plupart des cas.
L’avortement thérapeutique (crainte que l’imprégnation hor-
monale pendant la grossesse favorise la croissance tumorale)
ne semble pas augmenter la survie.
Une série rétrospective française (40) a porté sur des
patientes ayant reçu un ou plusieurs cycles de chimiothérapie
pendant la grossesse pour un cancer du sein. Chez dix-huit
patientes ayant reçu une chimiothérapie après le premier
trimestre, dix-sept enfants sont vivants, dont trois avec des
complications liées à cette chimiothérapie (anémie, leucopé-
nie et retard de croissance) et un enfant est né vivant et décédé
huit jours plus tard de cause inconnue. Deux nouveau-nés ont
présenté des complications liées à la prématurité (insuffisance
respiratoire transitoire). Les dix-sept enfants ont un dévelop-
pement normal à 42,3 mois de suivi médian. L’administration
de la chimiothérapie pendant les deux derniers trimestres ne
semble pas augmenter le risque de tératogénicité. En revan-
che, il faut informer la patiente du risque d’autres toxicités,
comme les toxicités organiques, incluant une toxicité non éva-
luée encore sur le développement du système nerveux central
de l’enfant, les retards de croissance intra-utérins, et le risque
d’accouchement prématuré.
Une conférence internationale d’experts a publié récemment
ses recommandations (34). Un traitement à base d’anthracycli-
nes comme le FAC (5-FU + adriamycine + cyclophosphamide)
peut être prescrit lors des deuxième et troisième trimestres de
la grossesse (15, 35, 41). Il n’y a pas assez de données actuelle-
ment pour pouvoir recommander l’utilisation lors d’une gros-
sesse d’un taxane, d’épirubicine, d’idarubicine, de trastuzumab
ou de tamoxifène (observations contradictoires pour ce der-
nier).
Leucémies
Bien que l’incidence des leucémies soit estimée à 3,5 pour
100 000 habitants par an aux États-Unis et en Europe de
l’Ouest, l’incidence estimée pendant la grossesse n’est que de
1 pour 100 000 grossesses par an (24), mais il ne s’agit proba-
blement pas de l’incidence exacte (estimée seulement sur le
nombre de cas rapportés). Il s’agit dans 89 % des cas de leucé-
mies aiguës (LA) et le plus souvent de LA myéloblastiques (24,
42). Les LA nécessitent un traitement en urgence. Les taux de
réponse complète (65 à 75 %) sont élevés. Les taux de survie et
de réponse complète en cours de grossesse sont comparables
à ceux des femmes non enceintes. Il n’y a pas d’argument en
faveur d’une aggravation du pronostic liée à la grossesse (24).
Les drogues utilisées dans les LA sont principalement les anti-
métabolites, les anthracyclines et les vinca-alcaloïdes. Il y a
donc un fort risque de tératogénicité si elles sont utilisées dans
les premières semaines de grossesse. Un avortement spontané
peut survenir du fait de la chimiothérapie ou de la leucémie
(anémie maternelle, CIVD, modifications du flux sanguin,
des échanges nutritifs et délivrance d’oxygène au niveau des
espaces intervillositaires du placenta). Le traitement standard
peut être administré sans réel risque de tératogénicité après
le premier trimestre. Ebert et al. ont regroupé tous les cas
publiés de LA (LAL et LAM) et de leucémie myéloïde chro-
nique associées à une grossesse entre 1983 et 1995. Sur les
quatre-vingt-seize cas, deux seulement ont reçu une mono-
chimiothérapie, et sept patientes ont reçu une radiothérapie
en plus de leur chimiothérapie. Il est rapporté douze cas de
problèmes néonatals : deux avortements thérapeutiques, un
avortement spontané, deux enfants mort-nés, un enfant avec
caryotype anormal, et huit enfants avec anomalie congénitale
(22). Sept enfants sur huit présentant une anomalie congéni-
tale ont été exposés pendant le premier trimestre de la gros-