La Lettre du Gynécologue - n° 315 - octobre 2006
Gynéco et société
Gynéco et société
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Le contenu de la consultation médicale préalable à la pratique d’un
dépistage prénatal a été analysé et un certain nombre de proposi-
tions ont été émises sur le contenu de l’information (6), soit :
– information sur la maladie dépistée ;
– signification d’un résultat à bas risque, signification d’un
résultat à haut risque, pourcentage de patientes à bas risque,
pourcentage de patientes à haut risque ;
– risque de fausse couche après le prélèvement proposé aux
patientes à haut risque ;
– pourcentage de patientes à haut risque qui auront un fœtus
trisomique ;
– information sur la possibilité d’une interruption de gros-
sesse pour les patientes dont le résultat prouve que le fœtus
est trisomique.
Ces recommandations ont été reprises et adaptées par le General
Medical Council (7). En France, des textes réglementaires encadrent
cette pratique (1-4), sans que les sociétés savantes aient finalisé pour
autant des recommandations précises comme celles des Anglais.
Une étude française que nous avons coordonnée (en cours de
publication) montre la persistance de lacunes dans ce processus
d’information et de consentement, en particulier concernant les
notions de faux positifs et de faux négatifs, le dépistage associé
de pathologies autres que la trisomie 21 et les conséquences de
la démarche diagnostique (en particulier concernant l’amnio-
centèse et ses risques ou l’interruption de grossesse).
La carence en informations prénatales avait déjà été soulignée par
les travaux de Harris (8) portant sur les dossiers médicaux de faux
négatifs de trisomie 21.Par ailleurs, Lane (9) montrait, en 2001, que
24% des obstétriciens et 21% des sages-femmes déclaraient n’avoir
reçu aucune recommandation spécifique concernant la qualité
de l’information à délivrer et le déroulement d’une consultation
à ce sujet. Une étude réalisée dans le Nord de la France montrait
que 57% des patientes n’avaient pas eu le choix d’accepter ou de
refuser le test (10). Enfin, en Angleterre, 25% des obstétriciens
prescrivaient les tests sans aucune explication préalable (11). Ceci
était en rapport avec une mauvaise connaissance de ces tests et de
leurs conséquences par les prescripteurs, et un déficit de prise de
conscience de la nécessité d’une information de qualité à délivrer
aux patientes (12, 13). Cette méconnaissance peut entraîner une
insuffisance des conseils apportés par les médecins (14).
L’ensemble de ces résultats souligne donc l’importance d’un
investissement des professionnels dans ce domaine, d’autant plus
qu’aujourd’hui ces derniers ont une obligation d’informer, d’apporter
la preuve que cette information a été de qualité et qu’elle a permis
aux patientes de faire un choix réellement éclairé (15, 16).
LA RELATION CLINIQUE INTÈGRE-T-ELLE
LES VALEURS DES PATIENTES ET S’ASSURE-T-ELLE
DE LA COMPRÉHENSION DE L’INFORMATION
PAR LES PATIENTES ?
Avec son corollaire, l’information du patient, le consentement
constitue donc un des points les plus sensibles de la relation
médecin-patient. Comme le soulignait le Pr Jean Hamburger
dans l’ouvrage L’Aventure humaine, publié en 1992, le consente-
ment s’inscrit dans la complexité d’une médecine de plus en plus
moderne et performante, confrontée à l’incertitude du progrès
et de la maladie. Il souligne que la codécision entre le médecin
et le patient est de plus en plus essentielle, le médecin devant
accepter de se mettre à la place du patient et réciproquement
pour bien appréhender toutes les facettes des choix : “Art de
réflexion et de conjecture en 1900, la médecine est devenue
une discipline d’action qui détient aujourd’hui mille pouvoirs
de vie et de mort sur les malades qui lui sont confiés. Puissance
merveilleuse et salvatrice, mais aussi puissance qui va doubler
chaque problème technique d’un problème moral et contraindre
le médecin à repenser toute l’éthique de son métier à chacun
des nouveaux gestes d’audace.” “Toute décision grave doit être
celle de deux hommes, chacun se mettant à la place de l’autre. Le
médecin n’a pas à imposer autoritairement ses propres vues, les
désirs profonds du malade comptent autant que les impératifs
techniques pour la stratégie du traitement.”
En 1997, on assiste à la renaissance du débat sur l’information des
patients suite à la décision de la Cour de cassation qui bouleverse
la doctrine antérieure en faisant désormais peser sur le médecin
la charge de la preuve que l’information a été délivrée, se référant
au code civil et à la nature d’un contrat (second article alinéa
de l’article 1315 du code civil motivant cette innovation juris-
prudentielle) : “...celui qui est légalement ou contractuellement
tenu d’une obligation particulière d’information doit rapporter
la preuve de l’exécution de cette obligation…”
Face à cette décision, les médecins et leurs sociétés savantes vont
s’interroger sur cette contrainte imposée, et vont comprendre
cette décision comme une obligation d’apporter la preuve que
l’information a été donnée, à travers un support écrit signé par
le patient. Nous verrons que cette vision n’est que partiellement
juste et que l’écrit signé d’un patient n’est ni la seule ni toujours
la juste garantie d’une information de qualité.
Quoi qu’il en soit, en 1998, la Cour de cassation complexifie la
question de l’information et du consentement et précise que l’in-
formation doit être complète sur toutes les conséquences d’une
décision médicale. La jurisprudence administrative en 2002 a eu
pour objet l’alignement de la jurisprudence du Conseil d’État sur
celle de la Cour de cassation. Le juge administratif a rejoint le juge
judiciaire en affichant clairement la nécessité d’unifier les règles qui
s’appliquent aux médecins du secteur public hospitalier avec celles
qui sont appliquées pour les médecins du secteur privé.
Cette jurisprudence est reprise dans la loi du 4 mars 2002, dite
loi des droits des patients.
Du coup, à côté des décisions de justice, un débat de nature
éthique voit le jour : comment certes mieux informer, mais
surtout mieux faire participer les patients et les patientes, quand
cela est possible et nécessaire à la prise de décision, afin qu’une
réelle codécision se construise. Ce débat n’est toujours pas clos,
car il nécessite que chaque spécialité médicale réfléchisse à cette
question pour définir jusqu’où on doit aller dans l’exhaustivité,
puis comment accompagner les personnes au décours de l’in-
formation. Enfin, et surtout, comment s’assurer de la réelle
implication des personnes et, en particulier, des patientes dans