Cas clinique
Cas clinique
La Lettre du Neurologue - Vol. XII - n° 1-2 - janvier-février 2008
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Langue du patient
Figure 2.
corps anti-RACh sont absents, le résultat de la recherche d’une
cytopathie mitochondriale par analyse de l’ADN mitochondrial
est négatif. En revanche, le dosage des anticorps anti-MuSK
est positif. Le scanner thoracique retrouve un thymus volumi-
neux correspondant à une hyperplasie thymique. L’évolution est
marquée par une effi cacité incomplète des anticholinestérasiques
associés à des cures mensuelles d’immunoglobulines i.v. et un
immunosuppresseur (mycophénolate mofétil). En eff et, une
dysphonie, une dysarthrie et une ophtalmoplégie deviennent
permanentes. En mars 2007, un traitement par corticoïdes est
initié.
Chez ce patient, l’atteinte linguale est retrouvée très précoce-
ment, dès avril 2006, soit un an après le début des troubles et
avant toute introduction d’un traitement par corticoïdes.
Il s’agit d’une amyotrophie prononcée de toute la portion mobile
de la langue (fi gure 2).
DISCUSSION
Plusieurs muscles participent à la formation de la langue.
Les muscles extrinsèques de la langue prennent naissance à
l’exté rieur de celle-ci et s’insèrent sur elle. Les quatre paires
de muscles extrinsèques servent à sa protrusion, à sa rétrac-
tion, à sa dépression et à son élévation (muscles génioglosse,
hyoglosse, styloglosse et palatoglosse). Les muscles intrinsèques
comprennent le muscle longitudinal supérieur (impair), les
muscles longitudinaux inférieurs, les muscles verticaux et les
muscles transverses. La langue est constituée de fi bres muscu-
laires de type I et de type II. Celles-ci sont réparties de façon
hétérogène : la partie antérieure est composée de fi bres de type II,
plus adaptées pour les mouvements rapides utiles dans l’articu-
lation, et la partie postérieure de fi bres de type I, destinées aux
fonctions de déglutition et de respiration (2).
Cliniquement, l’atteinte linguale de la myasthénie comporte
quelques caractéristiques. Le classique triple furrowed aspect de
la langue (celle-ci est striée par trois grosses rides profondes),
dû à une atteinte privilégiée de fi bres musculaires de type II,
est retrouvé dans les deux types (MuSK-MG et AChR-MG)
(3). Seuls les muscles intrinsèques de la langue semblent être
atteints (4). La nature de l’atrophie retrouvée dans la myasthénie
semble d’origine myogène et non neurogène (5). Cette atrophie
serait liée à la réduction du calibre et du nombre des fi bres
musculaires. Plusieurs équipes, A. Evoli et al. (6), D.B. Sanders
et al. (7), W. Ishii et al. (8), ont réalisé des biopsies musculaires
chez des patients MuSK-MG et ont retrouvé à chaque fois une
atrophie des fi bres musculaires.
Les diff érences de l’atteinte linguale entre les deux types de
myasthénies portent sur le délai d’apparition, la fréquence
et la sévérité de la maladie (tableau). L’atrophie de la langue
concerne entre 5 et 10 % des AChR-MG (9). Les études réalisées
sur le sujet par J.L. De Assis et al. (10), H. Oosterhuis et al.
(11) et J. Burch et al. (12) ont retrouvé une corrélation entre
la présence d’une atrophie linguale et la sévérité de la maladie.
L’atrophie linguale se rencontre dans les AChR-MG sévères
après plusieurs années d’atteinte de la sphère bulbaire. Les
MuSK-MG présentent quant à elle fréquemment une faiblesse
et une atrophie marquée des muscles à innervation bulbaire
(en particulier de la langue), considérées comme un critère
classique du phénotype de ces myasthénies par A. Evoli et al.
(6). D’après M.E. Farrugia et al. (4), au niveau macroscopique,
l’atrophie linguale se retrouve aussi bien parmi les patients
MuSK-MG que AChR-MG, mais en IRM elle n’apparaît signi-
fi cative, par rapport à un groupe contrôle sain, que dans le
groupe des MuSK-MG.
Tableau.
Atrophie linguale au cours de la myasthénie.
MuSK-MG AChR-MG
Délai d’apparition Précoce Tardif
Fréquence Élevée 5 à 10 % des cas
Gravité de l’atteinte Indiff érente Sévère
Plusieurs hypothèses physiopathologiques sont proposées.
F.L. Mastaglia (13) a montré que les corticoïdes induisaient
une atrophie musculaire essentiellement sur les fi bres muscu-
laires de type II. La corticothérapie pourrait donc contri-
buer à l’apparition et à l’importance de l’atrophie dans les
MuSK-MG, puisque ce sont des myasthénies souvent sévères
et résistantes, nécessitant de fortes doses de corticoïdes.
D’ailleurs, M.E. Farrugia et al. (4) retrouvent une corrélation
entre les atrophies faciale et linguale et la durée d’adminis-
tration d’une corticothérapie. Mais les atrophies faciale et
linguale sont souvent présentes dans les MuSK-MG avant la
mise en route d’un traitement, comme c’est le cas ici chez le
deuxième patient.