Cahiers de Psychologie n°36 (Université de Neuchâtel). Copyright © 2000, Cahiers de Psychologie. 3
Enjeux identitaires et apprentissage dans une situation de formation
interculturelle
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Nathalie Muller
• Problématique : Une approche psychosociale pour rendre compte des enjeux d’une
situation de formation
Qu’est-ce qu’une situation d’apprentissage ? C’est une situation dans laquelle des
individus – détenant des statuts particuliers comme ceux par exemple d’élève et
d’enseignant – interagissent autour d’un objet de connaissance. Chacun de ces individus
se positionne d’une manière particulière par rapport à ses partenaires, par rapport à
l’objet de connaissance et par rapport au setting, selon les représentations qu’il se fait
de lui-même dans cette situation et de ses composantes (composantes de la situation).
« Qui suis-je dans mon rapport aux autres et à l’objet de savoir ? Comment l’autre me
considère-t-il dans mes appartenances, dans mes savoirs, dans ma personne ? »
apparaissent ainsi comme des questions fondamentales que se posent les acteurs dans
leur effort de conférer du sens à la situation et, ainsi, de mobiliser certains processus
cognitifs liés à l’apprentissage (Bruner, 1990; Chaiklin & Lave, 1993 ; Grossen, et al.
1996; Light & Perret-Clermont, 1998; Mercer, 1995 ; Resnick, et al. 1997).
A travers cette rapide introduction se laissent deviner certaines orientations
épistémologiques: nous mettons en effet au cœur de l’analyse un individu à la fois situé
dans un contexte interpersonnel, institutionnel et culturel et se situant dans le hic et
nunc de la situation, se référant à des expériences passées et à des univers symboliques
– mobilisant ainsi des processus identitaires - pour interpréter son environnement et
agir.
En utilisant ici le terme d’identité ou de processus identitaires, nous désignons les
processus dynamiques et discursifs par lesquels les individus – à travers leurs actions, et
au cours d’interactions sociales (en confrontation et en négociation donc avec d’autres
individus) – signifient qui ils sont, comment ils se perçoivent dans une situation sociale
spécifique2. Je ne développerai pas ici le cadre théorique lié à la notion d’identité
(Camilleri & Karstersztein, 1990, Goffman, 1959; Mead, 1934; Tap, 1986). J’ajouterai
uniquement, pour la compréhension de ma démarche, que je ne considère pas l’identité
1 Ce texte a été présenté en anglais lors de la III Conference for sociocultural research (qui s'est tenue à
Campinas (Brazil), du 16-20 juillet 2000), dans le cadre du symposium: "Social identity and the transmission of
knowledge", coordonné par Guida de Abreu et Gerard Duveen.
2 "L'identité est un processus constant d'identification de soi par le détour de l'autre et de l'autre par
rapport à soi". "L'altérité étant non seulement ce qui est "hors" de la collectivité définie par une conscience
identitaire, mais aussi ce pour quoi et contre quoi cette identité se construit, se définit et se transforme"
(Centlivres, 1986, p. 97).
"L'identité est un système dynamique de sentiments axiologiques et de représentations par lesquels l'acteur
social, individuel ou collectif, oriente ses conduites, organise ses projets, construit son histoire, cherche à
résoudre les contradictions et à déapsser les conflits (...) en relation constante avec d'autres acteurs sociaux sans
lesquels il ne peut ni se définir ni se (re)connaître" (Tap, 1986, p. 12).