Médecine
& enfance
mars 2013
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besoin (délimitation du cercle des en-
fants à dépister).
Les deux facteurs de risque majeur d’in-
fection liés au cas index sont la présence
de cavernes à la radio de thorax et un
examen direct positif : BAAR+ (bacilles
acido-alcoolo-résistants). Cependant,
un BAAR–ne signifie pas l’absence de
contagiosité, il ne fait que réduire la pro-
babilité d’être infecté (environ 10 % si le
cas index est BAAR–contre 25 à 30 %
s’il est BAAR+). Les autres facteurs de
risque à prendre en compte sont : le lieu
d’exposition (degré de confinement), le
temps d’exposition, la proximité du cas
index et le tabagisme (ce qui concerne
des adolescents fumeurs).
Il existe aussi des facteurs de risque
d’un test positif lié à une exposition an-
térieure au contact actuel : les condi-
tions socioéconomiques et l’origine géo-
graphique (enfant provenant d’un pays
à forte prévalence de la tuberculose).
Ces facteurs de risque sont cumulatifs.
Une enquête dans le Val-de-Marne chez
440 enfants de moins de quinze ans [1]
montre qu’en moyenne 13 % des enfants
exposés à un contact contaminant ont
une intradermoréaction (IDR) à la tuber-
culine supérieure à 15 mm. Si le lien de
parenté avec le contaminateur est direct,
le taux d’infection est de 35 %. Il s’élève
à 45 % en cas de cumul d’un lien de pa-
renté au premier degré et de mauvaises
conditions socioéconomiques. En pré-
sence d’un troisième facteur de risque
(cavernes chez le contaminateur), le
taux d’infection atteint 60 %.
COMMENT DÉPISTER ?
Deux tests in vitro de détection de la
production d’interféron gamma (Inter-
feron Gamma Release Assay, IGRA)
sont actuellement commercialisés. Ces
tests sont basés sur la stimulation des
lymphocytes T par des antigènes spéci-
fiques du complexe tuberculeux, qui ne
sont pas présents dans les souches utili-
sées pour le BCG ni partagés par des
mycobactéries atypiques. Ils sont donc
extrêmement spécifiques.
Les recommandations de la Haute Auto-
rité de santé (HAS, 2006) les réser-
vaient aux enfants de plus de quinze
ans dans le cadre d’une enquête autour
d’un cas. Le Haut Conseil de santé pu-
blique (HCSP) a revu ces recommanda-
tions en juillet 2011 [2] et proposé un
élargissement de leurs indications : à
partir de l’âge de cinq ans, le diagnostic
de l’ITL peut indifféremment reposer
sur l’IDR ou sur un test IGRA. Pour le
dépistage de l’ITL chez les enfants mi-
grants âgés de cinq à quinze ans ou
chez les sujets infectés par le VIH, le
HCSP recommande l’utilisation d’un
test IGRA. Ces tests peuvent également
être utilisés comme aide au diagnostic
d’une tuberculose-maladie avant l’âge
de cinq ans, mais uniquement en com-
plément des autres investigations.
Les tests IGRA présentent certains avan-
tages par rapport à l’IDR : outre leur
spécificité, ils ne nécessitent qu’un
simple prélèvement sanguin (donc une
seule visite) et la méthode d’analyse est
standardisée (contrôle positif du fonc-
tionnement du système immunitaire
par un mitogène). Toutefois, ils sont
nettement plus chers qu’une IDR, et un
test IGRA négatif ne peut exclure ni une
tuberculose infection ni une tuberculo-
se-maladie. Leur sensibilité avoisine
90 % chez l’immunocompétent, comme
pour l’IDR. Par ailleurs, ils ne permet-
tent pas plus que l’IDR de différencier
une infection ancienne d’une infection
récente. Enfin, aucun des deux tests im-
munologiques, lorsqu’il est positif, ne
peut donner d’indication quant au
risque d’évolution de l’infection latente
vers une tuberculose-maladie.
L’expérience de l’utilisation des tests
IGRA chez l’enfant, à travers quelques
études déjà disponibles, indique que
leur valeur prédictive positive est équi-
valente à celle de l’IDR, et qu’ils ont une
très bonne valeur prédictive négative
(un test négatif prédit la non-évolution
vers une tuberculose-maladie). La stra-
tégie qui pourrait être économiquement
la plus intéressante serait ainsi de faire
d’abord une IDR (peu coûteuse), puis
en cas de positivité de faire un test
IGRA afin d’éliminer la fraction des su-
jets IDR+ qui risque d’être traitée par
excès.
LORSQU’UNE ITL EST
IDENTIFIÉE, QUELS AUTRES
EXAMENS PRATIQUER ?
Les recommandations de la Société de
pneumologie de langue française
(SPLF, 2004 [3]) sont d’éviter des exa-
mens complémentaires inutiles pour la
très grande majorité des enfants et qui
ne modifieront pas l’attitude thérapeu-
tique.
Une radiographie du thorax normale
(cliché de face, qu’il est recommandé de
compléter par un profil chez l’enfant de
moins de cinq ans) signifie que le
nombre de bacilles intrapulmonaires est
limité, et que l’on se situe donc à un ni-
veau d’infection où une mono- ou bithé-
rapie sera efficace. Il est inutile de faire
un examen plus sensible comme un
scanner, qui va détecter de petits gan-
glions. Le scanner est à réserver aux cas
où la normalité de la radiographie est
difficile à affirmer (image douteuse) ou
aux situations d’immunosuppression.
Les tubages gastriques sont à réserver
aux enfants de moins de deux ans : au-
delà ils ne permettent pas de détecter
des bacilles à l’examen direct.
Le bilan sanguin préthérapeutique n’est
utile que chez les enfants qui ont poten-
tiellement des antécédents hépatiques.
QUI DOIT ÊTRE TRAITÉ ?
Suite à l’exposition à un cas de tubercu-
lose pulmonaire, un traitement prophy-
lactique est indiqué pour tout enfant
qui présente des critères initiaux d’in-
fection tuberculeuse ainsi que pour les
enfants à risque élevé de progression ra-
pide vers la tuberculose-maladie (âge
inférieur ou égal à deux ans, immuno-
dépression ou maladie chronique com-
me un diabète ou une insuffisance réna-
le chronique en hémodialyse), quel que
soit le résultat du bilan initial, même en
l’absence de critères d’infection.
Le traitement de l’ITL repose sur l’asso-
ciation isoniazide-rifampicine (isoniazi-
de 10 mg/kg/j avant deux ans et
5 mg/kg/j après deux ans + rifampicine
10-15 mg/kg/j) pour une durée de trois
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