Rémission : infection par le VIH
Objectif RÉMISSION
34 | La Lettre du Rhumatologue • No 400 - mars 2014
D’une façon plus globale, si l’on regarde les données
épidémiologiques relatives aux patients traités en
France, plus de 80 % ont une charge virale (CV)
indétectable (13).
En ce qui concerne l’espérance de vie des personnes
infectées par le VIH, plusieurs études ont montré
que les patients infectés par le VIH et recevant un
traitement effi cace sur le plan immunovirologique
(CD4 < 500/mm
3
, CV indétectable) avaient une
espérance de vie comparable à celle de la popula-
tion générale.
En 10 ans, l’espérance de vie a gagné 16 ans (14). On
comprend donc bien qu’aujourd’hui l’infection par
le VIH soit devenue une maladie chronique et que
l’enjeu sera de dépister les patients à un stade plus
précoce. Les dernières données épidémiologiques
françaises montrent en effet, parmi les nouveaux
diagnostics, qu’environ 29 % des personnes sont
diagnostiquées au stade sida avec moins de 200 CD4
et que seuls 35 % sont diagnostiqués en primo-infec-
tion avec plus de 500 CD4 (13).
Améliorer le dépistage est donc certainement un
enjeu majeur pour les prochaines années. Comme il
est stipulé dans le dernier rapport d’experts, la stra-
tégie de dépistage de l’ensemble de la population
devrait être réajustée : il pourrait être demandé aux
médecins généralistes et spécialistes d’accentuer
le dépistage dans certaines situations cliniques et
biologiques classiques, en s’aidant notamment des
tests de diagnostic rapides (test rapide d’orientation
diagnostique [TROD]) [13].
On ne peut pas parler de rémission d’une patho-
logie sans aborder le risque de transmission qui,
bien entendu, alimente la survenue de nouvelles
infections. Là encore, les choses sont en train de
changer. Il faut reconnaître que, dans ce domaine,
les Suisses ont été avant-gardistes. En effet, le
“Swiss Statement” a un peu révolutionné les esprits :
“Une personne séropositive ne souffrant d’aucune
autre maladie sexuellement transmissible (MST)
et suivant un traitement antirétroviral avec une
virémie entièrement supprimée ne transmet pas le
virus par le biais de contacts sexuels.” Cette affi r-
mation reste valable à condition que la personne
séropositive observe son traitement à la lettre, soit
suivie régulièrement par un médecin, qu’elle ne pré-
sente aucune autre MST et que la charge virale soit
indétectable ( c’est-à-dire < 40 copies/ ml) depuis
au moins 6 mois (15). Dans la littérature scienti-
fi que, plusieurs études longitudinales, dont celle de
T.C. Quinn et al., ont montré que le risque de trans-
mission dépend de la charge virale de la personne
séropositive dans le cas de couples hétérosexuels
sérodiscordants (16). L’étude la plus récente dans
ce domaine est l’étude HTPN052, qui montre que le
risque de transmission du VIH est diminué de plus de
94 % par un traitement antirétroviral effi cace (17).
Ces données sont extrêmement importantes, car
elles ont conduit en Suisse à l’arrêt du recours à la
procréation médicalement assistée (PMA) pour le
problème de la transmission virale dans les couples
sérodiscordants en cas de VIH contrôlé.
Conclusion
La prise en charge de l’infection par le VIH a large-
ment évolué au cours des dernières années. Même si
l’on ne peut pas parler de rémission au sens propre
du terme, puisque l’éradication n’est actuellement
pas envisagée, le fait d’avoir, dans des circonstances
qui ne demandent qu’à se généraliser, une espérance
de vie similaire à celle de la population générale est
un résultat majeur. ■
1. Chomont N, El-Far M, Ancuta P et al. HIV reservoir size
and persistence are driven by T cell survival and homeostatic
proliferation. Nat Med 2009;15:893-900.
2. Saez-Cirion A, Hamimi C, Bergamaschi A et al.; ANRS CO18
Cohort. Restriction of HIV-1 replication in macrophages and
CD4+ T cells from HIV controllers. Blood 2011;118:955-64.
3. Autran B, Descours B, Avettand-Fenoel V, Rouzioux C.
Elite controllers as a model of functional cure. Curr Opin
HIV AIDS 2011;6:181-7.
4. Hutter G, Nowak D, Mossner M et al. Long-term control
of HIV by CCR5 Delta32/Delta32 stem-cell transplantation.
N Engl J Med 2009;360:692-8.
5. Henrich TJ, Hu Z, Li JZ, Sciaranghella G, Busch MP, Keating SM
et al. Long-term reduction in peripheral blood HIV type 1 reser-
voirs following reduced-intensity conditioning allogeneic stem
cell transplantation. J Infect Dis 2013;207:1694-702.
6. Henrich T, Goldstein E, Rosenbloom DIS, Hanhauser E,
Kuritzkes DR, editor. Mathematical modeling of HIV-1 latent
reservoir dynamics following hematopoietic stem cell transplan-
tation. Sixth International Workshop on HIV Persistence during
Therapy Miami, Florida: 2013, abstr. 130, Global Antiviral Journal.
7. Hocqueloux L, Prazuck T, Avettand-Fenoel V et al.
Long-term immunovirologic control following antiretro-
viral therapy interruption in patients treated at the time of
primary HIV-1 infection. AIDS 2010;24:1598-601.
8. Hocqueloux L, Avettand-Fènoël V, Jacquot S et al.
Long-term antiretroviral therapy initiated during primary
HIV-1 infection is key to achieving both low HIV reser-
voirs and normal T cell counts. J Antimicrob Chemother
2013;68:1169-78.
9. Persaud D, Gay H, Ziemniak C et al. Absence of detectable
HIV-1 viremia after treatment cessation in an infant. N Engl
J Med 2013;369:1828-35.
10. Ho YC, Shan L, Hosmane NN et al. Replication-com-
petent noninduced proviruses in the latent reservoir increase
barrier to HIV-1 cure. Cell 2013;155:540-51.
11. Clumeck N, Molina JM, Henry K et al. A randomized,
double-blind comparison of single tablet regimen elvite-
gravir/cobicistat/emtricitabine/tenofovir DF versus rito-
navir-boosted atazanavir plus emtricitabine/tenofovir DF
for initial treatment of HIV-1 infection: analysis of week
144 results. J Acquir Immune Defi c Syndr 2014;65(3):e121-4.
12. Walmsley SL, Antela A, Clumeck N et al.; SINGLE Investi-
gators. Dolutegravir plus abacavir-lamivudine for the treat-
ment of HIV-1 infection. N Engl J Med 2013;369(19):1807-18.
13. Prise en charge médicale des personnes vivant avec le
VIH : recommandations du groupe d’experts. Rapport 2013.
Paris : La documentation française, 2013. http://www.sante.
gouv.fr/IMG/pdf/Rapport_Morlat_2013_Mise_en_ligne.pdf
14. Samji H, Cescon A, Hogg RS et al. Closing the Gap: Increases
in Life Expectancy among Treated HIV-Positive Individuals in
the United States and Canada. PLoS One 2013;8(12):e81355.
15. Vernazza P, Hirschel B, Bernasconi E, Flepp M. Les per-
sonnes séropositives ne souffrant d’aucune autre MST et
suivant un traitement antirétroviral effi cace ne transmettent
pas le VIH par voie sexuelle. Bull Med Suisses 2008;89:165-9.
16. Quinn TC, Wawer MJ, Sewankambo N et al. Viral load
and heterosexual transmission of human immunodefi-
ciency virus type 1. Rakai Project Study Group. N Engl J Med
2000;342:921-9.
17. Cohen MS, Chen YQ, McCauley M et al. Prevention of
HIV-1 infection with early antiretroviral therapy. N Engl
J Med 2011;365(6):493-505.
Références bibliographiques
V.Martinez déclare
ne pas avoir de liens d’intérêts.
J.L.Meynard déclare participer ou
avoir participé àdes interventions
ponctuelles pour BMS, Gilead
Sciences, Janssen-Cilag,
Abbvie, MSD, ViiV Healthcare
et Astellas ; avoir été pris en
charge ( transport, hôtel, repas),
àl’occasion de déplacements
pour congrès, par BMS, Gilead
Sciences, Janssen-Cilag, Abbvie,
MSD, ViiV Healthcare et Astellas.