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révèle que si les ruptures ou les refus de
contrat étaient nombreux (15), le facteur qui
permettait de prédire avec le plus de certitude
la possibilité d’une rupture (ou d’un refus)
de contrat de santé était la taille du cabinet
médical (plus celle-ci était importante, plus
le risque de rupture était faible), la spécialité
médicale concernée (les médecins pédiatres
affichaient le taux le plus faible de rupture ou
de refus de contracter) et l’accréditation du
praticien : ainsi, les médecins certifiés, ou
board certified, avaient une probabilité deux
fois plus importante d’être liés par contrat (au
moins) à un organisme de Managed Care
que les médecins non certifiés ou non board
certified MD. Si les exclusions étaient sur-
tout le fait des sociétés de HMO les moins
expérimentées, des HMO de petite taille et
de celles qui occupaient une part de marché
faible (16), le motif le plus fréquemment avancé
pour justifier cette décision était le nombre
trop élevé de médecins dans la spécialité
concernée.
Le Managed Care n’a pas seulement dété-
rioré la satisfaction professionnelle des méde-
cins, il a également entraîné une dégradation
de la relation entre le médecin et son patient.
Sur ce sujet, une étude (14) portant sur
1076 médecins américains précise l’origine
des difficultés rencontrées dans la relation
médecin-patient sous régime Managed Care :
manque de confiance, dépression, difficultés
de compréhension, mauvaise observance du
traitement et exigences irréalistes de la part
du patient. Les médecins, en particulier ceux
des HMO, étaient plus souvent confrontés à
ce type de problème, que les spécialistes et les
médecins restés dans le système traditionnel
de paiement à l’acte (Fee-For-Service). De
plus, alors que la médecine américaine repo-
sait sur une entente tacite entre le médecin et
son patient pour déterminer le meilleur ser-
vice possible, les accords qui lient les méde-
cins aux sociétés de gestion des dépenses de
santé sont quelquefois si forts qu’ils peuvent
dissuader les médecins de donner au patient
l’intégralité des soins dont celui-ci a besoin.
L’autonomie décisionnelle du médecin n’est
plus protégée. Le patient est d’autant plus vul-
nérable qu’il est dans une situation d’asymé-
trie informationnelle et qu’il ne connaît pas la
nature du contrat (donc les restrictions…) qui
lie son médecin à la société de HMO. Une
illustration de ces difficultés est à rechercher
dans la gag rule (littéralement loi du bâillon),
devenue le symbole de l’intrusion des orga-
nismes de Managed Care dans la relation
médecin-patient. Parce qu’elle interdisait au
médecin de discuter avec son patient des dif-
férents traitements possibles et de l’informer
des arrangements financiers qui le lient à l’as-
sureur, elle représentait une menace pour la
confiance que le public accorde à la profes-
sion médicale. Celle-ci fut cependant aban-
donnée dans pratiquement tous les États amé-
ricains.
Des avancées ont été accomplies. Ainsi, à la
fin de l’année 1999, United Health Group
(Minnesota) décidait de laisser le dernier mot
au médecin au sujet du traitement qu’il
convient de choisir pour le patient. Cette déci-
sion, très favorablement accueillie par l’Ame-
rican Medical Association, devrait être sui-
vie par d’autres HMO, d’autant que United
Health Group est la deuxième société de
Managed Care aux États-Unis après Aetna,
avec 14,5 millions d’assurés. L’argument
invoqué est que le contrôle de l’activité médi-
cale lui coûte plus cher que les économies
réalisées grâce au refus de certains traite-
ments ou opérations. La liberté de choisir un
médecin traitant est également revenue au
centre des préoccupations des HMO. En
effet, elle est toujours un critère important du
choix d’un plan de santé. Son absence
explique en partie l’échec du projet de
réforme de la santé du président Clinton au
début des années 1990. Les HMO ont pris
conscience que les patients adhèrent en prio-
rité aux plans de santé qui leur permettent de
consulter un grand nombre de prestataires de
soins et en particulier un fournisseur de soins
extérieur à leur réseau (panel) de médecins
habituels. Ainsi, l’American College of Sur-
geons a lancé une campagne nationale pour
préserver le droit du patient à choisir son spé-
cialiste, contrant ainsi le principe du Gate-
keeping. Les organismes de Managed Care
ont pris acte de ces critiques affirmant, pour
certains, qu’ils n’ont plus recours à ce prin-
cipe et qu’ils offrent un accès rapide et facile
à la médecine de spécialité.
La pratique médicale des sociétés de ges-
tion des dépenses de santé de type HMO
diffère (17) de celle des assureurs tradition-
nels (15) : la plupart des HMO exigent du
médecin qu’il se conforme à des directives
cliniques (Guidelines). Et si la durée de la
visite médicale est plus courte pour les
patients sous régime Fee-For-Service, les
consultations au sein de la société de ges-
tion des dépenses de santé comportent
davantage de prévention et proposent une
gestion plus planifiée du traitement.
Cependant, les médecins considèrent que
les contrats au forfait (capitation) ont
contribué à dégrader leur satisfaction pro-
fessionnelle (16), la qualité de la relation
médecin-patient et l’accès aux soins (17).
Les HMO s’efforcent également de
réduire la durée des séjours hospitaliers
pour diminuer leurs coûts (18). De plus, le
temps que les médecins consacrent au trai-
tement des tâches administratives a aug-
menté. En effet, si les associations entre
médecins et organismes de Managed Care
fonctionnent sans grande difficulté,
notamment lorsque les demandes d’auto-
risations concernent les procédures médi-
cales les plus simples et les moins oné-
reuses, ce n’est plus vrai pour des
opérations plus complexes. Ainsi, les
médecins et les infirmières sont dans
l’obligation de contacter la société de ges-
tion des dépenses de santé pour la
convaincre de financer certains soins.
Cette barrière administrative est censée
dissuader les médecins de demander des
procédures trop onéreuses pour l’assureur.
Cela influe également sur l’utilisation des
(15) Étaient concernés 22 % des médecins
qui participèrent à l’étude.
(16) Inférieure à 10 %.
(17) L’étude porta sur 82 consultations
réalisées dans le système traditionnel du type
Fee-for-Service et 72 consultations
au sein d’une société de HMO.
sionnelle
Vie professionnelle