La Lettre du Rhumatologue - n° 293 - juin 2003
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MISE AU POINT
CD34), ont été proposés. Dans la plupart des cas, cette procé-
dure a permis une rémission assez prolongée (3). Dans les
registres de l’EBMT (European Group for Blood and Marrow
Transplantation) et l’EULAR (European League Against Rheu-
matism) en 2001, 23 lupus ont bénéficié d’une chimiothérapie
immuno-ablative suivie d’une autogreffe de cellules souches.
Parmi ces patients, 14 ont été considérés en rémission après un
suivi moyen de 14 mois, mais 3 sont décédés pendant la pro-
cédure thérapeutique. Récemment, l’expérience d’un groupe
américain, qui a “greffé” depuis 1996 15 lupus particulièrement
sévères, a démontré une plus faible morbidité et l’absence de
mortalité liée à la procédure. Parmi 12 patients suivis plus d’un
an après la greffe, 10 n’ont plus d’immunosuppresseur et seuls
2 ont rechuté (3). Pour évaluer l’intérêt de cette stratégie, un
suivi est nécessaire pour déterminer les risques mais aussi la
fréquence des récidives, qui surviennent assez souvent dans les
deux à trois ans après le traitement, comme cela a été décrit
dans des observations récentes (4).
L’utilisation de fortes doses de cyclophosphamide (50 mg/kg/j
pendant 4 jours), combiné à des facteurs de croissance (G-CSF
5µg/kg/j) mais sans greffe de cellules souches, a été évaluée
chez 6 patients souffrant d’un lupus sévère et rebelle. Cette
procédure a permis d’obtenir une rémission complète chez
4 d’entre eux. Cette expérience préliminaire a été complétée
par une autre étude ouverte de 14 lupus traités de façon com-
parable et suivis 4 ans. Il n’y a pas eu de décès, et cette stra-
tégie a permis 36 % de rémissions complètes de longue durée
et 50 % de réponses partielles malgré une résistance préalable
aux immunosuppresseurs conventionnels (5).Cette expérience
démontre l’efficacité des fortes doses de cyclophosphamide,
dont l’utilisation simplifiée peut s’envisager sans l’autogreffe.
La ciclosporine (Neoral®)
La ciclosporine a été évaluée dans quelques études contrôlées,
surtout dans les néphropathies. Ce traitement peut être effi-
cace, mais le rapport bénéfice/risque est assez modeste, en par-
ticulier quand il existe une altération de la fonction rénale.
Le méthotrexate
Le méthotrexate est un inhibiteur des folates qui a de multiples
actions immunomodulatrices. Différentes études prélimi-
naires, utilisant des doses très variables (7,5 à 50 mg/semaine),
avaient suggéré une efficacité sur les manifestations articu-
laires mais aussi sur d’autres atteintes inflammatoires (sérite,
myosite) (6).
Dans une étude rétrospective, Rahman et al. ont montré une
réduction de 60 % des manifestations articulaires (versus 12 %
dans le groupe témoin) chez des lupus résistants aux antipa-
ludéens de synthèse. Carneiro et Sato ont évalué l’efficacité
du méthotrexate (15-20 mg/semaine) versus placebo dans une
étude prospective contrôlée en double aveugle chez
41 lupiques. Après 6 mois de traitement, le méthotrexate a per-
mis d’améliorer les manifestations articulaires, les lésions
cutanées et, globalement, le score SLEDAI. Ces effets ont
permis de réduire la dose des corticoïdes.
Le tacrolimus ou FK 506 (Prograf®)
Le tacrolimus est un inhibiteur de l’activité lymphocytaire
potentiellement efficace dans le lupus. Cette molécule a été
utilisée avec succès par voie générale chez 3 patients souffrant
d’un lupus cutané rebelle au cyclophosphamide et à la ciclo-
sporine. Des études complémentaires sont en cours.
Le 2-chloro-2’-déoxyadénosine (2-cdA)
Cet immunosuppresseur, utilisé dans les lymphoproliférations,
a été évalué par l’étude ouverte de 12 patients atteints de
néphropathie lupique proliférative diffuse. Une efficacité signi-
ficative a été observée chez près de 50 % des patients, mais
cette molécule n’est pas dénuée d’effets indésirables (cyto-
pénie, infections...).
Les autres immunosuppresseurs
La cytarabine et la fludarabine ont été utilisées avec efficacité
chez quelques patients atteints de lupus réfractaire, mais expo-
sent à un risque de lymphopénie profonde.
Le thalidomide
Le thalidomide est une molécule qui a démontré son effica-
cité dans les lupus cutanés réfractaires. Des données récentes
permettent de mieux comprendre les mécanismes d’action de
cette molécule, qui a notamment des effets anti-TNFα(7).Son
utilisation est limitée par des effets indésirables assez nom-
breux (somnolence, troubles digestifs, neuropathies), mais
aussi par un risque de thrombose. En effet, des thromboses ont
été observées sous thalidomide dans le myélome, et, récem-
ment, 5 patients atteints de lupus cutané réfractaire (dont deux
formes systémiques) ont développé des complications throm-
botiques veineuses et artérielles après l’introduction du thali-
domide (50 à 100 mg/j). Ce risque thrombogène doit être éva-
lué avant la prescription, en particulier quand il existe des
anticorps antiphospholipides et d’autres facteurs de risque,
comme un tabagisme et une contraception hormonale.
Tableau I. Les principaux immunomodulateurs et immunosuppres-
seurs utilisés dans le lupus systémique.
1. Les immunosuppresseurs
"le cyclophosphamide “dose classique”
"le cyclophosphamide “forte dose” avec ou sans autogreffe
de cellules souches
"le 2-chloro-2’-déoxyadénosine
"la fludarabine
"la cytarabine
2. Les immunomodulateurs
"le méthotrexate
"le léflunomide
"la ciclosporine
"le tacrolimus
"le mycophénolate mofétil
"le thalidomide