MISE AU POINT
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e traitement du lupus repose classiquement sur les cor-
ticoïdes et les immunomodulateurs conventionnels. Ces
médicaments ont l’avantage, mais aussi l’inconvénient,
d’agir de façon non spécifique sur de multiples cibles de la
cascade inflammatoire. Des progrès importants ont été faits
pour améliorer leur utilisation et pour évaluer l’intérêt des
différentes molécules issues de l’expérience de la greffe et du
traitement des syndromes lymphoprolifératifs.
Depuis quelques années, une meilleure connaissance de l’im-
munopathologie du lupus a permis une véritable explosion de
nouveaux traitements “biologiques”. L’espoir est non seule-
ment d’agir plus spécifiquement, mais surtout de réduire les
effets indésirables. Cette nouvelle “palette” de biothérapies va
enrichir l’arsenal thérapeutique. Cela pourra permettre d’avoir
des médicaments dont le spectre d’action sera plus “étroit”,
mais qui seront capable de traiter certaines complications.
Ainsi, dans l’avenir, la stratégie thérapeutique du lupus pour-
rait s’organiser autour de trois axes principaux :
1. un traitement “de fond” immunomodulateur caractérisé par
un rapport bénéfice/risque intéressant, permettant une utilisa-
tion prolongée ;
2. des traitements d’appoint “ciblés” permettant de traiter les
complications (cytopénie, néphropathie...), en évitant l’utili-
sation répétée d’immunosuppresseurs et/ou de fortes doses de
corticoïdes ;
3. une prise en charge précoce et, si possible, une prévention
de la morbidité liée en particulier au risque cardiovasculaire
et au risque osseux ostéoporotique.
Ce type de traitement “personnalisé” est probablement plus
adapté à l’expression polymorphe du lupus.
LES IMMUNOSUPPRESSEURS ET IMMUNO-
MODULATEURS CLASSIQUES : QUELQUES
DONNÉES D’ACTUALITÉ
(tableau I)
Le cyclophosphamide (Endoxan®)
Le cyclophosphamide reste un traitement de référence dans les
complications sévères du lupus (1).La toxicité des doses cumu-
latives a justifié de nouvelles études, notamment dans les
atteintes rénales. Dans une étude prospective multicentrique
(Euro-Lupus), 90 néphropathies lupiques (prolifératives dif-
fuses) ont été traitées par de fortes doses “classiques” ou des
doses plus faibles de cyclophosphamide (2). Tous les patients
ont reçu 3 bolus de 750 mg de méthylprednisolone avec une
corticothérapie de relais à dose initiale de 0,5 mg/kg/j. Cette
corticothérapie dégressive a été maintenue pendant 30 mois à
dose faible. Dans le groupe forte dose, 8 bolus de cyclophos-
phamide (0,5 à 0,7 g/m
2
[max 1,5 g/bolus]) ont été administrés
en 12 mois. Le groupe faible dose a été traité par 6 bolus de
500 mg de cyclophosphamide en 3 mois. Dans les deux
groupes, un relais par azathioprine (2 mg/kg/j) était instauré
15 jours après le dernier bolus. Après un suivi de 41,3 mois en
moyenne, les taux de rémission (71 % dans le groupe faible
dose versus 54 % dans le groupe forte dose [NS]) et de rechute
rénale (27 % dans le groupe faible dose versus 29 % dans le
groupe forte dose) sont comparables dans les deux groupes. Le
nombre d’infections sévères était deux fois plus important
(10/45) dans le groupe forte dose que dans le groupe faible
dose (5/44). Il n’y a pas eu de décès. Ainsi, des doses plus
faibles et mieux tolérées de cyclophosphamide pourraient être
utilisées pour le traitement d’induction des néphropathies
lupiques sévères. Néanmoins, la dose minimale efficace et la
procédure thérapeutique de relais restent à discuter.
Pour permettre l’utilisation de fortes doses de cyclophospha-
mide (200 mg/kg), une stratégie de traitement immuno-ablatif,
comparable à celle utilisée dans les lymphoproliférations
malignes, a été proposée dans les lupus particulièrement sévères.
Différents protocoles thérapeutiques, combinant de fortes doses
de cyclophosphamide avec éventuellement une irradiation lym-
phoïde totale et/ou un traitement antilymphocytaire suivi d’une
autogreffe de cellules souches (avec ou sans sélection anti-
Immunothérapies du lupus systémique :
innovations et perspectives
Immunotherapy of systemic lupus erythematosus
!J. Sibilia*
*Service de rhumatologie, CHU, 67098 Strasbourg.
Mots-clés : Lupus - Traitements - Biothérapie -
Immunothérapie.
Keywords : Lupus - Treatments - Biotherapy - Immuno-
therapy.
L
La Lettre du Rhumatologue - n° 293 - juin 2003
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MISE AU POINT
CD34), ont été proposés. Dans la plupart des cas, cette procé-
dure a permis une rémission assez prolongée (3). Dans les
registres de l’EBMT (European Group for Blood and Marrow
Transplantation) et l’EULAR (European League Against Rheu-
matism) en 2001, 23 lupus ont bénéficié d’une chimiothérapie
immuno-ablative suivie d’une autogreffe de cellules souches.
Parmi ces patients, 14 ont été considérés en rémission après un
suivi moyen de 14 mois, mais 3 sont décédés pendant la pro-
cédure thérapeutique. Récemment, l’expérience d’un groupe
américain, qui a “greffé” depuis 1996 15 lupus particulièrement
sévères, a démontré une plus faible morbidité et l’absence de
mortalité liée à la procédure. Parmi 12 patients suivis plus d’un
an après la greffe, 10 n’ont plus d’immunosuppresseur et seuls
2 ont rechuté (3). Pour évaluer l’intérêt de cette stratégie, un
suivi est nécessaire pour déterminer les risques mais aussi la
fréquence des récidives, qui surviennent assez souvent dans les
deux à trois ans après le traitement, comme cela a été décrit
dans des observations récentes (4).
L’utilisation de fortes doses de cyclophosphamide (50 mg/kg/j
pendant 4 jours), combiné à des facteurs de croissance (G-CSF
g/kg/j) mais sans greffe de cellules souches, a été évaluée
chez 6 patients souffrant d’un lupus sévère et rebelle. Cette
procédure a permis d’obtenir une rémission complète chez
4 d’entre eux. Cette expérience préliminaire a été complétée
par une autre étude ouverte de 14 lupus traités de façon com-
parable et suivis 4 ans. Il n’y a pas eu de décès, et cette stra-
tégie a permis 36 % de rémissions complètes de longue durée
et 50 % de réponses partielles malgré une résistance préalable
aux immunosuppresseurs conventionnels (5).Cette expérience
démontre l’efficacité des fortes doses de cyclophosphamide,
dont l’utilisation simplifiée peut s’envisager sans l’autogreffe.
La ciclosporine (Neoral®)
La ciclosporine a été évaluée dans quelques études contrôlées,
surtout dans les néphropathies. Ce traitement peut être effi-
cace, mais le rapport bénéfice/risque est assez modeste, en par-
ticulier quand il existe une altération de la fonction rénale.
Le méthotrexate
Le méthotrexate est un inhibiteur des folates qui a de multiples
actions immunomodulatrices. Différentes études prélimi-
naires, utilisant des doses très variables (7,5 à 50 mg/semaine),
avaient suggéré une efficacité sur les manifestations articu-
laires mais aussi sur d’autres atteintes inflammatoires (sérite,
myosite) (6).
Dans une étude rétrospective, Rahman et al. ont montré une
réduction de 60 % des manifestations articulaires (versus 12 %
dans le groupe témoin) chez des lupus résistants aux antipa-
ludéens de synthèse. Carneiro et Sato ont évalué l’efficacité
du méthotrexate (15-20 mg/semaine) versus placebo dans une
étude prospective contrôlée en double aveugle chez
41 lupiques. Après 6 mois de traitement, le méthotrexate a per-
mis d’améliorer les manifestations articulaires, les lésions
cutanées et, globalement, le score SLEDAI. Ces effets ont
permis de réduire la dose des corticoïdes.
Le tacrolimus ou FK 506 (Prograf®)
Le tacrolimus est un inhibiteur de l’activité lymphocytaire
potentiellement efficace dans le lupus. Cette molécule a été
utilisée avec succès par voie générale chez 3 patients souffrant
d’un lupus cutané rebelle au cyclophosphamide et à la ciclo-
sporine. Des études complémentaires sont en cours.
Le 2-chloro-2’-déoxyadénosine (2-cdA)
Cet immunosuppresseur, utilisé dans les lymphoproliférations,
a été évalué par l’étude ouverte de 12 patients atteints de
néphropathie lupique proliférative diffuse. Une efficacité signi-
ficative a été observée chez près de 50 % des patients, mais
cette molécule n’est pas dénuée d’effets indésirables (cyto-
pénie, infections...).
Les autres immunosuppresseurs
La cytarabine et la fludarabine ont été utilisées avec efficacité
chez quelques patients atteints de lupus réfractaire, mais expo-
sent à un risque de lymphopénie profonde.
Le thalidomide
Le thalidomide est une molécule qui a démontré son effica-
cité dans les lupus cutanés réfractaires. Des données récentes
permettent de mieux comprendre les mécanismes d’action de
cette molécule, qui a notamment des effets anti-TNFα(7).Son
utilisation est limitée par des effets indésirables assez nom-
breux (somnolence, troubles digestifs, neuropathies), mais
aussi par un risque de thrombose. En effet, des thromboses ont
été observées sous thalidomide dans le myélome, et, récem-
ment, 5 patients atteints de lupus cutané réfractaire (dont deux
formes systémiques) ont développé des complications throm-
botiques veineuses et artérielles après l’introduction du thali-
domide (50 à 100 mg/j). Ce risque thrombogène doit être éva-
lué avant la prescription, en particulier quand il existe des
anticorps antiphospholipides et d’autres facteurs de risque,
comme un tabagisme et une contraception hormonale.
Tableau I. Les principaux immunomodulateurs et immunosuppres-
seurs utilisés dans le lupus systémique.
1. Les immunosuppresseurs
"le cyclophosphamide “dose classique”
"le cyclophosphamide “forte dose” avec ou sans autogreffe
de cellules souches
"le 2-chloro-2’-déoxyadénosine
"la fludarabine
"la cytarabine
2. Les immunomodulateurs
"le méthotrexate
"le léflunomide
"la ciclosporine
"le tacrolimus
"le mycophénolate mofétil
"le thalidomide
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MISE AU POINT
LES NOUVEAUX IMMUNOMODULATEURS
(tableau I)
Le mycophénolate mofétil (Cellcept®)
Le mycophénolate mofétil (MMF) est une drogue originale
développée dans la transplantation d’organes. Cette molé-
cule bloque l’inosine monophosphate déshydrogénase lym-
phocytaire, ce qui entraîne une inhibition de la synthèse des
purines. Schématiquement, le MMF entraîne une réduction
de l’activité lymphocytaire. Expérimentalement, le MMF est
bénéfique dans les modèles murins de lupus, et quelques
études ouvertes avaient suggéré son efficacité chez l’homme,
en particulier dans les néphropathies résistantes au cyclo-
phosphamide. Chan et al. ont mené une étude randomisée
contrôlée contre placebo qui a démontré le bénéfice du MMF
(2 g/j pendant 6 mois puis 1g/j pendant les 6 mois suivants)
comparé au cyclophosphamide (2,5 mg/kg/j pendant 6 mois)
puis azathioprine (1,5 mg/kg/j pendant 6 mois) (8).
Cette stratégie a permis un taux de rémission de l’ordre
de 80 % comparable dans les deux groupes. En
revanche, il y a plus de complications dans le groupe
cyclophosphamide (33 % d’infections, 23 % d’amé-
norrhée, 19 % d’alopécie) que dans le groupe MMF
(19 % d’infections). Néanmoins, il faut signaler que
cette étude n’a inclus que 42 patients atteints pour la
plupart de néphropathies prolifératives diffuses assez
peu sévères. De plus, parmi ces patients, 46 % ont
rechuté dans le groupe MMF contre seulement 17 %
dans le groupe cyclophosphamide (p = 0,019) au-delà
de la première année de l’étude. Récemment, l’étude
ouverte de 21 lupus rénaux et extrarénaux mal contrô-
lés par différents immunosuppresseurs a démontré
une efficacité du MMF, ce qui pourrait suggérer que
cette molécule soit une alternative thérapeutique
intéressante.
Une étude originale a évalué l’intérêt de l’association
du MMF à un inhibiteur spécifique de la cyclo-oxy-
génase 2 (COX-2) dans un modèle de lupus murin
(souris NZB/W). Cette combinaison a permis d’opti-
miser l’amélioration des lésions rénales histologiques
et biologiques (protéinurie). L’intérêt d’utiliser un
inhibiteur de la COX-2 s’explique, dans ce modèle
murin, par l’existence d’une COX-2 rénale capable de
produire du thromboxane A2, dont l’effet est délétère.
Le léflunomide (Arava®)
Le léflunomide est un inhibiteur des pyrimidines qui a
démontré son efficacité dans la polyarthrite rhumatoïde.
Quatre études ouvertes ont évalué l’intérêt du léflunomide
dans le lupus. Remer et al. ont traité 18 patients atteints de
lupus, évolutifs malgré un traitement préalable (9). Dix
des 14 patients qui ont été traités pendant 3 mois ont
répondu favorablement avec une amélioration du score
SLEDAI, une amélioration des critères biologiques (VS)
et une réduction de la corticothérapie. Dans une autre
étude, qui a inclus 20 lupus souffrant de manifestations
articulaires n’ayant pas répondu au méthotrexate ou à l’hy-
droxychloroquine, le léflunomide a permis une rémission
complète de ces manifestations. D’autres études sont en
cours pour évaluer l’efficacité de la tolérance de cette molé-
cule dans le lupus.
LES NOUVELLES BIOTHÉRAPIES : UNE
IMMUNO-INTERVENTION RATIONNELLE
Les nouvelles biothérapies ont de multiples “cibles” spéci-
fiques impliquées dans l’immunopathologie du lupus
(figure 1).
Les inhibiteurs des lymphocytes T
Différentes approches peuvent être envisagées pour bloquer
les lymphocytes autoréactifs, qui sont des cellules clés dans
le lupus systémique.
Les anticorps monoclonaux anti-CD4 ont été évalués dans
le lupus murin (NZB/NZW et MRL-Fas [lpr]) avec une effi-
cacité significative, mais il n’y a pas eu d’étude clinique chez
l’homme.
Figure 1. Sites d’immuno-intervention dans le schéma pathogénique du lupus.
Inhibition des lymphocytes T 6. Modulation cytokinique
Inhibition des lymphocytes B 7. Régulation des FcγR
Inhibition des voies de costimulation 8. Régulation de la digestion enzymatique
Modulation (vaccination) peptidique des nucléohistones par les DNases
Inhibition de l’action du complément 9. Aphérèse des autoanticorps
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Les anticorps anti-CD5 couplés à la chaîne αde la ricine
ont été évalués dans une étude préliminaire, et ont témoigné
d’une certaine efficacité dans les néphropathies lupiques.
Les inhibiteurs de la costimulation
Les cellules présentatrices de l’antigène (CPA) expriment à
leur surface différentes molécules de costimulation, en parti-
culier B7 et CD40 (figure 1). L’interaction de B7 avec son
ligand CD28 exprimé à la surface des cellules T induit un
signal indispensable à l’activation de ces lymphocytes. B7 peut
aussi se lier avec un autre ligand appelé CTLA4 dont l’ex-
pression à la surface des lymphocytes T est induite par le signal
B7-CD28. L’interaction B7-CTLA4 se fait avec une affinité
supérieure, empêchant ainsi l’induction du signal d’activation
B7-B28. Ce rétrocontrôle négatif va donc avoir un effet inhi-
biteur de l’activation lymphocytaire. D’autres voies de costi-
mulation, qui pourraient avoir une importance dans la patho-
génie du lupus (ICOS, PD-L1 et 2...), sont potentiellement des
cibles thérapeutiques d’avenir (figure 2).
Les inhibiteurs de la voie B7-B28/CTLA4 : le CTLA4-Ig
Le développement d’une protéine de fusion formée de CTLA4
et d’une portion d’immunoglobuline (CTLA4-Ig) est capable
de se fixer sur B7 et d’empêcher ainsi l’interaction activatrice
B7-B28. Ainsi, cette molécule originale mime l’action phy-
siologique du CTLA4 et bloque l’activation lymphocytaire T.
Elle a démontré son efficacité dans des modèles de néphro-
pathies lupiques, utilisée seule ou en combinaison avec le
cyclophosphamide. Elle prolonge la survie, réduit l’intensité
de la néphropathie et bloque la production d’autoanticorps.
Des études chez l’homme sont en cours.
Les inhibiteurs de la voie CD40 - CD40 ligand
L’autre voie de costimulation repose sur l’interaction entre le
CD40 exprimé par les CPA et le CD40 ligand (gp 39 ou
CD154) exprimé par des lymphocytes T activés. Le CD40 est
exprimé par les lymphocytes B qui sont des CPA accessoires
facilitant les phénomènes de coopération entre lymphocytes T
et B, responsables notamment de la production d’autoanti-
corps.
Expérimentalement, le blocage de cette voie par un anticorps
monoclonal anti-CD40 ligand a permis d’améliorer la survie
de souris lupiques, de réduire la gravité de l’atteinte rénale et
d’inhiber la production d’autoanticorps. Les premières études
chez l’homme avec deux anticorps monoclonaux anti-CD40
ligand différents n’ont pas confirmé formellement l’efficacité
de cette approche (10). D’autres études sont en cours pour éva-
luer le rapport bénéfice/risque de ce traitement, qui pourrait
nécessiter d’être combiné avec une autre molécule. Dans une
étude récente, l’association d’un anticorps monoclonal anti-
CD40 ligand et du CTLA4-Ig chez la souris NZB/WF1 a
démontré une efficacité très supérieure à l’utilisation en mono-
thérapie de ces deux traitements.
Des inhibiteurs des lymphocytes B
L’inactivation des lymphocytes B au cours du lupus peut s’en-
visager en faisant appel à des inhibiteurs spécifiques.
Un anticorps monoclonal anti-CD20 : le rituximab
(Mabthera®)
Le CD20 est un antigène de surface spécifique du lymphocyte B
qui joue un rôle important dans la prolifération et la différen-
ciation de ces cellules. Un anticorps monoclonal chimérique
anti-CD20 (rituximab) a été développé avec efficacité dans les
lymphomes B. Ce traitement est aussi efficace dans certaines
formes de cytopénies auto-immunes réfractaires. Dans le
lupus, deux études ouvertes, ayant inclus 18 et 6 patients, ont
permis d’améliorer les signes généraux et les manifestations
cutanées et articulaires (11). Cette efficacité s’accompagne
d’une déplétion en lymphocytes B périphériques mais, para-
doxalement, sans réduction significative du taux d’anti-ADN
natif dans l’une de ces études. L’efficacité pourrait être corré-
lée comme dans les lymphomes au génotype des récepteurs
FcγRIII, dont le polymorphisme module l’expression du lupus,
ou par l’apparition d’anticorps anti-rituximab.
Figure 2. Les voies de costimulation : cellule présentatrice de l’antigène (CPA) -
lymphocyte T (LT)
1. Les membres de la superfamille B7-CD28
CD28
CTLA4 : Cytotoxic T Lymphocyte Antigen 4
B7-1, B7-2
ICOS et ICOS ligand : Inductible T-Cell Co-Stimulator
PD1 : Programmed Death-1
PDL-1 et PDL-2 : Programmed Death-Ligand 1 et 2
2. Les membres de la famille CD40 - CD40 ligand (CD154)
3. Les autres voies
CD2 - LFA3
ICAM1 - LFA1
Parmi ces nouvelles voies :
• Le système ICOS L/ICOS intervient dans les coopérations LT CD4 #B, per-
mettant la prolifération de LB matures producteurs d’Ig, en particulier en favori-
sant la synthèse d’IL-10, IL-4, IL-5 (type Th2).
• Le système PD-1/PD-L intervient surtout dans le contrôle inhibiteur des lympho-
cytes T, en particulier de la prolifération des LT CD4 et CD8 et de la synthèse de
cytokines. Par analogie avec la voie B7/CTLA4, la voie PD-1/PD-L inhibe l’acti-
vation induite par la voie B7/CD28.
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Un inhibiteur du système BLyS
Le système BLyS (B Lymphocyte Stimulator) est un système
d’activation spécifique des lymphocytes B qui permet leur pro-
lifération et la synthèse des immunoglobulines. BLyS, qui est
aussi appelé BAFF, THANK, TALL-1 et zTNF4, est un
membre de la super-famille du TNF. Il peut se fixer sur trois
récepteurs appelés TACI, BCMA et BAFF-R (figure 3). Le
rôle de ce système a été démontré dans les lupus murins et
humains, mais également dans d’autres maladies auto-immunes,
en particulier le syndrome de Gougerot-Sjögren et la polyar-
thrite rhumatoïde. Chez l’homme, il existe une élévation de
BLyS sérique corrélée aux taux d’immunoglobulines, et sur-
tout aux anti-ADN natif (12). Le traitement de lupus murin
avec une protéine de fusion formée du récepteur TACI et d’un
fragment d’immunoglobulines (TACI-Ig) améliore la survie
et réduit la progression de la maladie. Un anticorps monoclo-
nal humain anti-BLyS est actuellement évalué chez l’homme,
mais d’autres approches sont envisagées (BLyS receptor
soluble, analogue de BLyS).
Des toléragènes spécifiques des lymphocytes B
Le développement de molécules capables d’inhiber directe-
ment et plus spécifiquement les lymphocytes B producteurs
d’autoanticorps est une approche fort intéressante.
Le LJP 394 : un toléragène spécifique des lymphocytes pro-
ducteurs d’anti-ADN natif
Le LJP 394 est formé de quatre bras d’oligonucléotides (ADN)
double brin fixés sur une plate-forme non immunogénique en
polyéthylène glycol. Cette molécule induit l’anergie des lym-
phocytes B car ses “bras” oligonucléotidiques peuvent se fixer
et “ponter” les anticorps anti-ADN membranaires présents sur
les lymphocytes B “autoréactifs”. Ainsi, cette molécule ne peut
être utilisée que chez des patients dont le lupus se caractérise
par la présence d’anti-ADN natif de forte affinité.
Chez l’homme, une première étude avec une injection unique
de LJP 394 a démontré l’induction d’une chute rapide des taux
d’anti-ADN natif. Une étude contrôlée du LJP 394 contre pla-
cebo, effectuée chez 58 patients souffrant de lupus avec anti-
corps anti-ADN natif, a confirmé son efficacité en induisant
une réduction de 58 % des taux d’anti-ADN natif après
8semaines de traitement (13).La tolérance, en particulier l’im-
munogénicité, a été satisfaisante. Une autre étude contrôlée a
évalué l’effet préventif de l’atteinte rénale en étudiant plus de
200 patients ayant des antécédents de néphropathie lupique
avec des taux d’anti-ADN natif supérieurs à 15 UI/ml au test
de Farr. Ces patients ont été traités toutes les semaines par
100 mg de LJP ou placebo en courte injection intraveineuse.
Cette étude contre placebo a été arrêtée prématurément en rai-
son de l’efficacité du LJP 394, qui a démontré un effet pro-
tecteur rénal, en particulier chez les patients ayant des anti-
ADN natif de forte affinité. Une nouvelle étude contrôlée
contre placebo est en cours pour confirmer ces résultats et éva-
luer le bénéfice/risque de ce traitement au long cours.
Le LJP 1082 : un toléragène des lymphocytes producteur
d’anticorps anti-ß2GP1
Le même principe a été utilisé pour bloquer les lymphocytes B
producteurs d’antiphospholipides (anti-ß2GP1). Après la
démonstration de l’efficacité chez le rat immunisé avec la
ß2GP1, une étude contrôlée contre placebo a été commencée
chez des patients atteints d’un syndrome des antiphospholi-
pides avec anti-ß2GP1.
La vaccination peptidique
L’intérêt de cette approche est aussi son “élégance” immuno-
logique, et surtout son innocuité, mais dans une affection poly-
clonale aussi polymorphe que le lupus, il n’est pas certain qu’il
existe un peptide (ou a fortiori un épitope) reconnu de façon
consensuelle. Néanmoins, différentes approches peuvent être
proposées.
Schématiquement, il a été démontré que les régions VH des
autoanticorps contiennent des peptides reconnus par les lym-
phocytes T des lupus murins et humains. Ces épitopes T par-
ticipent à la régulation et la sélection des lymphocytes B auto-
MISE AU POINT
Figure 3. Le système BLyS (B Lymphocyte Stimulator).
• BLyS (B Lymphocyte Stimulator) est un membre de la superfamille des TNF ligands.
Il est synonyme de BAFF (B-cell-activating factor belonging to the TNF family), de
TALL-1 (TNF and ApoL-regulated leukocyte-expressed ligand 1), de THANK (TNF
homologue that activates apoptosis, NF-
κ
B, JNK) TNF SF20 (TNF superfamille mem-
ber 20) et Z TNF F4. Cette protéine est produite par des cellules de la lignée myéloïde
(monocyte, macrophage...), les cellules dendritiques et les lymphocytes T.
• APRIL (a proliferation-inducing ligand), proche de BLyS, est plutôt produit par dif-
férents tissus épithéliaux et les macrophages.
• BLyS et APRIL sont libérés sous l’effet d’une protéase.
–BLyS se fixe sur des récepteurs spécifiques appelés BCMA (B cell maturation anti-
gen), TACI (transmembrane activator and calcium modulator and cyclophilin, ligand-
interactor) et BAFF R (BAFF receptor). Ces récepteurs sont exclusivement exprimés
par les lymphocytes B mais, de façon plus modeste, par les lymphocytes T.
APRIL se fixe sur différents récepteurs, mais pas sur BAFF R. Il existe peut-être un
récepteur spécifique (APRIL R), qui n’est pas formellement identifié.
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