Société Française de Rhumatologie Les Publications sélectionnées Revue du Rhumatisme 73 (2006) 191 - 198 Prise en charge thérapeutique de l’infection articulaire. Le point de vue du chirurgien Management of joint infectious disease. A surgical point of view Philippe Piriou *, Grégory Sorriaux, Doric Passeron Service de chirurgie orthopédique et traumatologique hôpital Raymond-Poincaré 104, boulevard Raymond-Poincaré 92380 Garches France * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (P. Piriou). Reçu le 7 juin 2005 ; accepté le 18 novembre 2005 Disponible sur internet le 04 janvier 2006 Mots clés : Infection articulaire ; Ponction articulaire ; Lavage articulaire ; Synovectomie ; Arthrodèse Keywords: Articular infection; Articular drainage; Articular lavage; Synovectomy; Arthrodesis L’arthrite septique est une urgence thérapeutique. La prise en charge doit être codifiée et rapide afin d’éviter des lésions articulaires irréversibles. En effet, l’inoculation d’un germe dans une articulation entraîne dans un premier stade une réaction inflammatoire du liquide articulaire, suivie d’une inflammation puis d’une abcédation de la synoviale et à un stade ultime, d’une destruction ostéocartilagineuse. Le diagnostic repose sur la ponction articulaire réalisée le plus rapidement possible et avant toute antibiothérapie. En effet, tout retard diagnostique fait courir le risque de dégâts ostéoarticulaires irréversibles. Il existe un traitement chirurgical spécifique à chaque stade de l’infection. 1. Définition La seule présence de germe dans le liquide articulaire suffit à poser le diagnostic d’infection articulaire, qu’il y ait ou non des manifestations cliniques ou paracliniques. Ce principe doit être tempéré par la notion de « certitude » microbiologique, comme nous le verrons ultérieurement. 2. Histoire naturelle de l’infection articulaire 2.1. Étiopathogénie L’apparition d’un germe dans une articulation se fait soit par inoculation directe traumatique (plaie articulaire) ou iatrogénique (ponction ou geste chirurgical), soit par inoculation hématogène (porte d’entrée à distance de l’articulation, bactériémie avec diffusion du germe dans l’articulation à partir de la synoviale) soit par contiguïté à partir d’un abcès ou d’une ostéite proche de l’articulation [1]. 2.2. Anatomie pathologique L’étude expérimentale de l’infection articulaire chez le lapin montre qu’il existe, sur le plan anatomopathologique plusieurs stades évolutifs [2] : ● ● ● stade liquidien : c’est le stade initial de l’infection où la présence de germes dans le liquide articulaire provoque une réaction inflammatoire de la synoviale, avec libération de facteurs de l’inflammation dans le liquide. Le cartilage articulaire peut être ramolli par simple modification physicochimique, se traduisant sur le plan radiographique par un pincement de l’interligne articulaire, réversible après guérison de l’infection ; stade synovial : au stade suivant, la synoviale continue sa réaction inflammatoire avec la réalisation d’une prolifération abcédée, créant de véritables pannus synoviaux. Les éléments périarticulaires commencent à être infiltrés par l’inflammation et l’infection ; stade de l’ostéoarthrite : il s’agit du stade ultime de l’infection articulaire. À point de départ synovial, l’infection diffuse dans l’os par les zones d’insertion de la synoviale sur l’os, créant ainsi une ostéite. Le cartilage présente à ce stade des ulcérations. Toutes les lésions sont alors irréversibles. 2.3. Évolution clinique Pour des raisons didactiques et de fréquence, nous décrirons l’arthrite du genou. Au stade initial de l’infection aiguë, suite immédiate de l’inoculation du germe, on retrouve un genou liquidien et inflammatoire avec des signes généraux d’infection. C’est le stade liquidien avec les signes d’une synoviale inflammatoire et des modifications du liquide articulaire. Dans un deuxième temps, en moyenne dix jours après le début de l’infection et en l’absence de traitement adapté, la synoviale s’abcède et donne au genou un aspect tuméfié, même après ponction évacuatrice du liquide articulaire, du fait de l’épaississement de la synoviale. À ce stade, le pincement articulaire visible à la radiographie est parfois réversible et il n’y a pas encore de signe d’atteinte osseuse. Le diagnostic d’ostéoarthrite est porté sur la radiographie standard qui montre, en plus d’un pincement global de l’interligne articulaire, une atteinte osseuse avec une déminéralisation et des lacunes 3. Démarche diagnostique 3.1. Diagnostic clinique Il repose sur un faisceau d’arguments que sont les signes généraux d’infection et les signes locaux d’inflammation. Mais, l’argument fondamental permettant de différencier ces signes d’une crise inflammatoire rhumatismale est la notion de contage : notion de porte d’entrée à distance (autre foyer infectieux, plaie à distance, cathéter) avec ou sans signe de bactériémie, notion de porte d’entrée directe traumatique (avec ou sans corps étranger restant dans l’articulation) ou iatrogène (ponction pour infiltration médicamenteuse, essentiellement de corticoïdes, ponctions diagnostiques pour bilan de maladies rhumatismales, geste chirurgical), notion d’infection osseuse ou des parties molles proches d’une articulation. Cependant, le diagnostic d’une infection ne saurait être une démarche purement clinique. Le recours aux bilans paracliniques, avant tout microbiologiques, est indispensable pour la décision thérapeutique. 3.2. Moyens du diagnostic microbiologique La clé du diagnostic est l’isolement du germe dans le liquide articulaire. Toute suspicion d’infection articulaire doit s’accompagner d’un prélèvement de liquide articulaire dans deux buts : confirmer le diagnostic en isolant le germe et traiter le germe en analysant son antibiogramme. Il doit être fait le plus rapidement possible dès que le diagnostic est soupçonné et avant toute antibiothérapie. Trois types de prélèvements microbiologiques existent : ● ● ● ponction articulaire : méthode la plus simple et la plus rapidement réalisable (ne nécessite pas d’anesthésie et peut être réalisée au lit du patient ou en consultation). Cette technique doit être utilisée en première intention car elle permet un examen direct du liquide à l’oeil nu (liquide louche ou purulent traduisant la présence de germes pyogènes) ainsi que l’analyse rapide en bactériologie (examen direct et cultures). C’est avant tout un geste diagnostique, mais c’est aussi le premier geste thérapeutique; il doit donc impérativement s’agir d’une ponction évacuatrice permettant ainsi d’apprécier le rôle joué par la membrane synoviale dans l’augmentation de volume global de l’articulation. Le diagnostic de pannus synovial est fait devant une articulation qui reste grosse après évacuation du liquide. Cette ponction est évidemment réalisée dans des conditions strictes d’asepsie chirurgicale. ponction–biopsie au trocart (Tru-Cut®) : méthode nécessitant une anesthésie locale voire générale, au bloc opératoire. Elle a l’avantage de pouvoir rapporter un matériel capsulaire et synovial plus volumineux, assurant une meilleure rentabilité de l’examen bactériologique [3]. On préconise cette technique dans les infections décapitées par des antibiotiques prescrits à l’aveugle ou dans les cas d’échecs microbiologiques après simple ponction ; prélèvements peropératoires : méthode systématiquement réalisée durant les interventions chirurgicales de nettoyage articulaire. Elle permet avant l’administration peropératoire des antibiotiques, une dernière identification de l’ensemble des germes et une évaluation de la profondeur de l’infection (prélèvements de liquide articulaire, de synoviale et de fragments osseux). 3.3. Autres examens paracliniques L’élévation importante des marqueurs de l’inflammation (élévation de la CRP, de la vitesse de sédimentation globulaire et des polynucléaires neutrophiles sanguins) apporte un faisceau d’arguments supplémentaires mais non spécifiques de l’infection. Leur intérêt essentiel est l’étude de leur courbe évolutive, critère d’efficacité thérapeutique et de guérison lorsqu’ils sont normalisés. Enfin, toute arthrite infectieuse doit s’accompagner de clichés radiographiques de référence qui permettent d’évaluer l’état cartilagineux au moment du bilan : ceux-ci sont idéalement réalisés en charge, sont comparatifs au membre controlatéral et sont réalisés régulièrement lors du traitement et après la fin du traitement. Ils ont un intérêt initialement thérapeutique, secondairement pronostic. 4. Principes du traitement de l’infection articulaire Le traitement de l’infection articulaire ne peut se limiter uniquement au traitement antibiotique [4]. Il repose sur trois grands principes : immobilisation, nettoyage articulaire et antibiothérapie adaptée. 4.1. Immobilisation L’immobilisation a un effet bénéfique immédiat dans l’infection articulaire connue de longue date. Celle-ci, en plus de son effet antalgique permet d’accélérer la cicatrisation. Son inconvénient essentiel est l’enraidissement articulaire, évolution déjà très fréquente de l’arthrite septique. Le principe de la contention est donc une immobilisation en position de fonction (position permettant une fonction optimale en cas de raideur complète) la plus brève possible. La date de fin de l’immobilisation reste empirique, dépendant de la sensibilité de chacun et se situe en général autour du dixième jour lorsque les marqueurs de l’inflammation retrouvent des niveaux normaux. Le plâtre ou la résine sont utilisés. De préférence circulaire (plus efficace sur le plan mécanique), il peut être bivalvé quand la surveillance de la plaie ou de la peau est nécessaire. Pour certains, ce plâtre bivalvé permet la réalisation de ponctions évacuatrices. L’épaule est immobilisée au mieux par un bandage de Dujarrier, bandage souple mais dont le maintien du coude au corps assure une bonne contention de l’épaule. Au coude, le plâtre brachiopalmaire doit impérativement être fait en position de fonction : flexion à 90°, pronosupination intermédiaire. Le poignet est immobilisé au minimum par une manchette plâtrée, poignet en position neutre de flexion– extension. Si on veut bloquer en plus la pronosupination, le blocage du coude par un plâtre brachiopalmaire est indispensable. Les métacarpophalangiennes (MTP) et interphalangiennes (IP) sont immobilisées au mieux par des orthèses thermomoulées, main en position de fonction (flexion de 30° des articulations MTP et extension IP). L’immobilisation de la hanche est plus difficile à réaliser car le plâtre pelvipédieux n’assure pas une contention parfaite et est généralement mal toléré. On se contente donc souvent de mettre le malade en décharge stricte sans mobilisation. Le genou est immobilisé dans un plâtre-genouillère bivalvée en extension. La cheville est immobilisée dans une botte plâtrée à angle droit. Pour le membre inférieur, les consignes d’appui dépendent du stade de l’arthrite et du traitement entrepris. Le principe est de ne pas mettre en charge un cartilage ramolli. L’immobilisation dans le traitement médical de l’arthrite du genou est un classique. En revanche, en cas de traitement chirurgical associé cette immobilisation ne s’impose pas. Pour certains, du fait du risque d’enraidissement, elle est même contreindiquée. Ils préfèrent dans ces cas, après nettoyage articulaire, rééduquer immédiatement l’articulation en cause. Autant que faire se peu, les résines ou les appareils plâtrés réalisés devront être bivalvés pour permettre la surveillance quotidienne de l’articulation. 4.2. Nettoyage articulaire De même qu’on décrit trois stades évolutifs (stade liquidien, stade synovial, ostéoarthrite), on peut décrire trois étapes thérapeutiques qui correspondent à chacun de ces stades évolutifs : ● ● ● drainage du liquide (ponction ou arthroscopie) pour le stade liquidien ; synovectomie (arthroscopique ? Ou plus souvent à ciel ouvert) pour le stade synovial ; résection articulaire (suivie ou non d’arthrodèse ou d’arthroplastie) pour le stade d’ostéoarthrite. Une articulation douloureuse et fébrile relève de la ponction diagnostique et évacuatrice, de l’immobilisation et du traitement médical. C’est à ce stade précoce que les résultats sont les plus favorables. Une articulation infectée depuis moins de sept jours, présentant un important épanchement liquidien, relève du traitement actif du liquide articulaire (lavage articulaire). Après évacuation, la reproduction de l’épanchement articulaire doit faire envisager l’étape ultérieure. L’arthroscopie permet une thérapeutique « à cheval » entre le stade liquidien et la synovectomie [5]. En effet, la possibilité d’effondrer des cloisonnements et de faire des synovectomies partielles permet d’élargir un peu le stade dit « liquidien », mais une évolutivité lente doit faire passer à la synovectomie radicale, à ciel ouvert. La synovectomie est indiquée lorsque, après l’évacuation liquidienne, on palpe un pannus synovial [6]. Ce gonflement non liquidien correspond à une microabcédation de la synoviale qui doit être enlevée. Mais, certaines articulations profondes (hanche ou épaule) sont peu accessibles à la palpation. C’est donc sur la durée d’évolution et sur la persistance des signes infectieux que l’indication de l’arthrotomie doit être portée. Cette arthrotomie amène le plus souvent à réaliser la synovectomie. L’apparition d’un pincement articulaire ne doit pas faire récuser la synovectomie isolée. Elle en assombrit toutefois le pronostic fonctionnel. La résection ostéocartilagineuse est indiquée dans l’ostéoarthrite, lorsque les signes radiologiques associent pincement et géodes épiphysaires. L’évaluation de l’état du cartilage et de l’os se fait au mieux en peropératoire, lors de la synovectomie. Il sera alors décidé de réaliser immédiatement ou en différé en fonction de l’évolution, la résection ostéocartilagnieuse pour une arthrodèse ou une néoarticulation fibreuse (coaptation, distraction). 4.3. Antibiothérapie L’antibiothérapie est fondamentale. Seule et sans geste associé, elle est moins efficace car elle doit lutter contre un inoculum bactérien important. On comprend ainsi la nécessité impérieuse d’isoler la bactérie en cause grâce à la ponction car l’isolement microbiologique du germe permettra d’adapter l’antibiothérapie en fonction des données de l’antibiogramme. La stratégie la plus couramment utilisée consiste à prescrire de façon probabiliste, après la réalisation des prélèvements peropératoires (ponction simple ou chirurgie plus invasive), une antibiothérapie contre Staphylococcus aureus. En fonction de l’écologie où évolue le patient, l’antibiothérapie sera d’emblée un glycopeptide donné par voie intraveineuse en association ou non à une deuxième molécule ou bien dans un contexte de ville, une association méthicilline-aminoside. En tout état de cause, cette antibiothérapie probabiliste devra être redressée rapidement par les données de l’antibiogramme et l’antibiothérapie curative ciblée poursuivie. La durée de cette antibiothérapie reste là aussi non consensuelle, empirique en fonction des équipes. Des durées de traitement inférieures à six semaines ne paraissent pas au jour d’aujourd’hui raisonnables. La notion de l’antibiothérapie intraveineuse plus efficace que l’antibiothérapie per os est ancienne et doit être abandonnée au profit de la biodisponibilité des molécules et de leur pharmacocinétique (les quinolones n’ont aucune indication à être données de façon intraveineuse). La présence d’hémocultures positives évocatrice d’une phase bactériémique impose la réalisation d’une antibiothérapie bactéricide par voie parentérale dans la période initiale. 5. Techniques chirurgicales et indications 5.1. Technique de ponction articulaire Pratiquement, toutes les articulations peuvent être ponctionnées, mais la ponction est un geste qui doit être maîtrisé et fait dans des conditions d’asepsie rigoureuse. À l’épaule, la ponction est faite par voie antérieure, en passant légèrement en dehors du sillon deltopectoral. Le coude est ponctionné par voie externe ou antéroexterne. Le poignet est ponctionné par voie dorsale. Les articulations des doigts sont accessibles par voie dorsale, latéralisée en dedans ou en dehors. La hanche est une articulation plus antérieure que postérieure quant à sa localisation anatomique. La ponction doit logiquement être faite par voie antérieure. On s’aidera d’un appareil scopique. Le point d’introduction du trocard devant se faire sur la zone d’incision de type Hueter connue en chirurgie orthopédique. Cette grosse articulation peut bénéficier largement de la ponction biopsie au Tru-Cut® qui permet à la fois de recueillir du liquide et du matériel capsulosynovial. Au genou, la ponction est faite dans le cul-de-sac sous-quadricipital par voie pararotulienne. Cette grosse articulation peut également bénéficier de la ponction biopsie au Tru-Cut®. La cheville est ponctionnée par voie antérieure à l’angle tibiomalléolaire interne. 5.2. Traitement du stade liquidien 5.2.1. Lavage articulaire Son but principal est de réduire l’inoculum bactérien pour augmenter l’efficacité des antibiotiques face à une population bactérienne ainsi réduite. Les différentes modalités en sont : ● irrigation–lavage : elle est réalisée avec l’aide d’une aiguille et d’une seringue par des injections discontinues de sérum physiologique et des réaspirations, ou par la mise en oeuvre d’une technique continue de perfusion intra-articulaire associée à une réaspiration dans un système type redon. Cette technique se heurte à un risque important de surinfection et, de notre point de ● ● ● vue, devrait être abandonnée ; lavage au trocart : le principe est le même que celui de l’irrigation- lavage : on introduit un liquide dans l’articulation alors qu’un trocart évacuateur permet l’évacuation de ce dernier. La séance est en revanche réduite dans le temps, ce qui en diminue le risque infectieux. Cette technique nous paraît également désuète et devrait être abandonnée au profit de l’arthroscopie qui permet d’avoir la même efficacité du lavage durant une période courte, avec un risque minime de rupture d’asepsie, et de permettre la visualisation de l’état cartilagineux que de l’état synovial ; lavage arthroscopique : l’arthroscope permet une irrigation importante et plus complète que le trocart, car celui-ci est manipulé de manière à irriguer tous les espaces articulaires, culs de sacs synoviaux compris [5,7]. Comme exprimé plus haut, l’arthroscopie permet un excellent bilan intra-articulaire, la réalisation de biopsies synoviales, la réalisation de nombreux prélèvements microbiologiques (non exclusivement liquidiens) d’une matière solide, prélevés à la pince ; technique de l’arthroscopie–lavage du genou : l’arthroscope est introduit par une voie d’abord habituelle parapatellaire. L’articulation pourra être remplie avec du sérum physiologique. Ce même sérum sera évacué par l’abord arthroscopique controlatéral. Associé à la visualisation de la synoviale permise par l’arthroscopie, on réalise un drainage mécanique de l’articulation dont le but est de diminuer l’inoculum bactérien, de la même façon qu’on laverait un péritoine lors d’une péritonite pyostercorale. Le temps arthroscopique peut être rendu difficile par la réaction inflammatoire de la synoviale. L’intérêt de la visualisation arthroscopique de la synoviale est la réalisation de biopsies à visée anatomopathologique et microbiologique. À l’aide d’un crochet palpateur ou d’un instrument motorisé, on pourra également effondrer d’éventuels cloisonnements qui se forment très rapidement au niveau d’une articulation en cas d’atteinte infectieuse. L’arthroscopie paraît être pour nous, chirurgiens, la technique de choix dans le traitement de l’arthrite articulaire précoce sur articulation vierge, associant à l’effet du lavage, un bilan intra-articulaire de la synoviale et du cartilage. 5.2.2. Évacuation chirurgicale Elle doit rester exceptionnelle. En effet, la plupart des articulations sont accessibles à l’arthroscopie. Cette évacuation chirurgicale d’une collection suppurée intra-articulaire ne se conçoit que si elle s’associe à un geste d’ablation de matériel d’ostéosynthèse ou dans le cadre particulier de l’infection tuberculeuse dont le pus très épais ne peut être évacué que chirurgicalement. 5.3. Traitement du stade synovial 5.3.1. Synovectomie La synovectomie est l’excision voulue la plus complète possible de toute la synoviale d’une articulation. Cette intervention réalisée dans un certain nombre de pathologies comme certaines arthrites inflammatoires (arthrite chronique juvénile, arthrite rhumatoïde) ou arthrites hémophiliques a, dans l’arthrite septique, pour but d’exciser l’ensemble de la synoviale ou du moins toutes les parties de la synoviale qui sont abcédées et donc inaccessibles au traitement médical (antibiotique) ou au lavage articulaire simple [6]. La synovectomie fait partie intégrante d’un certain nombre d’interventions comme par exemple la prothèse totale de genou chez un sujet porteur d’une polyarthrite rhumatoïde. Elle nécessite en fonction des articulations une ou deux voies d’abord. Pour nous, elle est le plus souvent réalisée à ciel ouvert. En effet, la synovectomie par voie arthroscopique semble longue, fastidieuse, difficile et surtout incomplète devant l’étendue en surface d’une synoviale comme l’articulation du genou. Les outils motorisés ne semblent pas nous permettre la réalisation d’un geste complet [8]. L’utilisation de la voie d’abord arthroscopique dans les arthrites aiguës reste discutée dans la littérature orthopédique. Elle est globalement très prônée par les chirurgiens dits « arthroscopeurs » et suscite moins d’enthousiasme chez les spécialistes du traitement de l’infection ostéoarticulaire. 5.3.1.1. Suites opératoires. Que l’intervention ait été menée à ciel ouvert ou par voie arthroscopique, un ou plusieurs drains de Jost et Redon sont mis en place non pas pour assécher l’articulation qui continuera à produire du liquide synovial mais surtout pour contrôler l’absence de germes dans le liquide récupéré par les drains. Cette phase de drainage de quelques jours ne contre-indique pas la rééducation précoce. En effet, en cas de synovectomie et en l’absence de rééducation, l’articulation s’enraidit extrêmement vite. Il faut empêcher les tissus mous « de coller » aux pièces osseuses et dès le postopératoire immédiat, rééduquer passivement l’articulation. Cette dernière sera mobilisée activement dès la disparition des signes inflammatoires locaux. L’appui sera autorisé partiellement, prudemment, contrôlé en fonction de la douleur ressentie par le patient. Il est là aussi difficile de prescrire un schéma thérapeutique systématique compte tenu de la variabilité individuelle et de la sensibilité de chacun. 5.3.1.2. Limites de la synovectomie. La synovectomie est le traitement obligatoire de l’arthrite septique avec synovite abcédée. Or, cette technique a d’autant plus de chance de réussir qu’elle est réalisée à un stade précoce de l’infection, avant que la synoviale n’ait eu le temps de libérer des enzymes responsables d’une dégradation cartilagineuse [9]. L’arthroscopie a l’avantage, en plus de réaliser le nettoyage articulaire, d’évaluer l’état de la synoviale et la nécessité ou non de l’exciser. La synovectomie par arthroscopie est réalisable mais moins complète que la synovectomie par arthrotomie. La synovectomie incomplète retarde la guérison mais apporte les mêmes chances de guérison [10]. Dans les formes limites entre stades 1 et 2, l’arthroscopie est réalisée. Dans les formes avérées de stade 2 (retard thérapeutique, genou tuméfié après ponction évacuatrice ou échec d’un lavage), une synovectomie à ciel ouvert est directement réalisée. Il est classique de dire que dans l’arthrite infectieuse, on a souvent un temps de retard ; c’est-à-dire que lorsque l’on se pose la question de réaliser un lavage arthroscopique, il faudrait en fait être au stade de la synovectomie et si on envisage de réaliser une synovectomie, les dégâts ostéoarticulaires imposent parfois déjà l’arthrodèse ou la résection puis arthroplastie. 5.4. Traitement de l’ostéoarthrite Le principe du traitement de l’ostéoarthrite est de réséquer tous les tissus contaminés : la synoviale, toute la surface cartilagineuse et l’os infecté. Après cette résection ostéocartilagineuse en zone saine, se pose le problème des possibilités thérapeutiques qui permettent de restituer une fonction optimale du membre concerné : soit une fusion de l’articulation par une arthrodèse soit la création d’une néoarticulation fibreuse obtenue par coaptation ou distraction des fragments osseux [11] comme l’a proposé R. Judet. La décision se fera en fonction de l’articulation concernée, du stock osseux et des motivations du patient. 5.4.1. Arthrodèse L’arthrodèse n’est bien évidemment jamais proposée de première intention dans le traitement d’une ostéoarthrite sauf les exceptionnels cas vus très tardivement. En général, l’arthrodèse est proposée à des patients en échec de multiples traitements souvent faute de prise en charge initiale dans un centre spécialisé. 5.4.1.1. Principes L’arthrodèse est la fusion de l’articulation. Elle supprime la mobilité mais assure stabilité et indolence. Le handicap fonctionnel induit par l’arthrodèse dépend de l’articulation concernée. Selon la topographie et l’état des articulations sus- et sous-jacentes, la suppression de la mobilité n’a pas les mêmes répercutions fonctionnelles. La « moins mauvaise » ar-throdèse en termes de tolérance fonctionnelle est celle du genou. Le principe général d’une arthrodèse est de reporter les contraintes sur les articulations sus- et sous-jacentes entraînant ainsi un vieillissement prématuré de ces dernières. 5.4.1.2. Indications L’arthrodèse s’applique à l’ensemble des articulations, son indication dans le coude reste toutefois limitée à quelques cas particuliers (on lui préfère la distraction articulaire). Dans l’infection articulaire, l’arthrodèse n’est à réaliser qu’au stade d’ostéoarthrite. Une articulation au stade d’ostéoarthrite à une fonction gravement pénalisée. En général, l’articulation s’enraidit dans une position non fonctionnelle et, qui plus est, douloureuse. L’arthrodèse a le mérite de mettre l’articulation dans la situation mécanique la moins mauvaise possible et de supprimer complètement la douleur. 5.4.1.3. Voie d’abord Elle dépend de deux choses : l’abord apportant la meilleure exposition de l’articulation (voies d’abord classiques des articulations) ou parfois la nécessité d’exciser des zones infectées au niveau des parties molles (cicatrices inflammatoires, fistules, abcès) ce qui peut modifier la voie d’abord habituelle. 5.4.1.4. Avivement Il correspond à la nécessité d’obtenir des coupes osseuses propres après avoir éliminé le cartilage et son os sous-chondral. Il peut être difficile de savoir où s’arrête l’excision, car il n’est pas toujours aisé de différencier macroscopiquement l’os infecté de l’os sain. Parfois, se pose alors le problème de perte de substance osseuse générée par l’infection elle-même ou l’excision : soit elle permet tout de même une mise en contact des deux fragments épiphysaires au prix d’un raccourcissement du membre concerné, soit la mise en contact est impossible et on doit alors avoir recours à un apport osseux. Dans un cas comme dans l’autre, le recours à une stabilisation des fragments est utile pour obtenir la fusion osseuse. 5.4.1.5. Stabilisation La stabilisation mécanique est assurée par une ostéosynthèse qui doit être rigide avec un effet durable dans le temps car les délais de fusion d’arthrodèse après infection sont souvent très longs. Deux types d’ostéosynthèse sont réalisables : ● ● une ostéosynthèse interne (plaque vissée, clou centromédullaire, vissage) qui a l’avantage d’apporter une bonne rigidité du foyer avec quand mêmes les risques d’entretenir l’infection (présence de corps étranger au sein de l’infection) et celui de démontage secondaire ; une ostéosynthèse par fixateur externe qui permet de ponter le foyer, surtout s’il existe une perte de substance osseuse avec comme inconvénients l’encombrement externe du fixateur et la possibilité de faillite mécanique à long terme (ostéolyse autour des fiches). 5.4.1.6. Consolidation Le délai de consolidation d’un os infecté est plus long que celui d’un os sain car le tissu osseux perd de son pouvoir ostéogénique. La fusion de l’arthrodèse pour arthrite septique est donc plus difficile à obtenir que pour une arthrite inflammatoire ou une arthrose, ce d’autant qu’il existe une perte de substance associée. La consolidation s’échelonne entre trois et six mois, au-delà de ce terme, on parle de pseudarthrodèse (absence de consolidation d’une arthrodèse), complication qui nécessite un traitement chirurgical adapté. 5.4.1.7. Mise en charge La mise en charge, au membre inférieur, n’est autorisée qu’après un certain délai de début de consolidation qui protège de la faillite mécanique de l’ostéosynthèse. Elle a même un effet bénéfique sur la consolidation et sur la trophicité musculaire à condition que le matériel d’ostéosynthèse puisse être dynamisé. 5.4.1.8. Greffe osseuse C’est un moyen de combler la perte de substance osseuse. Deux types de greffe osseuse peuvent être nécessaires : un apport structural d’os, c’est-à-dire un os rigide permettant d’assurer une fonction mécanique entre deux fragments ou un apport osseux de comblement (renforcement d’un os continu fragilisé par une cavité). La greffe corticospongieuse autologue (provenant du patient) est la seule solution d’apport osseux structural. Les sites de prélèvement se feront toujours en zone saine : crêtes iliaques, fibula, crête tibiale. La greffe osseuse hétérologue (provenant d’un autre patient) n’a aucune indication dans la chirurgie septique. Le comblement osseux est réalisé au mieux par un apport spongieux autologue (os iliaque, épiphyses). Des substituts osseux existent cependant (inducteurs ostéogéniques) dans les cas où les patients ont déjà été prélevés à plusieurs reprises. 5.4.2. Résection articulaire–coaptation ou distraction 5.4.2.1. Principes Le principe des coaptations ou distractions articulaires est d’obtenir une néoarticulation fibreuse permettant de conserver un certain degré de mobilité tout en assurant une indolence [12].Cette technique a été introduite par R. Judet s’inspirant des travaux de Volkov. 5.4.2.2. Indications La coaptation s’applique essentiellement à la hanche. Elle permet un certain degré de mobilité, nécessaire pour la mise au fauteuil et à un moindre degré, une reprise de l’appui. Elle est réalisée chez des patients peu valides, nécessitant plus une mise au fauteuil qu’une reprise de la marche. Cette dernière est souvent possible avec une canne sur un périmètre infini. La distraction articulaire s’applique au coude, au genou et à la cheville. La meilleure indication est le coude où le maintien d’un certain degré de mobilité est essentiel à un bon fonctionnement du membre supérieur. L’indication pour le genou et la cheville est plus discutable étant donné les bons résultats fonctionnels obtenus après arthrodèse. 5.4.2.3. Résection articulaire C’est l’étape commune aux arthrodèses, aux coaptations articulaires et aux distractions articulaires à cela près que les coupes osseuses seront adaptées à chaque technique. Dans tous les cas, les résections osseuses se feront en zone saine. Après avoir réalisé une résection tête col du fémur, le trochanter est déshabillé de ses insertions musculaires et « coapté » dans le cotyle. La néoarticulation obtenue est stabilisée par un fixateur externe rigide pendant une première période de cicatrisation (21 jours) puis articulée dans le plan flexion– extension. Le fixateur est retiré à 45 jours. Les résultats obtenus sont assez variables. L’objectif est une flexion possible à 90° et une extension complète, l’appui est possible avec une talonnette. Le principe de distraction articulaire est d’obtenir une néoarticulation fibreuse entre deux fragments osseux en appliquant une distraction à l’aide d’un fixateur externe le temps de la cicatrisation [11]. Les résultats sur le coude sont plus satisfaisants qu’aux niveaux du genou et de la cheville. 5.4.3. Amputation Elle fait partie de l’arsenal thérapeutique tout en réservant ses indications aux formes compliquées : ostéoarthrites évoluées en échec thérapeutique, certaines formes de pied diabétique ou artéritique. 6. Critères de guérison Il n’existe pas de critère formel. Les critères de guérison de l’infection ne se conçoivent que par défaut. La guérison est l’absence de preuve de la récidive… 7. Séquelles articulaires postinfectieuses Les principales séquelles des arthrites et ostéoarthrites après guérison, sont la raideur et la douleur. La raideur est liée à la fibrose cicatricielle intra- et périarticulaire, plus ou moins calcifiée, mais peut être aussi en rapport avec une destruction ostéocartilagineuse. Elle peut également être secondaire aux positionsvicieuses du membre, secondaires à la destruction articulaire. La douleur, de même, peut être le fait des modifications capsuloligamentaires ou des destructions cartilagineuses. 7.1. Traitement de la raideur séquellaire Après une période de rééducation, la raideur séquellaire peut nécessiter une arthrolyse si elle présente un préjudice fonctionnel important. L’arthrolyse est justifiée en cas d’absence de lésion ostéocartilagineuse sévère. Par précaution, elle est réalisée au moins après un an de guérison clinique et biologique pour éviter un réveil infectieux. Le résultat d’une arthrolyse postarthrite infectieuse est plus aléatoire que dans les raideurs post-traumatiques [13]. Deux principales techniques existent : l’arthrolyse arthroscopique et l’arthrolyse à ciel ouvert. Les indications dépendent essentiellement de la topographie de l’articulation atteinte et du degré de raideur. 7.2. Traitement de la douleur séquellaire En dehors de la physiothérapie et des traitements médicaux, la chirurgie prend une place importante lorsqu’il existe des lésions cartilagineuses associées et rejoint le traitement de l’arthrose. Cependant, il faut aussi prendre les mêmes précautions : guérison clinique et guérison biologique. Les principales techniques sont les ostéotomies de réaxation des membres et les arthroplasties. Les arthroplasties après arthrite septique donnent de moins bons résultats que celles réalisées sur arthrose mécanique car, en cas de destruction osseuse articulaire, elles imposent d’emblée l’utilisation d’implants dits de « reprise ». Un réveil infectieux est toujours possible et les séquelles cicatricielles diminuent les résultats fonctionnels. Des prélèvements bactériologiques doivent être systématiquement réalisés avant et durant l’intervention. Les indications doivent rester prudentes. Il n’existe pas de série dans la littérature publiant les taux de réveil infectieux après prothèse sur articulation avec antécédent infectieux. Cela du fait que même un gros centre d’arthroplasties réalisant de 200 à 400 arthroplasties par an au niveau d’une articulation donnée le fait exceptionnellement sur une articulation ayant des antécédents septiques et faute d’être multicentrique, les volumes sont insuffisants pour générer des séries cohérentes. En revanche, dans notre expérience personnelle, cette situation est rencontrée deux à trois fois par an. Nous avons pour règle d’essayer de respecter un intervalle sans récidive infectieuse de plus de cinq ans entre l’arrêt de l’antibiothérapie et l’implantation de la prothèse sur un patient ayant des paramètres biologiques normaux. Il est probable que les résections osseuses associées à la synovectomie systématique réalisée lors de l’intervention, participent à l’élimination d’un potentiel foyer infectieux résiduel. 8. Conclusion L’arthrite septique nécessite une prise en charge médicochirurgicale urgente car tout retard diagnostique et thérapeutique grève lourdement l’avenir fonctionnel de l’articulation atteinte. De notre point de vue, la prise en charge de l’infection ostéoarticulaire nécessite à la fois des moyens microbiologiques lourds, des compétences chirurgicales et infectiologiques qui fait que pour maximaliser le succès du traitement, elles devraient être prises en charge très précocement en centre spécialisé. Les filières restent à établir. Références [1] Lortat Jacob A. Traitement de l’infection articulaire. Encycl Méd Chir. Traité de techniques chirurgicales–orthopédie–traumatologie, 44085. Elsevier : Paris 2004 [2] Wysenbeek AJ, Volchek J, Amit M, Robinson D, Boldur I, Nevo Z. Treatment of staphylococcal septic arthritis in rabbits by systemic antibiotics and intra-articular corticosteroids. Ann Rheum Dis 1998;57:687– 90. [3] Piriou P, Garreau de Loubresse C, Wattincourt L, Judet T. 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Piriou et al. / Revue du Rhumatisme 73 (2006) 191–198 http://rhumatologiev3.dev2.intracyim.com/05-Bibliotheque/Publications/pub-73-191-198.asp (7 sur 7)17/04/2007 11:54:46