Nouvelles perspectives
dans le traitement et la compréhension
physiopathologique des glioblastomes
New perspectives in glioblastoma multiforme
●F. Ducray*, J. Honnorat*
D
epuis 30 ans, malgré d’importants progrès diagnos-
tiques et neurochirurgicaux, il n’y a pas eu d’avan-
cée thérapeutique majeure dans le traitement des
glioblastomes. Cependant, cela pourrait changer avec les résul-
tats de deux études récentes. Tout d’abord, pour la première fois,
une étude de phase III vient de montrer l’efficacité, en termes de
survie, d’un nouveau protocole de chimiothérapie dans les glio-
blastomes. Ensuite, l’identification de cellules souches cancé-
reuses au sein des glioblastomes fait apparaître une nouvelle cible
thérapeutique particulièrement prometteuse.
L’étude réalisée par l’EORTC Brain & RT Groups et le NCIC
Clinical Trials Group (1) est une étude multicentrique de
phase III qui a comparé l’efficacité de la radiothérapie seule
(60 Gy en 30 séances de 2 Gy) à celle de la radio-chimiothérapie
concomitante avec du témozolomide (75 mg/m2/j) suivie de
6cycles de témozolomide (150-200 mg/m2/j, 5 jours tous les
28 jours). Cinq cent soixante-treize patients, âgés de 18 à 70 ans,
porteurs de glioblastomes ont été inclus. L’âge médian était de
56 ans et l’index de Karnofsky était supérieur à 70 chez plus de
80 % des patients. Dans 80 % des cas, une exérèse chirurgicale
(au moins partielle) avait été réalisée. La survie, qui était le cri-
tère principal d’évaluation, était significativement plus impor-
tante dans le groupe radio-chimiothérapie concomitante
(14,6 versus 12,1 mois ; p < 0,0001). Ce bénéfice peut sembler
modeste à première vue, mais, à 2 ans, il y avait plus de 2,5 fois
plus de patients en vie dans le groupe radio-chimiothérapie
concomitante que dans le groupe radiothérapie seule (26,5 % ver-
sus 10,4 % ; p < 0,0001), et la survie sans progression était aussi
nettement plus élevée à 1an et 2ans (respectivement 26,9% ver-
sus 9,1 % et 10,7 % versus 1,5 % ; p <0,0001). La tolérance de la
radio-chimiothérapie concomitante a été bonne, puisque les
séquences thérapeutiques programmées ont pu être réalisées en
totalité chez 85 % des patients. Il s’agit donc du premier proto-
cole de chimiothérapie qui montre une efficacité en termes de
survie globale dans les glioblastomes. Ce protocole devrait rapi-
dement devenir le standard pour le traitement des patients por-
teurs de glioblastomes âgés de moins de 70 ans et ayant un index
de performance compatible avec un traitement réalisé en ambu-
latoire (2). Les auteurs ont aussi étudié les facteurs prédictifs de
réponse au traitement et ont montré que le facteur le plus impor-
tant était la méthylation du promoteur du gène codant pour la
MGMT (O-6-méthylguanine-ADN méthyltransférase), une
enzyme dont l’expression entraîne une résistance aux alkylants,
dont fait partie le témozolomide (3). Or, lorsque son promoteur
est méthylé, le gène de la MGMT n’est pas exprimé. Si bien que,
à terme, la prescription de ce nouveau protocole pourrait être gui-
dée par l’état de méthylation du gène de la MGMT. Cela pourrait
aussi permettre de limiter le coût important de ce nouveau traite-
ment ; or, c’est là son inconvénient principal (4).
La deuxième avancée majeure est l’identification de cellules
souches cancéreuses au sein des glioblastomes (figure, p. 180).
L’hypothèse qu’il existerait au sein d’une tumeur une population
de cellules tumorales responsables de la croissance de l’ensemble
de la tumeur a été formulée dès les années 1960, lorsque l’on a
découvert que seule une fraction des cellules d’une tumeur était
capable de se multiplier in vitro et d’induire des tumeurs clonales
chez l’animal. Par la suite, il a été établi que ces cellules tumo-
rales particulières avaient des caractéristiques proches des cel-
lules souches normales ; ainsi est né le terme de cancer stem cell,
que l’on peut traduire par “cellule souche cancéreuse” ou “cel-
lule souche de cancer”. Les progrès récents réalisés dans ce
domaine viennent de l’identification de marqueurs des cellules
souches normales qui se sont trouvés être également des mar-
queurs des cellules souches cancéreuses. L’hypothèse des cellules
souches cancéreuses suggère que la prolifération tumorale est le
fait d’une fraction minoritaire de cellules tumorales, cellules qui
ÉDITORIAL
La Lettre du Neurologue - vol. IX - n° 6 - juin 2005 179
* Service de neurologie B, hôpital neurologique, Bron.