3 questions à . . . Identification de cellules souches tumorales cérébrales humaines Entretien avec A. Idbaih (Service de neurologie [Pr J.Y. Delattre], hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris) > Réalisé par G. Mégret L’hypothèse des cellules souches cancéreuses (CSC) suggère que les clones néoplasiques sont exclusivement sous-tendus par une minime fraction de cellules ayant des propriétés de cellules souches. Bien que l’existence de CSC dans la leucémie humaine soit établie, il y a peu de preuves de leur réalité dans les tumeurs solides en dehors du cancer du sein. Récemment, nous avons isolé une souspopulation de cellules CD133+ à partir de tumeurs cérébrales humaines montrant in vitro des propriétés de cellules souches. Cependant, les véritables caractéristiques des CSC tiennent dans leur capacité à s’autorenouveler et à reproduire exactement la tumeur originale. Nous rapportons ici le développement d’un essai de xénogreffe avec des cellules souches de tumeurs cérébrales humaines initiant des tumeurs in vivo. Seule la partie de la tumeur contenant des cellules CD133+ peut induire des tumeurs cérébrales chez les souris NOD-SCID (nonobese diabetic severe combined immunodeficient). L’injection d’un faible nombre de cellules CD133+ (100) produit une tumeur pouvant être transplantée en série et représente une copie phénotypique de la tumeur Pourriez-vous faire un bref rappel historique du concept, puis de la réalité histologique des “cellules souches cancéreuses” ? Les cellules souches, comme en témoigne la multitude des qualificatifs qui les accompagnent (embryonnaires, totipotentes, pluripotentes, multipotentes, adultes, somatiques, cancéreuses, engagées) constituent un vaste sujet en pleine effervescence et encore source de nombreuses discussions. À la fin des années 1980, l’hématologie a initié les recherches dans le domaine des cellules souches adultes avec l’identification et l’isolement de la cellule souche hématopoïétique de phénotype CD34+. Cette cellule souche adulte, définie par ses capacités d’autorenouvellement et de différenciation, est capable, d’une part, de donner naissance à une cellule identique et, d’autre part, de générer un tissu hémato-lymphoïde mature. Parallèlement à la découverte des cellules souches adultes somatiques, a émergé le concept de cellule souche cancéreuse. Cette dernière résulterait de la transformation maligne d’une cellule souche somatique sous la pression d’événements génétiques oncogéniques. Elle constituerait alors le “chef d’orchestre” du processus tumoral donnant naissance à la fois à des cellules cancéreuses douées des mêmes propriétés et à des cellules cancéreuses plus différenciées formant le tissu originelle, alors que l’injection de 100 000 cellules tumorales classiques sont nécessaires pour obtenir l’apparition d’une tumeur. Ainsi, l’identification de cellules souches tumorales cérébrales prouve la pertinence de la pathogénie des tumeurs cérébrales humaines donnant une forte assise pour les hypothèses CSC pour de nombreuses tumeurs solides et constitue une cible cellulaire antérieurement non-identifiée pour des thérapies anticancéreuses efficaces. >> Singh SK et al. Identification of human brain tumour initiating cells. Nature 2004; 432:396-401. néoplasique. Ce concept fut validé au milieu des années 1990, là aussi par l’onco-hématologie, avec la mise en évidence des premières cellules souches cancéreuses dans les leucémies aiguës myéloïdes. À la suite de ces découvertes, des travaux ont été ensuite consacrés à la recherche de cellules ayant des propriétés similaires dans les tissus solides, en particulier nerveux. C’est ainsi que, chez l’homme, furent isolées et identifiées successivement les cellules souches neurales somatiques, à la fin des années 1990 puis, tout récemment, les cellules souches neurales cancéreuses. En quoi les résultats du récent travail de Singh et al. sur l’injection de cellules tumorales cérébrales humaines dans le cerveau de souris immunodéficientes viennent-ils conforter la preuve de l’existence des cellules souches cancéreuses ? L’existence des cellules souches cancéreuses a déjà été démontrée dans certaines leucémies et dans certains cancers solides. Leur isolement et leur identification, in vivo, dans les tumeurs malignes du système nerveux constituent la véritable originalité des travaux de Singh. Contrairement aux cellules CD133-, les cellules de phénotype CD133+ isolées par Singh, La Lettre du Neurologue - Suppl. Les Actualités au vol. VIII - n° 10 - décembre 2004 13 3 questions à... A. Idbaih à partir de 3 médulloblastomes et 4 glioblastomes de patients récemment opérés, obéissent à la définition de la cellule souche neurale cancéreuse (CSNC). Comme les cellules CD133-, elles ont subi une transformation maligne : les altérations génétiques objectivées au sein des cellules CD133+, en particulier l’isochromosome 17p dans les médulloblastomes et l’amplification du récepteur à l’EGF dans les glioblastomes, sont comparables à celles observées classiquement dans ces types tumoraux. Les cellules CD133+ comme les cellules CD133- sont d’origine clonale : l’ensemble des cellules de la masse tumorale, CD133+ et CD133-, portent les mêmes déséquilibres génomiques. Contrairement aux cellules CD133-, elles sont capables de se différencier et de former une néoplasie : 100 cellules cancéreuses CD133+ greffées dans le cerveau de souris immunodéficientes NOD-SCID reconstituent une phénocopie (morphologique, immunohistochimique et cytogénétique) de la tumeur du patient dont elles sont issues. Enfin, par opposition aux cellules CD133-, elles sont capables d’autorenouvellement : à partir des tumeurs développées chez les premières souris, 1 000 cellules CD133+ ont été isolées et greffées à de nouvelles souris NOD-SCID avec le même résultat que celui obtenu chez les souris primaires. Cette découverte constitue un pas majeur. Cependant, il existe possiblement, parmi les 100 cellules cancéreuses CD133+ greffées chez les souris primaires, un compartiment cellulaire “encore plus” souches. Bien que techniquement difficile, la même démonstration avec une cellule unique CD133+ permettrait de lever toute réserve. Ces découvertes permettent-elles d’ores et déjà d’envisager des applications thérapeutiques dans les cancers cérébraux chez l’homme ? La découverte des CSNC ouvre, avant tout, la porte à une meilleure compréhension des mécanismes cellulaires et moléculaires impliqués dans l’oncogenèse des tumeurs du système nerveux. L’identification des CSNC alimente l’hypothèse selon laquelle les cancers cérébraux correspondraient plus à une maladie de la différenciation de cellules souches neurales, aux capacités physiologiques d’autorenouvellement, qu’à une anomalie de prolifération de cellules plus différenciées. Les CSNC, source du cancer et de sa pérennité, constitueraient donc les cibles idéales de toutes nouvelles stratégies thérapeutiques visant son éradication. Cependant, avant d’envisager ces nouvelles approches et des essais cliniques chez l’homme, la biologie des CSNC doit être élucidée. Les voies de signalisation impliquées dans leur autorenouvellement, leur différenciation, leur dissémination et leur résistance aux chimiothérapies restent encore mystérieuses. L’identification de ces signaux permettrait secondairement d’élaborer de nouveaux agents ciblés capables de bloquer les voies de signalisation assurant l’autorenouvellement des CSNC, de forcer la différenciation des CSNC en cellules différenciées aux capacités de prolifération plus faible, d’inhiber la migration et la dissémination des CSNC et de contourner ou d’enrayer les mécanismes de chimiorésistance élaborés par la CSNC. ■ ✂ À découper ou à photocopier O UI, JE M’ABONNE AU MENSUEL La Lettre ET À SES SUPPLÉMENTS du Neurologue ABONNEMENT : 1 an ÉTRANGER (AUTRE FRANCE/DOM-TOM/EUROPE Merci d’écrire nom et adresse en lettres majuscules ❏ Collectivité ................................................................................. ❐ ❐ ❐ à l’attention de .............................................................................. 145 € collectivités 116 € particuliers 73 € étudiants* ❐ ❐ ❐ *joindre la photocopie de la carte ❏ Particulier ou étudiant *joindre la photocopie de la carte + M., Mme, Mlle ................................................................................ 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