Réunir les éléments du diagnostic
Le diagnostic est fondé sur une mesure correcte de la PA et sur
la recherche de signes de souffrance viscérale :
–Les erreurs de mesure tensionnelle vont dans le sens d’une sur-
estimation d’origine technique (gros bras) ou psychologique
(stress). La PA doit être mesurée selon les recommandations en
vigueur avec un manomètre à mercure ou un moniteur validé uti-
lisant un brassard adapté à la circonférence du bras (2). Pour
réduire les variations liées à l’anxiété ou à la douleur, il faut mesu-
rer plusieurs fois la PA pour obtenir deux mesures consécutives
qui diffèrent de moins de 10 mmHg.
–La recherche d’une souffrance viscérale est au centre des déci-
sions. Un trouble de la conscience avec céphalée, signes neuro-
logiques focaux et protéinurie évoque une encéphalopathie hyper-
tensive, ou, en fin de grossesse, une éclampsie. Une orthopnée et
des crépitants bilatéraux signent l’OAP. Une douleur violente,
thoraco-abdominale, sans anomalie de l’ECG fait rechercher le
souffle diastolique, l’anisotension, l’abolition des pouls de la dis-
section aortique. L’examen des urines à la bandelette et l’ECG
sont complétés sans délai d’un prélèvement de sang pour déter-
miner le ionogramme et la créatininémie. Un minimum d’infor-
mation sur le contexte thérapeutique est obtenu du patient ou de
l’entourage. Le patient reçoit-il un traitement antihypertenseur,
et si oui, lequel ? S’agit-il d’un médicament dont l’arrêt intem-
pestif expose à un rebond (clonidine et analogues) ? Le patient
prend-il des produits presseurs, comme les sympathomimétiques,
les corticoïdes et anti-inflammatoires, la cocaïne?
Organiser le transfert
Le premier geste est de transférer le patient dans un centre pou-
vant assurer une surveillance continue de la PA, de l’état neuro-
logique, cardiaque et rénal, et d’administrer le traitement spéci-
fique de la souffrance viscérale. La disponibilité d’un scanner ou,
mieux, d’une imagerie de résonance magnétique est indispen-
sable en cas de déficit neurologique. En cas d’éclampsie, la
patiente doit être transférée dans une maternité disposant d’un
pédiatre néonatologiste. En cas de forte suspicion d’infarctus
myocardique ou de dissection, le transfert se fait vers un hôpital
ayant un service de soins intensifs cardiaques et/ou de chirurgie
cardiovasculaire.
Une première prescription ?
En attendant le transfert, on ne donne pas de traitement visant à
réduire la PA si le patient a un déficit neurologique focal, ce trai-
tement ne pouvant être entrepris qu’après une imagerie cérébrale.
Un antihypertenseur d’urgence est administré seulement si le
patient a une diastolique constamment supérieure à 120 mmHg
avec des signes patents d’œdème pulmonaire, d’encéphalopathie
hypertensive, d’infarctus du myocarde ou de dissection aortique :
une ampoule de Lasilix®i.v. dans l’œdème pulmonaire seulement,
une ampoule de Catapressan®par voie intramusculaire ou sous-
cutanée dans les autres cas. L’emploi dans les urgences hyper-
tensives des gélules de nifédipine en administration sublinguale
a été longtemps populaire. Ce traitement n’est plus autorisé en
France dans cette indication depuis un rapport montrant sa faible
maniabilité et sa médiocre sécurité.
L’URGENCE À L’HÔPITAL
Mise en place de la surveillance
Une urgence hypertensive justifie l’admission dans un service
spécialisé ou de soins intensifs pour permettre un traitement effi-
cace et sûr sous surveillance continue de l’état clinique, de la PA,
de l’ECG, de la diurèse et des constantes biologiques. S’il y a
lieu, il faut traiter la douleur ou une rétention d’urines qui peu-
vent élever la PA. Le patient doit pouvoir bénéficier sans délai
des examens d’imagerie cardiaque, encéphalique ou aortique jus-
tifiés par le type de souffrance viscérale constituant l’urgence
hypertensive.
Les médicaments de l’urgence hypertensive
Dès qu’une surveillance intensive est mise en place, le traitement
est administré par voie veineuse.
– Le furosémide (Lasilix®,une ampoule de 20 mg à renouveler
si besoin) et le bumétanide (Burinex®,une ampoule de 2 mg à
renouveler si besoin) sont réservés au traitement de l’OAP. Dans
cette indication, un essai contrôlé a comparé de fortes doses de
furosémide et de fortes doses de dérivés nitrés, tous les patients
ayant reçu de l’oxygène, de la morphine et une première ampoule
de furosémide. Cet essai a montré que les vasodilatateurs vei-
neux injectables, nitroglycérine (Trinitrine) ou dinitrate d’iso-
sorbide (Risordan®) au débit de 1 à 10 mg/h (3) obtenaient de
meilleurs résultats (moins d’infarctus du myocarde et de recours
à la ventilation assistée) que le traitement par de fortes doses de
diurétiques de l’anse.
–Dans les autres indications, les antihypertenseurs proprement
dits sont également perfusés à la seringue électrique : labétalol
(Trandate™), nicardipine (Loxen®), nitroprusside (Niprid), ou
urapidil (Eupressyl®). Les produits les plus adaptés sont ceux dont
la pharmacodynamie permet un ajustement précis du débit en
fonction de la PA obtenue. Ce sont la nicardipine (Loxen®,8 à
15 mg/h), le nitroprusside (Niprid, 15 à 300 µg/h, maintenant peu
utilisé du fait de sa toxicité) et l’urapidil (Eupressyl®,60 à
180 mg/h).
L’objectif tensionnel
Il ne faut pas chercher à normaliser la PA. L’objectif recommandé
est une réduction de 25 % de la PA moyenne en quelques minutes
à 2 heures, puis une réduction graduelle vers 160/100 mmHg en
2 à 6 heures (2). Cette précaution explique pourquoi l’usage de
nifédipine par voie sublinguale est maintenant proscrit, car il ne
permet pas de contrôler la vitesse et l’ampleur de la baisse ten-
sionnelle (12).
☛Une baisse précipitée de la PA peut en effet induire ou aggra-
ver une ischémie rénale, cérébrale ou myocardique.
Vers un traitement au long cours
La situation d’urgence étant contrôlée, il faut généralement
prendre le relais par un traitement antihypertenseur oral. La
première étape peut être la prise de nicardipine à libération pro-
longée en relais de la nicardipine intraveineuse. La construction
du traitement ultérieur dépend de la cause de l’urgence et de son
évolution et sort du cadre de cette mise au point. ■
La Lettre du Cardiologue - n° 331 - mai 2000
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