N°10 La glycémie post-prandiale De la physiologie à la pathologie Collection Sucre et Santé Ava n t P ro p o s L sommaire AVANT PROPOS 3 POUR MIEUX COMPRENDRE… 4 4 1 - La glycémie post prandiale : au commencement était la physiologie… a) Etat de jeûne, post-prandial, post absorptif b) Par quels mécanismes l’hyperglycémie post-prandiale est-elle maîtrisée ? 2 - De la tolérance à l’intolérance au glucose a) L’état post-prandial, premier touché. b) Peut-on inverser la tendance et prévenir le diabète de type 2 ? 3 - En chemin vers le diabète avéré a) L’installation du « triumvirat » biologique : de l’insulinosécrétion, de la sensibilité des tissus périphériques à l’insuline, de la production hépatique de glucose. b) Hyperglycémie postprandiale et HbA1c chez le diabétique de type 2 4 - Les risques liés à l’hyperglycémie post-prandiale EN PRATIQUE Interview de l’expert clinicien et chercheur POUR CONCLURE 4 5 9 9 10 11 11 12 13 16 18 a glycémie post-prandiale est un sujet d’actualité dont l’enjeu est majeur pour les patients. En effet, le lien entre le risque cardio-vasculaire et le fait d’avoir une glycémie post-prandiale élevée a été bien démontré, et ce lien existe bien avant l’apparition du diabète. Pour autant, lien statistique n’a jamais signifié relation directe de cause à effet. Il n’est toujours pas fermement établi à ce jour que le contrôle isolé de la glycémie post-prandiale puisse prévenir les évènements cardio-vasculaires. Mais, me direz-vous, dans le doute, pourquoi ne pas le faire ? Pourquoi ne devrait-on pas appliquer le sacro-saint « principe de précaution », et faire baisser la glycémie post-prandiale au cas où cela puisse être bénéfique pour les patients ? La réponse est simple : parce qu’avant le stade de diabète cela demanderait un investissement considérable de la part des patients (des mesures répétées de glycémies capillaires en particulier), et souvent sans succès. Et parce qu’au stade de diabète vouloir normaliser avec des traitements hypoglycémiants la glycémie post-prandiale au-delà d’un bon équilibre glycémique moyen (une « bonne » HbA1c), augmente considérablement le risque d’hypoglycémies sévères. Pour autant, connaître les mécanismes qui concourent à augmenter la glycémie post prandiale, et les moyens pour la faire diminuer ne sont pas inutiles ! Ces moyens avant l’apparition du diabète sont la diététique et l’activité physique. Mais ils peuvent être mis en place dans le cadre d’une prévention globale visant à obtenir un changement profond de mode de vie, sans rendre le patient obnubilé par ses glycémies post-prandiales. Et lorsque le diabète est diagnostiqué, la baisse de l’HbA1c peut nécessiter la maîtrise des montées glycémiques liées aux repas. Mais ne faisons pas d’un moyen, une fin. 19 Pr Agnès Hartemann-Heurtier Service de Diabétologie Pitié-Salpêtrière - Paris 3 Pour mieux comprendre… 1 - La glycémie post-prandiale : au commencement était la physiologie… Chez l’individu sain, la glycémie est étroitement contrôlée, tant à l’état de jeûne que durant les périodes postprandiales. Cette régulation repose sur la production de glucose par l’organisme, qui est modulée à la fois par l’apport de glucides exogènes et par l’utilisation du glucose, et la sécrétion d’insuline qui maintient l’homéostasie glucidique. 4 Les apports en glucides, s’ils sont répétés au cours de la journée, fluctuent par ailleurs d’un individu à l’autre et chez une même personne selon le moment et les circonstances. De plus, certains tissus nécessitent pour leur fonctionnement un approvisionnement continu en glucose (cerveau, globules rouges…), d’autres ont des besoins éminemment variables comme le muscle squelettique (contraction musculaire). Une bonne connaissance des mécanismes de régulation physiologique de la glycémie au décours de la prise alimentaire, permet d’appréhender plus finement les choix thérapeutiques de prise en charge de la glycémie post prandiale « pathologique » du diabétique. a) Etat de jeûne, post-prandial, post absorptif1… Au cours des 24h, l’organisme passe par 3 états qui se succèdent selon le rythme des repas, tout en se chevauchant notablement : • l’état post-prandial qui suit immédiatement le repas et dure environ 4 heures. Durant cette phase, les glucides alimentaires subissent une hydrolyse enzymatique dans le tube digestif. Les monosaccharides produits sont ensuite absorbés pour se retrouver dans la circulation générale, via le système porte. Chez le sujet sain, la glycémie y décrit un pic hyperglycémique puis regagne la ligne basale. La régulation glycémique est ainsi assurée par la sécrétion d’insuline et la réduction concomitante de la glucagonémie2. • l’état post absorptif, est l’intervalle de temps qui succède à l’état postprandial et s’étend sur les 6 heures suivantes. Pendant cette période, chez le sujet non diabétique, la glycémie se maintient dans des valeurs normales. L’utilisation métabolique du glucose est compensée progressivement par une production de glucose endogène par glycogénolyse hépatique. Monnier L, Colette C. La glycémie post prandiale : du normal au pathologique. 48ème JAND, Paris, 25 janvier 2008. Girard et al. L’hyperglycémie post prandiale chez le diabétique de type 2. Médecine Clinique endocrinologie et diabète. 2003 ; HS N°1 : 12-16. 1 2 • l’état de jeûne, proprement dit, débute à la fin de la période post absorptive, soit 10-12h après le début du dernier repas. Au cours des états post absorptif et de jeûne, la glycémie demeure dans les limites de la normale, grâce à une transition graduelle de la production hépatique du glucose, de la glycogénolyse vers la glyconéogenèse à partir de lactates, d’alanine ou de glycérol. Au final, chez une personne non diabétique faisant 3 repas à heure fixe par jour, on peut estimer la durée de sa période post-prandiale à environ 12 heures (3 fois 4 heures), celle de sa période de jeûne à 3-4 heures en fin de nuit et celle de sa période post absorptive à environ 10 heures du fait du relatif chevauchement de ces phases (repas rapprochés). b) Par quels mécanismes l’hyperglycémie post-prandiale est-elle maîtrisée ? Un individu normal passant la moitié de sa vie en état post-prandial, il est légitime de s’interroger sur les facteurs qui permettent à la glycémie de varier, durant ces périodes, dans un couloir limité tant en durée qu’en amplitude. A cet égard, on peut rappeler qu’une glycémie post-prandiale, après une charge de 75g de glucose chez un sujet non diabétique, est considérée comme normale si elle reste au dessous du seuil de 140mg/dl (7,8mmol/l) au bout de 2 heures3. Différents éléments concourent à contrôler la glycémie post-prandiale (tableau 1), faisant intervenir des organes clés : le tractus digestif, le foie, le pancréas endocrine et le muscle strié4. Figure 1 Durées des périodes post prandiales post absorptives et de jeune (Monnier L 2000). Les périodes post-prandiales et post absorptives se chevauchant, l’ensemble de l’état post absorptif correspond à une dizaine d’heures. 3 American Diabetes Association. Standards of medical care in diabetes - 2007. Diabetes Care. 2007; 30(suppl. 1): S4-S41. 4 Scheen AJ, Paquot N. Physiopathologie de l’hyperglycémie post prandiale. Journées de Diabétologie de l’Hôtel Dieu 2006. pp 47-65. Flammarion Médecine-Sciences (www.medecine.flammarion.com) 5 Tableau 1 : Facteurs influençant la glycémie après un repas : Facteurs nutritionnels - Quantité des glucides ingérés - Nature des glucides ingérés - Présence concomitante d’autres nutriments Facteurs gastro-intestinaux - Vidange gastrique - Digestion intra-luminale des glucides - Absorption intestinale du glucose Facteurs hormonaux - Sécrétion des hormones intestinales (GLP-1, GIP,…) - Sécrétion des hormones pancréatiques (insuline, glucagon, amyline…) Facteurs métaboliques - Oxydation du glucose - Métabolisme du glucose via la glycolyse - Stockage sous forme de glycogène hépatique et musculaire - Inhibition de la production hépatique du glucose (d’après Scheen et al. 4) 6 • Facteurs nutritionnels Les glucides, par leur nature, la quantité ingérée et la composition du repas qui les accompagne, conditionnent la vitesse et l’amplitude du pic glycémique post-prandial. La meilleure connaissance de leur impact a conduit à la formulation du concept d’index glycémique5, paramètre permettant de classer les aliments glucidiques selon l’influence qu’ils exercent sur la glycémie post-prandiale (Tab 2). Plus un aliment possède un index glycémique élevé, plus il provoquera un pic glycémique important. Outre la composition en glucides, l’index glycémique est lui même influencé par différents facteurs tels que le mode de préparation de l’aliment considéré et les autres aliments pris en même temps (fibres et lipides notamment). Glucides simples • Facteurs gastro-intestinaux La vidange gastrique, par le biais de sa vitesse, influence le pic hyperglycémique post prandial. Elle est accélérée par action neurologique vagale et modulée par voie hormonale : la Motiline accroit le péristaltisme contrairement au Gastric Inhibitory Peptide (GIP), au Glucagon Like Peptide 1(GLP-1) et à l’Amyline qui ont un effet inverse. Outre ces régulations, neurologique et endocrinienne, la vitesse de la vidange gastrique subit des influences multiples, qu’elles soient physiologiques comme la composition du repas, l’osmolarité du contenu gastrique voire la glycémie elle-même, ou bien pathologiques telles que la neuropathie vagale avec gastroparésie du diabétique. Comme dernier exemple citons le dumping syndrome qui illustre l’accélération de la vidange gastrique post gastrectomie partielle, responsable de symptômes Wolever TM, Jenkins DJ, Jenkins AL, et al. The Glycemic Index : methodology and clinical implications. Am J Clin Nutr. 1991; 54: 846-854. 5 Tableau 2 : Index glycémique de quelques aliments Glucides complexes Glucides à index glycémique élevé (>70) Glucose (100) Boisson gazeuse (97) Gaufres (76) Barre chocolatée (70) Pommes de terre au four (85) Purée (80), frites (75) Céréales de petit déjeuner type Corn Flakes (75) Baguette (95), pain blanc (70) Pain complet (77) Riz brun (76) et riz “gluant” (98) Glucides à index glycémique moyen (55-70) Saccharose (sucre de table) (65) Ananas (59), betterave (64) Crème glacée (61) Biscuit type petit beurre (60) Miel (58) Vermicelle (58) Riz basmani (58), riz blanc (60) Porridge (58), muesli (55) Pomme de terre chips (57), patate douce (61) Semoule de couscous (65) Glucides à index glycémique bas (<55) Fructose (20), lactose (46) Abricot sec (31), carotte (47) Pamplemousse (25), pomme (38), poire (38), orange (42) Soja (18), petits pois (50) Chocolat (50) Jus d’orange (53) Kiwi (53), banane (52), mangue (51), raisin (46) Lentille (30), haricot sec (30), pois chiche (28) Haricot rouge (28), haricot blanc (38) All bran (33) Pâtes aux œufs (40) Pain aux céréales (45), au son (44), de seigle (50) Spaghetti (42), nouille (47) Riz complet (41) et potentiellement d’une hypoglycémie réactionnelle. La digestion enzymatique des glucides puis leur absorption par la muqueuse intestinale jouent un rôle dans la régulation de la glycémie post prandiale. Ce rôle est d’ailleurs pris en compte dans la stratégie thérapeutique du diabète, tant par l’élabora- tion de conseils nutritionnels que dans le mécanisme d’action d’antidiabétiques oraux. Ainsi, l’acarbose limite l’hyperglycémie post-prandiale en inhibant la digestion des glucides alimentaires par les α-glucosidases, et la metformine parmi d’autres actions, favoriserait la métabolisation en lactate du glucose absorbé par l’entérocyte, via la glycolyse anaérobie6. Bailey CJ. Metformin and intestinal glucose handling. Diabetes Metab Rev. 1995; 11suppl(1): S23-S32. 6 7 • Facteurs hormonaux Outre une action sur la cinétique de la vidange gastrique (voir précédemment), certaines hormones gastro-intestinales ont un pouvoir insulinosécréteur (Amyline, GIP, GLP-1) ainsi qu’un effet inhibiteur sur différentes enzymes digestives (Amyline) et sur la sécrétion du glucagon (Amyline, GLP-1). L’élément le plus connu de la régulation hormonale de la glycémie post prandiale est naturellement la réponse insulinique. En dehors de la stimulation liée aux hormones gastro-intestinales, et au stimulus du glucose, la production d’insuline résulte aussi d’efférences vagales par le biais de la phase céphalique et du réflexe vago-vagal gastro- L’effet « incrétine » : un concept pas si récent… Initialement, la notion d’une régulation de la sécrétion endocrine par des facteurs digestifs, remonte au début du XXème siècle7. Le concept d’effet « incrétine » proprement dit, a été formulé dans les années 20. Il correspond à une action insulinosécrétrice du glucose, plus puissante si celui-ci est pris par voie orale que s’il est administré par voie parentérale, cela grâce à des hormones peptidiques intestinales. Les incrétines GIP et GLP-1, identifiées en 878, sont issues respectivement des cellules K du duodénum et L de l’intestin grêle et du colon. Elles ont pour rôle de favoriser une utilisation rapide des nutriments absorbés (glucose et triglycérides)9. Leur action directe sur les cellules β pancréatiques s’exerce après fixation sur des récepteurs transmembranaires spécifiques. Leurs effets communs sont une stimulation de l’insulinosécrétion glucose-dépendante, et un contrôle de la masse fonctionnelle des cellules β. Cette dernière propriété, constatée in vitro et in vivo mais uniquement chez l’animal, témoigne d’une adaptation au long cours pouvant résulter d’une stimulation des cellules précurseurs, d’une prolifération des lignées matures et d’une résistance à l’apoptose. Intérêt des incrétines en thérapeutique antidiabétique Leur intérêt repose en premier lieu sur le GLP-1 dont le taux plasmatique est abaissé chez le diabétique de type 2 et l’intolérant au glucose10, contrairement à celui du GIP qui n’est pas modifié. De surcroit, la réponse fonctionnelle à l’administration de GLP-1 (insulinosécrétion, inhibition du glucagon et accélération de la vidange gastrique) est conservée alors que celle au GIP est altérée. 8 La médiocre stabilité in vivo du GLP-1 a mené les chercheurs sur 2 voies distinctes, l’élaboration d’une part d’analogues de cette hormone comme l’exenatide, et d’autre part d’inhibiteurs de son enzyme de dégradation, la dipeptidylpeptidase IV. Gautier JF, Fetita S, Sobngwi E, et al. Biological actions of the incretins GIP and GLP-1 and therapeutic pertspectives in patients with type 2 diabetes. Diabetes Metab. 2005; 31: 233-242. 8 Thorens B. L’axe entéro-insulaire : rôle de l’intestin et régulation glycémique. Journées de Diabétologie de l’Hôtel Dieu 2006. pp 67-73. Flammarion Médecine-Sciences (www.medecine.flammarion.com). 9 Girard J. Rôle des hormones digestives dans la régulation glycémique. 48èmes JAND, Paris, 28 janvier 2008. 10 Gautier JF, Choukem SP, Girard J. Physiology of incretins (GIP and GLP-1) and abnormalities in type 2 diabetes. Diabetes Metab. 2008; 34: S65-S72. pancréatique et entéro-pancréatique. La sécrétion de l’hormone est précoce et pulsatile. L’altération de la pulsatilité, associée à une baisse quantitative de la production est d’ailleurs une des composantes essentielles du diabète de type 2. L’hyperglycémie post-prandiale inhibe, chez le sujet sain, la production de glucagon, s’opposant ainsi à la glycogénolyse et à la glyconéogenèse hépatiques. En fait l’impact du glucagon sur l’homéostasie glucidique en période post-prandiale, n’est vraiment évident que lorsque s’installe une relative carence insulinique. • Facteurs métaboliques L’utilisation périphérique du glucose absorbé concerne principalement les muscles, le foie et plus accessoirement le rein. Au niveau de la fibre musculaire, le glucose peut être oxydé ou stocké sous forme de glycogène. Le foie, lui, modifie son métabolisme par une captation préférentielle et un stockage du glucose, en parallèle d’une inhibition de la synthèse de glucose endogène. Le rein semble contribuer d’une manière un peu différente à l’homéostasie glucidique post prandiale, en augmentant sa propre synthèse de glucose après le repas11. Ce phé- nomène pourrait faciliter la reconstitution du glycogène hépatique en phase post prandiale, le foie ne produisant pas de glucose durant cette période. A l’état sain, le pic insulinique précoce et la sécrétion pulsatile d’insuline, associés à la sensibilité des cellules hépatiques et musculaires à l’action de cette hormone, permettent de limiter l’hyperglycémie post-prandiale en intensité et en durée12-13. Schématiquement, le pic glycémique ne dépasse pas 2 heures alors que le passage des glucides au travers de la barrière intestinale dure plus de 4 heures. En amplitude, il est considéré comme normal s’il n’excède pas 140mg/dl (7,8 mmol/l) 2 heures après ingestion de 75g de glucose. 2 - De la tolérance à l’intolérance au glucose… a) L’état post-prandial, le premier touché… L’hyperglycémie post prandiale survient tôt dans le syndrome métabolique et le diabète de type 214. Au stade de syndrome métabolique, s’installe une intolérance au glucose qui se manifeste par une glycémie à jeun qui reste normale (inférieure à 1g10/l) ou modérément 7 Meyer C, Dostou JM, Welle SL, et al. Role of human liver, kidney and squeletal muscle in post prandial glucose homeostasis. Am J Physiol. 2002; 282: E419-E427. Gerich JE. Control of glycaemia. Baillière’s Clin Endocrinol Metab. 1993; 7: 551-586. Lefebvre PJ, Scheen AJ. Glucose metabolism and the postprandial state. Eur J Clin Invest. 1999; 29(suppl2):1-6. 14 Alberti KGMM. The clinical implications of impaired glucose tolerance. Diabetes Med. 1996; 13: 927-937. 11 12 13 9 élevée (hyperglycémie modérée à jeun entre 1g10 et 126mg/dl (7mmol/l) et une glycémie anormalement élevée à l’état postprandial. Cette dernière est documentée par une glycémie entre 140 et 199mg/dl, 2h après absorption de 75g de glucose. L’insulinorésistance, quasi incontournable chez le sujet obèse, notamment à composante androïde est, dans un premier temps compensée par un hyperinsulinisme réactionnel, qui assure un maintien temporaire de la glycémie. A terme, l’accroissement de la production d’insuline ne parvient plus à compenser l’insulinorésistance, d’où une dégradation des glycémies post prandiales (figure 2). b) Peut-on inverser la tendance et prévenir le diabète de type 2 ? 10 La transition de l’état « normal » à celui de diabétique de type 2, en passant par celui d’intolérant au glucose, est graduel et prend un certain temps. S’il ne semble pas possible de prévenir totalement le diabète de type 2, des études d’intervention ont prouvé que retarder sa survenue était réalisable au sein d’une population à risque. Le champ exploratoire est étendu puisque les mesures étudiées Les résultats obtenus dans ces populations « à risque » (plus de 50 ans, IMC>30kg/m², sédentaires) ont été plus probants avec les mesures visant à une modification radicale du mode de vie (pratique d’une activité physique régulière, conseils diététiques en vue d’une perte de poids), avec une réduction significative de l’incidence du diabète durant les études. Bien qu’un « effet étude », lié aux moyens conséquents (coaching notamment) mis en place dans ces protocoles, ne soit pas à exclure, les données sont indiscutables et constituent à cet égard le socle de la prévention du diabète de type 2. Les conclusions obtenues dans les séries étudiant l’effet de la prescription médicamenteuse préventive dans des populations exposées, sont elles aussi favorables. Elles sont cependant insuffisantes pour promouvoir, à ce jour, la prescription comme seul moyen de prévention. En effet, les séries testant l’impact de la metformine et de l’acarbose, montrent que ces molé- Knowler WC, Barrett-Connor E, Fowler SE, et al. Reduction in the incidence of type 2 diabetes with lifestyle intervention or metformin. Diabetes Prevention Program Research Group. NEJM. 2002; 346(6): 393-403. 16 Tuomilehto J, Lindström J, Eriksson JG, et al. Prevention of type 2 diabetes mellitus by changes in lifestyle among subjects with impaired glucose tolerance. NEJM. 2001; 344(18): 1343-1350. 17 Chiasson JL, Josse RG, Gomis R, et al. Acarbose for prevention of type 2 diabetes mellitus : the STOP-NIDDM randomised trial. Lancet. 2002; 359(9323): 2072-2077. 15 Figure 2 sont allées de conseils hygiéno-diététiques15-16, jusqu’à la prescription d’antidiabétiques oraux tels que l’acarbose17, la metformine ou la rosiglitazone. Evolution de la glycémie et de l’insulinémie au cours d’une épreuve d’hyperglycémie provoquée orale lors d’un passage progressif de l’état normal vers le diabète patent [d’après Golay A, Felber JP. Evolution from obesity to diabetes. Diabetes Metab. 1994 ; 20 : 3-14] cules retardent la survenue du diabète d’un peu plus d’un an, mais ne le préviennent pas18. Une étude de prévention avec la rosiglitazone a montré une diminution significative de l’apparition du diabète de type 219 mais l’arrêt du traitement a révélé que la rosiglitazone masquait plus qu’elle ne prévenait le diabète (résultats communiqués en congrès mais non publiés). Les mesures hygiéno-diététiques, pour peu qu’elles soient suivies d’effets et menées au long cours, demeurent la base de la prévention du passage de l’état d’intolérant au glucose vers le diabète avéré. Les prescriptions médicamenteuses ne font pas partie des recommandations actuelles20. 3 - En chemin vers le diabète avéré a) L’installation du « triumvirat » biologique : de l’insulinosécrétion, de la sensibilité des tissus périphériques à l’insuline, de la production hépatique de glucose. L’entrée dans le diabète de type 2 « patent », est marqué par une atteinte de la glycémie à jeun qui se Hartemann-Heurtier A. Prévention du diabète de type 2 : pour la pratique. Médecine Clinique Endocrinologie & Diabète. 2005 ; 15 : 62-64 The DREAM (Diabetes REduction Assessment with ramipril and rosiglitazone Medication) Trial Investigators. Effect of rosiglitazone on the frequency of diabetes in patients with impaired glucose tolerance or impaired fasting glucose: a randomised controlled trial. Lancet. 2006; 368 (September 23): 1096-1105. 20 American Diabetes Association and National Institute of Diabetes Digestive and Kidney Disease. The prevention and delay of type 2 diabetes (position statement). Erratum. Diabetes Care. 2002; 25(5): 947. 18 19 11 positionne de façon permanent à 126mg/dl ou plus. Ce phénomène fait suite à une dégradation prolongée de l’équilibre glycémique, déjà entamé au stade d’intolérance au glucose. L’hyperglycémie post-prandiale se majore sous l’action de plusieurs éléments : • Différentes perturbations au niveau de l’insulinosécrétion comme, un déficit de l’insulinosécrétion précoce (présent d’ailleurs dès l’état d’intolérance au glucose), une altération de la sécrétion pulsatile de cette hormone et, facteur aggravant, une altération du processus de clivage de la pro-insuline, favorisant l’accumulation de précurseurs moins actifs que l’insuline elle-même. Au plan quantitatif, il a été montré que lors de la découverte d’un diabète de type 2, le niveau de sécrétion d’insuline se situe aux environs de la moitié de celui d’un sujet sain21. 12 • Intensification de l’insulinorésistance périphérique touchant le foie et surtout la cellule musculaire. L’insulinorésistance musculaire serait liée à un débit sanguin musculaire post-prandial moins élevé et une moindre stimulation de la synthèse de glycogène sous l’action de l’insuline. Une glucotoxicité directe au niveau des tissus périphériques, en relation avec l’hyperglycémie devenue chronique, a aussi été décrite22. Dans le foie, la résistance à l’action de l’insuline entraîne une majoration de la production de glucose endogène. Celle-ci résulte de l’augmentation de la glycogénolyse mais probablement surtout de la glyconéogenèse23. Cette dernière serait favorisée par l’afflux hépatique d’acides gras libres en relation avec l’obésité à composante abdominale. • Hyperglucagonémie post prandiale avec déséquilibre du rapport glucagon/insuline, dont la conséquence principale est la stimulation de gluconéogénèse hépatique. b) Hyperglycémie post-prandiale et HbA1c chez le diabétique de type 2 L’HbA1c permet de suivre, sur trois mois, l’évolution de la glycémie du diabétique de type 2, dont elle constitue la référence en matière d’évaluation. Elle est reliée tant aux glycémies à jeun qu’à celles mesurées en phase post-prandiale, mais le meilleur indice de corrélation est obtenu avec la glycémie moyenne24. L Le Roith D. ß-cell dysfunction and insulin resistance in type 2 diabetes : role of metabolic and genetic abnormalities. Am J Med. 2002; 113: 39-119. Monnier L, Colette C, Thuan JF, et al. Insulin secretion and sensitivity as determinants of HbA1c in type 2 diabetes. Eur J Clin Invest. 2006; 36: 231-235. 23 Woerle HJ, Szoke E, Meyer C, et al. Mechanisms for abnormal postprandial glucose metabolism in type 2 diabetes. Am J Physiol. 2006; 290: E67-E77. 24 Rohlfing CL, Wiedmeyer H-S, Little RR, et al. defining the relationship between plasma glucose and HbA1c. Diabetes Care. 2002; 25: 275-278. 21 22 Le poids relatif des glycémies à jeun ou post-prandiale dans l’hyperglycémie globale, traduite par l’HbA1c, varie selon le niveau de celle-ci, comme l’a montré le travail de Monnier25: Schématiquement, pour une HbA1c < 7,3% (contrôle du diabète qualifié de satisfaisant), la contribution de l’hyperglycémie postprandiale est de 70%. Le poids de l’hyperglycémie de jeûne évolue de manière inverse et s’accroît avec le déséquilibre du diabète. Il devient prédominant pour une HbA1c > 9,3%. 4 - Les risques liés à l’hyperglycémie post-prandiale Une relation étroite entre le niveau moyen des glycémies, dont témoigne l’HbA1c, et les complications du diabète, notamment cardiovasculaires, a été clairement démontré26. En matière épidémiologique, il existe de nombreuses études établissant une corrélation entre glycémie, post-prandiale ou postcharge, et risque de maladies car- diovasculaires27. Parmi elles, en population non diabétique, l’étude Paris Prospective Study a montré une meilleure valeur prédictive de la glycémie post-charge pour le risque cardiovasculaire comparativement à la glycémie pratiquée à jeun28. La récente étude DECODE (Diabetes Epidemiology : COllaborative analysis of Diagnostic Criteria in Europe) qui a porté sur près de 30 000 sujets, suivis pendant onze ans, est venue en appui des ces données, montrant que la glycémie post charge prédisait mieux les maladies cardiovasculaires et la mortalité toutes causes, que la glycémie basale29. Des études d’intervention, ont suggéré le rôle possible de l’hyperglycémie post-prandiale dans le développement des maladies cardiovasculaires30. L’étude STOP-NIDDM, menée en population intolérante au glucose et comprenant un groupe traité par l’acarbose, a trouvé, comparativement au placebo, une réduction de 49% du risque relatif de survenue d’une complication cardiovasculaire, une réduction significative des pressions Monnier L, Lapinski H, Colette C. Contributions of fasting and postprandial plasma glucose increments to overall diurnal hyperglycemia of type 2 diabetic patients. Diabetes Care. 2003; 26: 881-885. 26 Ceriello A, Esposito K, Piconi L, et al. Oscillating glucose is more deleterious to endothelial function and oxydative stress than mean glucose in normal and type 2 diabetic patients. Diabetes. 2008; 57: 1349-1354. 27 Brindisi MC, Rabasa-Lhoret R, Chiasson JL. Postprandial hypoglycaemia: to treat or not to treat ? Diabetes Metab. 2006; 32: 105-111. 28 Balkau B, Bertrais S, Ducimetière P, et al. Is there a glycemic threshold for mortality risk? Diabetes Care. 1999; 22: 696-699. 29 DECODE Study Group, European Diabetes Epidemiology Group. Is the current definition for diabetes relevant to mortality risk from all causes and cardiovascular and non cardiovascular diseases? Diabetes Care 2003; 26: 688-696. 30 Brindisi MC, Rabasa-Lhoret R, Chiasson JL. Le rôle de l’hyperglycémie post prandiale dans les complications micro- et macrovasculaires. Journées de Diabétologie de l’Hôtel Dieu 2006. pp 79-95. Flammarion Médecine-Sciences (www.medecine.flammarion.com). 25 13 Tableau 3 : Contribution absolue de la glycémie post-prandiale sur l’HbA1c : un intérêt thérapeutique (D’après Monnier L, Colette C, La glycémie post prandiale : du normal au pathologique. JAND, Paris, 25 janvier 2008). Cette contribution est constante quelle que soit la valeur de l’HbA1c et représente 1% (en % de point d’HbA1c). Compte tenu de cette donnée si on envisage 3 patients diabétiques de type 2 plus ou moins bien équilibrés ayant des niveaux d’HbA1 c respectivement à : 7%, 8 % et 10 % Compte tenu d’une contribution absolue de la glycémie post-prandiale sur l’HbA1c à 1 % et en supposant que le taux d’HbA1c est égal à 5% chez une personne non diabétique, on peut alors conclure que le poids respectif des hyperglycémies à jeun et post-prandiale sur l’HbA1c est le suivant : - Patient A : 1% pour l’hyperglycémie à jeun et 1% pour l’hyperglycémie post-prandiale - Patient B : 2% pour l’hyperglycémie à jeun et 1% pour l’hyperglycémie post-prandiale - Patient C : 4% pour l’hyperglycémie à jeun et 1% pour l’hyperglycémie post-prandiale En termes de prise en charge thérapeutique, l’intérêt de connaître la part respective des glycémies réside dans le fait que les mesures prises pour atteindre l’objectif thérapeutique de 6,5% seront différentes selon les patients. - Les patients B et C devront bénéficier d’un traitement à la fois de la glycémie à jeun et de la glycémie post-prandiale, - alors que l’objectif pourra être atteint chez le patient A par une prise en charge de la seule glycémie post-prandiale. Ces notions permettent, au final, d’envisager des stratégies de traitement plus ciblées, selon les profils glycémiques des patients. 14 artérielles moyennes systolique et diastolique, ainsi que du risque de développer une hypertension artérielle. Cependant, l’objectif principal n’était pas d’étudier les événements cardiovasculaires. Le nombre de patients inclus et le délai de suivi ne permettait pas de répondre à cette question. Ces faits ont constitué une limitation importante à la portée qui pouvait être donnée aux résultats de l’étude. Une méta analyse31, pratiquée sur 7 études d’intervention en population diabétique de type 2 et testant l’efficacité de Hanefeld M, Catagay M, Petrowitsch T, et al. Acarbose reduces the risk for myocardial infarction in type 2 diabetes patients. Meta-analysis of seven long-term studies. Eur Heart J. 2004; 25:10-16. 31 l’acarbose (durée ≥ 52 semaines) sur la réduction du risque cardiovasculaire, a rapporté des résultats similaires à l’étude STOP-NIDDM. Cependant, là encore, des critiques méthodologiques ont été portées, notamment sur deux essais, non publiés et deux autres, publiés sous forme d’abstracts. Chez le patient diabétique, l’impact des pics postprandiaux sur des facteurs de risques d’athérome ainsi que sur des marqueurs de l’inflammation et du stress oxydatif, ont par ailleurs été étudiés dans deux séries d’intervention. Elles ont évalué deux insulinosécrétagogues, le répaglinide (courte durée d’action) et le glibenclamide (longue durée d’action). La première étude32, a mis en évidence une plus grande diminution de la glycémie post-prandiale sous répaglinide, ainsi qu’un taux de réduction de l’épaisseur de l’intima média carotidienne, significativement supérieur avec ce produit. Le deuxième essai33, ayant testé l’effet de ces deux molécules sur le stress oxydatif et la dysfonction endothéliale, a montré aussi une meilleure efficacité du répaglinide sur la glycémie post prandiale. Les auteurs ont par ailleurs constaté, que seul le répaglini- de provoquait une augmentation du pouvoir antioxydant du plasma, une réduction du stress oxydatif et une amélioration de la réactivité brachiale (témoin de la fonction endothéliale). Il est maintenant admis que l’hyperglycémie post prandiale est associée épidémiologiquement au risque cardiovasculaire. Les études d’intervention sur la glycémie post-prandiale n’existent pas. Toutefois des essais ayant visé à réduire la glycémie moyenne (HbA1c) dans le diabète de type 2 n’ont pas rapporté de réduction statistiquement significative des événements cardiovasculaires34. D’autres ont montré une diminution du nombre de ces événements, mais avec des limites méthodologiques importantes. Enfin, si le rôle de l’hyperglycémie chronique dans l’activation du stress oxydatif est admis, celui des variations de la glycémie est encore débattu35. Pour permettre une prise de position plus tranchée sur l’intérêt de ce paramètre glycémique en pratique courante, des séries visant l’étude de l’impact de la glycémie post prandiale, spécifiquement sur les paramètres du risque cardiovasculaire, sont en cours et très attendues. 32 Esposito K, Giugliano D, Nappo F, et al. Regression of carotid atherosclerosis by control of postprandial hyperglycemia in type 2 diabetes mellitus. Circulation. 2004; 110: 214-219. 33 Manzella D, Grella R, Abbatecola AM, et al. Repaglinide administration improves brachial reactivity in type 2 diabetic patients. Diabetes Care. 2005; 28: 366-371. 34 Balkau B Andreelli F, Eschwège E. Epidémiologie de la glycémie post prandiale. Med Mal Metab. 2007 ; 1(1): 22-26. 35 Monnier L, Colette C. L’hyperglycémie post prandiale : marqueur ou facteur de risque cardiovasculaire ? Med Mal Metab. 2007 ; 1(1) : 28-33. 15 En pratique… Faisant le lien entre les connaissances fondamentales concernant la glycémie post-prandiale et la pratique médicale quotidienne, le Professeur Agnès HartemannHeurtier, Diabétologue à l’hôpital Pitié-Salpêtrière (Paris), revient durant un entretien, sur la place qui peut éventuellement être donnée à ce paramètre dans le suivi du diabète de type 2. Professeur Hartemann. Des données récentes suggèrent l’intérêt de surveiller la glycémie post-prandiale chez le diabétique de type 2. Qu’en pensez-vous ? 16 En fait l’utilité de ce paramètre dans le suivi quotidien de nos patients diabétiques de type 2 fait actuellement débat. Tout d’abord, des données d’études ont bien établi la corrélation existant entre le fait d’avoir une glycémie post prandiale élevée et le risque d’événement cardiovasculaire. Le cœur du débat repose sur l’opposition entre ceux qui considèrent l’hyperglycémie post prandiale comme un facteur de risque cardiovasculaire et ceux qui la considère comme un simple marqueur de risque. Pouvez-vous nous expliquer la nuance ? Le fait d’être un marqueur de risque permet juste de déduire qu’il existe une relation forte entre ce paramètre et le risque de maladie cardiovasculaire. Schématiquement, il est impossible, de dire si la survenue d’un événement cv est lié de manière causale à la glycémie post prandiale ellemême et seulement à elle, ou si d’autres facteurs d’athérorégénèse coexistants avec ce marqueur (tels que l’excès d’acides gras circulants, l’hyperlipémie post prandiale, l’excès de LDL petites et denses très athérogènes) interviennent dans la causalité. Pour que l’hyperglycémie postprandiale justifie le statut de facteur de risque, il faut que des études d’intervention démontrent, et ce spécifiquement avec un protocole ad hoc, que sa diminution entraîne une réduction significative du risque d‘événements cardiovasculaires. Actuellement, il n’y a pas de résultats d’études, de méthodologie irréprochable, attestant ce fait. En revanche, il existe des données concernant l’HbA1c En effet, chez le diabétique de type 2, par l’étude UKPDS et dans le diabète de type 1 avec l’étude DCCT, il a été montré que maîtriser l’HbA1c pendant plusieurs années permettait de diminuer le risque de survenue d’événements cardiovasculaires. Toutefois le résultat est à la limite de la significativité dans le diabète de type 2. Donc pour un diabétique, avoir une moyenne glycémique moins élevée, ce dont témoigne l’HbA1c, permet de diminuer son risque cardiovasculaire. On considère actuellement que le niveau de preuve suggérant une relation de cause à effet entre l’HbA1c et le risque cardio-vasculaire est plus important que pour la glycémie post-prandiale. Mais dans le diabète de type 2 il faut rappeler que cette diminution repose surtout sur le contrôle des autres facteurs de risque. Et en pratique ? A la limite, le problème serait différent si le suivi et le contrôle par le patient de ses glycémies post-prandiales était simple. Par « principe de précaution » on pourrait le pousser à cela. Mais cela demande de multiples contrôles glycémiques, éventuellement des fractionnements alimentaires voire des injections d’insuline et, de fait, une telle démarche retentit forcément sur la qualité de vie du patient diabétique. A titre indicatif, le patient qui suit correctement ses glycémies post prandiales doit les mesurer avant et 2 heures après chaque repas, ce qui revient à effectuer 6-7 contrôles par jour… Le niveau de preuve est à ce jour trop faible pour soumettre nos patients à de telles contraintes si l’HbA1c est < 7%. Il existe cependant des écoles plus interventionnistes… Agnès Hartemann-Heurtier : clinicienne ET chercheur… Le Pr Hartemann-Heurtier débutera prochainement un programme de recherche en rapport avec la glycémie post prandiale tardive. L’essai vise à répondre à une problématique qui n’a, paradoxalement, pas été étudiée dans la littérature : chez le diabétique de type 2, la glycémie du matin peut-elle être influencée par la composition du repas de la veille au soir ? En effet la théorie qui prône une dose fixe d’insuline lente au coucher pré-suppose que la glycémie à jeun reste stable alors que certains patients signalent une fluctuation importante de celle-ci. Elle envisage donc d’évaluer chez des diabétiques à un stade évolué de la maladie, l’impact sur la glycémie post prandiale et du matin d’un repas du soir pauvre ou riche en lipides. Quid chez le sujet sain ? Le sujet sain non diabétique n’a aucune raison de se poser des questions sur sa glycémie post prandiale. Il faut lui donner les recommandations de la population générale. De même, le sujet pré-diabétique n’ a pas à chercher à diminuer spécifiquement sa glycémie post prandiale. Pour prévenir le diabète il doit plutôt perdre du poids en diminuant sa consommation de graisse et d’alcool et en pratiquant une activité physique régulière. 17 Pour conclure Y a t-il, malgré tout, des profils de patients chez qui la surveillance de la glycémie post-prandiale est justifiée ? Oui, elle a son utilité transitoirement chez certains diabétiques de type 2 qui ont une HbA1c > 7%. Pour ceux-là, il peut s’avérer utile de déterminer si cela provient de la glycémie à jeun qui est trop élevée ou si l’hyperglycémie post-prandiale se prolonge trop longtemps. La connaissance du phénomène responsable permet d’adapter au mieux la thérapeutique. Au delà des traitements médicamenteux, quelle peut être la place des conseils nutritionnels ? 18 Soyons simples : le concept d’index glycémique prend ici tout son sens. Privilégier les aliments à faible index glycémique est à la base des conseils d’hygiène alimentaire du diabétique qui doit maîtriser sa glycémie post-prandiale, et limiter les graisses qui semblent favoriser la résistance à l’insuline. Cela a été observé dans le diabète de type 1. Les repas gras prolongeraient l’hyperglycémie post-prandiale. La glycémie post-prandiale est, au final un marqueur en devenir. Son intérêt théorique ne fait aucun doute, bien que des études, témoignant de manière irréfutable de son statut de facteur de risque cardiovasculaire, manquent encore à l’appel. Si le principe de précaution peut s’envisager en matière de prévention de risque cardiovasculaire, le retentissement sur la qualité de vie, lié aux mesures itératives des glycémies du patient diabétique de type 2, est très important. Aussi, les recommandations des sociétés savantes en la matière se bornent elles encore à ce jour à préconiser, en premier lieu, le suivi et la maîtrise de l’HbA1c. Mémo Les antidiabétiques oraux • Les biguanides (metformine) favorisent l’action de l’insuline dans l’organisme. Elles diminuent la production de glucose par le foie et l’insulino-résistance permettant une augmentation de l’utilisation périphérique du glucose. • Les sulfamides hypoglycémiants agissent directement sur le pancréas en stimulant la sécrétion d’insuline. • Les inhibiteurs de l’alpha-glucosidase (acarbose) agissent en ralentissant l’absorption des sucres contenus dans les aliments. • Les glinides agissent de la même façon que les sulfamides hypoglycémiants en stimulant la sécrétion d’insuline. • Les glitazones réduisent la glycémie en diminuant la résistance à l’insuline au niveau du tissu adipeux, des muscles squelettiques et du foie. Deux nouvelles classes thérapeutiques ciblent la voie du glucagon like peptide 1 (GLP-1) • Les analogues du GLP1, (exénatide) stimulent directement l’insulinosécrétion, freinent la sécrétion de glucagon et ralentissent la vidange gastrique. • Les inhibiteurs de la DPP4 ou di peptidyl peptidase 4 (sitagliptine et vidagliptine). La DPP4 est une enzyme qui réduit la durée de vie du GLP 1. L’augmentation de concentration de GLP-1 et de GIP provoque une augmentation de la sécrétion d’insuline et une diminution de sécrétion du glucagon. 19 Chez l’individu sain, la glycémie est étroitement contrôlée, tant à l’état de jeûne que durant les périodes post-prandiales. Cette régulation repose sur la production de glucose par l’organisme, qui est modulée à la fois par l’apport de glucides exogènes et par l’utilisation du glucose, et la sécrétion d’insuline qui maintient l’homéostasie glucidique. Une bonne connaissance des mécanismes de régulation physiologique de la glycémie au décours de la prise alimentaire, permet d’appréhender plus finement les choix thérapeutiques de prise en charge de la glycémie post prandiale « pathologique » du diabétique. CENTRE D’ÉTUDES ET DE DOCUMENTATION DU SUCRE (CEDUS) 23, avenue d’Iéna, 75116 Paris Tél. : 01 44 05 30 52 E-mail : [email protected] www.lesucre.com la meilleur source d’information sur le sucre et les produits sucrés Conception Christine Besson - Rédaction ITI ch. Schoën Édition 2009 Collection Sucre et Santé : 1 Sucres et caries 2 Sucres et régulation pondérale 3 Sucres et mémoire 4 Sucres et activité physique 5 Sucres et diabète 6 Sucres et saveur sucrée 7 Sucre et addiction 8 Sucres et prise alimentaire 9 Sucre et hypoglycémie post-prandiale. Mythe ou réalité ? 10 La glycémie post-prandiale