4 JANVIER 2016
Lorsque le chimiste russe Dmitri Mendeleïev a dressé son célèbre tableau des
éléments chimiques, en 1869, il avait eu la prescience de l'existence de
nouveaux éléments à découvrir, correspondant aux cases vides qui s'y
trouvaient. Il était possible de partir à leur recherche en se basant sur leurs
positions dans ce tableau, puisque celles-ci indiquent certaines de leurs
propriétés chimiques et physiques. En effet, ce sont justement des régularités
dans les propriétés des atomes en fonction de leurs massesqui ont conduit
à cette représentation en tableau.
Au début du XXe siècle, la découverte de l'électron, puis du noyau et des lois
de la mécanique quantique ont permis de comprendre l'origine de ces
régularités et de justifier l'espoir de trouver les éléments manquants suggérés
par le tableau du savant russe. Au cours de ce même siècle, les
développements de la physique nucléaire ont permis d'étendre le tableau de
Mendeleïev au-delà de l'atome d'uranium, portant le numéro atomique 92. En
grande partie, ce fut la découverte du neutron par James Chadwick en 1932
qui, comme le démontra Enrico Fermi quelques années plus tard, allait
permettre d'explorer le territoire des transuraniens, c'est-à-dire des noyaux
comportant un plus grand nombre de protons que ceux de l'uranium.
Rappelons que l'existence du neutron avait été soupçonnée dès 1920 par
Rutherford, mais c'est en étudiant le rayonnement nétrant émis par les
noyaux de bore et de béryllium bombardés par des particules alpha que
Chadwick réussit à prouver son existence. En 1919, Rutherford avait montré
qu'un élément peut être transformé en un autre par bombardement de
particules alpha dont il avait prouvé en 1908 qu'il s'agissait de noyaux d'hélium.
Le rêve des alchimistes, la transmutation, était devenu réalité... En 1934,
Fermi comprit qu'il était possible de créer des éléments transuraniens, en
utilisant des neutrons. Il ne réussira à produire que desisotopes d'éléments
déjà connus, mais ses travaux lui vaudront le prix Nobel de physique en 1938
pour sa découverte de nouveaux noyaux radioactifs.
Des neutrons aux ions lourds
Il fallut toutefois attendre 1940 pour que se produise la percée menant à
l'exploration du monde de ces noyaux transuraniens. En bombardant de
l'uranium 238 avec des neutrons au Berkeley Radiation Laboratory (que l'on
n'appelait pas encore Lawrence Berkeley National Laboratory, ou LBNL) de
l'université de Californie à Berkeley, Edwin McMillan et Philip Abelson
produisent l'isotope 239 du neptunium, d'une demi-vie de 2,4 jours. De 1945 à
1974, les équipes menées par Edwin McMillan, Glenn Seaborg et Albert
Ghiorso vont créer au LBNL de nouveaux isotopes d'éléments superlourds.
La relève sera prise par le JINR (Joint Institute for Nuclear Research), un centre
de recherche international de physique nucléaire situé à Doubna, en Russie,
dans l'oblast de Moscou et enfin par le LLNL (Lawrence Livermore National
Laboratory). Ils utiliseront des ions lourds.
Le LLNL et le JINR n'ont cessé par la suite et jusqu'à nos jours de tenter de
créer de nouveaux transuraniens, et avec succès. Est aussi rentré dans la
course le célèbre laboratoire japonais Riken, plus précisément sa
division Nishina Center for Accelerator-Based Science. Des membres de cette
division, menés par Kosuke Morita, ont ainsi annoncé en 2004 avoir obtenu
l'élément 113 en bombardant des noyaux de bismuth avec des ions de zinc.
Le nouvel élément avait été baptisé temporairementununtrium.
De nouveaux transuraniens pour une période du tableau des éléments
Des chercheurs du JINR et du LLNL vont aussi faire sa découverte la même
année. Les deux équipes, qui collaborent, ont poursuivi leur quête et découvert
les éléments 115, 117 et 118, baptisés
respectivementununpentium, ununseptium et ununoctium. L'IUPAC (Union
internationale de chimie pure et appliquée) a finalement annoncé ce 30
décembre 2015 qu'elle validait l'existence de ces éléments et qu'elle autorisait
les membres des laboratoires japonais, russes et états-uniens à donner des
noms spécifiques à ces nouveaux éléments. Selon la tradition, il peut faire
référence à un concept mythologique, un minéral, un lieu ou pays, une
propriété ou encore un scientifique. En 2012, l'IUPAC avait ainsi définitivement
attribué le nom de livermorium (anciennement ununhexium) à l'élément
chimique de numéro atomique 116 qui, comme son nom l'indique, avait été
découvert au LLNL.
L'élément 113 sera nommé par les chercheurs japonais. Les trois autres par les
chercheurs russes et états-uniens. Remarquablement, la dernière période du
tableau de Mendeleïev est désormais complète. On spécule depuis les années
1960 sur l'existence d'une huitième période et même d'un groupe de noyaux
très lourds qui ne seraient plus instables contrairement aux transuraniens
actuellement connus.
Le 30 décembre 2015, l'IUPAC, c'est-à-dire l'Union internationale
dechimie pure et appliquée, avait finalement annoncé qu'elle validait la
découverte des éléments 115, 117 et 118, baptisés
respectivementununpentium, ununseptium et ununoctium.
Elle avait aussi annoncé qu'elle autorisait les membres des laboratoires
japonais, russes et états-uniens qui avaient débusqué ces éléments chimiques
dans des expériences de physique nucléaire à leur donner des noms plus
colorés. Les laboratoires en question étaient :
Le JINR (Joint Institute for Nuclear Research), un centre de recherche
international de physique nucléaire situé à Doubna, dans l'oblast de Moscou,
en Russie.
Le LLNL (Lawrence Livermore National Laboratory), à Livermore, aux États-
Unis.
Les membres du laboratoire japonais Riken, plus précisément sa
division Nishina Center for Accelerator-Based Science, pouvaient donc
également choisir la dénomination de l'élément 113, qui avait été baptisé
temporairement ununtrium.
Selon la tradition, les noms peuvent faire référence à un concept mythologique,
un minéral, un lieu, un pays, une propriété ou encore un scientifique. Exemple :
en 2012, l'IUPAC avait définitivement attribué le nom
de livermorium (anciennement ununhexium) à l'élément chimique denuméro
atomique 116 qui, comme son nom l'indique, avait été découvert au LLNL, à
Livermore.
La septième période du tableau des éléments (la ligne 7), désormais complète,
possède de nouveaux éléments : 113, 115, 117 et 118. Ils ont été officiellement
baptisés nihonium (absent sur cette image), moscovium, tennessine,
oganesson. © Lawrence Livermore National Laboratory
Nihonium, moscovium, tennessine et oganesson
Ce mercredi 8 juin 2016, l'IUPAC vient ainsi de faire savoir que les laboratoires
avaient fait des choix et que ces éléments porteraient désormais les noms
suivants dans le tableau de Mendeleïev :
Nihonium: C'est l'élément 113 de symbole Nh. Son nouveau nom indique son
origine japonaise car Nihon, c'est le Japon... en japonais. C'est le tout premier
élément transuranien à avoir été découvert dans un pays asiatique.
Moscovium: C'est l'élément 115 de symbole chimique Mc découvert par
l'institut implanté à Doubna, dans l'oblast de Moscou, d'où son nom.
Tennessine: C'est l'élément 117 de symbole chimique Ts découvert par le
laboratoire d'Oak Ridge, dans l'État du Tennessee, d'où son nom.
Oganesson: C'est l'élément 118 de symbole chimique Og. Ce nom rend
hommage au physicien Yuri Oganessian qui fut un pionnier des recherches
sur les éléments transuraniens au-delà du numéro 92, c'est-à-dire au-delà de
l'élément uranium.
1 / 4 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !