C A S C L I N I Q U E Diabète insipide révélateur d’une métastase pituitaire d’un adénocarcinome bronchique ● K. Chouahnia, V. Andriambololona, J.L. Breau* onsieur L. M... est atteint d’un adénocarcinome peu différencié du lobe supérieur du poumon droit (T2 N0 M1), découvert en février 2001. De façon synchrone, une lésion infracentimétrique cérébrale frontale droite unique est diagnostiquée par IRM (figure 1). La tomodensitométrie abdominale et la scintigraphie osseuse ne montrent pas d’autres sites métastatiques. Après trois cycles de chimiothérapie par carboplatine ASC 6 et paclitaxel 175 mg/m2, une réponse objective est obtenue à la fois sur la lésion pulmonaire et sur la lésion cérébrale. Cette réponse étant maintenue après dix cycles de chimiothérapie, la décision d’une radiothérapie de 19,5 Gy sur la lésion cérébrale en condition stéréotaxique est prise le 10 janvier 2002. Cette radiothérapie est suivie d’une lobectomie supérieure droite le 22 janvier 2002 (T1 N0 sur la pièce opératoire). Le patient est régulièrement surveillé, avec, en mai 2002, une IRM cérébrale de contrôle sans anomalie. En octobre 2002, il apparaît simultanément une asthénie majeure, des troubles visuels à type de diplopie et surtout un syndrome polyuro-polydypsique avec une diurèse entre 4 à 6 litres par jour, faisant suspecter un diabète insipide. Les examens biologiques confirment le diabète insipide avec une osmolalité sanguine de 285,5 mosm/kg d’eau. Le bilan urinaire : créatinurie : 1,4 mM (N = 9,6-14), sodium urinaire : 32 mM (N = 95-310), potassium urinaire : 20 mM (N = 9,4-14), magnésium urinaire : 0,4 (N = 2,5-8,3), phosphate urinaire : 1,9 (N = 10-33), et le bilan endocrinien retrouve une insuffisance hypophysaire, avec : TSH : 0,06 mUI/l (N = 0,2-4,5), T4 libre : 12 pMol/l (N = 1-5), T3 libre : 1,9 pMol/l (N = 3-7), FSH : 0,11 UI/l (N = 1-7), LH inf 0,1 UI/l (N = 1-5), testostérone totale : 4,7 nMol/l (N = 9,437), cortisol 8 h : 45 nMol (N = 345-662). Le syndrome polyuro-polydypsique est amélioré par l’épreuve de restriction hydrique et sous traitement par desmopressine (Minirin® 0,1 mg/j). Ce traitement est associé à un traitement substitutif par hydrocortisone et Lévothyrox®. L’IRM du 14 octobre 2002 (figure 2) met en évidence une lésion M Figure 1. Coupe axiale. Lésion frontale droite. IRM de février 2001. Figure 2. Coupe coronale. Masse suprasellaire 2,1 x 2,2 cm, refoulement du troisième ventricule sans dilatation ventriculaire. IRM du 14 octobre 2002. * Service d’oncologie médicale, hôpital Avicenne, 93009 Bobigny Cedex …/… 192 La Lettre du Cancérologue - Volume XII - no 5 - septembre-octobre 2003 …/… tumorale dans la région intra- et suprasellaire avec envahissement du chiasma optique et de la loge pituitaire. On note par ailleurs une absence de reprise évolutive des métastases, en particulier cérébrales. Après concertation, une exérèse chirurgicale par abord sous-frontal est réalisée le 22 novembre 2002. L’exérèse de la lésion tumorale de la région pituitaire peut être effectuée, mais de façon incomplète en raison des adhérences vasculaires. L’étude histologique confirme la métastase de l’adénocarcinome bronchique (TTF1 positif). Une radiothérapie complémentaire de 30 Gy en dix fractions est pratiquée en janvier 2003, prenant l’ensemble de l’encéphale en incluant les citernes de la base. Une surveillance est maintenue sans signe de reprise évolutive tumorale en août 2003, date de la dernière consultation. DISCUSSION Des métastases cérébrales sont observées dans 15 à 20 % de l’ensemble des cancers (1), et la localisation au niveau de la glande pituitaire est observée dans 1 à 5 % des cas autopsiés (2). Le cancer du sein et le cancer bronchique restent les sites primitifs le plus fréquemment retrouvés (3) respectivement dans 33 et 36 % des cas (4). L’atteinte hypophysaire est retrouvée dans 8 % des cas de cancer bronchique (8), et peut, par ailleurs, s’intégrer dans un tableau d’atteinte cérébrale multiple (9). Les métastases pituitaires, quelle que soit la tumeur primitive, peuvent s’observer à tout âge (entre 19 et 84 ans chez la femme et 23 et 83 ans chez l’homme) (10). Un cas de métastase pituitaire d’un cancer bronchique chez un patient de 21 ans a été rapporté (7). D’autres cancers primitifs peuvent être à l’origine de cette localisation métastatique, comme le cancer de l’estomac, de la prostate, de la vessie et l’hépatocarcinome (3, 11, 12). Dans 41,7 % des cas, la métastase est révélatrice d’un cancer méconnu (6). Le diagnostic éventuel se pose essentiellement avec l’adénome pituitaire, qui reste la tumeur la plus fréquente de la région (6). Les métastases diffuses à l’ensemble de la glande pituitaire ne sont pas rares (5). Les manifestations cliniques initiales ne sont présentes que dans 5 à 15 % des cas. Le diabète insipide peut être la première manifestation clinique quelle que soit la tumeur primitive (4, 6, 9, 10, 13, 15, 16). Les autres signes le plus fréquemment rapportés sont une paralysie de la troisième paire crânienne et des céphalées rétro-orbitaires (3, 5). Dans le cas clinique rapporté, le syndrome polyuro-polydypsique a été la première manifestation clinique endocrinienne révélatrice de l’insuffisance pituitaire. La rapidité de l’installation et de la progression des symptômes endocriniens doit faire évoquer une métastase pituitaire (9). L’apparition d’un diabète insipide est fortement évocatrice de métastases (4, 13). L’atteinte du lobe postérieur de la glande pituitaire est le plus souvent siège de la métastase. Cela pourrait être expliqué par la vascularisation propre de ce lobe (10). La Lettre du Cancérologue - Volume XII - no 5 - septembre-octobre 2003 L’IRM avec l’injection de gadolinium est l’examen radiologique de référence. Le traitement de cette localisation métastatique n’est pas univoque (15). Il doit être discuté d’une part en fonction de l’évolution métastatique et, d’autre part, du contrôle de la tumeur primitive. Il a pour objectif premier d’améliorer, outre la survie, la qualité de cette survie par décompression des voies optiques et prévention ou amélioration des phénomènes de compression ventriculaire. Le traitement chirurgical peut être proposé, comme dans ce cas clinique, chez des patients en bon état général sans évolutivité, avec un recul suffisant de leur pathologie cancéreuse primitive et métastatique. Cet acte chirurgical peut être complété par une radiothérapie de l’encéphale in toto avec prise de la région hypophysaire dans le volume irradié. Des médianes de survie de douze mois ont pu ainsi être observées (3). La radiothérapie palliative, associée à un traitement endocrinien substitutif, demeure le traitement de première intention en cas de pathologie tumorale par ailleurs non contrôlée. ■ R É F É R E N C E S B I B L I O G R A P H I Q U E S 1. Posner JB. Management of brain metastases. Rev Neurol (Paris) 1992 ; 45 : 357-63. 2. Chiang MF, Brock M, Patt S. Pituitary metastases. Neurochirurgia 1990 ; 33 : 127-31. 3. Aung TH, Po YC, Wong WK. Hepatocellular carcinoma with metastasis to the skull base, pituitary gland, sphenoid sinus, and cavernous sinus. 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