Faut-il anticoaguler les cardiomyopathies dilatées ? L

publicité
L
E
P O I N T
S U R . . .
Faut-il anticoaguler les cardiomyopathies dilatées ?
RÉFÉRENCES
Anticoagulation in dilated cardiomyopathy.
Koniaris L.S., Goldhaber S.Z. J Am Coll Cardiol 1998 ; 31 : 745-8.
LE FOND
En l’absence d’études contrôlées à large échelle concernant le traitement anticoagulant au long cours pour les patients
présentant une insuffisance cardiaque congestive sur cardiomyopathie dilatée, beaucoup d’incertitudes demeurent.
Les auteurs analysent les données de la littérature sur l’incidence des complications thromboemboliques dans ce
contexte pathologique, les doutes quant à une réelle efficacité du traitement anticoagulant et quant à sa supériorité
par rapport aux antiagrégants (aspirine), et concluent par des recommandations pratiques.
Les facteurs qui prédisposent aux accidents thromboemboliques sont le bas débit cardiaque, l’altération de la contractilité myocardique globale ou segmentaire et, bien entendu, une fibrillation auriculaire concomitante.
L’incidence des accidents thromboemboliques varie selon les publications : elle est plus importante pour les analyses autopsiques anciennes (50 % pour Spodick en 1958 et 37 % pour Roberts en 1987), moins marquée quand
on considère les essais cliniques plus récents : entre 2,2 et 2,5/100 patient-années (Vasodilators in Heart Failure,
V-HeFT) ; le taux des accidents vasculaires cérébraux (AVC) ischémiques est de 1,5/100 patient-années (Survival
and Ventricular Enlargement, SAVE). Pour ces deux dernières études, plus la fraction d’éjection ventriculaire gauche
(FEVG) est basse, plus le risque d’AVC ischémique augmente : il double presque si la FEVG est ≤ 28 %. Le sexe
féminin paraît plus exposé au risque thromboembolique (Studies of Left Ventricular Dysfunction, SOLVD).
L’efficacité du traitement anticoagulant est discutée à la suite des publications les plus récentes ; on manque souvent de détails sur les indications réelles du traitement (fibrillation auriculaire ?) et sur son niveau d’efficacité pendant l’étude. En outre, un âge avancé est synonyme de risque thromboembolique accru, mais aussi de complications
hémorragiques du traitement anticoagulant plus fréquentes... Enfin, de nombreux essais récents constatent de bons
résultats sous traitement antiagrégant (aspirine) avec un moindre risque hémorragique.
Les recommandations des auteurs sont donc prudentes : certains sous-groupes sont à l’évidence traités par une
anticoagulation efficace (fibrillation auriculaire, antécédent thromboembolique, thrombus intracavitaire authentifié
à l’échocardiographie) ; pour les autres patients, il n’y a pas actuellement de preuves convaincantes d’une efficacité
du traitement anticoagulant chronique en cas de dysfonction ventriculaire gauche.
Il y a peu d’espoir qu’un essai clinique prospectif et randomisé puisse trancher le débat, car le taux des complications thromboemboliques est en définitive peu important et un trop grand nombre de sujets inclus serait nécessaire
pour obtenir des résultats significatifs. Les auteurs conseillent donc plutôt la tenue d’un registre sur les complications thromboemboliques et sur les accidents des anticoagulants dans ce contexte pathologique.
LA FORME
Il s’agit d’un exercice difficile en l’absence de larges études randomisées permettant de conclure sur ce sujet ; de ce fait,
l’argumentation repose sur de nombreux travaux dont le but n’était pas directement le thème choisi ici (cf. bibliographie).
L’analyse aboutit surtout aux réticences exprimées par les auteurs quant à un traitement anticoagulant chronique dans
le contexte d’une cardiomyopathie dilatée non compliquée de fibrillation auriculaire ou d’événement thromboembolique : faible incidence de complications thromboemboliques, absence de preuve d’une efficacité réelle du traitement anticoagulant ou de sa supériorité par rapport à l’aspirine, risque hémorragique. Les auteurs souhaitent la tenue
d’un registre national comme alternative à une étude clinique randomisée difficile à mettre en œuvre.
BIBLIOGRAPHIE
Trente-deux références obligatoirement diversifiées, en l’absence de réelle étude clinique randomisée sur le sujet,
comportant les grands essais sur l’insuffisance cardiaque : V-HeFT, SAVE, SOLVD... dont le but n’était pas spécifiquement l’analyse de l’efficacité du traitement anticoagulant, des publications concernant l’évolution naturelle des
cardiomyopathies dilatées, les cardiopathies ischémiques, y compris le post-infarctus, la fibrillation auriculaire, les
anticoagulants et les antiagrégants.
MOTS-CLÉS
Cardiomyopathie dilatée - Accident thromboembolique - Anticoagulant - Antiagrégant.
TIRÉS À PART
Dr S.Z. Goldhaber, Brigham and Women’s Hospital, Department of Medicine, Cardiovascular Division, 75 Francis
Street, Boston, Massachusetts 02115, USA.
Dr C. Adams, PH, service cardiologie, CH Argenteuil
. . .
La Lettre du Cardiologue - n° 299 - septembre 1998
E
N
U N E
R É F É R E N C E
19
Téléchargement