Libérale Cancer de l’ovaire Un diagnostic trop souvent tardif Le bon diagnostic du cancer de l’ovaire est difficile et souvent tardif. Dépisté à un stade avancé, son pronostic est sombre pour la patiente. Des progrès thérapeutiques laissent cependant espérer une amélioration. U ne femme sur 57 risque d’être atteinte d’un cancer de l’ovaire. Si la fréquence est moindre par rapport à d’autres cancers, la gravité de son pronostic est la cause de sa mauvaise réputation. Cela se traduit par 115 000 décès annuels à travers le monde et, en France, plus de 3 000 décès sur 5 000 cas sont recensés annuellement. C’est la première cause de mortalité des cancers gynécologiques. Physiopathologie Le tissu ovarien est formé de plusieurs types de cellules : celles qui assurent le tissu de soutien, celles responsables des sécrétions hormonales sexuelles, et, enfin, celles qui constituent l’architecture des ovocytes et des follicules. Ce tissu complexe est rarement le siège des tumeurs. En revanche, l’épithélium, dont le rôle est essentiellement protecteur, est l’organe cible par excellence. Composés de plusieurs types de cellules, il est le point de départ des adénocarcinomes. Le plus fréquent est le type séropapillaire puis les types mucineux, endométrioïde ou indifférencié. Facteurs de risque Si le facteur génétique existe, il est plutôt rare (seulement 5 % des cas environ). Cependant, on retrouve des familles présentant une mutation génétique des chromosomes 17 et/ou 13 et une même mutation génétique portant sur le gène BRCA1 que pour le cancer du sein. Les femmes porteuses de ce gène présentent 45 % de risques d’être atteintes d’un cancer de l’ovaire mais plus encore d’un cancer du sein. Le gène BRCA2 jouerait, lui, un rôle moins important bien que non négligeable. La découverte de ces gènes chez une femme pose la question de l’attitude à adopter : l’attitude minimale est une surveillance particulièrement attentive alors que l’extrême interventionnisme est fondé sur l’exérèse pure et simple des deux seins et des deux ovaires. Cette dernière n’évite cependant que 90 % des cancers des seins et ovaires confondus. 36 Comme pour les autres cancers gynécologiques, d’autres facteurs de risque n’ont pas été retrouvés. Cependant, une absence de grossesse, une première grossesse tardive, une puberté précoce ou une ménopause tardive ont été constatées. En revanche, la prise d’estroprogestatifs diminue de 50 % les risques de tumeurs malignes ovariennes. La préexistence de kystes, de tumeurs bénignes n’est, en aucun cas, un facteur de risque de cancer. Diagnostic Aucun signe d’appel n’est vraiment pathognomonique, si bien que la découverte du cancer est souvent fortuite. Sinon, les signes sont souvent indirects et tardifs : que ce soit une constipation d’apparition récente, des douleurs abdominopelviennes tenaces et localisées ou encore la palpation d’une masse par la patiente ou son médecin. Une détection fortuite radiologique ou clinique est le mode de découverte le plus fréquent. Une masse ovarienne étant perçue, il convient alors d’en déterminer la nature : l’aspect échographique peut révéler l’existence de végétations avec un aspect non homogène au niveau de la paroi, végétations qui sont autant d’éléments suspects. Un taux élevé de CA 125 (carcinome antigène, cf. encadré) est aussi un signe défavorable. Le diagnostic est assuré par le scanner mais surtout par l’analyse anatomopathologique. Facteurs pronostiques En cas de découverte à un stade localisé uniquement à l’ovaire, lorsque la prolifération n’envahit pas la capsule (stade Ia), le pronostic est bon. Il est fondé sur une exérèse chirurgicale curative. Si un organe voisin (trompe ou utérus) est atteint (stade IIa), le pronostic, toujours fondé sur l’exérèse chirurgicale, dépend de la nature cellulaire de la tumeur, surtout de sa différenciation. En cas de formes étendues, on parle : dans le pelvis, de stade IIb ; au péritoine, de stade III ; aux organes viscéraux, de stade IV. Malheureusement, la découverte du cancer de Professions Santé Infirmier Infirmière - No 43 - janvier-février 2003 Libérale Traitement Pour les formes localisées essentiellement, la chirurgie s’exerce sur l’ensemble de l’appareil gynécologique, sauf si la patiente exprime une volonté contraire. Dans les formes étendues, la chirurgie sert à diminuer la taille de l’atteinte. Elle est remplacée ou plus souvent complétée par une chimiothérapie comprenant une association paclitaxel + cisplatine ou cyclophosphamide + cisplatine. L’utilisation du cisplatine demande une réhydratation importante afin de ne pas bloquer la filtration rénale par des dépôts de platine dans les tubules rénaux. La réhydratation commencée 12 heures avant le traitement doit se poursuivre 12 heures après au moyen d’une solution riche en sel. Sont ainsi contre-indiqués concomitamment les médicaments augmentant la diurèse comme les diurétiques et le mannitol. En dehors du risque rénal, le risque neurotoxique du cisplatine est marqué par des paresthésies et des troubles de l’audition. Ces troubles peuvent s’accentuer même à l’arrêt du traitement. CA 125 L’anticorps monoclonal permet de mettre en évidence un antigène présent dans le tissu épithélial génital et normalement absent dans le sang, ici libéré dans le sérum par les cellules tumorales. Technique et résultats Le prélèvement porte sur 5 ml de sang sur tube sec. Le dosage est radio-immunologique ou immunoenzymologique. Les valeurs normales usuelles sont inférieures à 35 U/ml. Un taux de CA 125 normal permet quasiment d’éliminer une tumeur maligne de l’ovaire. En revanche, un taux élevé se rencontre dans des pathologies gynécologiques, comme une endométriose, des épanchements péritonéaux et pleuraux bénins, mais aussi au cours des hépatopathies. Attention toutefois, un taux de CA 125 peut être retrouvé normalement élevé au cours du premier trimestre de la grossesse ou lors des règles. © Catalogne-Joubert/Phanie l’ovaire se fait à ces derniers stades (plus de 70 % des cas). Le pronostic est alors fondé sur la taille de la tumeur, le nombre et la localisation des extensions tumorales. Une écoute particulière Le soutien psychologique est essentiel chez une femme jeune qui, après hystérectomie, peut s’estimer amputée. La reprise des rapports sexuels, par exemple, est possible un mois après l’intervention. Leur nature ne doit pas changer, seule la procréation est désormais impossible ; de ce fait, l’aide d’un psychologue n’est pas inutile. La ménopause précoce qui résulte de l’opération doit être expliquée et également prise en charge. A un stade avancé ou découvert trop tard, le cancer de l’ovaire est souvent très algique. Au stade palliatif, il est délicat de doser les antalgiques morphiniques car l’une des complications fréquentes du traitement et de l’évolution spontanée du cancer est l’occlusion intestinale. C’est même la principale cause de décès. L’utilisation d’une règle avec échelle analogique est souvent une aide importante pour apprécier la douleur et doser la thérapie. En cas de rechute Si une rechute se produit au moins un an après la fin du traitement, on reprend la chimiothérapie initiale. En cas de rechute précoce, on considère que la chimiothérapie n’a pas fonctionné et on doit alors changer de protocole et de classe thérapeutique. Les progrès présents et à venir de la chimiothérapie améliorent déjà et amélioreront encore le pronostic délicat des tumeurs malignes ovariennes. La qualité de ce pronostic bute toujours sur le diagnostic tardif. Jacques Bidart Professions Santé Infirmier Infirmière - No 43 - janvier-février 2003 37