cas des groupes I et II selon l’âge, l’histologie, le stade et le
traitement. Sur les 27 cas du groupe II, 7 ont accouché par
césarienne, 17 par voie vaginale, et trois ont eu une fausse
couche. Sur les 7 qui ont accouché par césarienne, il y a eu une
récidive (14 %), et sur les 17 qui ont accouché par voie basse,
il y a eu 10 récidives (59 %) : cette différence est hautement
significative (p = 0,046). En analyse multivariée, les deux
paramètres le plus fortement corrélés au taux de récidive sont
la voie d’accouchement et le stade du cancer. La survie des
femmes dont le diagnostic de cancer du col est fait en post-
partum est significativement plus mauvaise que celle du
groupe contrôle. En conclusion, Sood recommande la réalisa-
tion d’une césarienne prophylactique à chaque fois qu’un can-
cer du col invasif est diagnostiqué pendant la grossesse.
Commentaire
Le cancer invasif du col utérin est le cancer le plus fréquem-
ment diagnostiqué chez les femmes enceintes. Néanmoins,
compte tenu de son incidence, qui varie entre un cas sur 2 000
à un cas sur 10 000 grossesses, on estime qu’un obstétricien
sera confronté à ce problème une fois tous les 10 ans (1).
L’originalité de cette étude est de distinguer le devenir des
patientes selon que le diagnostic a été fait pendant la grossesse
ou dans les six mois qui ont suivi l’accouchement. L’utilisa-
tion des registres de cancer du col invasif de l’université de
l’Iowa a permis de rechercher, sur une période de 34 ans, les
cas diagnostiqués pendant la grossesse. Cinquante-six femmes
ont eu un cancer du col diagnostiqué pendant la grossesse et
27 dans les six premiers mois du post-partum. L’attitude théra-
peutique prônée dans ces cas dépendait du terme de la gros-
sesse : si le terme était de moins de 20 SA, un traitement
immédiat était recommandé (le traitement classique compre-
nait une hystérectomie radicale avec lymphadénectomie, le
fœtus étant laissé in situ). Au-delà de 20 SA, le traitement
dépendait de l’âge, de l’histologie et de la taille de la tumeur.
Pour les femmes avec un cancer du col au stade Ia ou Ib, le
traitement était reporté jusqu’à obtention de la viabilité fœtale.
Un examen du col était alors réalisé toutes les trois semaines.
À l’issue du traitement, les femmes étaient revues tous les trois
mois pendant la première année, tous les quatre mois durant la
deuxième année, puis tous les six mois. La répartition des
formes histologiques est la même pendant la grossesse qu’en
dehors, avec une large majorité de cancers épidermoïdes (plus
de 85 %). Dans le groupe I (n = 56), il n’y a eu que trois
accouchements par voie basse. Le taux de récidive et la survie
globale de ces femmes sont les mêmes que ceux du groupe
contrôle. Dans le groupe II (n = 27), il y a eu 14 % de récidives
chez les femmes qui ont accouché par césarienne, contre 59 %
chez celles qui ont accouché par voie basse. Par ailleurs, la
survie des femmes du groupe II est plus mauvaise que celle du
groupe contrôle.
Plusieurs points de cette série doivent être soulignés.
Sur les 27 cas diagnostiqués dans les six premiers mois du
post-partum, quatre n’avaient pas eu de frottis cervico-vaginal
(FCV) et 6 n’avaient pas de suivi prénatal. Il est donc néces-
saire d’insister sur la réalisation du FCV pendant la grossesse.
Dans cette série, on peut penser que ce geste aurait permis de
diagnostiquer 10 des 27 cas. Sur ces 27 cas, 11 femmes avaient
eu un FCV considéré comme “normal” : cette série confirme
donc celle de Coppola, qui montrait les limites du FCV, celui-
ci sous-estimant les lésions dans 20 % des cas (2). En cas de
saignement anormal (par exemple post-coïtal) ou de lésion
macroscopique visible, on ne doit pas se contenter d’un FCV,
qui peut être à tort rassurant, mais exiger un examen colposco-
pique avec des biopsies dirigées. Cette notion est particulière-
ment importante. En effet, il semble que, pendant la grossesse,
l’apparition de métrorragies entraîne chez les gynécologues un
“réflexe” orienté vers la pathologie obstétricale (HRP, placenta
praevia..) au détriment des diagnostics gynécologiques clas-
siques. Enfin, sur ces 27 cas, 6 avaient un frottis anormal, mais
trois seulement ont eu des biopsies sous colposcopie. Compte
tenu de l’absence de complications rapportées dans la littéra-
ture en cas de biopsies dirigées sous colposcopies effectuées
pendant la grossesse, il nous semble souhaitable, à chaque fois
qu’un frottis est anormal pendant la grossesse, de compléter le
bilan par une colposcopie, qui ne doit pas se limiter à l’examen
sous loupe binoculaire, mais doit s’accompagner de biopsies
dirigées.
Cette série met également en évidence le caractère délétère des
cas de cancer du col diagnostiqués dans les six premiers mois
du post-partum. Ce pronostic défavorable est expliqué en par-
tie par le taux de récidive, qui est lié non seulement au stade
du cancer mais aussi à la voie d’accouchement : les patientes
ayant accouché par voie basse ont un risque de récidive de
59 %, contre 14 % pour celles qui ont accouché par césarienne.
Cette étude confirme les résultats de l’étude de Jones (1) (la
plus large série de cancers du col pendant la grossesse). Dans
cette série, 75 % des femmes “césarisées” survivaient, contre
seulement 55 % des femmes qui avaient accouché par voie
basse. On notera enfin que cette étude confirme la possibilité
de greffe métastatique sur l’épisiotomie en cas d’accouche-
ment par voie basse chez une femme porteuse d’un cancer
invasif du col. Ce risque, qui était déjà souligné en 1994 par
l’étude de Cliby (3), n’est pas seulement théorique, comme le
rappelle encore dans cette série le cas d’une patiente atteinte
d’un stade IIa, qui a développé, cinq mois après un AVB, une
récidive au niveau de l’épisiotomie et est décédée.
En conclusion, on retiendra plusieurs recommandations
(tableau I). Le frottis cervical fait partie des actes de dépistage
pendant la grossesse. Une colposcopie avec biopsies dirigées
est indiquée en cas de symptômes évocateurs (métrorragies
REVUE DE PRESSE
56
La Lettre du Gynécologue - n° 256 - novembre 2000
Situation clinique Conduite à tenir pendant la grossesse
Frottis anormal Colposcopie avec biopsies dirigées
Lésion cervicale macroscopique Colposcopie avec biopsies dirigées
même si le frottis est normal
Métrorragies post-coïtales Colposcopie avec biopsies dirigées
même si le frottis est normal
Cancer invasif En cas de grossesse à terme,
accouchement par césarienne
Tableau I. Recommandations pour la pratique courante.