CAS CLINIquE
✥ Les points à retenir
La mélioïdose est fréquente en zone d’endémie mais rarement observée »
en France.
La mélioïdose doit être évoquée chez les patients provenant de zone endé-
»
mique.
Le diagnostic clinique est difficile du fait de son grand polymorphisme.
»
Le pronostic des formes septicémiques est sévère.
»
Le traitement est long et difficile.
»
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110 | La Lettre de l’Infectiologue • Tome XXIV - n° 3 - mai-juin 2009
objective des infiltrats excavés apicaux, comme dans notre cas,
et est souvent prise à tort pour une tuberculose pulmonaire (2).
Dans les formes multiviscérales, il peut y avoir des abcès sous-
cutanés (13 %), spléniques, hépatiques, rénaux, pancréatiques,
prostatiques ou cérébraux. La parotidite est fréquente dans les
formes affectant les enfants (30-40 %). L’atteinte ostéo-articulaire
réalise une arthrite septique des genoux ou une ostéomyélite.
Les manifestations cutanées peuvent être isolées : ulcération,
pustule, lymphangite, cellulite, abcés sous-cutanés (3). Des cas
d’anévrismes mycotiques ont été décrits (5). La forme latente,
dépistée par la sérologie, est la plus fréquente. Les réactivations
symptomatiques ont été décrites jusqu’à 30 ans après la conta-
mination. C’est la “bombe à retardement” du Vietnam : 3,5 % des
soldats américains blessés au Vietnam ont révélé une sérologie
positive (2).
Le diagnostic microbiologique doit être rapide et ne doit pas
retarder le traitement. L’examen de référence reste la culture des
prélèvements (hémocultures, ponction des abcès, expectorations).
L’examen direct retrouve un bacille à Gram négatif, mobile, avec
une coloration bipolaire caractéristique pour les laboratoires des
zones d’endémie. La détection d’antigène par immunofluorescence
directe sur ces prélèvements a une moindre sensibilité (70 %)
mais permet un diagnostic plus rapide, en 30 minutes (1). Dans les
pays non endémiques, l’identification de B. pseudomallei peut être
difficile et peut nécessiter le séquençage de l’ARN-16S-ribosomal
comme dans notre observation.
B. pseudomallei est naturellement résistant à l’ampicilline, aux
aminosides et aux céphalosporines de 1re et 2e générations. Le
traitement d’attaque de référence est la ceftazidime (120 mg/
kg/j). Il a montré sa supériorité sur le traitement conventionnel par
chloramphénicol, doxycycline, triméthoprime et sulfaméthoxazole
en diminuant la mortalité de 50 % (2, 4). L’alternative possible est
l’imipénème (50 mg/kg/j). La durée recommandée de traitement
est de 14 jours au minimum (4). La réponse clinique est lente, avec
une durée médiane de la fièvre de 9 jours, pouvant aller jusqu’à
30 jours en cas d’abcès volumineux, lesquels doivent être drainés si
possible. Les récurrences après traitement sont fréquentes (30 %),
la durée médiane de leur survenue étant de 21 semaines. Un trai-
tement d’entretien est indiqué dans toutes les formes et permet
de diminuer les rechutes à 10 % des cas. La référence reste l’asso-
ciation chloramphénicol (pendant 8 semaines) avec doxycycline
et cotrimoxazole pendant 20 semaines. En pratique, pour limiter
la toxicité, un traitement par cotrimoxazole seul ou associé à la
doxycycline pendant 20 semaines est souvent prescrit.
Conclusion
La mélioïdose reste une infection rare en France, avec un poly-
morphisme clinique qui explique les difficultés de diagnostic. Il
faut l’évoquer chez les patients ayant séjourné en zone d’endémie
présentant un sepsis sévère ou des abcès multiples. Son pronostic
est conditionné par la rapidité du diagnostic et l’instauration d’un
traitement adapté, ce dernier étant long et difficile. ■
1. White NJ. Melioidosis. Lancet 2003;361:1715-22.
2. Currie BJ. Melioidosis: an important cause of pneumonia in residents of and
travellers returned from endemic regions. Eur Respir J 2003;22:542-50.
3. Zulkiflee AB, Prepageran N, Philip R. Melioidosis: an uncommon cause of
neck abscess. Am J Otolaryngol 2008;29(1):72-4.
4. Choawagul W. Recent advances in the treatment of severe melioidosis. Acta
Trop 2000;74(2-3):133-7.
5. Hong Low JG, Lin Quek AM, Sin YK, Peng Ang BS. Mycotic anevrism due to
Burkholderia Pseudomallei infection: case reports and literature review CID
2005;40:193-8.
Références bibliographiques