AP C 2005 : I X

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I
N F O R M A T I O N S
AP I C 2005 : XI Xe Journée de l’Association
pour l’information cardiologique
● A.S. Béraud*, S. Langlois**
EXCLUSION PERCUTANÉE DE L’AURICULE
GAUCHE (D’après la communication du Pr A. Vahanian)
L’auricule gauche est un “sac” appendu à l’oreillette gauche, sans
fonction spécifique connue, où se forment la majorité des thrombi
intracardiaques emboligènes. Dans la fibrillation auriculaire (FA)
non valvulaire, la majorité des thrombi proviennent de l’auricule
gauche.
Afin d’éviter la formation d’un thrombus emboligène chez les
patients en FA ayant des contre-indications au traitement anticoagulant, une thérapeutique séduisante est l’exclusion de l’auricule gauche. Plusieurs techniques ont été décrites :
– la ligature au cours du remplacement valvulaire mitral,
– l’oblitération par minithoracotomie,
– la ligature systématique au cours d’un pontage aorto-coronarien, pour laquelle un essai randomisé est actuellement en cours,
– l’exclusion percutanée de l’auricule, technique développée au
cours de cet exposé.
L’indication clinique doit être posée conjointement par un cardiologue et un neurologue, après élimination des contre-indications : thrombose de l’oreillette ou de l’auricule gauche, déformation thoracique sévère, anomalie de l’hémostase. Le geste doit
se dérouler dans un centre médico-chirurgical, sous anesthésie
générale et sous contrôle ETO (échographie transœsophagienne)
permanent. L’implant PLAATO est le modèle d’implant majoritairement utilisé. Il est constitué d’une cage de nitinol recouverte
d’une membrane en PTFE (figure 1) et d’ergots permettant son
accrochage dans l’auricule gauche, évitant toute migration ultérieure.
Un cathétérisme transseptal est initialement réalisé sous contrôle
ETO, et le guide est positionné dans l’oreillette gauche. L’injection de produit de contraste permet de visualiser l’auricule, de le
mesurer et de déterminer la taille de l’implant. Celui-ci est ensuite
mis en place et déployé. Une nouvelle injection de produit de
contraste permet alors de vérifier le bon positionnement du système et l’exclusion totale de l’auricule, puis la prothèse est lar-
* Service de cardiologie, hôpital Saint-Antoine, Paris.
** Service de cardiologie, hôpital Ambroise-Paré, Boulogne.
La Lettre du Cardiologue - n° 394 - avril 2006
Membrane
en PTFE
Ergots
Cage de
nitinol
Figure 1. L’implant PLAATO.
guée. Après la pose de ce système, le patient reçoit une double
antiagrégation plaquettaire par aspirine + clopidogrel, puis par
aspirine seule à vie. Une antibioprophylaxie de l’endocardite
infectieuse est réalisée pendant 6 mois. Le suivi comprend une
radiographie pulmonaire et une ETO à 4 semaines puis à 6 mois,
ainsi qu’un suivi clinique tous les 6 mois (figure 2).
Figure 2. Suivi radiologique, ETO et scannographique après exclusion
de l’auricule gauche par PLAATO.
11
I
N F O R M A T I O N S
Une étude de faisabilité de l’implant PLAATO (Hanna et al.
J Am Coll Cardiol 2004;43:1868-72) a été réalisée sur 111 patients présentant une fibrillation auriculaire avec un haut risque
d’accident vasculaire cérébral (AVC) embolique, et une
contre-indication aux anticoagulants (antécédent de saignement grave, international normalized ratio [INR] très instable,
chutes à répétition, problèmes de compliance thérapeutique,
etc.). Les critères d’exclusion étaient la présence d’un thrombus dans l’auricule gauche, une contre-indication au cathétérisme transseptal, une chirurgie, un AVC ou un infarctus
récents, une maladie aortique, valvulaire ou carotidienne
récente. Au total, 98 % des patients ont pu être implantés. Les
complications surviennent le plus souvent lors de l’apprentissage de la technique : tamponnade (3,7 %), épanchement
péricardique (4,6 %), complications hémorragiques liées à la
ponction veineuse (2,7 %). Les patients ont été suivis pendant
12,5 mois en moyenne. Huit décès ont été constatés (7,4 %),
aucun n’étant en rapport avec la procédure ni la prothèse. Le
taux de récidive après implantation de PLAATO était de 2,7 %
pour les accidents ischémiques transitoires (AIT) et de 2,7 %
pour les AVC. Sur les échocardiographies transthoraciques
(ETT) de contrôle, il a été retrouvé deux thrombi sans élément
mobile (1,8 %).
Au total, chez ces patients, il a été constaté un taux de récidive
d’AVC de 2,7 %, nettement inférieur au taux attendu de 6,3 %
(selon la classification CHADS, qui stratifie le risque).
En conclusion, l’exclusion de l’auricule gauche percutanée permet une réduction significative du risque de récidive d’AVC chez
les patients présentant une fibrillation auriculaire avec une contreindication formelle aux anticoagulants. La technique d’implantation nécessite un centre expérimenté de cardiologie interventionnelle, expert en cathétérisme transseptal. Actuellement, les
objectifs sont la définition d’une population cible à haut risque,
une meilleure évaluation de l’anatomie de l’auricule gauche, la
poursuite des études de faisabilité et la réalisation d’études randomisées.
Décès
Maastricht
Thrombolyse
préhospitalière
et transfert
(D’après la communication du Pr G. Steg)
À la phase aiguë de l’infarctus du myocarde, la rapidité de revascularisation est primordiale et conditionne le pronostic vital et
fonctionnel à court et à long terme.
Lorsqu’elle a lieu rapidement et dans un centre expérimenté,
l’angioplastie primaire a montré sa supériorité par rapport à la
thrombolyse hospitalière. Cependant, la majorité des patients
ne sont pas admis initialement dans les centres pouvant pratiquer une angioplastie primaire à tout moment. Plusieurs attitudes peuvent alors être envisagées : transfert immédiat pour
une angioplastie, thrombolyse sur place, ou bien thrombolyse
puis transfert.
Une méta-analyse publiée par M. Dalby dans Circulation en 2003
plaide en faveur du transfert pour angioplastie primaire plutôt
que de la thrombolyse, sauf si celle-ci peut être pratiquée en préhospitalier (figure 3).
12
PRAGUE
7/101
Air-Pami
6/71
8/66
CAPTIM
20/421
16/419
DANAMI 2
52/790
59/782
PRAGUE 2
29/429
42/421
Total
14/99
119/1887 144/1863
0,81 p = 0,86
Risque relatif 0,2 0,3
0,5 0,7 1,0
2
3 4
Dalby M et al. Circulation 2003;108:1809-14.
Figure 3. Méta-analyse comparant le transfert pour angioplastie primaire
ou la thrombolyse (Dalby M et al. Circulation 2003).
Délai douleur-traitement de reperfusion
Plus une thrombolyse est réalisée rapidement, plus elle est efficace, et le gain le plus important est obtenu avant la sixième heure.
En effet, l’effet de la thrombolyse sur la taille de l’infarctus est
d’autant plus grand que celle-ci est précoce. De plus, les traitements thrombolytiques sont beaucoup plus efficaces sur les
caillots frais.
Lorsqu’il est possible de réaliser une angioplastie primaire, le
temps est également un facteur essentiel, d’autant plus important
que l’artère est occluse au moment de la coronarographie
(figure 4). Le délai de reperfusion est ainsi un des facteurs prédictifs de la mortalité à un an, et chaque retard de 30 minutes
augmente de 7,5 % le risque relatif de mortalité à un an.
16
14
12
10
Moins de 2 heures
2-4 heures
4-6 heures
Plus de 6 heures
4
2
p = 0,013
12,7
9,2
p = NS
8
6
INFARCTUS DU MYOCARDE : TIME IS MUSCLE
Nombre d’événements/
nombre de patients randomisés
Angioplastie Thrombolyse
5/75
5/75
5,9
5,3
5,5
4,1
2,7
0
0
Pre-PCI TIMI 2-3
Pre-PCI TIMI 0-1
De Luca G et al. J Am Coll Cardiol 2003;42:991-7.
Figure 4. Importance du délai de reperfusion sur la mortalité à un an en
fonction de la perméabilité de l’artère coupable.
Délais intrahospitaliers
Le délai de prise en charge intrahospitalière (délai écoulé entre
l’arrivée à l’hôpital et l’angioplastie) est un des facteurs prédictifs de la mortalité intrahospitalière, avec un délai cible inférieur
à une heure (figure 5).
L’observation des registres a montré que le délai moyen intrahospitalier pour une angioplastie était de 100 minutes, relativement
stable depuis 10 ans. Le délai moyen de transfert à partir d’un hôpital pour la réalisation d’une angioplastie primaire est de 185 minutes,
La Lettre du Cardiologue - n° 394 - avril 2006
Pourcentage de mortalité
intrahospitalière
I
8
7
6
5
4
3
2
1
0
p < 0,05
6,7
1,8
<1h
9/394
N F O R M A T I O N S
posé en plusieurs temps : le délai entre la douleur et la première
prise en charge, les délais de prise en charge spécialisée intrahospitalière et le délai de reperfusion. De plus, l’importance du
délai d’action dépend du délai écoulé depuis l’appparition de la
douleur. Enfin, plusieurs facteurs influent sur le choix initial de
la stratégie de reperfusion : le risque hémorragique, le délai
écoulé depuis le début des symptômes, la gravité hémodynamique et le délai de mise en œuvre d’une éventuelle angioplastie dans un centre expérimenté.
>1h
7/105
Juliard JM et al. Am J Cardiol 2003.
Figure 5. Importance du délai de la prise en charge intrahospitalière sur
la mortalité hospitalière.
INFARCTUS CÉRÉBRAL : TIME IS BRAIN
(D’après la communication du Dr J.M. Olivot)
avec un temps de transport moyen de 130 minutes jusqu’à la salle
de coronarographie. Pour améliorer les délais avant reperfusion des
patients, le simple fait d’éviter les services d’urgences permet d’accélérer la prise en charge spécialisée, donc de diminuer la mortalité à court et à moyen terme. La prise en charge des patients à leur
domicile par le Samu permet ainsi de gagner un temps précieux.
Figure 6. Importance des délais selon le temps.
Pourquoi et comment effectuer une recanalisation artérielle au
cours d’un infarctus cérébral (IC) ? Lorsqu’une artériographie
est réalisée dans les 6 heures après un AVC, une occlusion vasculaire est mise en évidence dans 81 % des cas. Cette occlusion
entraîne une baisse du débit sanguin cérébral (DSC) responsable
d’une ischémie cérébrale. Schématiquement, la zone d’ischémie
peut se diviser en deux parties :
– une zone de nécrose définitive,
– une zone de pénombre ischémique où la baisse du DSC provoque une perte des fonctions cellulaires responsable d’un déficit neurologique.
Cette zone de pénombre peut évoluer soit vers la récupération
en cas de restauration d’un DSC normal par la recanalisation
de l’artère occluse soit vers la nécrose en cas de baisse persistante du DSC. Plusieurs facteurs peuvent précipiter l’évolution
de la pénombre vers la nécrose : l’hypoxie, l’hypotension, la
fièvre et l’hyperglycémie. Pour améliorer la perfusion cérébrale,
le patient doit être maintenu à plat et la pression artérielle initiale doit être respectée, mais contrôlée pour éviter un surrisque
hémorragique.
Le traitement permettant la reperfusion a plusieurs objectifs : la
recanalisation de l’artère occluse et la reperfusion du territoire
en état de pénombre. Ces traitements doivent permettre la régression du déficit neurologique et la diminution de la mortalité sans
entraîner de transformation hémorragique symptomatique ni d’effet neurotoxique.
Deux types de thrombolyse sont validés et utilisés :
®
● Thrombolyse i.v. par rtPA (Actilyse ) i.v. à la dose de
0,9 mg/kg dans les 3 heures, qui permet 40 % de recanalisation contre 20 % par le placebo, et réduit significativement le
handicap, le déficit et la dépendance à 3 mois. En revanche, elle
possède les effets indésirables précités et n’a pas d’effet sur la
mortalité. Comme pour l’infarctus du myocarde, la thrombolyse par rtPA est d’autant plus efficace qu’elle est précoce
(figure 7).
®
● Thrombolyse intra-artérielle par r-ProUK (Prolyse ) au
cours d’une artériographie cérébrale (figure 8). Ce traitement a
l’avantage de contrôler la reperméabilisation de l’artère en temps
réel et la possibilité d’associer un geste de revascularisation mécanique (dilatation et stenting). Malheureusement, le r-ProUK a été
retiré du marché par le fabricant.
La Lettre du Cardiologue - n° 394 - avril 2006
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Délai douleur-présentation du patient
Le délai écoulé entre le début de la douleur et l’heure de la première prise en charge médicalisée est primordial dans le choix de
la stratégie de revascularisation. En effet, si la première prise en
charge est précoce (< 2 heures), la réalisation d’une thrombolyse
préhospitalière permettra de gagner du temps, de diminuer la mortalité à un an (5,4 % pour la thrombolyse préhospitalière versus
7,3 % pour l’angioplastie primaire) et la mortalité globale (6,7
versus 8,8 %). Si le patient est pris en charge plus de 2 heures
après le début de la douleur, l’angioplastie primaire est supérieure.
L’impact des délais de prise en charge est différent
selon le moment
Il existe deux périodes pendant lesquelles la rapidité d’intervention est capitale : très précocement jusqu’à 2 h 30, où la quantité
de myocarde nécrosé est directement proportionnelle au temps
écoulé, et entre les sixième et douzième heures, où apparaît le
bénéfice, notamment rythmique, de l’artère perméable (figure 6).
En conclusion, le temps est le facteur essentiel dans la prise en
charge de l’infarctus du myocarde à la phase aiguë. Le délai
entre le début des symptômes et la reperfusion peut être décomPourcentage de réduction
de la mortalité
100
Évolution du devenir
selon la stratégie de traitement
Pas de bénéfice
AàB
Bénéfice
AàC
Bénéfice
BàC
Dommage
DàB
Dommage
DàC
D
80
60
C
40
20
B
A
Importance du sauvetage myocardique
0
0
4
8
12
16
20
24
Temps entre le début des symptômes et la reperfusion
Période indépendante du temps
Période critique dépendant du temps
But : ouvrir l’artère responsable de l’infarctus
But : sauvetage myocardique
Gersh BJ et al. JAMA 2006;293:979-86.
Odds-ratio ajusté
I
N F O R M A T I O N S
50
45
40
35
30
25
20
15
10
0,5
0,0
60
90
120 150 180 210 240 270 300 330
Temps écoulé entre le début de l’AVC et le traitement (mm)
360
Figure 7. Impact du délai d’administration du rtPA sur la récupération
du handicap neurologique (score de Rankin mRS).
Figure 8. Thrombolyse intra-artérielle par Prolyse®.
Le doppler transcrânien permet le monitoring de la recanalisation artérielle au cours de la thrombolyse, mais il a également un
rôle actif de renforcement du traitement thrombolytique
(figure 9).
Pourcentage de patients
40
Cible
30
20
10
0
Contrôle
t-PA bolus
30
60
90
Dans la prise en charge des IC à la phase aiguë, il existe deux cas
particuliers : l’occlusion du tronc basilaire et la dissection carotide.
● L’occlusion du tronc basilaire est un événement grave : 90 %
des cas se compliquent de décès du patient ou d’un déficit majeur
(locked in syndrome) ; en revanche, le risque de transformation
hémorragique est plus faible. En conséquence, des délais de revascularisation plus longs sont acceptés, jusqu’à 12 heures, et les
stratégies de revascularisation peuvent être combinées (thrombolyse i.v., i.a., revascularisation mécanique).
● La dissection de l’artère carotide interne survient le plus souvent chez des sujets jeunes. Elle a pour conséquence la baisse du
débit sanguin cérébral par la constitution d’un hématome de paroi
obstruant la lumière artérielle, et la formation de microthrombi
intravasculaires en regard de la dissection. On peut alors proposer une angioplastie de la carotide interne avec pose d’un stent
ou une thromboaspiration du thrombus en regard.
120
Minutes
Alexandrov AV et al. N Engl J Med 2004;351:2170-8.
Figure 9. Impact du monitoring du doppler transcrânien sur la recanalisation artérielle après thrombolyse.
Cependant, la thrombolyse, quelle que soit la technique utilisée,
n’est pas toujours efficace en termes de recanalisation artérielle et
de récupération fonctionnelle. Il existe plusieurs causes d’échec,
et, pour chacune, des solutions spécifiques sont proposées.
14
● La transformation hémorragique symptomatique, compliquant 6 % des IC thrombolysés contre 1 % des IC non traités.
Il existe des facteurs favorisants, qui sont pour certains des contreindications à la thrombolyse : infarctus cérébral massif,
HTA > 185/110 mmHg, diabète, traitement anticoagulant associé, microsaignements visibles en IRM. De plus, les transformations hémorragiques sont plus fréquentes lorsque la thrombolyse
n’est pas pratiquée par un neurologue spécialiste (moins bon respect des indications et des contre-indications). Une solution pourrait être la télémédecine, en proposant une expertise spécialisée
dans des centres généraux.
● L’occlusion persistante après thrombolyse. Des techniques
de sauvetage peuvent être proposées, par exemple une revascularisation mécanique sous couverture d’antiagrégants plaquettaires
par Reopro®. Cependant, cette démarche n’a pas été validée.
● La réocclusion, qui peut survenir après recanalisation de l’artère par thrombolyse intraveineuse ou intra-artérielle. Dans ce
cas également, des techniques, non validées, peuvent exceptionnellement être proposées : thrombolyse combinée intraveineuse
et intra-artérielle, traitement antiagrégant par Reopro®, ou revascularisation mécanique.
● No-Reflow : malgré une artère perméable à l’artériographie,
certains patients ne s’améliorent pas cliniquement, et on constate
au doppler des résistances élevées, témoignant d’une obstruction
de la microcirculation.
● La destruction définitive du tissu cérébral, secondaire à la durée
d’occlusion et à la taille du territoire pris en charge par l’artère atteinte.
Cette destruction pourrait être prévenue par l’administration de traitements neuroprotecteurs destinés à augmenter la durée de survie des
cellules cérébrales et à diminuer l’effet neurotoxique du rtPA.
En conclusion, le traitement thrombolytique de l’IC est validé
uniquement dans les 3 heures suivant la constitution du déficit,
et permet une amélioration fonctionnelle de 40 % à 3 mois contre
placebo. Il est important de sélectionner les patients candidats à
la thrombolyse pour éviter des effets indésirables parfois graves
(transformation hémorragique symptomatique), et cette sélection
peut être effectuée précisément par l’IRM (figure 10). Il ne faut
pas négliger le rôle du doppler transcrânien qui permet de monitorer et de potentialiser la thrombolyse.
La Lettre du Cardiologue - n° 394 - avril 2006
I
Les perspectives sont l’adaptation des stratégies de revascularisation aux causes des IC (causes cardio-emboliques, athérome
intracrânien, dissection) et à leur topographie. De nouvelles stratégies doivent être développées en réponse aux impasses de la
thrombolyse i.v. (occlusion persistante, réocclusion, no reflow).
Actuellement, des essais sont en cours, concernant la sélection
des patients par l’IRM (rôle du mismatch, occlusion persistante,
estimation du risque hémorragique) et le développement de nouvelles stratégies de thrombolyse i.v. (nouveaux thrombolytiques,
thrombolyses i.v. et i.a. combinées, thrombolyse et neuroprotecteurs, télémédecine, etc.). Il sera également nécessaire de préciser le rôle de la revascularisation mécanique et des antiGPIIb/IIIa.
Figure 10. Sélection des patients pour les différentes stratégies de revascularisation par l’IRM.
A.S.B.
PRÉVENTION PRIMAIRE DES INFARCTUS
CÉRÉBRAUX ET MYOCARDIQUES
Le Pr X. Girerd, de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, pose la question d’une prévention primaire identique dans les infarctus cérébraux et myocardiques. Il nous rappelle tout d’abord que la prévalence de la maladie cardiovasculaire est élevée (28 % pour les
hommes et 37 % pour les femmes), avec une diminution de la
mortalité avant 75 ans entre 1980 et 1995.
Concernant les différents facteurs de risque, l’HTA et l’âge apparaissent comme les principaux facteurs communs, avec un rôle
plus important de l’HTA dans la maladie cérébrovasculaire.
En reprenant une étude publiée dans le Lancet en 2002, qui
exploitait une modélisation de la baisse de 20 mmHg de la pression artérielle systolique, le Pr Girerd nous montre le bénéfice
de la baisse tensionnelle. Celui-ci apparaît majeur dans deux
populations : chez les sujets jeunes avec une cardiopathie ischémique et surtout chez ceux avec une maladie cérébrovasculaire.
Les apports sont homogènes quel que soit le type d’AVC, ischémique ou hémorragique.
En pratique, la plupart des grands essais (PROGRESS, EUROPA,
ALLHAT, VALUE, ASCOT) étudiant l’incidence de la maladie
coronaire et cérébrovasculaire chez les patients hypertendus traités ont confirmé l’intérêt de la baisse de la pression artérielle,
avec un bénéfice plus important dans la maladie cérébrovasculaire. Une nuance est apportée par les études PROGRESS et
La Lettre du Cardiologue - n° 394 - avril 2006
N F O R M A T I O N S
EUROPA, qui retrouvent une incidence, respectivement, de maladie cérébrovasculaire et de maladie coronaire plus élevée, expliquée par l’inclusion de patients en prévention secondaire.
Tous les antihypertenseurs sont-ils équivalents ?
Une méta-analyse publiée en 2005 dans Hypertension compare
les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) et les inhibiteurs
calciques dans la maladie coronaire. Tout d’abord, quelle que soit
la molécule choisie, une baisse de la pression artérielle systolique de 10 mmHg diminue les prévalences des AVC et des coronaropathies de 25 %. À baisse tensionnelle identique, on observe
une diminution de 12 % des coronaropathies en faveur des IEC
et une baisse de 14 % des AVC en faveur des inhibiteurs calciques.
Dans l’étude VALUE, en prévention primaire chez les patients
hypertendus, le valsartan est moins bénéfique que l’amlodipine en
termes de mortalité par maladie coronaire ou cérébrovasculaire.
L’étude ASCOT, publiée dans le Lancet en 2005, a comparé deux
stratégies antihypertensives (amlodipine ± IEC versus aténolol
± diurétique) chez des patients hypertendus depuis longtemps
avec un équilibre imparfait de leur pression artérielle. L’étude a
été interrompue prématurément en raison d’une différence de
mortalité cardiovasculaire (IDM, AVC, insuffisance cardiaque)
en faveur de l’amlodipine. Cependant, il existe de grandes variabilités entre les deux groupes. Ainsi, dans le groupe amlodipine,
la baisse de la pression artérielle est l’unique facteur de prévention des AVC, alors que le niveau de HDL-cholestérol est le principal facteur de prévention des coronaropathies.
Le rôle de la statine a aussi été discuté. Cette classe thérapeutique prévient mieux les coronaropathies que les AVC. Dans
l’étude ASCOT, à baisse tensionnelle égale, l’apport d’atorvastatine 10 mg permet une diminution des coronaropathies et des
AVC, mais pas de l’insuffisance cardiaque. Les résultats selon le
type d’antihypertenseur seront présentés à l’American Heart
Association (AHA). Ainsi, dans la population à haut risque, la
diminution du taux d’événements cardiovasculaires par le traitement antihypertenseur est renforcée par l’apport de l’atorvastatine, avec un taux de 26 % sans traitement, de 16 % sous traitement antihypertenseur et de 11 % sous l’association traitement
antihypertenseur et statine.
LES PROGRÈS EN IMAGERIE CÉRÉBRALE
DES AVC
Les progrès en imagerie cérébrale des AVC ont été développés
par le Dr C. Oppenheim (hôpital Sainte-Anne, Paris).
Devant un déficit neurologique brutal, la démarche diagnostique
initiale conduit à réaliser une imagerie pour différencier l’hématome de l’ischémie artérielle aiguë. L’examen de première intention le plus souvent choisi est le scanner cérébral. Cette technique
présente des limites marquées par un taux élevé de faux négatifs
(40-50 % pendant les cinq premières heures), une absence de critères de taille validés, une absence de critères de détection des
signes précoces et une sous-estimation de la zone d’ischémie irréversible.
15
I
N F O R M A T I O N S
L’IRM cérébrale peut-elle être utilisée
comme outil diagnostique ?
Tout d’abord, l’IRM est aussi performante que le scanner pour
la détection de l’hématome.
De plus, la séquence FLAIR établit le plus souvent le diagnostic
d’AVC ischémique.
Les séquences de diffusion permettent, devant un hypersignal
franc, de diagnostiquer les AVC ischémiques précocement, c’està-dire dès la trentième minute, avec une sensibilité supérieure à
90 % (versus 60 % dans le scanner cérébral).
En plus du diagnostic d’AVC ischémique, l’IRM permet de sélectionner les meilleurs candidats à la thrombolyse. La séquence de
perfusion, obtenue par injection intraveineuse de gadolinium,
permet de détecter la zone d’ischémie réversible (ou zone de
pénombre), qui correspond à une zone d’extension possible de
l’AVC. Cette zone d’ischémie réversible est ensuite comparée à
la zone d’ischémie irréversible (zone infarcie) obtenue par la
séquence de diffusion. La thrombolyse étant proposée aux
patients avec un mismatch diffusion/perfusion, le but est d’élargir les indications de la thrombolyse, notamment lorsque la
période des symptômes n’a pas été identifiée. Mais ces résultats
sont à confirmer lors d’essais thérapeutiques.
L’IRM permet de sélectionner les patients à haut risque de transformation hémorragique, notamment en cas de zone infarcie volumineuse ou de pétéchies hémorragiques.
Enfin, l’IRM cérébrale permet de réaliser le bilan étiologique et
d’éliminer les diagnostics différentiels.
Dans la prise en charge des AIT, on peut observer, sur les images
d’IRM, un hypersignal dans les séquences de diffusion dans 21 à
67 % des cas, signant un risque élevé d’AVC constitué.
En pratique, l’examen de première intention à réaliser devant une
suspicion clinique d’AVC est une IRM cérébrale, mais encore
faut-il y avoir accès en temps réel.
CHIRURGIE COMBINÉE CŒUR ET CAROTIDES
La chirurgie des pontages aorto-coronaires associée à une endartériectomie doit parfois être envisagée, compte tenu du fait que
8 à 14 % des patients pontés ont une sténose significative et que
40 à 50 % des patients ayant bénéficié d’une endartériectomie
ont une atteinte coronaire associée.
Les différentes stratégies possibles sont la chirurgie par étapes,
la chirurgie combinée – c’est-à-dire pendant la même anesthésie –, soit, enfin, la chirurgie coronarienne isolée.
16
La situation la plus simple est celle d’une chirurgie coronarienne
avec une sténose carotidienne supérieure à 70 % et symptomatique. L’indication opératoire sur la carotide est formelle. Deux
méta-analyses ont comparé la chirurgie par étape à la chirurgie
combinée. La première, publiée par Brener en 1993, est en faveur
d’une chirurgie par étape comportant une intervention coronarienne précoce et suivie de la chirurgie carotidienne. La mortalité avec cette séquence est de 3,5 %, à comparer à une mortalité
de 5,6 % en cas de chirurgie combinée.
La deuxième méta-analyse, celle de Borger, publiée en 1999,
trouve une surmortalité et un risque d’AVC accru en cas de chirurgie combinée, sans différence sur le taux de maladie coronarienne. Ces deux méta-analyses présentent de nombreuses limites
du fait de leur caractère rétrospectif, non randomisé, et surtout
du caractère hétérogène des lésions carotidiennes (degré de sténose, perméabilité du polygone de Willis, atteinte de un ou plusieurs vaisseaux, caractère uni- ou bilatéral) et coronariennes
(angor instable, atteinte uni- ou pluritronculaire, antécédents
d’IDM, altération de la fonction systolique). Seul un essai randomisé pourrait déterminer quelle est la meilleure stratégie.
Le deuxième tableau clinique est celui d’une indication de pontage aortocoronaire associée à une sténose carotidienne supérieure à 70 %, mais asymptomatique. L’endartériectomie est à
discuter au cas par cas, parce que le risque d’AVC en cas de traitement médical est de 2 % par an, et qu’il diminue à 1 % par an
après la chirurgie, avec un risque d’AVC périopératoire variant
de 3 à 5 %. Ainsi, Gaudino, dans son travail portant sur 139 patients, ne retrouve pas de différence sur la mortalité globale, le
taux d’AVC et le taux de complications majeures postopératoires
entre les deux groupes avec ou sans chirurgie carotidienne.
Concernant le choix de la stratégie chirurgicale, le Dr P. Nataf a rapporté son expérience au Centre cardiologique du Nord, portant sur
822 patients non randomisés, entre 1998 et 2000. Sept cent quatrevingt-sept patients ont bénéficié d’une chirurgie par étapes ou d’un
pontage aortocoronaire isolé, et 35 d’une chirurgie combinée. La mortalité est plus faible en cas de chirurgie combinée (2,9 % versus 4,1 %),
mais au prix d’un taux d’AVC plus élevé (5,7 % versus 2,6 %).
Enfin, en cas de chirurgie complexe carotidienne bilatérale, l’attitude proposée par le Dr Nataf est d’intervenir tout d’abord par une
endartériectomie de la carotide la plus menaçante, puis de réaliser
une chirurgie combinée coronarienne et carotidienne controlatérale.
En pratique, la stratégie chirurgicale est encore peu codifiée et
dépend de l’expérience de l’équipe médicochirurgicale et de l’accès aux techniques de mise en place d’endoprothèses.
S.L.
La Lettre du Cardiologue - n° 394 - avril 2006
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