A B S T R A C T S Résumés de la littérature Comparaison du taux de brain natriuretic peptide (BNP) et de l’examen clinique aux urgences pour diagnostiquer et évaluer la gravité des décompensations cardiaques aiguës ■ Objectifs. Les buts de cette étude ont été de comparer le taux de BNP et l’attitude du clinicien vis-à-vis du diagnostic clinique d’insuffisance cardiaque aiguë, de l’évaluation du degré de sévérité, de la décision d’hospitaliser, et du pronostic. Méthodes. Cet essai multicentrique a été réalisé aux États-Unis dans dix services d’urgences entre juin 2001 et février 2003. Les critères d’inclusion étaient une décompensation cardiaque clinique et un BNP > 100 pg/ml. La valeur du BNP n’était pas communiquée au clinicien. Ce dernier évaluait le degré de gravité de l’état du patient en utilisant la classification NYHA et communiquait sa décision d’hospitaliser ou non le patient. Le suivi était réalisé à 30 et 90 jours, et le critère combiné de jugement était une nouvelle consultation ou hospitalisation pour décompensation cardiaque et/ou toute cause de mortalité. Le BNP a été mesuré par le test “triage BNP” (Biosite Inc). Résultats. Quatre cent soixante-quatre patients ont été inclus dont 46,1 % de femmes et 63,4 % de sujets noirs. L’âge moyen était de 64 ans, et 74,8 % des patients présentaient des crépitants. Des antécédents d’insuffisance cardiaque étaient notés dans 76,5 % des cas, et, dans 42 % des cas, les patients avaient consulté pour cette cause dans les trois mois précédents. Le taux d’hospitalisation était de 90,3 %. Le stade NYHA était évalué pour deux tiers des patients entre III et IV. Trente-six patients (7,8 %) étaient morts au 90e jour. La concentration en BNP n’était pas différente entre les patients hospitalisés et ceux qui ne l’étaient pas (respectivement : 766 versus 976 ; p = 0,6). De plus, il n’y avait aucune corrélation entre le taux de BNP et le stade de NYHA. L’intention, par le clinicien, d’admettre ou non un patient n’avait pas d’influence sur le devenir à 90 jours, alors que le taux de BNP était un facteur prédictif important d’événements à 90 jours. Des patients admis, 11 % avaient un BNP inférieur à 200 pg/ml et 66 % de ces derniers étaient évalués en classe III et IV de la NYHA. À 90 jours, le pourcentage d’événements pour le critère de jugement combiné chez les patients admis avec une concentration de BNP inférieure à 200 pg/ml était de 9 % et de 29 % pour ceux qui avaient une concentration de BNP supérieure à 200 pg/ml. Conclusion. En ce qui concerne les patients qui se présentent aux urgences pour décompensation cardiaque, il n’y a aucune corrélation entre le degré de gravité évalué cliniquement, le pronostic et la concentration en BNP. À l’inverse, le taux de BNP prédit le pronostic à 90 jours. Le dosage du BNP doit aider le clinicien à sélectionner les patients à risque et, donc, permettre de déterminer ceux qui nécessitent une hospitalisation. T. Damy, service de cardiologie 1, hôpital Georges-Pompidou, Paris Primary results of the rapid emergency department heart failure outpatient trial (REDHOT). A Multicenter Study of B-type natriuretic Peptides Levels, Emergency Department Decision Making and Outcomes in Patients Presenting with Shortness of Breath. Maisel A, Hollander JE, Guss D et al. ● J Am Coll Cardiol 2004; 44:1328-33. Les facteurs prédictifs de mortalité des patients en insuffisance cardiaque avec conservation de la fonction systolique ■ Objectifs. Le but de cette étude a été de déterminer les facteurs prédictifs de mortalité des patients en insuffisance cardiaque avec conservation de la fonction systolique. Méthodes. Cette étude multicentrique a été réalisée dans 302 centres hospitaliers en Amérique du Nord parallèlement à l’étude DIG. Les critères d’inclusion étaient : une insuffisance cardiaque “stable”, une fraction d’éjection supérieure à 45 % et un rythme sinusal. L’insuffisance cardiaque était définie cliniquement et radiologiquement. Le critère de jugement était la survenue du décès, toutes causes confondues. Les principaux paramètres testés étaient le taux de filtration glomérulaire (calculé à partir de la créatinine et du Body Mass Index [BMI]), la classification NYHA, le genre, l’âge, les traitements (par diurétique, 6 vasodilatateur, inhibiteur de l’enzyme de conversion, dérivé nitré), la présence d’un diabète, le type de la cardiomyopathie, la fraction d’éjection, la pression artérielle systolique et la kaliémie. Résultats. Neuf cent quatre-vingt-huit patients ont été inclus entre 1991 et 1993, dont 59 % d’hommes. L’âge moyen était de 67 ans. Cinquante-six pour cent des cardiopathies étaient ischémiques et 29 % des sujets étaient diabétiques. La fraction d’éjection moyenne était de 55 ± 8 %. Deux cent trente et un patients décédèrent lors du suivi (3,1 années), soit 23 % de l’effectif total. Les facteurs prédictifs du décès, par l’analyse univariée, étaient : l’âge élevé, la diminution du taux de filtration glomérulaire, la diminution du BMI, les signes fonctionnels, la préLa Lettre du Cardiologue - n° 380 - décembre 2004 A sence d’un diabète et l’utilisation de diurétique ou de dérivé nitré. Le genre, la fraction d’éjection (séparée en quartiles) et l’étiologie n’étaient pas significativement prédictifs du décès. Les facteurs indépendants prédictifs du décès des patients en insuffisance cardiaque avec conservation de la fonction systolique (analyse multivariée, modèle de Cox) étaient : le niveau de filtration glomérulaire (hazard-ratio [HR] : 1,5 ; IC95 : 1,35-1,67 ; p < 0,0001), les classes III et IV de la classification NYHA (HR : 1,64 ; IC95 : 1,2-2,18 ; p = 0,0011), le sexe masculin (HR : 1,71 ; IC95 : 1,26-2,32 ; p = 0,0005), l’âge (HR : 1,28, IC95 : 1,081,5 ; p = 0,0019). Conclusion. La dysfonction diastolique est associée à un taux élevé de mortalité (23 % à 3 ans). Les facteurs prédictifs du décès sont une fonction rénale altérée, l’âge, le sexe masculin et B S T R A C T S des symptômes importants d’insuffisance cardiaque (classe NYHA élevée). Deux limites à cette étude : l’absence de données échocardiographiques concernant la fonction diastolique et l’absence de données sur la prescription de bêtabloquants (en rapport avec l’absence d’indication de ce traitement au moment de l’inclusion). T. Damy, service de cardiologie 1, hôpital Georges-Pompidou, Paris Predictors of mortality in patients with heart failure and preserved systolic function in the digitalis investigation group trial. Jones C, Francis GS, Lauer MS ● J Am Coll Cardiol 2004;44: 1025-9. Faut-il doser le N-terminal BNP (NtBNP) pour les patients ayant un rétrécissement aortique serré ? ■ Les peptides natriurétiques peuvent-ils nous renseigner sur le devenir des patients porteurs d’un rétrécissement aortique (RA) serré ? Les auteurs ont testé deux hypothèses lors d’une étude prospective : les taux plasmatiques de peptides natriurétiques prédisent la survie indemne de symptômes, et – deuxième proposition –, ils prédisent aussi le devenir postopératoire des patients symptomatiques. Des dosages de BNP, NtBNP et NtANP ont été réalisés pour 130 patients ayant un RA serré (gradient moyen 64 mmHg et surface 0,64 cm2 en moyenne). Quatre-vingt-sept patients étaient symptomatiques, et quarante-trois asymptomatiques. La fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) était normale pour tous les sujets asymptomatiques. Les taux de peptides natriurétiques augmentaient avec la classe fonctionnelle NYHA, et ils étaient inversement corrélés à la FEVG. Cependant, des patients asymptomatiques avaient des taux élevés de peptides natriurétiques (BNP > 100 pg/ml et NtBNP > 50 pmol/l pour 47 % d’entre eux). Les patients ont été suivis pendant 377 ± 150 jours. Quatorze patients asymptomatiques sont devenus symptomatiques pendant le suivi. L’apparition de symptômes est survenue pour les patients asymptomatiques ayant des taux initiaux plus élevés de peptides natriurétiques BNP et NtBNP (NtBNP : 131 pmol/l contre 31 pmol/l pour les patients restant asymptomatiques ; p < 0,001). La survie indemne de symptômes à 3, 6, 9 et 12 mois pour les patients ayant un NtBNP < 80 pmol/l a été respectivement de 100 %, 88 %, 88 % et 69 %. Pour les patients ayant un NtBNP ≥ 80 pmol/l, les chiffres sont de 92 %, 58 %, 35 % et 18 % (p < 0,001). En analyse multivariée, le NtBNP (p < 0,05) et la FEVG (p < 0,05) représentent les facteurs prédictifs indépendants de l’absence de symptômes pendant le suivi. Soixante-dix-neuf patients symptomatiques ont eu un remplacement valvulaire aortique : les peptides natriurétiques, la FEVG, la classe fonctionnelle NYHA constituent les facteurs La Lettre du Cardiologue - n° 380 - décembre 2004 préopératoires prédictifs de survie. Les peptides natriurétiques sont des facteurs prédictifs du statut fonctionnel postopératoire, et, avec la FEVG préopératoire, des facteurs prédictifs de la FEVG postopératoire. En analyse multivariée, le NtBNP est le seul facteur prédictif indépendant du devenir de ces patients opérés (pour la survie, p < 0,001). Conclusion. En complément des données cliniques et échocardiographiques, les résultats de cette étude confirment, en présence d’un RA serré, l’intérêt des peptides natriurétiques, et en particulier du NtBNP, pour le devenir, d’une part, des patients asymptomatiques et, d’autre part, des patients symptomatiques opérés. Le NtBNP prédit ici la survie indemne de symptôme des patients ayant un RA serré asymptomatique, et le NtBNP préopératoire est un facteur prédictif indépendant du devenir postopératoire (survie, statut fonctionnel, FEVG) des patients symptomatiques opérés d’un RA. Les auteurs proposent un dosage tous les 6 à 9 mois du NtBNP pour détecter et surveiller particulièrement les candidats à une chirurgie précoce de remplacement valvulaire aortique parmi les sujets asymptomatiques : les patients asymptomatiques ayant un taux de NtBNP < 80 pmol/l (et de BNP < 130 pg/l) ont une faible probabilité de développer des symptômes et de requérir une intervention lors des 6 à 9 mois suivants (environ 10 %). Dr C. Adams, service de cardiologie, CH Argenteuil Natriuretic peptides predict symptom-free survival and postoperative outcome in severe aortic stenosis. Bergler-Klein J, Klaar U, Heger M et al. ● Circulation 2004;109: 2302-8. 7 A B S T R A C T S Flux transmitral triphasique avec remplissage mésodiastolique : un signe évocateur de dysfonction diastolique avancée ■ Point du sujet. Le flux transmitral présente parfois un accident mésodiastolique entre les ondes E et A lui donnant un aspect triphasique (qui doit être distingué de l’aspect triphasique lié à un flux de relaxation isovolumétrique précédant l’onde E). Cet aspect particulier a été rapporté par certains auteurs à une vidange passive du flux des veines pulmonaires en mésodiastole. But. Le but de ce travail a été de préciser le mécanisme et la signification de ce flux mésodiastolique. Patients et méthodes. L’étude a porté sur 35 patients en rythme sinusal ayant un flux transmitral triphasique dû à une onde mésodiastolique de vitesse ≥ 0,2 m/s (moyenne 0,36 ± 0,1 m/s). Résultats. La fréquence cardiaque était inférieure à 65/mn chez tous les patients et était en moyenne de 57 ± 6/mn. Un antécédent d’hypertension artérielle ou d’insuffisance cardiaque était retrouvé chez respectivement 60 % et 51 % des patients. L’index de masse ventriculaire gauche était augmenté dans 71 % des cas. La fraction d’éjection ventriculaire gauche était inférieure à 40 % chez 14 % des patients. Le rapport E/A du flux transmitral était de 1,4 ± 0,6. L’amplitude de l’onde Ea mesurée en Doppler tissulaire au niveau de la partie septale de l’anneau mitral était de 5 ± 2 cm/s. Le rapport E/Ea mitral était supérieur à 15 chez 66 % des patients et supérieur à 10 chez 97 % des patients. La manœuvre de Valsalva permettait de démasquer une anomalie de relaxation sous-jacente chez 15 des 17 patients chez lesquels elle a été réalisée, et l’onde mésodiastolique disparaissait lors de cette manœuvre chez 10 des 17 patients (59 %). Conclusion. L’aspect triphasique du flux transmitral avec remplissage mésodiastolique est associé dans cette étude à une augmentation des pressions de remplissage (élévation du rapport E/Ea), à une anomalie de relaxation (réduction de Ea et anomalie de la manœuvre de Valsalva), et à une bradycardie relative (< 65/mn chez tous les patients). Il témoignerait, selon les auteurs, d’une dysfonction diastolique avancée. On peut regretter l’absence de corrélations avec les méthodes invasives, qui auraient pu conforter les conclusions de cette étude. B. Gallet, service de cardiologie, CH Argenteuil Triphasic mitral inflow velocity with middiastolic filling: clinical implications and associated echocardiographic findings. Ha JW, Oh JK, Redfield MM et al. ● J Am Soc Echocardiogr 2004;17:428-31. Bandeau Aprovel, p. 8