m i s e a u p... RÉSumÉ SUMMARY

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Mise au point
M ise au point
Intérêt du blocage des récepteurs de l’angiotensine II
dans le traitement de l’hypertension artérielle :
analyse des résultats de l’étude VALUE
Interest of angiotensin II receptor blockade in the treatment of hypertension:
analysis of VALUE study results
IP C. Fougerou, E. Bellissant*
 RÉSUMÉ
L’étude VALUE (Valsartan Antihypertensive Long-term Use
Evaluation) a été conçue pour comparer l’efficacité d’un
antagoniste des récepteurs AT1 de l’angiotensine II, le valsartan, à celle d’un antagoniste calcique, l’amlodipine, sur
la prévention des complications cardiovasculaires chez des
hypertendus à risque élevé. Il s’agissait d’un essai prospectif, multicentrique, randomisé, en double aveugle, mené sur
15 245 patients souffrant d’hypertension artérielle essentielle à haut risque de complications cardiovasculaires. Les
traitements (instaurés à la posologie journalière de 80 mg
pour le valsartan et de 5 mg pour l’amlodipine) étaient
administrés selon un schéma à cinq paliers (incluant des
augmentations de doses et l’adjonction d’autres antihypertenseurs), conçu pour atteindre une pression artérielle
systolique/diastolique inférieure à 140/90 mmHg.
La durée moyenne de suivi a été de 4,2 ans. Les deux traitements ont entraîné une baisse de la pression artérielle,
significativement plus importante dans le groupe amlodipine (différence intergroupe : 4,0/2,1 mmHg après un
mois ; 2,1/1,6 mmHg après six mois). La probabilité de survenue d’un premier événement cardiovasculaire n’a pas été
significativement différente entre les deux groupes (10,6 %
versus 10,4 % respectivement dans les groupes valsartan et
amlodipine ; p = 0,49). L’amlodipine a entraîné une réduction de la survenue d’infarctus du myocarde (4,8 % versus
4,1 % ; p = 0,02) et d’accident vasculaire cérébral (4,2 %
versus 3,7 % ; p = 0,08), et le valsartan une réduction de la
survenue de diabète (13,1 % versus 16,4 % ; p < 0,0001).
Cet essai fait ressortir l’importance du contrôle tensionnel
dans la prévention des complications cardiovasculaires des
patients hypertendus à haut risque et confirme l’implication du système rénine-angiotensine dans la physiopathologie du diabète.
Mots-clés : Amlodipine – Essai thérapeutique randomisé –
Hypertension – Morbi-mortalité cardiovasculaire – Valsartan.
 SUMMARY
The VALUE (Valsartan Antihypertensive Long-term Use
Evaluation) study was designed to compare the efficacy of
an angiotensin II AT1 receptor antagonist, valsartan, to that
of a calcium-channel blocker, amlodipine, on the prevention
of cardiovascular complications in hypertensive patients at
high cardiovascular risk. It was a prospective, multicenter,
randomised, double-blind trial, involving 15,245 patients
with essential hypertension and a high risk of cardiac events.
Treatments (started at 80 mg and 5 mg daily doses for valsartan and amlodipine, respectively) were administered using a
5 step plan (including dose increases and addition of other
antihypertensive drugs) designed to reach a systolic/diastolic
blood pressure < 140/90 mmHg.
Mean time of follow-up was 4.2 years. Both treatments reduced blood pressure, but the effects of the amlodipine-based
regimen were significantly more pronounced (inter-group
difference: 4.0/2.1 mmHg after 1 month; 2.1/1.6 mmHg after 6 months). The probability of occurrence of a first cardiac
event was not significantly different between the two groups
(10.6% vs. 10.4% in valsartan and amlodipine groups, respectively; p=0.49). The amlodipine-based regimen reduced more
strongly the incidence of myocardial infarctions (4.8% vs.
4.1%; p=0.02) and of strokes (4.2% vs. 3.7%; p=0.08) and the
valsartan-based regimen reduced more strongly the incidence
of new-onset diabetes (13.1% vs. 16.4%; p<0.0001).
This study emphasizes the importance of blood pressure control
in the prevention of cardiovascular complications in hypertensive
patients at high cardiovascular risk and confirms the role of the
renin-angiotensin system in the physiopathology of diabetes.
Keywords: Amlodipine – Cardiovascular morbidity and mortality – Hypertension – Randomized clinical trial – Valsartan.
* Centre d’investigation clinique INSERM 0203, unité de pharmacologie clinique, CHU de Rennes,
hôpital de Pontchaillou, 35033 Rennes Cedex ; laboratoire de pharmacologie expérimentale et
clinique, faculté de médecine, université de Rennes 1, 35043 Rennes Cedex.
© La Lettre du Pharmacologue 2007; 21(3):59-63.
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D
es bénéfices substantiels en termes de prévention de la
morbidité et de la mortalité cardiovasculaires dans les
populations à haut risque ont été rapportés avec différentes classes d’antihypertenseurs. L’analyse de grands essais
cliniques a ainsi mis en évidence des réductions d’incidence d’environ 30 % pour les accidents vasculaires cérébraux (AVC) et 20 %
pour les coronaropathies et les événements cardiaques majeurs
avec les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC), et d’environ
40 % pour les accidents vasculaires cérébraux et 30 % pour les
événements cardiaques majeurs avec les antagonistes calciques
(1). Parallèlement, le rôle important de l’angiotensine II dans la
physiopathologie de l’hypertension artérielle et de ses complications a été démontré avec son identification comme facteur de
risque indépendant dans la survenue d’une hypertrophie ventriculaire gauche, d’une hypertrophie vasculaire ou d’une insuffisance cardiaque congestive (2-4). Les médicaments agissant sur
le système rénine-angiotensine-aldostérone, comme les IEC ou
les antagonistes des récepteurs AT1 de l’angioten­sine II (ARAII),
pourraient donc présenter un avantage spécifique par rapport
aux autres classes d’antihypertenseurs en termes de prévention
des complications cardiovasculaires de l’HTA. L’essai VALUE
(Valsartan Antihypertensive Long-term Use Evaluation) [5, 6] a été
mis en place afin de tester cette hypothèse. Le valsartan, ARAII,
a été comparé à l’amlodipine, inhibiteur calcique ayant démontré
son efficacité dans le traitement de l’hypertension mais ne possédant pas de propriétés cardioprotectrices spécifiques (7).
MéTHODOLOGIE
Objectif
L’étude VALUE avait pour objectif principal de comparer les
effets de protocoles thérapeutiques fondés sur du valsartan ou de
l’amlodipine sur la morbi-mortalité cardiaque chez des patients
souffrant d’hypertension artérielle essentielle à haut risque
cardiovasculaire. L’hypothèse était que, pour un même niveau
de contrôle tensionnel, le traitement par le valsartan aurait une
efficacité supérieure au traitement par l’amlodipine en raison
du blocage des effets délétères cardiaques et vasculaires de l’angiotensine II.
Plan expérimental
Il s’agissait d’un essai prospectif, multicentrique (934 centres
dans 31 pays), contrôlé, randomisé, en double aveugle, sur deux
groupes parallèles.
Critères de sélection
Les patients inclus devaient être âgés de 50 ans ou plus, atteints
d’hypertension artérielle, traitée ou non (pour les patients non
traités, l’hypertension artérielle était définie par une tension
systolique comprise entre 160 et 210 mmHg et une tension
diastolique inférieure à 115 mmHg ; pour les patients traités,
les limites supérieures étaient de 210 pour la systolique et/ou
de 115 mmHg pour la diastolique), et présenter une combinaison prédéterminée de facteurs de risques et/ou de pathoLa Lettre du Cardiologue - n° 412 - février 2008
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logies associées définissant un risque élevé de complications
cardiovasculaires (5).
Cette combinaison dépendait de l’âge et du sexe des patients
(tableau I).
Tableau I. Nombre de facteurs de risque et/ou de pathologies associées
requis pour l’inclusion, en fonction du sexe et de l’âge des patients.
Patients
Mise au point
M ise au point
Combinaison de risque
Homme âgé de 50 à 59 ans
Au moins trois facteurs de risque
ou une pathologie associée
Femme âgée de 50 à 59 ans
Au moins deux facteurs de risque
et une pathologie associée
Homme ou femme âgé de 60 à 69 ans
Au moins deux facteurs de risque
ou une pathologie associée
Homme ou femme âgé de 70 ans et plus
Au moins un facteur de risque
ou une pathologie associée
Les facteurs de risque et pathologies associées retenus sont
présentés dans le tableau II.
Tableau II. Liste des facteurs de risque et pathologies associées potentiellement retenus à l’inclusion.
Facteurs de risque
Diabète
Tabagisme
Hypercholestérolémie
Hypertrophie ventriculaire gauche
à l’ECG sans signes de surcharge
Protéinurie à la bandelette
Créatininémie entre 150 et 265
Pathologies associées
Antécédent d’infarctus du myocarde
Antécédent d’accident vasculaire
cérébral
Pathologie vasculaire périphérique
Hypertrophie ventriculaire gauche
à l’ECG avec signes de surcharge
Les patients ne pouvaient pas être inclus en cas de sténose de l’artère
rénale, de grossesse, d’infarctus aigu du myocarde ou d’angioplastie
coronaire ou de pontage coronarien de moins de 3 mois, de pathologie valvulaire symptomatique, d’accident vasculaire cérébral
de moins de 3 mois, d’insuffisance hépatique ou rénale sévère,
d’insuffisance cardiaque congestive nécessitant un traitement par
IEC, de traitement par bêtabloquant en monothérapie pour une
maladie coronarienne associée à l’hypertension artérielle.
Randomisation
La randomisation était centralisée et avait lieu immédiatement
avant le début du traitement. Si les patients recevaient un traitement antihypertenseur avant l’inclusion, celui-ci était arrêté et
immédiatement remplacé par le traitement tiré au sort.
Traitements
Les patients recevaient un des deux traitements de l’étude,
valsartan ou amlodipine, instaurés respectivement à la posologie
de 80 mg x 1/j et de 5 mg x 1/j.
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Mise au point
M ise au point
Un schéma d’augmentation des doses et/ou d’adjonction d’un
traitement additionnel était ensuite, si nécessaire, mis en
œuvre (les quatre premiers paliers durant chacun un mois)
afin d’obtenir une pression artérielle systolique/diastolique
inférieure à 140/90 mmHg : la dose du traitement était tout
d’abord augmentée (respectivement à 160 mg ou à 10 mg), puis
de l’hydrochlorothiazide était ajouté en ouvert à 12,5 mg, puis
à 25 mg. D’autres antihypertenseurs pouvaient ensuite être
administrés pour permettre d’atteindre le contrôle tensionnel,
à l’exception des ARAII. Les IEC et les antagonistes calciques
étaient autorisés uniquement dans une indication clinique autre
que l’hypertension artérielle.
Les patients étaient revus tous les mois jusqu’à obtention de la
tension artérielle cible, puis régulièrement pendant 4 à 6 ans.
Critères de jugement
Le critère principal de jugement était le délai de survenue du
premier événement cardiaque (critère composite regroupant la
mort subite cardiaque, l’infarctus du myocarde fatal, le décès
pendant ou après une intervention coronaire percutanée ou un
pontage coronaire, le décès dû à une insuffisance cardiaque et
celui associé à un infarctus récent d’après l’autopsie, une insuffisance cardiaque nécessitant une hospitalisation, un infarctus
du myocarde non fatal, ou des mesures d’urgence pour prévenir
la survenue d’un infarctus du myocarde).
Les critères secondaires étaient la survenue d’un infarctus du
myocarde, fatal ou non, d’une insuffisance cardiaque, fatale ou
non, d’un AVC, fatal ou non, d’un décès, quelle qu’en soit la
cause. La survenue d’un diabète de novo, non présentée dans
la publication méthodologique initiale (5), apparaît comme un
critère secondaire dans la publication finale (5, 6).
Nombre de sujets nécessaire
Le nombre de sujets nécessaire avait été estimé à 14 400,
en estimant que le taux d’événements cardiovasculaires à
5 ans dans le groupe amlodipine serait égal à 12,5 % et que
le valsartan permettrait une réduction de 15 % de ce taux
(c’est-à-dire l’obtention d’un taux de 10,6 %). Cet effectif
devait permettre d’observer 1 450 événements, garantissant
ainsi une puissance de 90 % dans un test bilatéral réalisé avec
un risque alpha de 5 %.
Analyse statistique
L’analyse des données, réalisée en intention de traiter, était
effectuée avec les tests usuels. L’analyse de la tolérance prenait
en compte tous les patients ayant reçu au moins une dose du
traitement de l’étude.
RéSULTATS
Caractéristiques de la population incluse
Sur 18 124 patients évalués pour éligibilité, 15 313 ont été randomisés et 15 245 ont été analysés en intention de traiter (7 649 dans
le groupe valsartan et 7 596 dans le groupe ­amlodipine). Les deux
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groupes étaient comparables à l’inclusion pour les principales
variables étudiées, en particulier pour les caractéristiques
générales, la sévérité de l’hypertension, la prise d’un traitement
antihypertenseur à l’inclusion et la prévalence des pathologies
cardiovasculaires préexistantes.
Parmi les patients, 92,7 % et 92,0 % dans les groupes valsartan
et amlodipine, respectivement, étaient déjà traités pour leur
hypertension, la plupart par une bithérapie (un IEC était prescrit
chez 41,3 % et 41,4 % des patients, un antagoniste calcique chez
41,7 % et 40,2 % des patients et un bêtabloquant chez 32,7 % et
33,7 % des patients des groupes valsartan et amlodipine).
Traitements
Le temps moyen d’exposition au traitement était strictement
identique dans les deux groupes (3,6 ans). Le traitement administré à la survenue du premier événement ou à la fin de l’essai
est présenté dans le tableau III.
Tableau III. Traitement administré à la survenue du premier événement ou à la fin de l’essai en cas d’absence d’événement.
Valsartan
(n = 7 649)
Amlodipine
(n = 7 596)
Valsartan (80 ou 160 mg) ou amlodipine
(5 ou 10 mg) seuls
2 065 (27,0
%)
2 688 (35,4
%)
Valsartan (80 ou 160 mg) ou amlodipine
(5 ou 10 mg) + hydrochlorothiazide
1 878 (24,6
%)
1 810 (23,8
%)
Autres associations ou traitements
1 758 (23,0
%)
1 279 (16,8
%)
Traitement non pris conformément
au protocole (arrêt, traitement inconnu, etc.)
1 948 (25,5
%)
1 819 (23,9
%)
Traitement
Résultat sur le critère principal
À la fin de l’essai, la diminution de la pression artérielle systolique/diastolique par rapport aux valeurs à l’inclusion était de
15,2/8,2 et 17,3/9,9 mmHg dans les groupes valsartan et amlodipine respectivement. La différence observée entre les deux
groupes était significative (p < 0,0001). En fait, la différence de
pression artérielle entre les groupes était significative tout au
long de l’essai, avec un écart maximal dans les premiers mois
(figure 1). Le contrôle tensionnel (systolique/diastolique inférieur à 140/90 mmHg) était obtenu chez 4 274 patients (56 %)
du groupe valsartan et chez 4 694 patients (62 %) du groupe
amlodipine.
Concernant la fréquence de survenue d’un premier événement
cardiaque, il n’apparaissait pas de différence entre les deux
groupes (10,6 % versus 10,4 % dans les groupes valsartan et
amlodipine respectivement). Les distributions de Kaplan-Meier
pour le critère principal ne montraient pas plus de différence
entre les groupes (hazard-ratio = 1,03, IC95 [0,94-1,14] ; p = 0,49)
[figure 2].
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160
155
150
145
140
Protocole à base de valsartan
Protocole à base d'amlodipine
Les deux stratégies thérapeutiques ont été bien tolérées, avec peu
d’événements indésirables graves. L’événement indésirable le plus
fréquent, la survenue d’œdèmes périphériques, a été rapporté
deux fois plus souvent dans le groupe amlodipine (32,9 %) que
dans le groupe valsartan (14,9 % ; p < 0,0001). En revanche, la
survenue de vertiges (16,5 % versus 14,3 % ; p < 0,0001) et de
céphalées (14,7 % versus 12,5 % ; p < 0,0001) a été plus fréquente
dans le groupe valsartan que dans le groupe amlodipine.
Protocole à base de valsartan
Protocole à base d'amlodipine
DISCUSSION
PA systolique moyenne
135
mmHg
90
PA diastolique moyenne
85
80
75
mmHg
4
3
Différence des moyennes
2
PA systolique
PA diastolique
1
0
0
6
12
18
24
30 36 42
Temps (mois)
48
54
60
66
Proportion de patients avec un premier événement (%)
Figure 1. Pression artérielle systolique et diastolique et différence
(valsartan-amlodipine) entre les deux groupes de traitement
pendant les 66 mois de suivi. (D’après Julius S et al. Lancet
2004;363:2022-31).
14
Protocole à base de valsartan
Protocole à base d'amlodipine
12
10
8
6
4
2
0
RR = 1,03 ; IC95 [0,94-1,14] ; p = 0,49
0
6
12 18 24 30 36 42 48 54 60 66
Temps (mois)
Figure 2. Distributions de Kaplan-Meier pour le critère principal
composite. (D’après Julius S et al. Lancet 2004;363:2022-31).
Critères secondaires et tolérance des traitements
L’amlodipine a entraîné une réduction de la probabilité de
survenue d’infarctus du myocarde (4,8 % versus 4,1 % ; p = 0,02)
et d’accident vasculaire cérébral (4,2 % versus 3,7 % ; p = 0,08),
et le valsartan une réduction de la probabilité de survenue
de diabète (13,1 % versus 16,4 % ; p < 0,0001).
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mmHg
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L’étude VALUE devait apporter des données importantes pour
optimiser la prise en charge des patients hypertendus avec un
risque cardiovasculaire élevé. Son intérêt reposait a priori sur :
✓ le nombre important de sujets inclus, déterminé sur des hypothèses solides et garantissant une bonne puissance statistique ;
✓ la pertinence de son critère de jugement : la morbi-mortalité
cardiovasculaire ;
✓ la qualité des données issues d’un grand nombre de centres
de nombreux pays différents, avec très peu de perdus de vue et
un suivi prolongé des patients.
Il s’agissait également d’un essai présentant un enjeu important
pour les ARAII dans le traitement de l’hypertension artérielle,
dans la mesure où plusieurs études peu convaincantes pour cette
classe de médicaments avaient été publiées dans différentes indications. Deux études (8, 9) avaient en effet évalué l’efficacité du
valsartan chez les patients en insuffisance cardiaque congestive
en comparaison à un placebo (Val-HeFT) ou chez les patients
présentant un infarctus compliqué d’une dysfonction ventriculaire gauche en comparaison à un IEC (VALIANT). Aucune de
ces deux études n’avait montré de supériorité du valsartan sur des
critères de morbi-mortalité. De même, l’étude SCOPE (10), qui
comparait le candésartan à un placebo chez des patients hypertendus âgés (70-89 ans), n’avait pas montré de supériorité du
candésartan (un traitement antihypertenseur associé en ouvert
était autorisé) sur la survenue d’événements cardiovasculaires.
Seule l’étude LIFE (11), qui comparait le losartan à l’aténolol chez
des patients hypertendus avec une HVG sur le même critère de
morbi-mortalité cardiovasculaire, avait montré une efficacité
significative du losartan, mais le choix de l’aténolol comme
comparateur avait été discuté (12, 13).
Population étudiée et traitement administré
La population étudiée est une cohorte de malades gravement
atteints, avec au moins un facteur de risque associé à une HTA de
grade 2 chez les patients non traités (tension artérielle systolique
supérieure ou égale à 160 mmHg) [14-16]. Cependant, si les
pathologies associées à l’inclusion sont présentées dans l’article,
la distribution des différents facteurs de risque à l’inclusion
n’est pas décrite. Le taux de patients diabétiques dans les deux
groupes aurait été particulièrement intéressant dans la mesure
où il est recommandé une baisse tensionnelle plus importante
dans cette population avec des seuils à 130/80 mmHg (15).
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Baisse tensionnelle
et morbi-mortalité cardiovasculaire
Le résultat principal, relatif aux événements cardiaques, n’a pas
été différent entre les deux groupes de traitement. Si l’hypothèse de départ est exacte, les réductions inégales de la pression
artérielle pourraient expliquer cette observation.
L’analyse détaillée des résultats de l’étude VALUE montre que,
dans les six premiers mois de traitement, la baisse tensionnelle
est significativement plus importante dans le groupe amlodipine
et que cette différence s’accompagne d’une diminution plus
ou moins marquée de tous les événements cardiovasculaires
(morbi-mortalité cardiaque, infarctus du myocarde, accident
vasculaire cérébral, mortalité globale) ; cette différence s’estompe
par la suite mais reste significative.
Ces résultats corroborent les recommandations de la Société
européenne de cardiologie (14), qui insiste sur la nécessité d’une
baisse tensionnelle maximale et précoce et d’un bon contrôle de
la pression artérielle moyenne dans la prévention des complications cardiovasculaires. Les pratiques vont aujourd’hui dans
ce sens, avec notamment l’approbation par la Food and Drug
Administration d’une posologie de valsartan de 160 mg x 2/j
dans l’hypertension artérielle.
Diminution de l’incidence du diabète
Les auteurs de l’article font ressortir une diminution d’incidence
du diabète de novo dans le groupe valsartan. Ce critère, non
prévu à la planification (5), avait été ajouté par le comité de pilotage en janvier 2002, soit plus de 4 ans après le début de l’essai
(17). Ce résultat a été retrouvé dans d’autres essais (18, 19). Il a
fait l’objet d’une méta-analyse sur dix essais randomisés ayant
étudié les effets d’une inhibition du système rénine-angiotensine
chez des patients hypertendus ou insuffisants cardiaques (20).
L’analyse montrait une réduction du risque relatif de nouveaux
cas de diabète de type 2 chez les patients traités par IEC ou
ARAII de 22 % (p < 0,00001). Il faut cependant noter que, dans
chacun de ces essais, l’incidence du diabète constituait un critère
secondaire ou était évaluée lors d’une analyse post-hoc. D’autres
essais ont donc été conçus pour étudier les implications ­cliniques
et les bénéfices à long terme de ces observations (19). Les résultats de l’essai DREAM (Diabetes REduction Approaches with
ramipril and rosiglitazone Medications) [21, 22] ne retrouvent
pas de diminution de l’incidence du diabète (analysé comme
critère principal) sur une population de patients présentant une
hyperglycémie à jeun ou une intolérance au glucose et traités par
ramipril. D’autres études sont donc nécessaires pour décrire le
rôle du système rénine-angiotensine dans les mécanismes de la
tolérance au glucose et de la sensibilité à l’insuline.
CONCLUSION
L’essai VALUE n’a pas validé l’hypothèse d’une efficacité supérieure du valsartan par rapport à l’amlodipine sur la réduction
de la survenue d’événements cardiovasculaires chez les patients
hypertendus à haut risque. Cependant, ses résultats ont permis
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de montrer l’importance d’un contrôle strict de la pression artérielle et d’une baisse tensionnelle rapide après instauration d’un
traitement antihypertenseur.
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La Lettre du Cardiologue - n° 412 - février 2008
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