CONGRÈS RÉUNION Cœur et diabète : flore intestinale et grandes études Paris, 15 et 16 février 2013 L. Potier* L’édition 2013 du congrès Cœur et Diabète, organisé cette année encore par le Pr Bernard Charbonnel et le Pr Michel Komajda, a eu lieu les 15 et 16 février derniers à Paris. Cette 8e édition a connu encore une fois un franc succès. C’est en effet une occasion unique de rassembler diabétologues et cardiologues autour de sujets communs pour échanger points de vue et connaissances. Le succès de la manifestation démontre l’intérêt de chacun pour la prise en charge cardiovasculaire du patient diabétique. Des conférenciers renommés ont ainsi débattu de nombreuses questions pratiques que chacun d’entre nous se pose au quotidien. Il a été abordé, entre autres, le rôle de la flore intestinale, qui pourrait expliquer le lien entre alimentation et risque cardiométabolique. Un tour d’horizon des grandes études dans le domaine cardiométabolique a également été envisagé durant ce congrès. Alimentation, flore intestinale et risque cardiométabolique D’après la communication du Pr Karine Clément, Paris Il existe de façon claire et évidente un lien entre la biologie du vivant et les facteurs environnementaux qui interagissent avec le métabolisme des individus. Cela est particulièrement vrai pour des pathologies comme le diabète et les dyslipidémies. Ces 10 dernières années ont vu émerger un nouveau paradigme des relations environnement/individu : le rôle majeur de la flore intestinale. Cette dernière, également appelée “microbiote”, est composée de près de 100 000 milliards de bactéries par individu, correspondant à des centaines d’espèces bactériennes différentes. Ce microbiote a une activité métabolique aussi importante que celle du foie et joue un rôle majeur dans la régulation de notre métabolisme. En effet, il existe des interactions fortes entre notre microbiote et le bol alimentaire, celui-ci permettant la fermentation de la partie non digérée et la détoxification de certains composés nocifs. Il existe également une interaction entre notre microbiote et nos cellules, notamment par le biais de la stimulation du système immunitaire. Les bactéries qui composent le microbiote appartiennent à 3 grandes superfamilles (les phyla bactériens majeurs) : Bacteroidetes, Actinobacteria, Firmicutes. Ces bactéries étant non cultivables, c’est le séquençage ADN du microbiote recueilli dans les selles qui permet de différencier la proportion de chaque phyla. On parle ainsi de notre “autre génome” (1). Ce séquençage a ainsi permis de montrer que la proportion de chaque phyla varie selon la présence d’une pathologie métabolique (obésité, diabète). De même, les bactéries intestinales ont un effet sur le métabolisme lipidique, le niveau de cholestérol sanguin étant corrélé à la capacité du microbiote à métaboliser les lipides d’origine alimentaire. D’autres arguments permettent également d’établir un lien entre le risque cardiovasculaire et le microbiote, celui-ci étant modifié chez les coronariens. Cependant, l’obésité est la pathologie pour laquelle les arguments en faveur d’un rôle majeur du microbiote sont les plus forts. En effet, la composition de la flore varie énormément avec le poids. La richesse bactérienne est beaucoup plus faible chez les sujets obèses. De plus, lors de l’obésité, on observe, au-delà de la modification des espèces, une modification des grandes fonctions bactériennes composant la flore intestinale. Cependant, malgré de nombreuses hypothèses sur la causalité entre microbiote et obésité, notamment le rôle majeur de l’inflammation, celle-ci reste encore à démontrer. Cela passera peut-être par la fécalothérapie qui consiste à transférer le microbiote d’un sujet sain vers un patient obèse et dont plusieurs essais ont déjà été mis en place (2). * Service d’endocrinologie, diabétologie et nutrition, hôpital BichatClaude-Bernard, Paris. La Lettre du Cardiologue • n° 464-465 - avril-mai 2013 | 27 CONGRÈS RÉUNION Les points forts de 2012 D’après la communication du Pr Michel Komajda, Paris Dans cette session, un des organisateurs du congrès, le Pr Komajda, a proposé une synthèse des nouveautés parues dans les domaines cardiaque et diabétologique en 2012. Le double blocage du SRA chez les patients diabétiques L’intérêt d’un double blocage du système rénine angiotensine (SRA) a encore été abordé en 2012. On se rappelle que l’étude ONTARGET, publiée initialement en 2008 (3), avait étudié l’effet d’un traitement par ramipril ou telmisartan ou la combinaison des 2, chez 8 600 patients, dont 37 % de diabétiques, avec comme critère principal les décès d’origine cardiovasculaire, les infarctus du myocarde, les accidents vasculaires cérébraux ou les hospitalisations pour insuffisance cardiaque. Aucune différence n’a été observée entre les groupes sur ce critère composite dans la population totale et dans le sous-groupe des diabétiques. De plus, le groupe traitement combiné présentait plus d’effets indésirables (hypotension, syncope, augmentation de la créatinine). Malgré ces résultats plutôt décevants sur l’intérêt d’un double blocage du SRA, l’étude ALTITUDE avait pour but de montrer l’effet d’un traitement combiné, aliskirène (inhibiteur de rénine) et IEC ou ARAII, sur les événements cardiovasculaires et rénaux chez 8 561 patients diabétiques de type 2 avec atteinte rénale et/ou cardiovasculaire (4). Après 32,9 mois de suivi, l’étude a été arrêtée prématurément du fait d’une tendance à l’augmentation des événements dans le groupe traitement combiné (18,3 versus 17,1 %, HR = 1,08 ; IC95 : 0,98-1,20 ; p = 0,12). De même, les épisodes d’hyperkaliémie et d’hypotension ont été significativement plus importants dans le groupe aliskirène. Les arguments s’accumulent donc pour l’absence d’intérêt (voire un surrisque) du double blocage du SRA chez les patients diabétiques. Étude FREEDOM L’autre grande étude de 2012 a été l’étude FREEDOM (5), qui a comparé l’effet du type de revascularisation coronaire (angioplastie et stent versus pontage chirurgical) sur les événements cardiovasculaires (critère composite de décès toute cause, d’infarctus non fatal ou d’AVC non fatal) chez 1 900 diabétiques avec lésions coronariennes multiples (plus de 2 territoires atteints). Après un suivi moyen de 3,8 ans, le critère primaire était plus fréquemment observé, et ce de façon significative, dans le groupe angioplastie. Le bénéfice du pontage était particulièrement marqué sur le risque d’infarctus du myocarde et de décès toute cause. Seul l’AVC apparaissait plus fréquent dans le groupe pontage. Le bénéfice du pontage par rapport à la revascularisation percutanée sur les événements cardiovasculaires n’est pas observé 30 jours après la revascularisation mais seulement 1 an après, alors que le risque de deuxième procédure est significativement diminué dès 30 jours dans le groupe pontage. Ces résultats confirment donc les résultats de BARI-2D (6) et font du pontage aortocoronarien le traitement de revascularisation coronaire de référence chez les patients diabétiques bi- ou tritronculaires. ■ Références bibliographiques 1. Qin J, Li R, Raes J et al. A human gut microbial gene catalogue established by metagenomic sequencing. Nature 2010;464(7285):59-65. 2. Floch MH. The power of poop: probiotics and fecal microbial transplant. J Clin Gastroenterol 2012;46(8):625-6. 3. ONTARGET Investigators, Yusuf S, Teo KK, Pogue J et al. Telmisartan, ramipril, or both in patients at high risk for vascular events. N Engl J Med 2008;358(15):1547-59. 4. Parving HH, Brenner BM, McMurray JJ et al. Cardiorenal end points in a trial of aliskiren for type 2 diabetes. N Engl J Med 2012;367(23):2204-13. 28 | La Lettre du Cardiologue • n° 464-465 - avril-mai 2013 5. Farkouh ME, Domanski M, Sleeper LA et al. Strategies for multivessel revascularization in patients with diabetes. N Engl J Med 2012;367(25):2375-84. 6. BARI 2D Study Group, Frye RL, August P, Brooks MM et al. A randomized trial of therapies for type 2 diabetes and coronary artery disease. N Engl J Med 2009;360(24):2503-15.