Cœur et diabète : flore intestinale et grandes études CONGRÈS RÉUNION

La Lettre du Cardiologue n° 464-465 - avril-mai 2013 | 27
CONGRÈS
RÉUNION
Lédition 2013 du congrès Cœur et Diabète, organisé cette année encore par le Pr Bernard Charbonnel et le Pr Michel
Komajda, a eu lieu les 15 et 16 février derniers à Paris. Cette 8e édition a connu encore une fois un franc succès.
C’est en effet une occasion unique de rassembler diabétologues et cardiologues autour de sujets communs
pour échanger points de vue et connaissances. Le succès de la manifestation démontre l’intérêt de chacun pour
la prise en charge cardiovasculaire du patient diabétique. Des conférenciers renommés ont ainsi débattu de
nombreuses questions pratiques que chacun d’entre nous se pose au quotidien. Il a été abordé, entre autres, le
rôle de la flore intestinale, qui pourrait expliquer le lien entre alimentation et risque cardiométabolique. Un tour
d’horizon des grandes études dans le domaine cardiométabolique a également été envisagé durant ce congrès.
Cœur et diabète : flore
intestinale et grandes études
Paris, 15 et 16 février 2013
L. Potier*
* Service d’endocrinologie, diabé-
tologie et nutrition, hôpital Bichat-
Claude-Bernard, Paris.
Alimentation, flore intestinale
et risque cardiométabolique
D’après la communication du Pr Karine Clément,
Paris
Il existe de façon claire et évidente un lien entre la
biologie du vivant et les facteurs environnementaux
qui interagissent avec le métabolisme des individus.
Cela est particulièrement vrai pour des patholo-
gies comme le diabète et les dyslipidémies. Ces
10 dernières années ont vu émerger un nouveau
paradigme des relations environnement/individu :
le rôle majeur de la flore intestinale. Cette dernière,
également appelée “microbiote”, est composée de
près de 100 000 milliards de bactéries par individu,
correspondant à des centaines d’espèces bacté-
riennes différentes. Ce microbiote a une activité
métabolique aussi importante que celle du foie
et joue un rôle majeur dans la régulation de notre
métabolisme. En effet, il existe des interactions
fortes entre notre microbiote et le bol alimentaire,
celui-ci permettant la fermentation de la partie non
digérée et la détoxification de certains composés
nocifs. Il existe également une interaction entre
notre microbiote et nos cellules, notamment par le
biais de la stimulation du système immunitaire. Les
bactéries qui composent le microbiote appartiennent
à 3 grandes superfamilles (les phyla bactériens
majeurs) : Bacteroidetes, Actinobacteria, Firmicutes.
Ces bactéries étant non cultivables, c’est le séquen-
çage ADN du microbiote recueilli dans les selles
qui permet de différencier la proportion de chaque
phyla. On parle ainsi de notre “autre génome” (1).
Ce séquençage a ainsi permis de montrer que la
proportion de chaque phyla varie selon la présence
d’une pathologie métabolique (obésité, diabète).
De même, les bactéries intestinales ont un effet sur
le métabolisme lipidique, le niveau de cholestérol
sanguin étant corrélé à la capacité du microbiote à
métaboliser les lipides d’origine alimentaire. D’autres
arguments permettent également d’établir un lien
entre le risque cardiovasculaire et le microbiote,
celui-ci étant modifié chez les coronariens. Cepen-
dant, l’obésité est la pathologie pour laquelle les
arguments en faveur d’un rôle majeur du microbiote
sont les plus forts. En effet, la composition de la
flore varie énormément avec le poids. La richesse
bactérienne est beaucoup plus faible chez les sujets
obèses. De plus, lors de l’obésité, on observe, au-delà
de la modification des espèces, une modification des
grandes fonctions bactériennes composant la flore
intestinale. Cependant, malgré de nombreuses hypo-
thèses sur la causalité entre microbiote et obésité,
notamment le rôle majeur de l’inflammation, celle-ci
reste encore à démontrer. Cela passera peut-être
par la fécalothérapie qui consiste à transférer le
microbiote d’un sujet sain vers un patient obèse et
dont plusieurs essais ont déjà été mis en place (2).
CROISES
28 | La Lettre du Cardiologue n° 464-465 - avril-mai 2013
CONGRÈS
RÉUNION
Les points forts de 2012
D’après la communication du Pr Michel Komajda,
Paris
Dans cette session, un des organisateurs du
congrès, le Pr Komajda, a proposé une synthèse des
nouveautés parues dans les domaines cardiaque et
diabétologique en 2012.
Le double blocage du SRA
chez les patients diabétiques
L’intérêt d’un double blocage du système rénine
angiotensine (SRA) a encore été abordé en 2012. On
se rappelle que l’étude ONTARGET, publiée initiale-
ment en 2008 (3), avait étudié l’effet d’un traitement
par ramipril ou telmisartan ou la combinaison des 2,
chez 8 600 patients, dont 37 % de diabétiques, avec
comme critère principal les décès d’origine cardio-
vasculaire, les infarctus du myocarde, les accidents
vasculaires cérébraux ou les hospitalisations pour
insuffisance cardiaque. Aucune différence n’a été
observée entre les groupes sur ce critère composite
dans la population totale et dans le sous-groupe des
diabétiques. De plus, le groupe traitement combiné
présentait plus d’effets indésirables (hypotension,
syncope, augmentation de la créatinine). Malgré ces
résultats plutôt décevants sur l’intérêt d’un double
blocage du SRA, l’étude ALTITUDE avait pour but
de montrer l’effet d’un traitement combiné, aliski-
rène (inhibiteur de rénine) et IEC ou ARAII, sur les
événements cardiovasculaires et rénaux chez 8 561
patients diabétiques de type 2 avec atteinte rénale
et/ou cardiovasculaire (4). Après 32,9 mois de suivi,
l’étude a été arrêtée prématurément du fait d’une
tendance à l’augmentation des événements dans
le groupe traitement combiné (18,3 versus 17,1 %,
HR = 1,08 ; IC
95
: 0,98-1,20 ; p = 0,12). De même, les
épisodes d’hyperkaliémie et d’hypotension ont été
significativement plus importants dans le groupe
aliskirène. Les arguments s’accumulent donc pour
l’absence d’intérêt (voire un surrisque) du double
blocage du SRA chez les patients diabétiques.
Étude FREEDOM
L’autre grande étude de 2012 a été l’étude
FREEDOM (5), qui a comparé l’effet du type de
revascularisation coronaire (angioplastie et stent
versus pontage chirurgical) sur les événements
cardiovasculaires (critère composite de décès toute
cause, d’infarctus non fatal ou d’AVC non fatal)
chez 1 900 diabétiques avec lésions coronariennes
multiples (plus de 2 territoires atteints). Après un
suivi moyen de 3,8 ans, le critère primaire était plus
fréquemment observé, et ce de façon significative,
dans le groupe angioplastie. Le bénéfice du pontage
était particulièrement marqué sur le risque d’infarctus
du myocarde et de décès toute cause. Seul l’AVC
apparaissait plus fréquent dans le groupe pontage. Le
bénéfice du pontage par rapport à la revascularisation
percutanée sur les événements cardiovasculaires n’est
pas observé 30 jours après la revascularisation mais
seulement 1 an après, alors que le risque de deuxième
procédure est significativement diminué dès 30 jours
dans le groupe pontage. Ces résultats confirment
donc les résultats de BARI-2D (6) et font du pontage
aortocoronarien le traitement de revascularisation
coronaire de référence chez les patients diabétiques
bi- ou tritronculaires.
1. Qin J, Li R, Raes J et al. A human gut microbial gene
catalogue established by metagenomic sequencing. Nature
2010;464(7285):59-65.
2. Floch MH. The power of poop: probiotics and fecal micro-
bial transplant. J Clin Gastroenterol 2012;46(8):625-6.
3. ONTARGET Investigators, Yusuf S, Teo KK, Pogue J et
al. Telmisartan, ramipril, or both in patients at high risk for
vascular events. N Engl J Med 2008;358(15):1547-59.
4. Parving HH, Brenner BM, McMurray JJ et al. Cardiorenal
end points in a trial of aliskiren for type 2 diabetes. N Engl
J Med 2012;367(23):2204-13.
5. Farkouh ME, Domanski M, Sleeper LA et al. Strategies
for multivessel revascularization in patients with diabetes.
N Engl J Med 2012;367(25):2375-84.
6. BARI 2D Study Group, Frye RL, August P, Brooks MM et al.
A randomized trial of therapies for type 2 diabetes and coro-
nary artery disease. N Engl J Med 2009;360(24):2503-15.
Références bibliographiques
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