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La goutte qui fait
déborder le verre
Les employeurs doivent-ils se mêler des problèmes d’alcoo-
lisme ? La réponse est claire : oui ! Dans le cadre de la
législation sur le bien-être des travailleurs, ils ont le devoir de
prendre les mesures nécessaires pour prévenir et limiter une
série de risques au travail. L’alcool, qui peut être à l’origine
d’accidents ou de conflits, constitue naturellement un facteur
de risque. Le pouvoir de l’employeur n’est cependant pas
absolu : il ne peut empiéter sur la vie privée des travailleurs.
A la Province, la prévention de l’alcoolisme fait l’objet d’une
circulaire de 2004. Elle vise à préserver l’intérêt de l’agent
mais aussi celui des services tout en mettant l’accent sur l’as-
pect psychosocial plutôt que répressif. L’intervention prévoit
une prévention primaire (sous forme de sensibilisation), une
prévention secondaire (sous forme d’accompagnement) et
une prévention tertiaire (pour faciliter la reprise du travail).
Au sein des Ressources humaines, le Service d’Aide sociale
et psychologique prend en charge la problématique des
assuétudes (tabac, alcool, médicaments, drogues). Suite au
départ de Caroline Naem, Raphaël Godinne a repris le
flambeau. Pour aider les agents et les responsables hiérar-
chiques à sortir de l’ombre un sujet souvent tabou... Notre
interview.
Service d’aide sociale et psychologique
Raphaël Godinne
065/38 22 47 - 0474/74 10 23
Qui doit intervenir ?
Les responsables de service sont un maillon essentiel de
la prévention primaire : ils doivent tenir un discours clair
et recadrer les premiers dysfonctionnements. Mais ils
hésitent parfois à aborder la question. Minimiser le pro-
blème ou tenter de le régler en diminuant la charge de
travail ou au travers de la mobilité est une mauvaise solu-
tion. Cela peut créer un choc salutaire ou, au contraire,
conforter l’agent dans son comportement. Il faut donc le
mettre en face de ses responsabilités, dans une logique
positive, en renforçant son estime de soi, plutôt qu’en
le culpabilisant. La procédure mise en place par la Pro-
vince vise d’ailleurs à éviter d’en arriver aux sanctions
disciplinaires.
Quand faut-il s’inquiéter ?
A mon sens, dès que la consommation devient chro-
nique, quelle que soit la quantité. Quand elle devient
problématique, il est déjà trop tard : il faut une prise
en charge. On ne peut forcer une personne à suivre un
traitement, d’autant qu’on est parfois dans le déni. Mais
on peut tenter de lui ouvrir les yeux en énumérant la
liste de ses manquements professionnels et lui proposer,
par exemple, un contrat d’engagement, sur une base
volontaire. C’est là que nous pouvons intervenir. Pour
aider les personnes qui le souhaitent à y voir plus clair.
Souvent, la boisson est englobée dans un probléma-
tique plus large : difficultés professionnelles, problèmes
familiaux, fragilisation sociale, facteurs culturels,... A la
longue, l’alcool qui est une conséquence devient une
cause et cela fait effet boule de neige. Ensemble, on
peut essayer de restructurer tout cela. Cela va souvent
de pair avec un suivi extérieur. Pour plusieurs raisons.
Dans certains cas, un traitement médicamenteux s’avère
nécessaire. Secundo : les groupes de paroles, où l’on
rencontre d’autres personnes qui vivent des situations
similaires, ont prouvé leur efficacité.
Et les agents ?
On attend d’eux qu’ils aient une conduite irréprochable
sur le lieu de travail, pas seulement pour une raison d’effi-
cacité mais aussi de sécurité. Ce qu’ils font en dehors
des heures de service les regarde, mais il doivent pouvoir
assumer leur conduite. En gros, on peut se prendre une
cuite le week-end à condition d’arriver frais et dispos le
lundi matin. L’alcool peut donc générer l’absentéisme...
Il peut aussi être à l’origine des violences ou de harcèle-
ment sur le lieu de travail. On entre alors dans le cadre
des risques psychosociaux qui sont gérés par le SIPPT –
Aspects psychosociaux. Les personnes de confiance sont
donc parfois aussi amenées à intervenir dans le cadre
d’une procédure de conciliation, par exemple. Elles
peuvent également orienter les personnes vers nous pour
une aide psychologique.
La procédure
En cas d’ivresse sur le lieu de travail, le responsable hié-
rarchique procède à l’écartement de l’agent et prend
les mesures nécessaires pour le reconduire à son domi-
cile en toute sécurité. Lorsque les faits se reproduisent
à plusieurs reprises, il lui propose un contrat d’enga-
gement fixant une série d’objectifs professionnels à
atteindre dans un délai déterminé. Si les objectifs sont
atteints à l’issue de cette période, le processus est
proscrit. A ce stade, tout est informel et ne rentre pas
dans le dossier de l’agent. Dans le cas contraire, une
procédure disciplinaire peut être engagée.
La circulaire et la brochure
d’information sont disponibles sur intranet
(onglet «Ressources humaines -
Assuétudes») ou au secrétariat
de votre institution.
Faut pas pousser
le bouchon !
Raphaël Godinne, psychologue