La goutte qui fait déborder le verre Au lendemain des fêtes, les Belges se sont réveillés avec la gueule de bois. En cause, une étude du Centre fédéral d’expertise des soins de santé mettant en lumière la consommation excessive d’alcool dans notre plat pays. Tombé comme un pavé dans le brassin, le rapport révèle qu’un adulte sur dix ne se contente pas d’un petit coup de temps à autre. Au hit parade de la picole, nous arrivons largement en tête de cuvée ! En Hainaut, on a déjà fait le sauter le bouchon. La dernier Tableau de Bord de l’Observatoire de la Santé indique (pour l’année 2008) que la surconsommation (22 verres hebdomadaires pour l’homme, 15 pour la femme) touche respectivement 13 % et 5 % des individus. De quoi aggraver encore le bulletin de santé, peu reluisant, des hainuyers. Voilà pour le diagnostic. Du côté de la prévention, le bilan n’est pas plus réjouissant. Une enquête menée par l’OSH auprès d’un échantillon de médecins généralistes montre que seulement un praticien sur cinq interroge ses patients sur leur consommation de tabac et d’alcool. «On peut certes incriminer le manque de temps, estime Marie-José Couteau qui a commenté les résultats de l’enquête lors d’un récent colloque. Mais dans le cas de l’alcool, on se trouve confronté à un phénomène de banalisation. Chacun est renvoyé à sa propre consommation et personne n’aborde le problème». Comment briser le tabou ? L’Observatoire de la Santé a sa petite idée. «Avec un groupe de médecin, nous comptons rédiger une brochure de sensibilisation qui sera distribuée dans les salles d’attente. Patient et médecins seront ainsi conscientisés. Cela permettra peut-être de regarder la vérité en face et de changer les comportements». Plutôt que de trinquer à la santé... Infos : Marie-José Couteau 065/879 675 13 % des salariés boivent trop ! En 2007, le groupe Securex réalisait une étude sur la consommation d’alcool du salarié belge*. Il en ressort que 13 % des salariés belges consomment de l’alcool de manière abusive, davantage d’hommes (18 %) que de femmes (6 %)**. L’alcool est également présent au volant, lors des déplacements professionnels : 1 salarié sur 3 roule de temps en temps sous l’influence d’alcool et 1 sur 10 au moins une fois par mois. Si l’alcool est surtout «festif» ou «social», il peut aussi devenir un boulet : au cours des 12 derniers mois, 7,84 % des hommes interrogés ont au moins eu une fois le sentiment qu’ils ne pouvaient s’arrêter de boire et 1 % concède avoir déjà connu un état de manque. «Une entreprise de 1000 salariés compte donc en moyenne 10 salariés présentant des symptômes de l’état de manque», commente le rapport. A noter que, si l’alcool est parfois présent sur le lieu de travail (lors d’occasions spéciales au durant les repas), «le fait de mettre de l’alcool à disposition ou non pendant la pause de midi ne démontre aucun lien avec la consommation abusive d’alcool». * Sur le site www.emploi.belgique.be - ** En 2013, ce chiffre est monté à 15 %. 4 Faut pas pousser le bouchon ! Les employeurs doivent-ils se mêler des problèmes d’alcoolisme ? La réponse est claire : oui ! Dans le cadre de la législation sur le bien-être des travailleurs, ils ont le devoir de prendre les mesures nécessaires pour prévenir et limiter une série de risques au travail. L’alcool, qui peut être à l’origine d’accidents ou de conflits, constitue naturellement un facteur de risque. Le pouvoir de l’employeur n’est cependant pas absolu : il ne peut empiéter sur la vie privée des travailleurs. A la Province, la prévention de l’alcoolisme fait l’objet d’une circulaire de 2004. Elle vise à préserver l’intérêt de l’agent mais aussi celui des services tout en mettant l’accent sur l’aspect psychosocial plutôt que répressif. L’intervention prévoit une prévention primaire (sous forme de sensibilisation), une prévention secondaire (sous forme d’accompagnement) et une prévention tertiaire (pour faciliter la reprise du travail). Qui doit intervenir ? Les responsables de service sont un maillon essentiel de la prévention primaire : ils doivent tenir un discours clair et recadrer les premiers dysfonctionnements. Mais ils hésitent parfois à aborder la question. Minimiser le problème ou tenter de le régler en diminuant la charge de travail ou au travers de la mobilité est une mauvaise solution. Cela peut créer un choc salutaire ou, au contraire, conforter l’agent dans son comportement. Il faut donc le mettre en face de ses responsabilités, dans une logique positive, en renforçant son estime de soi, plutôt qu’en le culpabilisant. La procédure mise en place par la Province vise d’ailleurs à éviter d’en arriver aux sanctions disciplinaires. Quand faut-il s’inquiéter ? A mon sens, dès que la consommation devient chronique, quelle que soit la quantité. Quand elle devient problématique, il est déjà trop tard : il faut une prise en charge. On ne peut forcer une personne à suivre un traitement, d’autant qu’on est parfois dans le déni. Mais on peut tenter de lui ouvrir les yeux en énumérant la liste de ses manquements professionnels et lui proposer, par exemple, un contrat d’engagement, sur une base volontaire. C’est là que nous pouvons intervenir. Pour aider les personnes qui le souhaitent à y voir plus clair. Souvent, la boisson est englobée dans un problématique plus large : difficultés professionnelles, problèmes familiaux, fragilisation sociale, facteurs culturels,... A la longue, l’alcool qui est une conséquence devient une cause et cela fait effet boule de neige. Ensemble, on peut essayer de restructurer tout cela. Cela va souvent de pair avec un suivi extérieur. Pour plusieurs raisons. Dans certains cas, un traitement médicamenteux s’avère nécessaire. Secundo : les groupes de paroles, où l’on rencontre d’autres personnes qui vivent des situations similaires, ont prouvé leur efficacité. 5 Raphaël Godinne, psychologue Au sein des Ressources humaines, le Service d’Aide sociale et psychologique prend en charge la problématique des assuétudes (tabac, alcool, médicaments, drogues). Suite au départ de Caroline Naem, Raphaël Godinne a repris le flambeau. Pour aider les agents et les responsables hiérarchiques à sortir de l’ombre un sujet souvent tabou... Notre interview. Service d’aide sociale et psychologique Raphaël Godinne 065/38 22 47 - 0474/74 10 23 [email protected] Et les agents ? On attend d’eux qu’ils aient une conduite irréprochable sur le lieu de travail, pas seulement pour une raison d’efficacité mais aussi de sécurité. Ce qu’ils font en dehors des heures de service les regarde, mais il doivent pouvoir assumer leur conduite. En gros, on peut se prendre une cuite le week-end à condition d’arriver frais et dispos le lundi matin. L’alcool peut donc générer l’absentéisme... Il peut aussi être à l’origine des violences ou de harcèlement sur le lieu de travail. On entre alors dans le cadre des risques psychosociaux qui sont gérés par le SIPPT – Aspects psychosociaux. Les personnes de confiance sont donc parfois aussi amenées à intervenir dans le cadre d’une procédure de conciliation, par exemple. Elles peuvent également orienter les personnes vers nous pour une aide psychologique. La procédure En cas d’ivresse sur le lieu de travail, le responsable hiérarchique procède à l’écartement de l’agent et prend les mesures nécessaires pour le reconduire à son domicile en toute sécurité. Lorsque les faits se reproduisent à plusieurs reprises, il lui propose un contrat d’engagement fixant une série d’objectifs professionnels à atteindre dans un délai déterminé. Si les objectifs sont atteints à l’issue de cette période, le processus est proscrit. A ce stade, tout est informel et ne rentre pas dans le dossier de l’agent. Dans le cas contraire, une procédure disciplinaire peut être engagée. La circulaire et la brochure d’information sont disponibles sur intranet (onglet «Ressources humaines Assuétudes») ou au secrétariat de votre institution.