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Act. Méd. Int. - Psychiatrie (17) n° 10, décembre 2000
vie profes
Vie professionnelle
La profession
médicale : un taux
de satisfaction élevé
Bon nombre d’études qui
ont été consacrées à la
mesure du degré de satis-
faction des médecins ont
donné des résultats positifs.
La qualité des relations que
ceux-ci entretiennent avec
leur entourage est fréquem-
ment citée comme un des
éléments moteurs de leur
motivation et de l'intérêt
qu'ils portent à leur métier.
Ainsi, une étude (1) réalisée en 1992 auprès
de 406 médecins du comté de Solano, en
Californie, révélait que 80 % des médecins
interviewés se montraient satisfaits de leur
travail. La grande majorité d’entre eux appré-
ciaient plus particulièrement la relation qu’ils
entretenaient avec leurs patients (93 %) et
avec leur entourage professionnel (86 %).
Enfin, les médecins interrogés considéraient
que leur travail était satisfaisant sur le plan
intellectuel (89 %). Près de deux tiers d’entre
eux le jugeaient même “amusant”. Des résul-
tats similaires ont également été observés
dans une autre étude (2), même si le travail
administratif, les relations avec les orga-
nismes tiers (remboursement), l’isolement
professionnel, la peur des procès pour faute
professionnelle constituaient des facteurs
importants de mécontentement ou d’inquié-
tude. Globalement, les deux tiers des méde-
cins se montraient satisfaits de leur métier.
Ces résultats se retrouvent également chez
les spécialistes : ainsi, une autre étude (3),
portant sur le degré de satisfaction profes-
sionnelle des radiologues américains révélait
que 65 % d’entre eux étaient satisfaits de
leurs conditions de travail. Trente et un pour
cent considéraient que l’exercice de leur
métier était plus satisfaisant qu’en 1990. Pour
32 %, en revanche, le degré de satisfaction
était identique, et 37 % le considéraient
comme plus faible. Les radiologues, qui
étaient peu satisfaits de leur activité profes-
sionnelle, envisageaient soit de changer de
travail, soit d’exercer leur activité à mi-temps.
Des résultats similaires ont pu être observés
dans d’autres études internationales. Le deg
de satisfaction professionnelle des médecins
reste en effet le même, c’est-à-dire élevé, quel
que soit le pays concerné. Ainsi, en Espagne,
une étude (4) révélait que près de 70 %
d’entre eux se montraient satisfaits de leur
métier et 14 % très satisfaits. Dans 11 % des
cas seulement, leur relation entre eux et avec
le malade était jugée peu
satisfaisante. Le degré de
satisfaction des médecins
est lié à la clarté de l’infor-
mation délivrée au patient.
Enfin, le degré de satisfac-
tion professionnelle est
étroitement lié aux valeurs
qu’ils attribuent à leur
métier. Citons notamment le
sentiment de générosité et
les bienfaits qu’ils peuvent
apporter à leurs patients (5).
Cependant, le Managed
Care a contribué à modifier
l’organisation de l’offre de
soins et à diminuer le niveau
de satisfaction des médecins, quelle que soit
la zone géographique concernée aux États-
Unis, mais aussi en France, en Italie et en
Grande-Bretagne. En revanche, les médecins
qui ont commencé à exercer leur activité plus
tardivement sont plus heureux que leurs pré-
décesseurs dans l’exercice du métier. Ils n’ont
pas, d’une part, perçu de changements impor-
tants au cours des dernières années et sont
d’autre part, plus familiers du Managed Care
puisqu’ils ont été formés dans cet environ-
nement.
Une contrainte incontournable :
une charge de travail importante
Nombreux sont les médecins qui jugent leur
métier très fatigant. À ce sujet, il convient de
se reporter à une étude américaine (6) réali-
sée auprès d’une population de médecins
généralistes indépendants qui exerçaient leur
activité en milieu rural. Les résultats ont mon-
tré que 25 % des médecins envisageaient de
La profession médicale est actuellement confrontée à un
nombre élevé de mesures de réduction des coûts, à une
diminution de son niveau de vie et à des difficultés à exercer
le métier en toute liberté. Ainsi, aux États-Unis, les organisa-
tions de santé Managed Care ont institué tout un ensemble
de dispositifs afin d’encadrer la liberté de prescription des
médecins. À cela s'ajoutent les nombreuses tentatives des
gouvernements de légiférer la profession dans son ensemble.
La satisfaction des médecins n’est cependant pas une préoc-
cupation nouvelle. Le problème fut déjà posé, il y a une ving-
taine d'années maintenant. Nous allons ici faire le point sur
des travaux récemment élaborés sur ce sujet.
*ESCP, docteur en gestion.
Médecins, stress
et satisfaction professionnelle
D. Simonet*
373
quitter cette profession dans les deux pro-
chaines années. La principale raison invo-
quée était, pour 45 % d’entre eux, la charge
de travail excessive. De même, une autre
étude (7), conduite en Norvège auprès d’un
échantillon représentatif de médecins dans le
dessein de connaître leur perception du stress
et la charge de travail qui leur incombait,
montrait que 28 % d’entre eux considéraient
que la charge de travail était souvent, voire
très souvent, inacceptable. Quarante-trois
pour cent des médecins affirmaient par
ailleurs qu’il leur était difficile de mener leur
activité sans être dérangés, tandis que 19 %
jugeaient leur travail ennuyeux. Enfin, une
autre étude (8) réalisée auprès de médecins
portugais révélait qu’un pourcentage impor-
tant d’entre eux souhaitaient changer de
métier en raison de la détérioration des condi-
tions de travail, de l’insatisfaction dans les
relations interprofessionnelles et du niveau
faible des revenus.
Pour connaître de façon plus précise les fac-
teurs susceptibles d’engendrer fatigue et
stress, il convient de se reporter à une étude
(9) consacrée au degré de satisfaction et aux
sources de stress que ressentaient les méde-
cins du National Health System. Parmi les
éléments contraignants sont cités le plus sou-
vent une vie familiale perturbée, les urgences,
le caractère monotone de la pratique médi-
cale et les nombreuses charges administra-
tives de la profession. Ces résultats se retrou-
vent, quels que soient les pays concernés,
avec quelques spécificités nationales cepen-
dant. À Londres, une étude (10) réalisée par
le Bristish Medical Journal révélait que les
éléments de mécontentement les plus fré-
quemment cités par les médecins étaient les
tâches administratives, suivies de la durée du
travail. De même, une étude (11) conduite au
Danemark sur un échantillon de 776 méde-
cins généralistes révélait que deux tiers
d’entre eux se plaignaient d’une charge de
travail excessive, ayant des répercussions
graves sur leur vie de famille. Le méconten-
tement de ces mêmes médecins était égale-
ment lié au fait qu’ils ne pouvaient pas tou-
jours répondre aux exigences des patients et
qu’ils craignaient de commettre une faute
médicale.
Les contraintes précédemment citées se révè-
lent plus lourdes encore chez les internes en
médecine. C’est ce que montre une étude (12)
réalisée auprès de 118 internes des régions
des West Midlands (Angleterre). En effet, ils
étaient contraints de préparer des examens
parallèlement à leur activité de praticien, ce
qui représentait une source de stress supplé-
mentaire. À cela s’ajoutait une vie sociale et
familiale gravement perturbée par leur tra-
vail. Pour autant, la satisfaction qu’ils reti-
raient de l’exercice de leur profession était
importante, plus importante encore que celle
de médecins plus expérimentés.
L’environnement rural
et familial : deux facteurs
aggravant du stress
Ces problèmes sont plus durement ressentis
encore par les médecins qui exercent leur
activité en milieu rural : en effet, la campagne
américaine subit un exode soutenu de ses
médecins généralistes. Une étude (13) a été
menée dans le but de connaître les raisons
pour lesquelles la pratique médicale devenait
de plus en plus difficile dans certaines zones
rurales américaines, incitant un nombre
croissant de médecins à quitter la région.
Cette étude a également cherché à détermi-
ner les moyens qu’il était possible de mettre
en œuvre pour retenir ces médecins dans ces
zones traditionnellement sous-médicalisées.
Un programme intitulé PSOP (Practice Sup-
port Outreach Program) a même été lancé
dans ce but. Cette recherche conduite en 1993
sur un échantillon de 398 médecins de famille
(family physicians), révélait que 20 % des
répondants envisageaient d’abandonner la
pratique médicale en milieu rural. Les prin-
cipales raisons invoquées étaient la perte de
contact avec le milieu professionnel liée à la
pratique isolée du métier, le faible niveau du
remboursement des prestations médicales et
l’impossibilité de partager les appels d’ur-
gence pendant la nuit ou le week-end (call-
sharing). En effet, dans le système tradition-
nel américain, les médecins courent le risque
de perdre des patients lorsque ceux-ci sont
emmenés aux urgences et traités par d’autres
médecins. Le deuxième intérêt de la pratique
du call-sharing est d’éviter le renvoi du
patient vers un service d’urgences, ce qui
représente un coût plus élevé. Enfin, le call-
sharing est utile lorsque les patients sont trop
nombreux (le soir ou le week-end en parti-
culier), et parce que le médecin américain
ne se déplace pas au domicile de son patient
comme en France. Des résultats similaires
ont pu être observés dans une enquête réa-
lisée par le département de santé de l’uni-
versité de West Virginie, qui aspirait à déter-
miner les facteurs susceptibles d’attirer mais
aussi de retenir les médecins en milieu rural.
L’étude (14) consacrée aux médecins de
famille récemment installés révélait qu’il
était essentiel d’améliorer le dispositif de
remboursement par les organismes tiers et
la possibilité de partager les gardes pour les
soins en urgences de nuit et pendant le week-
end. Ces résultats se retrouvent dans d’autres
pays. Ainsi, la politique du gouvernement
israélien fut longtemps d’attirer des méde-
cins dans les villages de campagne, allant,
pour y parvenir, jusqu’à leur proposer des
logements à bas prix. Ces efforts ont abouti
à des résultats décevants. Ainsi, dans une
étude (15) portant sur 46 médecins israé-
liens, ces derniers précisent les difficultés
auxquelles ils ont été confrontés lors de leur
installation au sein de villages, à savoir des
difficultés à travailler en équipe, des
phénomènes d’épuisement professionnel,
des attentes excessives de la part des
patients, un dérèglement de leur vie pro-
fessionnelle et familiale et, enfin, des dif-
ficultés d’intégration dans le village d’ac-
cueil, avec pour conséquence des
démissions.
Si de nombreuses études viennent confirmer
ces résultats, elles montrent que le stress est
également lié à l’âge du praticien et aux
conditions d’exercice de son métier. Par
ailleurs, les directeurs d’hôpitaux ressentent
un stress important aggravé par les dépasse-
sionnelle
Vie professionnelle
Act. Méd. Int. - Psychiatrie (17) n° 10, décembre 2000 374
ments d’horaires, volontaires ou non.
D’autres facteurs jouent également un rôle
important, en particulier l’environnement
familial : ainsi, une étude (16) révèle que les
médecins en situation de stress important sont
généralement peu satisfaits de leur vie mari-
tale et souffrent plus que les autres de diffi-
cultés psychologiques. Ces résultats sont
confirmés par une enquête (17) réalisée par
trois hôpitaux américains, dont le Dallas
County Medical society et le Timberlawn
Psychiatric Hospital. Les résultats sont
d’ailleurs identiques, quel que soit le sexe
concerné (hommes/femmes). Une étude (18)
consacrée aux systèmes de santé dans l’an-
cienne Allemagne de l’Est est venue souli-
gner quelques problèmes plus spécifiques à
ce pays, parmi lesquels nous pouvons citer :
le manque de moyens, l’utilisation de maté-
riels défectueux, le peu de temps consacré à
la famille ainsi que les problèmes de gestion
administrative.
Le degré de satisfaction des médecins diffère
selon leur statut. Ainsi une étude norvégienne
(19) portant sur des médecins généralistes,
des médecins hospitaliers et des médecins
employés dans des institutions municipales
révélait que les premiers se montraient glo-
balement plus satisfaits de leurs conditions
de vie, de leurs revenus et de leur autonomie
professionnelle que les deuxièmes. En
revanche, les médecins des institutions muni-
cipales subissaient un stress plus important
que ceux des deux premières catégories.
Enfin, les médecins généralistes affirmaient
consacrer davantage de temps à leurs patients.
Cependant, l’habileté avec laquelle les pro-
fessions médicales réagissent et vivent leur
stress diffère selon la spécialité médicale
concernée. Ainsi, une étude (20) révèle que
les médecins des centres de soins palliatifs
sont moins touchés par le syndrome d’épui-
sement professionnel que ceux qui exercent
dans d’autres spécialités (chirurgie, radiolo-
gie, cancérologie, gastroentérologie). Si l’ab-
sence de considération de l’entourage pro-
fessionnel, notamment des supérieurs
hiérarchiques, peut générer des tensions
graves, une étude (21) conduite en Norvège
montre que les médecins ne reçoivent que
rarement, voire jamais, d’appréciation favo-
rable ou de félicitation de la part de leur supé-
rieur hiérarchique. La principale source de
reconnaissance émane de leurs collègues de
travail, des infirmières et des auxiliaires de
santé. De même, le climat de compétition
constitue une source de stress supplémen-
taire. Selon la Norwegian Medical Associa-
tion, une association qui regroupe près de
90 % des médecins du pays, si ces derniers
font généralement preuve de respect et de
solidarité envers leurs confrères, et ce quelle
que soit l’expérience de chacun, les méde-
cins hospitaliers considèrent généralement
que leurs relations interpersonnelles sont
marquées par un certain égoïsme et un cli-
mat de compétition important. Or, le stress
est d’autant plus intense que les relations
interpersonnelles sont empreintes d’indivi-
dualisme (22).
Des différences limitées
entre les hommes et les femmes
Le sexe a-t-il un effet notable sur la résis-
tance au stress et le niveau de satisfaction
professionnelle que l’on peut retirer de
l’exercice de la profession de médecin ?
Ainsi, les femmes seraient-elles mieux pré-
parées à affronter le stress que les hommes ?
Sont-elles plus épanouies que les hommes
dans l’exercice de ce métier ? La question se
pose avec d’autant plus d’acuité que la pro-
portion de femmes qui travaillent dans le sec-
teur médical est en augmentation constante.
Or, il semblerait que les femmes médecins
soient plus satisfaites de leur profession que
les hommes. Une étude (23) portant sur un
échantillon norvégien de 164 médecins
généralistes révèle que le degré de satisfac-
tion professionnelle est plus élevé chez les
femmes médecins que chez leurs collègues
masculins. Une autre enquête (24) conduite
aux États-Unis donnait des résultats
proches : les femmes affichaient un degré
plus élevé de satisfaction professionnelle et
se sentaient moins touchées par le stress.
Enfin, elles souffraient moins de troubles
psychiatriques et étaient globalement plus
satisfaites, voire très satisfaites, de leur situa-
tion professionnelle et maritale. D’autres
investigations ont abouti à des conclusions
similaires (25, 26, 27). Un niveau élevé de
satisfaction chez les femmes serait à recher-
cher dans la qualité de la relation médecin-
patient. Ainsi une étude (28), réalisée en 1994
auprès de 896 praticiens du Staffordshire,
montrait que les femmes retiraient une satis-
faction plus importante que les hommes de
leur relation avec les patients. En revanche,
le degré de satisfaction professionnelle des
spécialistes de la chirurgie thoracique était
comparable, quel que soit le sexe, avec un
léger désavantage pour les femmes en ce qui
concerne la gratification professionnelle
(29). Ces résultats corroborent ceux d’une
autre étude consacrée aux radiologues selon
laquelle les femmes étaient tout aussi satis-
faites que les hommes de leur métier (30).
Les femmes exercent plus souvent que les
hommes en médecine générale, pratiquent en
cabinet d’associés plutôt qu’individuelle-
ment. Leur clientèle est principalement
constituée de patients affiliés à des structures
de type HMO. Les éléments de mécontente-
ment les plus fréquemment cités sont le
temps qu’elles doivent consacrer aux patients
et à leurs collègues et les difficultés qu’elles
éprouvent à être pleinement reconnues dans
l’exercice de leur métier (31).
Des solutions : développer
le sens de la mission
et la liberté d’action
Si un nombre élevé d’études ont révélé que
les médecins se montrent globalement satis-
faits de leur métier, d’autres études, en
revanche, ont montré que beaucoup d’entre
eux regrettent le caractère répétitif de la pra-
tique médicale et considèrent que leurs com-
pétences ne sont pas suffisamment recon-
nues. On peut en conclure que les missions
vie profes
Vie professionnelle
375
de réorganisation et de motivation conduites
au sein des établissements hospitaliers doi-
vent nécessairement enrichir le rôle, les attri-
butions et les responsabilités de chacun
(empowerment). Par ailleurs, les médecins
qui ont une conscience claire de leur mission
et des orientations prises par le département
ou l’hôpital qui les emploient se montrent
plus satisfaits de leur travail que les autres
(32). Le degré de satisfaction du personnel
soignant est lié à la diversité des tâches effec-
tuées plutôt qu’au contenu intrinsèque du
métier. C’est ce que révèle une étude (33)
menée auprès de 748 psychologues qui exer-
çaient dans un centre hospitalier. Ainsi, les
psychologues qui n’avaient aucune respon-
sabilité managériale, employés dans des
hôpitaux qui accueillaient en priorité des per-
sonnes âgées et dans lesquels n’était menée
aucune activité universitaire, se montraient
globalement moins satisfaits de leur pratique
professionnelle que les autres.
Médecins et HMO
Il est très difficile de savoir si les médecins
sont plus satisfaits de leur métier lorsqu’ils
exercent en libéral ou au sein d’une société
de gestion des dépenses de santé de type
HMO. La plupart des études réalisées ont en
effet abouti à des résultats contradictoires,
même si globalement les dernières, réalisées
dans la seconde moitié des années 1990, ten-
dent à révéler des résultats très défavorables
au sein des organismes de Managed Care.
Ainsi, une étude (34) menée en 1991 mon-
trait que les médecins qui exerçaient leur acti-
vité au sein d’une HMO étaient globalement
moins satisfaits de la pratique médicale que
leurs confrères restés dans le secteur libéral.
Les principales préoccupations concernaient
le niveau de leurs revenus actuels et à venir,
les opportunités de carrière, le temps qu’ils
consacraient à leurs patients et la liberté dans
la pratique médicale. Par ailleurs, ceux-ci
affichaient de fortes inquiétudes en ce qui
concerne l’évolution de la qualité des soins
délivrés au patient sous le régime Managed
Care. Au sein des HMO, seuls les médecins
qui prenaient part au processus de décision
se montraient sensiblement plus satisfaits de
leur travail que les autres. De ce fait, de nom-
breux progrès restent encore à accomplir. Ils
concernent principalement l’amélioration de
la relation entre le médecin et son patient, la
création d’une continuité dans l’offre de soins
et le maintien d’une certaine indépendance
dans la pratique médicale. Cependant, ces
résultats ont été contredits par d’autres
études, déjà anciennes cependant. Ainsi, de
nombreux médecins des HMO soulignent
que, s’ils bénéficient d’une autonomie limi-
tée dans la sélection des patients et la gestion
de leur temps, les aspects négatifs des orga-
nisations de santé de type Managed Care sont
compensés par une plus grande liberté dans
l’utilisation des soins hospitaliers, des tests
et des procédures (35). Selon cette même
étude, le degré de satisfaction des médecins
qui exercent dans un environnement Mana-
ged Care n’est pas systématiquement plus
faible que celui des médecins restés dans le
système d’assurance traditionnel. Des résul-
tats similaires ont été obtenus par une autre
enquête (36) qui visait à étudier le degré de
satisfaction des médecins selon le type d’or-
ganisation dans laquelle ceux-ci exercaient.
Quatre catégories de praticiens furent rete-
nues : les cabinets de groupes de type private
group practice, les cabinets de médecine indi-
viduelle, les HMO et les médecins hospita-
liers. Les résultats ont montré que les méde-
cins étaient globalement satisfaits de leur
activité professionnelle, quel que soit le cadre
administratif dans lequel ils exerçaient leur
métier. L’étude révèle également que les
médecins des HMO pouvaient se consacrer
davantage à leurs patients dans la mesure où
les sociétés de gestion des dépenses de santé
de type HMO prenaient en charge une part
importante de la gestion des aspects régle-
mentaires de leur métier.
Les HMO continueront pourtant de susciter
des inquiétudes importantes chez les prati-
ciens, d’autant qu’un nombre croissant de
sociétés de gestion de dépenses de santé,
offrant une médecine prépayée et au forfait,
sont récemment entrées dans le rouge, à
l’image de la société Kaiser Permanente
(9 millions d’adhérents). Elles sont désor-
mais nombreuses à tenter de réduire leur offre
de soins, ce qui induit un risque pour les
patients sous régime Managed Care. Ce der-
nier point oppose régulièrement les républi-
cains et les démocrates. En effet, les seconds
ont récemment proposé d’instaurer une sorte
de droit du patient, qui permettrait à ce der-
nier de conserver un accès plus facile aux
soins spécialisés et aux soins d’urgences.
Mais les républicains, qui affirment leur
opposition à ce plan, soutiennent qu’une aug-
mentation de la protection des citoyens ne
ferait qu’accroître les coûts pour les entre-
prises qui offrent à leurs employés une cou-
verture “santé”. Face à ces difficultés, il est
utile de rappeler que les sociétés de gestion
des dépenses de santé de type HMO doivent
désormais orienter leurs efforts vers la ges-
tion de la santé, plutôt que vers le contrôle
des coûts. De plus, les HMO ne bénéficient
pas de tous les pouvoirs ou de pouvoirs aussi
importants que ceux que l’on veut bien leur
prêter habituellement puisque, la National
Committee for Quality Assurance (NCQA)
veille sur leurs pratiques, notamment dès que
celles-ci présentent un danger pour la santé
du patient. Enfin, il ne faut pas oublier la part
de responsabilité de l’assuré, qui peut
d’ailleurs choisir de bénéficier d’une
mutuelle. Dans la plupart des cas, celui-ci
choisit pourtant presque toujours la procé-
dure la moins onéreuse. Sa responsabilité est
donc entièrement engagée. Dans le cas d’une
hospitalisation, si un patient est sous le
régime d’un plan de santé qui ne lui permet
de rester que deux jours à l’hôpital, alors que
son médecin traitant lui recommande de res-
ter trois jours, il ne pense généralement pas
qu’il a fait un mauvais choix en matière d’as-
surance, mais préfère invoquer la responsa-
bilité du médecin, affirmant que celui-ci
n’est pas capable de délivrer les soins dont
il a besoin en deux jours seulement,
comme le lui recommande la société de
HMO. Le patient qui ne veut pas rémuné-
sionnelle
Vie professionnelle
Act. Méd. Int. - Psychiatrie (17) n° 10, décembre 2000 376
rer le praticien avec ses propres fonds
refuse en général d’admettre qu’il a choisi
une assurance qui ne couvre que partiel-
lement ses besoins en matière de santé et
préfère blâmer le médecin. Ainsi, on aurait
tort de faire porter à la HMO l’entière res-
ponsabilité des difficultés actuellement
observées dans l’offre de santé aux États-
Unis. Mais celles-ci contribuent à créer un
malaise important au sein des praticiens.
Les médecins étant mécontents lorsque les
sociétés de gestion des dépenses de santé
refusent de rembourser certains soins et pré-
fèrent proposer des thérapies alternatives à
moindre coût, dont l’efficacité est contestée,
certains d’entre eux ont décidé de se syndi-
quer. Les State Medical Societies ne sont en
effet pas les seules organisations à défendre
les intérêts des médecins. Ainsi, près de 90 %
des médecins de la ville de Syracuse ont
rejoint des Independant Practice Associa-
tions (IPA), dont certaines sont rattachées à
des syndicats qui exercent un contre-pouvoir
important vis-à-vis des sociétés de gestion
des dépenses de santé. Il existe ainsi quatre
associations importantes de ce type à Syra-
cuse, qui rassemblent chacune, 350 à 850 per-
sonnes. Par exemple, l’association Health-
best regroupe près de 850 médecins. Elles
s’assurent que les sociétés de gestion des
dépenses de santé délivrent aux patients les
soins dont ils ont besoin. Certaines sociétés
de gestion des dépenses de santé HMO refu-
sent quelquefois de signer ces contrats avec
les médecins et leurs associations profes-
sionnelles, un signe que les premières ne peu-
vent plus exercer un contrôle total sur l’offre
de soins. D’autres encore ont choisi de rené-
gocier les termes de ce contrat. Mais dans ce
cas, alors, le pouvoir de négociation des
médecins dans les discussions qui les oppo-
sent aux HMO est plus important que s’ils
étaient restés indépendants. Ainsi, Healthbest
a conclu un contrat de soins avec la société
d’assurances, Kaiser Permanente, qui donne
aux médecins la liberté de renvoyer (refer-
rals) les patients devant un de leurs confrères
sans que les premiers ne soient obligés de
demander une autorisation auprès de l’assu-
reur. D’autres avancées ont également été
possibles, puisque les médecins ou leurs
représentants peuvent maintenant siéger dans
les comités où sont décidés quels médica-
ments doivent êtres couverts par les plans de
santé et lesquels ne doivent pas l’être. Ces
progrès sont tout à fait significatifs. En effet,
ces dernières années, le pouvoir de décision
des médecins s’était fortement érodé, puisque
les employeurs et les sociétés d’assurances
établissaient des contrats qui les liaient aux
médecins sans tenir compte de leur avis dans
les décisions thérapeutiques.
En conclusion, si la situation de nombreux
professionnels de la santé est toujours favo-
rable, elle s’est cependant quelque peu dégra-
dée ces dernières années. Pourtant, le nombre
de postulants à ce métier reste toujours élevé
en Europe comme aux États-Unis. Mais, la
situation aux États-Unis est marquée par des
phénomènes de sous-emplois importants.
Cela concerne tout particulièrement les
médecins spécialistes. Le Managed Care a
largement contribué à fragiliser la situation
de cette dernière catégorie. En particulier, le
principe du Gatekeeping a réduit les besoins
en spécialistes. Certains sont tentés de s’éta-
blir dans les régions où les sociétés de ges-
tion des dépenses de santé sont encore peu
présentes. D’autres préfèrent travailler à
l’étranger. D’autres encore se tournent vers
la recherche. Enfin, il serait utile d’étendre
ces réflexions à d’autres catégories de per-
sonnels, notamment les infirmières, les ensei-
gnants et les auxiliaires de santé.
Références
1.
Barr. DA. The effects of Organizational
structure on primary care outcomes under
Managed Care. Annals of Internal Medecine
1995 ; 122(5) : 353-9.
2.
Skolnik NS, Smith DR, Diamond J.
Profesional satisfaction and dissatisfaction of
family physicians. Journal of Family Practice
1993 ; 37(3) : 257-63.
3.
Chan WC, Sunshine JH, Owen JB, Shaffer
KA. US radiologists’satisfaction in their pro-
fession. Radiology 1995 ; 914(3) : 649-56.
Gatekeeping : Le terme de gatekeeping est uti-
lisé pour désigner le médecin de première ins-
tance, également appelé “médecin porte d’en-
trée”. Son rôle est de décider s’il est nécessaire
de renvoyer le patient vers un médecin spé-
cialisé dans le dessein de lui donner des soins
additionnels ou de réaliser des tests supplé-
mentaires. Là encore, il s’agit de délivrer des
soins optimaux sans que ceux-ci n’engendrent
un coût trop élevé pour l’assureur. Le dispositif
n’a pourtant pas donné les résultats escomptés
dans certaines spécialités où il a été mis en
œuvre (dermatologie notamment…). En effet,
il nécessite des connaissances plus solides de
la part du médecin généraliste qui souhaite
accéder au rôle de gatekeeping. Actuellement
le rôle de gatekeeping s’oriente davantage vers
celui de coordinateur des soins.
Physician Group Practice : Il s’agit d’une asso-
ciation formée de trois médecins au moins et
d’autres professionnels de la santé. Les revenus
retirés de la pratique médicale sont mis en com-
mun, puis redistribués entre les membres du
groupe ainsi constitué. Le terme de prepaid group
practice est utilisé pour désigner les premiers cabi-
nets de médecine de groupe où les soins sont pré-
payés dans le cadre de contrats au forfait.
Health Maintenance Organization (HMO) : Le
terme HMO désigne les organismes de Mana-
ged Care qui emploient des professionnels de
la santé pour offrir des soins sous le régime de
la capitation (contrat au forfait). En échange,
et c’est en partie ce qui a motivé l’intégration
des professionnels de santé dans les orga-
nismes de Managed Care, ceux-ci peuvent
bénéficier d’un volume garanti de patients.
Independent Practice Association (IPA) : Ce terme
désigne un groupe de médecins qui constituent
une organisation commune pour négocier des
contrats de santé. Dans ce cadre, les praticiens
peuvent être rémunérés au forfait ou à l’acte.
Managed Care : Ce terme recouvre l’ensemble
des organismes et des outils de gestion des soins
censés offrir aux assurés le meilleur rapport
coût/efficacité en matière de soins. En pratique
l’accent a surtout été mis sur le contrôle des coûts.
National Committee for Quality Assurance
(NCQA) : Cette organisation fut fondée en
1979. Elle est responsable de l’accréditation
des programmes de santé Managed Care. Elle
développe et coordonne un certain nombre de
programmes destinés à évaluer la qualité des
soins délivrés par les plans de Managed Care.
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