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La Lettre du Sénologue - n° 30 - octobre/novembre/décembre 2005
DEUX DURÉES DE TRAITEMENT ADJUVANT
PAR TAMOXIFÈNE : 2 ANS VERSUS 5 ANS
Belfiglio M, Valentini M, Pellegrini F, De Berardis G,
Franciosi M, Rossi MC, Sacco M, Nicolucci A. Twelve-year
mortality results of a randomized trial of 2 versus 5 years of
adjuvant tamoxifen for postmenopausal early-stage breast car-
cinoma patients (SITAM 01). Cancer 2005;1,104(11):2334-9.
Résumé. Les auteurs présentent les résultats à 20 ans d’une
étude comparant deux durées de traitement adjuvant par tamoxi-
fène : 2 ans versus 5 ans.
Cette étude de phase III a inclus 1901 femmes âgées de 50 à
70 ans, porteuses d’un cancer du sein T1-3, N0-3, M0.
Après deux ans de tamoxifène, les patientes en rémission ont
été randomisées entre arrêt du traitement et poursuite trois ans
de plus à la dose de 20 mg. La durée médiane de suivi après
randomisation est de 115 mois (soit 139 mois et 11,5 ans après
le début du traitement par tamoxifène) ; 1611 patientes sont
évaluables parmi lesquelles 549 sont décédées.
Les auteurs présentent ici l’impact du traitement sur la survie
globale. Il n’y a pas eu de différence significative entre les
deux bras sur l’ensemble de la population, pas de différence
non plus dans le sous-groupe des patientes RE +. Chez ces
dernières, les courbes de survie commencent à diverger
après 90 mois montrant une tendance en faveur du bras à 5 ans
de tamoxifène. Dans le sous-groupe des patientes ER+ entre 50
et 55 ans, le traitement par tamoxifène sur une durée de 5 ans
est associé à une diminution du risque de décès alors qu’il n’a
pas été retrouvé de bénéfice chez les patientes entre 55 et 70 ans.
Commentaires. Cette étude est intéressante dans le contexte
actuel où l’on assiste à une généralisation des traitements hor-
monaux sur 5 ans, voire plus, avec des effets secondaires qui
peuvent altérer la qualité de vie des patientes. Elle ouvre la
porte à une désescalade thérapeutique chez les patientes de
plus de 55 ans alors qu’elles ont déjà, du fait de leur âge, un
contexte ostéoporotique avec souvent une augmentation du
risque thrombo-embolique et parfois une altération des
troubles cognitifs.
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B. de Lafontan, Institut Claudius-Regaud, Toulouse
L’OVARIECTOMIE PROPHYLACTIQUE RÉDUIT
LA PÉNÉTRANCE DU CANCER DU SEIN
CHEZ LES PATIENTES BRCA-1 MUTÉ
Kramer JL, Velazquez IA, Chen BE, Rosenberg PS,
Struewing JP, Greene MH. Prophylactic oophorectomy
reduces breast cancer penetrance during prospective, long-
term follow-up of BRCA1 mutation carriers. J Clin Oncol
2005;23:8629-35.
Résumé. La prévalence du cancer du sein chez les patientes
avec mutation germinale de BRCA-1 varie selon les études de
40 à 85 %. Cette hétérogénéité est d’origine multifactorielle :
méthodologique, statut génétique différent, facteurs indivi-
duels. En particulier, le statut ovariectomisé ou non n’est habi-
tuellement pas pris en compte dans l’évaluation de la péné-
trance du cancer du sein dans cette population à risque.
L’étude épidémiologique descriptive rapportée dans cet article
concerne une cohorte de 98 patientes BRCA-1 mutées
indemnes de tout cancer, suivies sur une longue période (plus
de 35 ans). Une ovariectomie prophylactique concerne un tiers
de la cohorte. Ainsi 33 patientes ont présenté un cancer du sein
parmi lesquelles 27 patientes non ovariectomisées et 6 ovariec-
tomisées. On observe donc une diminution du risque absolu de
cancer du sein dans le groupe ovariectomie de 62% (p =
0,043). Cet effet protecteur de l’ovariectomie prophylactique
est d’autant plus marqué que les patientes sont jeunes au
moment de la chirurgie.
Commentaires. Ces résultats sont concordants avec les don-
nées de la littérature. Depuis une dizaine d’années, de larges
études rétrospectives ont établi une diminution du risque de
cancer du sein après ovariectomie chez les patientes BRCA1
mutées (50 % en moyenne) de même que dans la population
générale.
L’intérêt de cette étude réside dans le suivi prolongé (plus de
35 ans) lui conférant une puissance statistique suffisante mal-
gré un faible nombre de patientes et de nombreux biais : sélec-
tion, comparabilité des groupes. Elle souligne l’importance du
facteur ovariectomie et de la date de l’ovariectomie dans l’éva-
luation du risque de cancer du sein chez les patientes à risque,
à prendre en compte dans les études ultérieures et à titre indivi-
duel, dans l’attente d’essais comparatifs prospectifs permettant
d’évaluer le bénéfice de la systématisation de l’ovariectomie
prophylactique dans une population sélectionnée de patientes à
risque génétique.
■
C. Massabeau, Institut Claudius-Regaud, Toulouse
DU BON USAGE DES TESTS DANS LES ESSAIS CLINIQUES
Jouan-Flahault C, Casset-Semanaz F, Minini P. Médecine/
Sciences 2004;20:231-5.
Résumé. Il est tout à fait légitime pour un clinicien de se poser de
multiples questions dans un essai thérapeutique. Actuellement, de
nombreux essais sont publiés avec des analyses de sous-groupes,
qui posent des problèmes sur le plan méthodologique car peu
puissantes. En effet, même si le “p” est significatif, les intervalles
de confiance sont larges et donc peu précis. Les résultats sont non
pertinents cliniquement pour modifier une attitude thérapeutique
et ne pouvent servir que d’hypothèse pour un futur essai. Il ne faut
pas oublier que le risque d’erreur alpha à 0,05 est important à
prendre en compte, car ces analyses en sous-groupes font courir le
risque de l’inflation non contrôlée de ce risque qui augmente ainsi
la probabilité d’obtenir un test significatif uniquement lié au
hasard.
Les analyses de sous-groupes doivent être prévues au départ
avec un nombre de sujets calculé avant de débuter l’essai. Il est
possible si les sous-groupes sont prévus au départ d’avoir des
méthodes d’ajustement du risque d’erreur. Il faut bien com-
prendre que multiplier les analyses risque d’aboutir à des
conclusions faussement positives et d’affecter ainsi la crédibi-
lité des résultats.