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La Lettre du Sénologue - n° 30 - octobre/novembre/décembre 2005
REVUE DE PRESSE
Revue de presse
GABAPENTINE : UN NOUVEAU TRAITEMENT VALIDÉ
DES BOUFFÉES VASOMOTRICES
Pandya KJ, Morrow GR, Roscoe JA et al. Gabapentin for hot
flashes in 420 women with breast cancer: a randomised
double-blind placebo-controlled trial. Lancet 2005;366:818-
24.
Résumé.
Les bouffées vasomotrices (BVM) sont un des troubles
climatériques les plus communs. Les estrogènes ont fait preuve de
leur efficacité et constituent le traitement de première intention.
Les estrogènes sont contre-indiqués en cas d’antécédent personnel
de cancer du sein et aucun traitement n’étant suffisamment effi-
cace, il nous paraît intéressant de rapporter les résultats de l’étude
de K.J. Pandya et al. paru dans le Lancet du 3 septembre 2005.
Cette étude américaine explore une nouvelle voie de traitement
des BVM, celle d’un anticonvulsivant, la gabapentine (Neurontin®).
Il s’agit d’une étude prospective randomisée multicentrique en
double aveugle contre placebo, portant sur 420 femmes présentant
un cancer du sein et au moins deux BVM par jour.
Les patientes sont réparties en trois groupes : un groupe placebo,
un second où les patientes prennent 100 mg de gabapentine trois
fois par jour et un troisième où la posologie est de 300 mg trois
fois par jour. Le traitement est suivi pendant huit semaines et est
évalué à 4 et 8 semaines. L’évaluation est réalisée par un calen-
drier d’une semaine (avant traitement, à la quatrième et à la
huitième semaine) selon trois critères : la fréquence des BVM,
leur sévérité (1 : légère, 2 : modérée, 3 : sévère, 4 : très sévère) et
leur durée moyenne. Dix autres symptômes ont été évalués simul-
tanément : l’asthénie, la douleur, les nausées, les troubles du som-
meil, la dyspnée, la mémoire, l’appétit, la somnolence, les vomis-
sements et l’angoisse.
L’analyse a été faite en intention de traiter. Elle montre que seule
la gabapentine à 300 mg trois fois par jour permet de réduire de
façon significative la fréquence (- 44% ; p = 0,0006) et la sévérité
(- 46% ; p = 0,007) des BVM, correspondant à un effet estimé par
rapport au placebo de - 26% et -30% respectivement (p <
0,0001). En revanche, aucune différence significative n’a pu être
montrée concernant la durée des BVM et les autres symptômes.
Ces résultats viennent confirmer l’étude de Guttuso et al. qui
montrait une diminution significative (- 54%) de la sévérité des
BVM après 12 semaines de traitement par la gabapentine 900 mg
par jour (1). Cette dernière étude laissait même présager un effet-
dose de la gabapentine puisque des doses supérieures, jusqu’à
2700 mg par jour, étaient encore plus efficaces (- 67% sur la
sévérité des BVM). Le mécanisme d’action de la gabapentine sur
les BVM n’est pas clair, mais elle ne semble pas interagir avec le
métabolisme du tamoxifène. On peut regretter que, dans cette
étude, les effets secondaires et l’effet à long terme de la gabapen-
tine n’aient pas été étudiés.
À côté de la bêta-alanine (Abufène®) et du véralipride (Agréal®),
d’autres traitements sont possibles (2). L’α-méthyldopa
(Aldomet®) à 250 ou 500 mg deux fois par jour s’est montré effi-
cace dans la prise en charge des troubles vasomoteurs en permet-
tant une réduction de 50 % de la fréquence des BVM. Les antidé-
presseurs semblant efficaces sont les inhibiteurs sélectifs de la
recapture de la sérotonine (ISRS) comme la paroxétine (Deroxat®)
à 12,5 ou 25 mg par jour qui réduit les BVM de 62,2 et 64,6%
respectivement (3), mais c’est un inhibiteur enzymatique qui
réduit l’efficacité du tamoxifène. La fluoxétine (Prozac®) à 20 mg
par jour améliore modestement les BVM et est également un inhi-
biteur enzymatique. La venlafaxine (Effexor®), inhibiteur sélectif
de la recapture de la noradrénaline (ISRN) aux doses de 37,5, 75
ou 150 mg par jour permet de réduire les BVM respectivement de
27%, 37% et 61% (4) ; elle a l’avantage d’être un inhibiteur
enzymatique moins puissant et d’avoir une action bénéfique sur
l’asthénie et les troubles du sommeil. En revanche, l’impor-
tance de ses effets secondaires (anorexie, nausées, constipation,
sécheresse buccale), surtout aux doses les plus efficaces, consti-
tue un réel frein à son utilisation. Il faut noter que les études sur
les antidépresseurs portent sur de petits échantillons et man-
quent de recul.
Commentaires.
En conclusion, si les traitements non hormo-
naux comme la bêta-alanine, le véralipride, les antihypertenseurs
de type α-méthyldopa, la clonidine, les antidépresseurs de type
ISRS et ISRN sont possibles, il y a une place pour la gabapentine
dans le traitement de BVM chez les femmes ayant eu un cancer
du sein et présentant ces symptômes invalidants.
E. Fanara, P. Lopès, service de gynécologie obstétrique et
médecine de la reproduction, CHU de Nantes.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1. Guttuso T, Kurlan R, McDermott MP, Kieburtz K. Gabapentin’s effects on hot
flashes in postmenopausal women: a randomised controlled trial. Obstet Gyne-
col 2003;101:337-45.
2. Ronit Haimov-Kochman, Drorith Hochner-Celnikier. Hot flashes revisited:
Pharmacological and herbal options for hot flashes management. What does the
evidence tell us? Acta Obstet Gynecol Scand 2005;84:972-9.
3. Stearns V, Beebe KL, Iyenger M, Dube E. Paroxetine controlled release in the
treatment of menopausal hot flashes: a randomised controlled trial. JAMA
2003;289:2827-34.
4. Loprinzi CL, Kugler JW, Sloan JA et al. Venlafaxine in management of hot
flashes in survivors of breast cancer: a randomised controlled trial. Lancet
2003;356:2059-63.
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La Lettre du Sénologue - n° 30 - octobre/novembre/décembre 2005
DEUX DURÉES DE TRAITEMENT ADJUVANT
PAR TAMOXIFÈNE : 2 ANS VERSUS 5 ANS
Belfiglio M, Valentini M, Pellegrini F, De Berardis G,
Franciosi M, Rossi MC, Sacco M, Nicolucci A. Twelve-year
mortality results of a randomized trial of 2 versus 5 years of
adjuvant tamoxifen for postmenopausal early-stage breast car-
cinoma patients (SITAM 01). Cancer 2005;1,104(11):2334-9.
Résumé. Les auteurs présentent les résultats à 20 ans d’une
étude comparant deux durées de traitement adjuvant par tamoxi-
fène : 2 ans versus 5 ans.
Cette étude de phase III a inclus 1901 femmes âgées de 50 à
70 ans, porteuses d’un cancer du sein T1-3, N0-3, M0.
Après deux ans de tamoxifène, les patientes en rémission ont
été randomisées entre arrêt du traitement et poursuite trois ans
de plus à la dose de 20 mg. La durée médiane de suivi après
randomisation est de 115 mois (soit 139 mois et 11,5 ans après
le début du traitement par tamoxifène) ; 1611 patientes sont
évaluables parmi lesquelles 549 sont décédées.
Les auteurs présentent ici l’impact du traitement sur la survie
globale. Il n’y a pas eu de différence significative entre les
deux bras sur l’ensemble de la population, pas de différence
non plus dans le sous-groupe des patientes RE +. Chez ces
dernières, les courbes de survie commencent à diverger
après 90 mois montrant une tendance en faveur du bras à 5 ans
de tamoxifène. Dans le sous-groupe des patientes ER+ entre 50
et 55 ans, le traitement par tamoxifène sur une durée de 5 ans
est associé à une diminution du risque de décès alors qu’il n’a
pas été retrouvé de bénéfice chez les patientes entre 55 et 70 ans.
Commentaires. Cette étude est intéressante dans le contexte
actuel où l’on assiste à une généralisation des traitements hor-
monaux sur 5 ans, voire plus, avec des effets secondaires qui
peuvent altérer la qualité de vie des patientes. Elle ouvre la
porte à une désescalade thérapeutique chez les patientes de
plus de 55 ans alors qu’elles ont déjà, du fait de leur âge, un
contexte ostéoporotique avec souvent une augmentation du
risque thrombo-embolique et parfois une altération des
troubles cognitifs.
B. de Lafontan, Institut Claudius-Regaud, Toulouse
L’OVARIECTOMIE PROPHYLACTIQUE RÉDUIT
LA PÉNÉTRANCE DU CANCER DU SEIN
CHEZ LES PATIENTES BRCA-1 MUTÉ
Kramer JL, Velazquez IA, Chen BE, Rosenberg PS,
Struewing JP, Greene MH. Prophylactic oophorectomy
reduces breast cancer penetrance during prospective, long-
term follow-up of BRCA1 mutation carriers. J Clin Oncol
2005;23:8629-35.
Résumé. La prévalence du cancer du sein chez les patientes
avec mutation germinale de BRCA-1 varie selon les études de
40 à 85 %. Cette hétérogénéité est d’origine multifactorielle :
méthodologique, statut génétique différent, facteurs indivi-
duels. En particulier, le statut ovariectomisé ou non n’est habi-
tuellement pas pris en compte dans l’évaluation de la péné-
trance du cancer du sein dans cette population à risque.
L’étude épidémiologique descriptive rapportée dans cet article
concerne une cohorte de 98 patientes BRCA-1 mutées
indemnes de tout cancer, suivies sur une longue période (plus
de 35 ans). Une ovariectomie prophylactique concerne un tiers
de la cohorte. Ainsi 33 patientes ont présenté un cancer du sein
parmi lesquelles 27 patientes non ovariectomisées et 6 ovariec-
tomisées. On observe donc une diminution du risque absolu de
cancer du sein dans le groupe ovariectomie de 62% (p =
0,043). Cet effet protecteur de l’ovariectomie prophylactique
est d’autant plus marqué que les patientes sont jeunes au
moment de la chirurgie.
Commentaires. Ces résultats sont concordants avec les don-
nées de la littérature. Depuis une dizaine d’années, de larges
études rétrospectives ont établi une diminution du risque de
cancer du sein après ovariectomie chez les patientes BRCA1
mutées (50 % en moyenne) de même que dans la population
générale.
L’intérêt de cette étude réside dans le suivi prolongé (plus de
35 ans) lui conférant une puissance statistique suffisante mal-
gré un faible nombre de patientes et de nombreux biais : sélec-
tion, comparabilité des groupes. Elle souligne l’importance du
facteur ovariectomie et de la date de l’ovariectomie dans l’éva-
luation du risque de cancer du sein chez les patientes à risque,
à prendre en compte dans les études ultérieures et à titre indivi-
duel, dans l’attente d’essais comparatifs prospectifs permettant
d’évaluer le bénéfice de la systématisation de l’ovariectomie
prophylactique dans une population sélectionnée de patientes à
risque génétique.
C. Massabeau, Institut Claudius-Regaud, Toulouse
DU BON USAGE DES TESTS DANS LES ESSAIS CLINIQUES
Jouan-Flahault C, Casset-Semanaz F, Minini P. Médecine/
Sciences 2004;20:231-5.
Résumé. Il est tout à fait légitime pour un clinicien de se poser de
multiples questions dans un essai thérapeutique. Actuellement, de
nombreux essais sont publiés avec des analyses de sous-groupes,
qui posent des problèmes sur le plan méthodologique car peu
puissantes. En effet, même si le “p” est significatif, les intervalles
de confiance sont larges et donc peu précis. Les résultats sont non
pertinents cliniquement pour modifier une attitude thérapeutique
et ne pouvent servir que d’hypothèse pour un futur essai. Il ne faut
pas oublier que le risque d’erreur alpha à 0,05 est important à
prendre en compte, car ces analyses en sous-groupes font courir le
risque de l’inflation non contrôlée de ce risque qui augmente ainsi
la probabilité d’obtenir un test significatif uniquement lié au
hasard.
Les analyses de sous-groupes doivent être prévues au départ
avec un nombre de sujets calculé avant de débuter l’essai. Il est
possible si les sous-groupes sont prévus au départ d’avoir des
méthodes d’ajustement du risque d’erreur. Il faut bien com-
prendre que multiplier les analyses risque d’aboutir à des
conclusions faussement positives et d’affecter ainsi la crédibi-
lité des résultats.
REVUE DE PRESSE
Des méthodes d’ajustement à prévoir au départ sont
possibles :
Ajustement de Bonferroni : cet ajustement consiste à identifier
le nombre de tests “n”, puis à effectuer chacun des tests non
pas au niveau de signification alpha, mais au niveau alpha/n.
Ainsi la probabilité de commettre au moins une erreur est dans
ce cas inférieure à alpha.
Cependant, cette méthode a pour contrepartie une diminution
de la puissance de chaque test. Ainsi si l’on teste dix critères
de jugement avec ce type d’ajustement la puissance de chaque
test passe de 80 à 50%. Il faudra augmenter le nombre de
sujets de façon importante pour obtenir une puissance de 80%
pour chaque critère.
Hiérarchisation des tests : il s’agit d’ordonner, du plus impor-
tant au moins important, les critères de jugement ou les com-
paraisons entre les traitements. Cette hiérarchisation doit être
décrite dès le protocole et dans le plan d’analyse. La procédure
consiste à tester le premier critère au niveau de signification
alpha sans ajustement. Si ce test est significatif, il est possible
de tester le second critère, toujours au niveau de signification
alpha et ainsi de suite. La procédure s’arrête au premier critère
non significatif. Dans cette approche, nous n’avons pas de
diminution de la puissance du critère principal, cependant, la
puissance des critères secondaires diminue en fonction de leur
rang dans la hiérarchie. Un inconvénient est la hiérarchisation
“subjective” des critères.
Utilisation d’un test global : cette procédure permet de tester
simultanément l’ensemble des critères de jugement. Ainsi un
test unique permet de comparer les traitements sur l’ensemble
des critères de jugement. Aucun ajustement du risque alpha est
nécessaire. De plus, ces procédures prennent en compte les
corrélations entre les différents critères de jugement, ainsi la
puissance globale n’est pas diminuée.
Procédures des tests fermés : Si nous avons trois critères de
jugement, CJ1, CJ2, CJ3 qui doivent comparer deux traite-
ments A et B. La première étape consiste à effectuer un test
global concernant les trois critères. Si ce test global est signifi-
catif au niveau alpha, on effectue alors les trois tests globaux
sur les paires (CJ1, CJ2), (CJ1, CJ3), (CJ2, CJ3). Le critère
CJ1, par exemple, ne peut être testé que si les tests (CJ1, CJ2)
et (CJ1, CJ3) sont significatifs.
Commentaires. De nombreuses techniques existent pour évi-
ter l’interprétation erronée de différences statistiquement signi-
ficatives. Des recommandations spécifiques rédigées par les
autorités réglementaires européennes ont été publiées et ont
pour but de proposer des stratégies d’analyse adéquates.
E. Luporsi, Centre Alexis-Vautrin, Vandœuvre-les-Nancy
TRAITEMENT CONSERVATEUR RADIOCHIRURGICAL CHEZ
LES FEMMES PORTEUSES D’UNE MUTATION GÉNÉTIQUE
Kirova Youlia et al. Risk of breast cancer recurrence and
contralateral breast cancer in relation to BRCA 1 and BRCA
2 mutation status following breast-conserving surgery and
radiotherapy. Eur J Cancer 2005;41:2304-11.
Résumé. La pertinence du traitement conservateur radiochirur-
gical est discutée chez les femmes porteuses d’une mutation
génétique. Les mutations BRCA 1 et BRCA 2 sont retrouvées
chez 20 à 25% des patientes avec une histoire familiale de
cancer du sein et/ou de l’ovaire. Cette étude rétrospective cas-
contrôle rapporte l’expérience de l’Institut Curie à travers
l’analyse d’une cohorte de 131 patientes (136 cancers du sein
traités) vues à la consultation d’oncogénétique de 1981 à 2000
en raison de leurs antécédents familiaux. Parmi celles-ci, 27
étaient porteuses d’une mutation, (19 pour BRCA 1 et 8 pour
BRCA 2) et 104 patientes n’étaient pas porteuses de la muta-
tion. Ces 131 femmes ont été appariées (sur l’âge au diagnostic
et l’année de traitement) à 261 autres (cas-contrôle avec tumeur
sporadique), sans histoire familiale, à partir du registre de
l’Institut Curie. L’âge moyen était de 43 ans pour les trois
groupes. Le recul moyen de l’étude était de 105 mois.
Les caractéristiques tumorales étaient comparables dans les
trois groupes concernant le T et le pN, mais les patientes
mutées présentaient de façon significative plus de cancers
médullaires (11,5 versus 1 %), plus de tumeurs de grade III
(69 versus 20 %), et plus de tumeurs avec récepteurs hormo-
naux négatifs (RE et RP).
Les modalités thérapeutiques étaient globalement comparables
dans les trois groupes mais parmi les femmes mutées le pour-
centage de chimiothérapie était plus élevé. Les taux de réci-
dives étaient très similaires dans les trois groupes de patientes :
24 % pour les femmes mutées, 22 % pour les femmes avec
ATCD familiaux mais sans mutation et 19 % pour les cas
contrôles (tumeurs sporadiques). Le délai d’apparition de la
récidive locale est beaucoup plus long chez les femmes
mutées (80 mois versus 40 dans les deux autres groupes).
En revanche, les taux de cancers controlatéraux sont très diffé-
rents : 37% parmi les femmes mutées ; 18,3% parmi les
femmes non mutées mais avec antécédent, et 7,3% pour les cas
contrôles.
Commentaires. Un traitement conservateur peut donc être
proposé chez les patientes porteuses d’une mutation, mais un
suivi à long terme reste indispensable.
B. Cutuli, Polyclinique de Courlancy, Reims
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