Images en Ophtalmologie
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Vol. II
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n° 1
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janvier-février-mars 2008
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Santé publique
Ainsi s’explique le fait que les ophtalmologistes concluent plus
de 15 % des consultations en adressant le patient concerné à
un autre ophtalmologiste.
Rationalisation ou accessibilité ?
Autre exemple qui montre combien, à une analyse purement
démographique, sommaire et trop supercielle, échappent
des réalités capitales : celui de la chirurgie ambulatoire. Le
maître mot des agences régionales de l’hospitalisation est, très
légitimement, celui du regroupement des plateaux techniques
chirurgicaux, an de les concentrer en grands établissements
pluridisciplinaires, dont on espère une meilleure performance
et une meilleure productivité, notamment grâce à des écono-
mies d’échelle. Or, tandis que l’on s’évertue à constituer ces
prestigieux ensembles en suppprimant de plus petites installa-
tions, on éloigne des usagers le lieu où ils devront être traités.
Le malade doit alors organiser à ses frais son “hospitalisation”
à l’hôtel
(2)
, an de pouvoir bénécier d’un suivi postopératoire,
essentiel dans le traitement d’une éventuelle endophtalmie.
On néglige aussi l’évaluation de la performance et de la produc-
tivité comparatives de ces plateaux techniques chirurgicaux
que l’on voit à présent se créer çà et là, dévolus à une seule
spécialité (l’ophtalmologie), voire à une seule pathologie (la cata-
racte), qu’ils soient intégrés à un établissement ou qu’ils soient
indépendants (annexés à un cabinet libéral). En l’absence de
nécessaires études objectives, les partisans et les adversaires
de telles structures en sont réduits à se lancer des anathèmes
d’un dogmatisme également stérile. Pour le patient, anxieux
du résultat de son intervention, mais aussi confronté à toutes
les perturbations – et à tous les débours – que celle-ci va occa-
sionner, comme pour la santé publique, les a priori sectaires sont
sans intérêt. L’un et l’autre attendent de véritables arguments.
Aides techniques de l’ophtalmologiste
En matière de délégation de tâches sous contrôle médical (le
Syndicat national des ophtalmologistes de France a dénitive-
ment invalidé le terme, initial mais inacceptable, de “transfert
de compétence”, car une compétence ne se transfère pas, elle
s’acquiert), ces arguments existent, en ce qui concerne l’ophtal-
mologie. Ils résultent de diverses expérimentations, tentées par
des pionniers inventifs et courageux, réalisées dans des condi-
tions rigoureuses et astreignantes, sous l’égide de l’Observa-
toire national de la démographie des professions de santé, de
l’Assurance-maladie et de la Direction de l’hospitalisation et de
l’organisation des soins du ministère de la Santé
(3)
.
Le résultat est clair : le “temps-médecin” de l’ophtalmologiste
est libéré par le recours à des aides techniques, favorisé depuis
la parution du décret du 27 novembre 2007
(4)
: jusqu’à 30 % de
disponibilité en plus pour étudier l’ensemble des résultats, en tirer
les conclusions et s’en entretenir avec le patient. Les praticiens
qui exercent ainsi – et ils sont nombreux – sont unanimes à souli-
gner la satisfaction exprimée par la grande majorité des patients,
et le meilleur confort d’exercice pour le médecin. Mais c’est lui
qui assume le risque nancier et personnel de ce passage à une
véritable PME ophtalmologique, dont les implications en termes
d’investissements, de locaux, d’organisation, de management, de
gestion des ressources humaines, de communication… intimi-
dent très légitimement bien des médecins spécialistes d’exercice
libéral. Il reste que l’ophtalmologie est une fois de plus, parmi les
spécialités cliniques (l’imagerie médicale, avec la profession de
manipulateur en radiologie, est à mettre à part), très en avance
dans cette démarche tant de par le volontarisme de son engage-
ment que de par le nombre de médecins impliqués.
Objectif : améliorer l’offre de soins
Quoi de commun, en termes de modalités d’exercice et de nombre
de patients accueillis chaque jour, entre un ophtalmologiste
consultant à temps partiel et un patron d’entreprise médicale qui
gère une équipe de quinze associés et collaborateurs
(5)
? Quoi de
commun entre un ophtalmologiste britannique salarié du National
Health Service, qui accepte 67 patients par semaine, et son homo-
logue français libéral qui en examine 127, ou leur collègue alle-
mand qui, fortement secondé par la délégation de tâches et le
renforcement de son plateau technique, en accueille 240 !
Cette extrême diversité est, on peut le dire et le déplorer, tota-
lement négligée par les décideurs de notre pays et ceux qui
les conseillent. Elle représente pourtant un facteur essentiel
à prendre en compte dès lors que l’on s’attaque à la véritable
question, qui n’est pas tant celle de la répartition de pions
ophtalmologistes sur le “Monopoly” des technocrates que celle
d’une offre de soins associant qualité et accessibilité.
C’est dire combien il importe que les professionnels eux-mêmes
se préoccupent et s’emparent des questions de santé publique
qui concernent leur domaine de compétence. En décidant de
donner à celles-ci la place qu’elles méritent, la revue
Images en
Ophtalmologie
a pris une initiative très opportune. Tout indique,
en particulier ces temps-ci, combien elle était nécessaire.
II
Références bibliographiques
1.
BourT,CorreC.Rapport“L’ophtalmologieetlalièrevisuelleenFrance
–Perspectivesetsolutionsàl’horizon2030”,avril2006.
2.
ThornS,FischerB,WeillG.Aspectsdelachirurgieambulatoireenophtal-
mologie:synthèsed’uneétudenationale2001-2003.Revuedel’Ophtalmologie
française2005;148.
3.
Rapportofcieldel’expérimentationsousladirectiondeJ.B.Rottier.
AnnexeXII:RéseauophtalmologiquedelaSarthe.doc.
http://www.lestroiso.
org/doc/index.htm
4.
Décretn°2007-1671du27novembre2007xantlalistedesactespouvant
êtreaccomplisparlesorthoptistes(JOdu28novembre2007).
5.
BourT.Évolutiondel’activitédesophtalmologistes.Revuedel’Ophtalmo-
logiefrançaise2007;159.
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