R E V U E D E P R E S S E Dirigée par le Pr P. Amarenco Ischémie cérébrale et oculaire dans la fibrillation auriculaire et les sténoses carotidiennes ■ Les accidents ischémiques rétiniens sont plus souvent secondaires à une sténose athéromateuse carotidienne qu’à la fibrillation auriculaire. Le but de cette étude était de vérifier cette hypothèse à partir des données collectées de façon prospective dans deux grandes études de prévention des accidents vasculaires cérébraux, les études Stroke Prevention in Atrial Fibrillation (SPAF) I à III, et l’étude North American Symptomatic Carotid Endarterectomy Trial (NASCET). Un total de 2 012 patients ayant une fibrillation auriculaire non valvulaire inclus dans les études SPAF I à III (dont 1 722 traités par aspirine seule), et 759 patients ayant une sténose de la carotide interne symptomatique (sténose 50-99 %) traitée médicalement dans l’essai NASCET ont été inclus dans cette analyse. Les événements qualifiants comprenaient la survenue d’une cécité monoculaire transitoire, un infarctus rétinien, un accident ischémique transitoire cérébral, ou un accident vasculaire constitué cérébral. La proportion d’accidents hémisphériques versus rétiniens (H:R) était 25:1 dans le groupe de patients SPAF traités par aspirine, et 2:1 dans le groupe de patients NASCET. Chez les patients NASCET, le rapport H:R d’accidents ischémiques récidivants était 1:4 pour les vaisseaux randomisés initialement en raison de symptomes rétiniens et 6:1 pour ceux randomisés initialement pour des symptomes hémisphériques (p < 0,001). Le rapport d’événements H:R dans le territoire controlatéral à la carotide symptomatique était de 1:1 si le vaisseau randomisé avait produit des symptômes rétiniens et de 4:1 si le vaisseau randomisé avait produit des symptômes hémisphériques (p < 0,001). Le degré de sténose carotidienne n’avait pas d’influence sur le rapport H:R (p = 0,8). Commentaire. Cette étude confirme la plus grande fréquence de symptômes d’ischémie rétinienne dans les sténoses carotidiennes que dans la fibrillation auriculaire. Les facteurs hémodynamiques ne paraissent pas jouer un rôle plus important dans la survenue de symptômes rétiniens que dans la survenue de symptômes hémisphériques chez les patients ayant une sténose carotidienne. Le type de symptômes initiaux (rétiniens ou hémisphériques) prédit fortement les événements suivants chez les patients ayant une sténose carotidienne, même lorsque les nouveaux symptômes surviennent sur la carotide controlatérale. L’une des hypothèses suggérées par les auteurs est le fait que des symptômes rétiniens peuvent survenir en raison d’embols très petits, comme dans les embolies d’artère à artère, tandis que les symptômes hémisphériques surviennent plus souvent lorsque la taille des embols est plus grande, comme dans les embolies d’origine cardiaque. Cette observation serait expliquée par une plus grande sensibilité de la rétine à une ischémie très localisée par rapport au parenchyme cérébral. V. Biousse, service de neuro-ophtalmologie, université Emory, États-Unis. ✔ Anderson DC, Kappelle LJ, Eliasziw M, Babikian VL et al. Occurrence of hemispheric and retinal ischemia in atrial fibrillation compared with carotid stenosis. Stroke 2002 ; 33 : 1963-8. Vers une nouvelle classification des dysplasies corticales ■ Les dysplasies corticales ont été décrites initialement par Taylor. Depuis, ce terme a été largement utilisé pour définir des types très différents de malformations du développement cortical et différentes classifications anatomopathologiques et radiologiques ont vu le jour. Le but de cette étude était de tenter d’harmoniser la définition des dysplasies corticales en proposant une classification opérationnelle simple fondée sur les caractéristiques neuropathologiques des malformations et de vérifier si ces caractéristiques neuropathologiques avaient des corrélations cliniques, radiologiques ou électroencéphalographiques. Les tissus opératoires de 52 patients épileptiques opérés d’une malformation du développement cortical ont été réexaminés. Trois sous-groupes neuropathologiques ont été identifiés : – type 1 : dysplasie architecturale caractérisée par la présence d’une lamination corticale anormale et de neurones ectopiques au sein de la substance blanche (31 patients) ; – type 2 : dysplasie cytoarchitecturale caractérisée par la présence de neurones géants riches en neurofilaments associée à des anomalies de la lamination corticale (6 patients) ; – type 3 : dysplasie corticale (de Taylor au sens strict du terme) caractérisée par la présence de neurones géants dysmorphiques, de cellules ballonisées et d’une interruption de la lamination corticale (15 patients). Le type 3 possédait le meilleur pronostic postopératoire avec 75 % de guérison à un an versus 50 % dans le type 2 et seulement 43 % dans le type 1. Parallèlement, c’est dans le type 3 que les anomalies de signal étaient le plus identifiables à l’IRM. Cliniquement et électriquement parlant, les sous-groupes étaient proches, exception faite de la fréquence des crises plus basse dans le type 1 et de la localisation lobaire (tableau). Commentaire. Si certaines malformations du développement cortical possèdent une définition claire, ce n’est pas le cas des dysplasies focales. Sous ce terme se cachent différents types de malformation selon les critères retenus (génétiques, cliniques, radiologiques, histologiques). Le mérite de cette étude est de proposer une classification simple fondée sur des critères histologiques facilement identifiables. La réserve est que les différents sous-types ainsi définis ne semblent pas avoir de corrélation électroclinique et radiologique claire. Cette absence de corrélation peut-être liée au trop faible nombre de sujets inclus dans cette étude. Toutefois, il n’en reste pas moins qu’une classification purement anatomopathologique est peu utile en clinique quotidienne et ne permet pas de définir a priori les patients à bon pronostic postopératoire. S. Dupont, hôpital de la Salpêtrière, Paris. ✔ Tassi et al. Focal cortical dysplasia : neuropathological subtypes, EEG, neuroimaging and surgical outcome. Brain 2002 ; 125 : 1719-32. Tableau. Durée d’évolution de l’épilepsie Âge de début de l’épilepsie Fréquence mensuelle des crises Crises partielles simples Généralisations secondaires États de mal Localisation temporale Localisation extra-temporale La Lettre du Neurologue - n° 9 - vol. VI - novembre 2002 Type 1 (n = 31) 20 ans (2-34) 7 ans (0-24) 39 (1-600) 28/31 13/31 2/31 20/31 11/31 Type 2 (n = 6) 14 ans (1-42) 6 ans (0-26) 134 (1-300) 3/6 1/6 0/6 2/6 4/6 Type 3 (n = 15) 13 ans (2-27) 6 ans (0-22) 97 (1-400) 10/15 2/15 2/15 2/15 13/15 333 R E V U E D E P R E S S E Dirigée par le Pr P. Amarenco Prévalence de la migraine en France ■ Les auteurs ont étudié, au moyen d’entretiens structurés en face à face, la prévalence de la migraine et des céphalées en général dans un échantillon représentatif de la population française de plus de 15 ans (environ 10 000 personnes). Parmi les individus souffrant de céphalées (30 % des personnes interrogées), près de un sur deux accepta un entretien plus prolongé, d’où il ressort que la prévalence de la migraine (items 1,1 et 1,2 de l’IHS) est de 9,1 %, celle des céphalées chroniques quotidiennes (CCQ) de 3 %, celle des céphalées “apparentées à la migraine” (IHS 1,7) de 9,1 %. La migraine paraît 2,8 fois plus fréquente chez les femmes avec un “pic” de fréquence entre 25 et 50 ans et des facteurs déclenchants classiques. Le handicap apparaît significatif chez plus de la moitié des migraineux. Enfin si 80 à 90 % des patients se traitent, près de 30 % ne sont pas soulagés par leur traitement. Commentaire. Cette très belle étude épidémiologique française a été conduite fin 1999 par une équipe interrégionale de neurologues et d’épidémiologistes chevronnés, et grâce au soutien du Laboratoire GSK : elle donnera lieu à d’autres publications statistiques qui seront aussi intéressantes pour nous que pour l’industrie pharmaceutique (Quelle est la fréquence de l’AVF ? Combien de migraineux ont un traitement de fond ?). Mais d’ores et déjà, elle vérifie que : – la prévalence de la migraine évolue peu ou pas par rapport à l’étude menée il y a 10 ans par les auteurs : il s’agit réellement d’un problème de santé publique du fait de l’invalidité qu’elle cause ; – une proportion importante d’individus souffrant de céphalées “d’allure migraineuse” n’est pas facilement classée par les critères actuels de l’IHS ; – il reste encore beaucoup à faire en termes d’efficacité des traitements (et donc d’éducation des patients et des médecins au maniement des traitements de crise) ; – le traitement des CCQ intéresse 3 % de la population et mériterait là aussi un effort d’éducation de santé et de recherche. J. d’Anglejan-Chatillon, Versailles. ✔ P. Henry et al. Prevalence and clinical characteristics of migraine in France. Neurology 2002 ; 59 : 232-7. Éléments pronostiques et évolution de la SLA ■ 334 Les auteurs ont étudié de manière prospective l’évolution de 221 patients atteints de SLA, diagnostiqués entre 1995 et 1996 (120 femmes, 101 hommes) classés selon les critères d’El Escorial, et dont l’âge au début des symptômes était en moyenne de 62,8 années. Le début survenant de manière aussi fréquente par la musculature bulbaire des membres supérieurs ou des membres inférieurs. Les femmes eurent plus souvent un début bulbaire que les hommes (42 versus 27). Il y eut en moyenne un délai de 11,1 mois entre le début des symptômes et le diagnostic. Un quart des patients subirent une gastrostomie percutanée (GPE), 10 % une ventilation non invasive, et 6 % eurent une trachéotomie. Le délai moyen de survie après les premiers symptômes fut de 915 jours (IC 0,95 % : 790-1 065), et un quart des patients survivaient à 5 ans. En analyse univariée, les facteurs de mauvais pronostic à 3 ans étaient le début chez un sujet âgé, le début bulbaire, l’atteinte respiratoire, le caractère “défini” de la SLA et le rythme d’aggravation lors des testings répétés. En analyse multivariée, ce sont la détérioration de la capacité vitale, l’absence de GPE, le rythme de progression de l’atteinte aux membres inférieurs qui furent les éléments les plus péjoratifs. Commentaire. Cet article est intéressant en ce qu’il concerne une population importante de malades, traités par différentes équipes mais étudiés de manière identique et prospective. Il fait émerger la question de l’impact des différents moyens d’assistance, en particulier de la GPE, éventuellement de la ventilation non invasive sur la survie (et sur la qualité de survie ?) des patients. Il nous apprend que l’évolution de chaque malade durant les premiers mois est un élément pronostique important et qu’il faut essayer auprès de ces malades qui s’aggravent plus vite de se poser plus tôt la question des modes d’assistance nutritionnelle et respiratoire. Il confirme enfin l’utilité des centres SLA et la nécessité pour les neurologues de mettre sur pied des réseaux de soins adaptés à l’évolution relativement stéréotypée de cette terrible maladie. JAC ✔ A. Chio et al. Early symptom progression rate is related to ALS outcome : a prospective populationbased study. Neurology 2002 ; 59 : 99-103. SEP et risque suicidaire ■ L’auteur a étudié par des entretiens structurés la prévalence du risque suicidaire et de l’anxiété chez 140 patients canadiens consécutifs suivis en externe dans une consultation spécialisée dans la SEP. Les statuts social et cognitif des patients étaient également évalués via des échelles simples. Parmi ces patients âgés de 18 à 73 ans (moyenne 43,9 ans), il y avait 74 % de femmes, 55% de patients mariés et 39 % en activité. La maladie datait de 1 à 32 ans (moyenne 8,8 ans) avec un score EDSS de 0 à 8,5 (moyenne 3,6), avait un cours rémittent régressif (RR) dans 56% des cas et secondairement progressif (SP) dans 32 % des cas. Le risque suicidaire (reconnu chez 40 patients – dont 9 ayant fait une tentative –) était significativement plus élevé chez les patients vivant seuls, soumis à un stress social élevé, avec des antécédents d’épisodes anxio-dépressifs ou une alcoolisation. Il n’existait pas de lien avec l’existence ou non d’un traitement de fond de la maladie ou avec l’atteinte cognitive. Enfin, un tiers des patients déprimés ou suicidaires ne recevaient aucun soutien psychologique ou médicamenteux. Commentaire. Cette étude simple et bien menée montre un aspect de la SEP auquel nous sommes peut-être moins attentifs qu’aux atteintes physiques de la maladie : selon les études disponibles, le suicide représenterait de 3 à 15 % des causes de décès dans la SEP. Les patients le plus à risque sont ceux qui vivent seuls – on sait la fréquence des séparations dans cette maladie –, qui sont ou ont été déprimés, qui consomment de l’alcool en excès. Aborder la question quand il existe des signes d’alerte permet de mettre en place des cellules de soutien. JAC ✔ Caine ED, Schwid SR. Multiple sclerosis, depression, and the risk of suicide. Neurology 2002 ; 59 : 662-3. L’écho-Doppler pour le diagnostic d’artérite temporale de Horton ■ La présence d’un halo hypoéchogène autour de l’artère temporale superficielle par écho-Doppler est considérée par certains auteurs comme un signe spécifique d’artérite temporale de Horton. Il a même été suggéré que la démonstration d’une telle anomalie par écho-Doppler pourrait potentiellement remplacer la biopsie de l’artère temporale chez un patient ayant une présentation clinique typique d’artérite temporale de Horton. Dans cette étude, les auteurs ont prospectivement évalué l’usage de l’écho-Doppler pour le diagnostic d’artérite temporale de Horton. Un total de 86 patients ayant des symptômes et signes suggérant l’artérite La Lettre du Neurologue - n° 9 - vol. VI - novembre 2002 temporale de Horton ont été inclus consécutivement. Tous les patients ont eu un écho-Doppler et un examen clinique des artères temporales superficielles. Le diagnostic définitif d’artérite temporale de Horton était fondé sur la biopsie de l’artère temporale réalisée avant le début du traitement corticoïde. L’écho-Doppler des artères temporales a été réalisé par deux techniciens qui ne connaissaient pas le diagnostic final. La biopsie de l’artère temporale était réalisée à un endroit spécifiquement choisi lors de l’écho-Doppler. Dans cette étude, la présence d’un halo hypoéchogène autour de l’artère temporale avait une sensibilité de seulement 40 % (IC : 95 %, 16 % à 68 %) et une spécificité de 79 % (IC, 68 % à 88 %) pour le diagnostic d’artérite temporale de Horton à biopsie positive. La spécificité augmentait (IC : 93 %, 84 % à 98 %) lorsque que le halo mesurait plus de 1 mm ; néanmoins, la sensibilité demeurait faible (IC : 40 %, 16 % à 68 %). La palpation d’une artère temporale anormale lors de l’examen clinique avait une sensibilité plus élevée de 67 % (IC : 38 % à 88 %) et une meilleure spécificité (IC : 99 %, 92 % à 100 %) que l’écho-Doppler. Aucun des patients ayant une biopsie positive n’avait à la fois un examen clinique normal et un halo hypoéchogène sur l’échographie. Commentaire. Cette étude confirme que la démonstration d’un halo hypoéchogène autour des artères temporales par l’échoDoppler augmente seulement de façon modérée la probabilité d’avoir une biopsie de l’artère temporale positive mais n’a aucun avantage par rapport à un examen clinique soigneux. Le diagnostic d’artérite temporale de Horton repose encore sur l’examen clinique et la biopsie de l’artère temporale. la proportion de patients sans poussées : à 2 ans, 51 % des patients sous Betaferon® n’ont pas eu de poussées versus 36 % sous Avonex® (risque relatif de poussées à 0,76 ; IC : 95 % 0,59-0,9 ; p = 0,03). Pour le critère IRM principal – l’absence de nouvelles lésions en T2 – 55 % des patients sous Betaferon® l’ont rempli versus 26 % sous Avonex® (risque relatif de nouvelles lésions en T2 à 0,6 ; 0,45-0,8 ; p < 0,0003). Dans les 2 groupes, la différence entre les traitements a augmenté pendant la seconde année de l’étude. Il y avait également des différences significatives pour les critères secondaires en faveur de Betaferon®, notamment pour le délai de progression du handicap. Commentaire. Dans cette étude, les risques pour un patient d’avoir une poussée, une progression du handicap ou de nouvelles lésions à l’IRM diminuent de 50 % si le patient est traité par Betaferon® par rapport à Avonex®. La critique majeure est l’évaluation en ouvert des critères cliniques. Les résultats vont cependant dans le sens d’une nouvelle conception, moins attentiste dans le traitement de la SEP, reposant sur l’hypothèse d’une relation entre la phase inflammatoire initiale et le développement plus tardif, irréversible, de la progression du handicap liée à la perte axonale. Coyle et al. font la synthèse des arguments en faveur de cette hypothèse et proposent un traitement précoce et “agressif” de la SEP. Les recommandations de l’AAN vont également dans ce sens mais soulignent l’importance d’une méthodologie rigoureuse pour l’évaluation des traitements ; le but de ces traitements doit être le contrôle du handicap à long terme, ce qui est difficile compte tenu de la durée courte des essais et de l’absence de marqueurs complètement validés prédictifs de cette évolution. VB ✔ Salvarani C, Silingardi M, Ghirarduzzi A et al. Is duplex ultrasonography useful for the diagnosis of giant cell arteritis ? Ann Intern Med 2002 ; 137 : 232-8. SEP : traiter vite et fort ■ Durelli et al. ont comparé Avonex® et Betaferon® dans une étude indépendante, prospective de 2 ans, randomisée, multicentrique. Cent quatre-vingt-huit patients atteints de SEP rémittente ont reçu de l’Avonex® (n = 92) ou du Betaferon® (n = 96). Les critères cliniques ont été évalués en ouvert, alors que les critères IRM l’ont été en aveugle. Le premier critère clinique était D. Dimitri, hôpital Sainte-Anne, Paris. ✔ Durelli L, Verdun E, Barbero P et al. Every-otherday interferon beta-1b versus once-weekly interferon beta-1a for multiple sclerosis : results of a 2-year prospective randomised multicentre study (INCOMIN). Lancet 2002 ; 359 : 1453-60. ✔ Goodin DS, Frohman EM, Garmany GP et al. Disease modifying therapies in multiple sclerosis. Report of the Therapeutics and Technology Assessment Subcommittee of the American Academy of Neurology and the MS Council for Clinical Practice Guidelines. Neurology ; 58 (2) : 169-78. ✔ Coyle PK, Hartung HP. Use of interferon beta in multiple sclerosis : rationale for early treatment and evidence for dose – and frequency – dependent effects on clinical response. Multiple sclerosis 2002 ; 8 : 2-9. La Lettre du Neurologue - n° 9 - vol. VI - novembre 2002 Anticorps neutralisants : Betaferon® versus Rebif ® versus Avonex® ■ L’incidence et la prévalence des anticorps neutralisants (NAB) ont été étudiées par CPE (cytopathic effect) assay dans le sérum de 125 patients atteints de SEP rémittente, dont 29 sous Betaferon®, 44 sous Avonex®, 36 sous Rebif ® (22 µg en s.c. 3 fois/semaine) et 16 sous Rebif® 22 µg i.m. une ou 3 fois/semaine tous les 3 mois pendant une durée de 18 mois. Les NAB se développaient dès le 3e mois jusqu’au 18e mois. À 18 mois, la prévalence des NAB persistants (positifs sur deux prélèvements consécutifs ou plus) était de 31,6 % pour Betaferon®, 18,7 % pour Rebif ® et 4 % pour Avonex®. Il n’y avait pas de différence entre le Rebif® s.c. et le Rebif ® i.m. Les auteurs en concluent que l’immunogénicité des différents interférons bêta pouvant influer sur leur effet thérapeutique, celle-ci devait être prise en compte dans le choix du traitement. Commentaire. C’est la première étude comparant directement l’immunogénicité des trois interférons bêta. Cependant, les seuils de positivité des NAB par CPE sont arbitraires dans cette étude ; de plus, l’association entre NAB et diminution de l’activité clinique ou IRM reste controversée ; de même, la disparition des NAB est possible après une longue durée de traitement ; enfin en cas de positivité persistante sous un interféron bêta, il serait illogique de le remplacer par un autre, compte tenu d’une réponse anticorps croisée. DD ✔ Bertolotto A, Malucchi S, Sala A et al. Differential effects of three interferon betas on neutralising antibodies in patients with multiple sclerosis : a follow up study in an independant laboratory. JNNP 2002 ; 73 : 148-53. ✔ Coles AJ. Neutralising antibodies to the beta interferons. JNNP 2002 ; 73 : 110-1. SEP et diabète de type 1 : une association paradoxale ? ■ La population sarde est à haut risque pour la SEP et le diabète de type 1. La prévalence du diabète a été étudiée sur une cohorte de patients atteints de SEP (1 090), chez leurs parents (2 180) et chez la fratrie (3 300), tous vivant en Sardaigne et représentatifs de cette population. La prévalence du diabète chez les patients atteints de SEP est respectivement 3 et 5 fois supérieure à celle de leur fratrie en bonne santé (p = 0,001) et à celle de la population générale (p < 0,0001). La pré335 R E V U E D E P R E S S E Dirigée par le Pr P. Amarenco sence d’autres sujets apparentés atteints de SEP (famille multiplex) confère un risque accru de diabète à la fratrie en bonne santé des individus atteints de SEP (odds-ratio = 3,41 ; p = 0,0019). Le risque de diabète était 6 fois supérieur chez les patients atteints de SEP dans une famille multiplex par rapport à une fratrie en bonne santé de patients atteints de SEP sans autre cas dans la famille (p = 0,0001). Commentaire. Dans les familles sardes multiplex, le diabète de type 1 est prévalent à la fois chez les patients atteints de SEP et chez la fratrie non atteinte de SEP. Ce qui suggère des gènes communs de susceptibilité pour les deux maladies dans cette population. Bien que les mécanismes de l’autoimmunité soient très proches dans la SEP et le diabète de type 1, ce résultat reste surprenant, puisque l’haplotype DR2 associé à la SEP dans le nord de l’Europe protège contre le diabète. La population sarde est intéressante à plusieurs points de vue : faible hétérogénéité génétique et très haute prévalence de plusieurs maladies autoimmunes (SEP, diabète, maladie cœliaque, etc.). La SEP est associée dans cette population au HLA-DR3, qui est également associé au diabète et à d’autres maladies auto-immunes. Les études génétiques de cette population permettraient d’identifier des gènes non HLA impliqués dans l’autoimmunité. DD ✔ Marrosu MG, Cocco E, Lai M et al. Patients with multiple sclerosis and risk of type 1 diabetes mellitus in Sardinia, Italy : a cohort study. Lancet 2002 ; 359 : 1461-5. ✔ Lernmark A. Multiple sclerosis and type 1 diabetes : an unlikely alliance. Lancet 2002 ; 359 : 1450. Cyclophosphamide à fortes doses dans le traitement des CIDP résistantes ■ Brannagan et al. (Philadelphie, ÉtatsUnis) rapportent l’intérêt d’un traitement par fortes doses de cyclophosphamide sans sauvetage (rescue) par cellules souches hématopoïétiques dans des formes résistantes de neuropathies inflammatoires démyélinisantes chroniques (CIDP). Il s’agit d’une étude pilote concernant 4 patients porteurs d’une CIDP n’ayant bénéficié que d’une réponse incomplète aux différents traitements antérieurs, incluant en particulier les trois types de thérapeutiques validés dans cette indication : les corticoïdes, les 336 plasmaphérèses et les immunoglobulines polyvalentes intraveineuses. Tous les patients ont reçu une dose totale de cyclophosphamide de 200 mg/kg répartie sur 4 jours. Le traitement était suivi de l’administration du facteur de croissance GCSF (granulocyte colony stimulating factor) afin d’accélérer la différenciation des cellules souches. La force motrice et le handicap fonctionnel se sont nettement améliorés dans tous les cas, et les amplitudes des réponses évoquées musculaires ont augmenté chez 3 des 4 patients. Des effets secondaires significatifs ont été néanmoins signalés avec notamment la survenue d’une infection neutropénique dans 2 cas. Commentaire. Cette stratégie thérapeutique offre de nombreux attraits théoriques. Le premier est de cibler les deux populations cellulaires impliquées dans la réaction auto-immunitaire responsable des lésions de la CIDP. En effet, le cyclophosphamide à fortes doses induit une déplétion majeure à la fois des lymphocytes T et B. Par ailleurs, cette immunodépression profonde a comme avantage de respecter les cellules souches hématopoïétiques. Celles-ci possèdent, en effet, de hauts niveaux d’aldéhyde-déshydrogénase, une enzyme qui confère une résistance au cysclophosphamide. La préservation des cellules souches permet de ne pas avoir recours à une autogreffe de moelle susceptible de réinfuser des lymphocytes autoréactifs. Enfin, l’intérêt de cette stratégie est appuyé par son efficacité prouvée dans d’autres affections immunitaires, notamment les anémies auto-immunes. Une présentation remarquée lors de la dernière conférence de l’AAN (Denver, 2002) a fait état de résultats très favorables dans les myasthénies auto-immunes résistantes aux traitements conventionnels. Les conclusions de cette étude préliminaire dans les CIDP incitent à aller plus loin dans l’évaluation de cette nouvelle stratégie thérapeutique. Le rapport risque/bénéfice devra notamment être examiné attentivement et mis en perspective avec celui des traitements conventionnels qui ne sont pas non plus denués de risques. P.F. Pradat, Harvard Center for Neurodegeneration and Repair, Harvard Medical School, Cambridge, États-Unis. ✔ Brannagan TH, III et al. High-dose cyclophosphamide without stem-cell rescue for refractory CIDP. Neurology 2002 ; 58 : 1856-8. Immunité humorale du DEVIC ■ L’objectif de cette étude était d’évaluer l’importance des mécanismes humoraux, y compris l’activation du complément, dans la genèse des lésions nécrotiques de la moelle et des nerfs optiques au cours de la maladie de DEVIC. La neuro-opticomyélite de DEVIC est une maladie inflammatoire idiopathique du système nerveux central, dont on ne connaît pas les mécanismes résultant en la localisation sélective des lésions inflammatoires et démyélinisantes au nerf optique et à la moelle. Les auteurs ont examiné 82 lésions issues de 9 cas autopsiques de maladie de DEVIC cliniquement certaine. Les lésions étaient similaires chez les 9 sujets. Il existait une démyélinisation extensive sur plusieurs segments médullaires, associée à une cavitation, une nécrose et des lésions axonales, à la fois dans la substance grise et dans la substance blanche. L’infiltrat inflammatoire était composé de macrophages, granulocytes et éosinophiles localisés dans les régions périvasculaires, avec des dépôts importants d’Ig, surtout IgM, et de complément dans les lésions actives, ainsi qu’une fibrose et une hyalinisation vasculaires dans les lésions actives et inactives. L’importance de l’activation du complément, de l’infiltrat éosinophile et de la fibrose vasculaire, en comparaison aux lésions classiques de SEP, font discuter le rôle de l’immunité humorale dans la pathogénie de la maladie de DEVIC. Commentaire. Il s’agit du premier travail mettant effectivement en évidence l’importance de l’immunité humorale dans la maladie de DEVIC, dont on discute toujours la parenté avec la SEP. L’éditorial de Gold et Linington souligne l’importance de cette découverte sur le plan thérapeutique, et l’intérêt des échanges plasmatiques, des immunoglobulines intraveineuses, voire des inhibiteurs du complément dans cette pathologie, de même que l’intérêt d’une immunosuppression intensive et précoce de type mitoxantrone. S. Vukusik, hôpital neurologique, service de neurologie A, Lyon. ✔ Lucchinetti CF, Randler RN, MacGavern D et al. A role for humoral mechanisms in the pathogenesis of Devic’s neuromyelitis optica. Brain 2002 ; 125 : 1450-61. ✔ Gold R, Linington C. Devic’s disease : bridging the gap between laboratory and clinic. Brain 2002 ; 125 : 1425-7. La Lettre du Neurologue - n° 9 - vol. VI - novembre 2002