La Lettre du Cardiologue - n° 331 - mai 2000
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Les limites de l’angioplastie
Une session entière était consacrée aux limites de l’angioplastie.
P. Baragan a présenté le résultat de plusieurs centaines de troncs
communs non protégés traités par angioplastie. Il est intéressant
de comparer ses résultats à ceux du traitement chirurgical dans
l’étude CASS, où la survie est de 88 % à 4 ans. Il distingue :
1. les patients “inopérables”, mortalité immédiate 10 %, survie
69 % à 4 ans ;
2. les patients “bons candidats” pour le stenting (sténose ostiale),
93 % de survie à 4 ans ;
3. les patients présentants une sténose distale, 4,3 % de décès
immédiat, soit 6 % dans les 6 premiers mois, Target Lesion Revas-
cularisation (TLR) 17 %, 92 % de survie à 4 ans. Cette dernière
situation justifiera des études randomisées.
Les résultats des études CABRI et CAPRI avaient démontré
l’échec de l’angioplastie, mais c’était en 1995, et l’usage du stent
était encore restreint. Quarante-quatre pour cent des patients
avaient dû être revascularisés dans l’année.
J. Fajadet a exposé le traitement des lésions complexes de l’IVA.
La réponse s’articule sur un double risque, immédiat et tardif. Le
risque immédiat dépend de la longueur
et du diamètre de l’artère sténosée,
de l’existence de bifurcations et de
l’angle formé avec la circonflexe en
cas de sténose ostiale, qui constituent
des éléments de difficulté. Le risque tardif est lié à la resténose,
dont les facteurs de risque restent le diabète, le diamètre < 3 mm,
la complexité et la longueur de la lésion. Il faut retenir qu’on ne
doit pas éliminer pour nos patients une possibilité chirurgicale en
limitant les sites d’implantation par des stents étagés, “the full
metal jacket”...
J. Marco nous a présenté une très intéressante étude à propos des
conséquences de l’angioplastie sur la vasomotricité et la physio-
pathologie du no reflow. Le réseau coronaire et l’artère consti-
tuent un organe, la fantastique agression que provoque l’angio-
plastie entraîne d’importantes modifications de la vasomotricité.
L’étude, basée sur l’évolution de la réserve coronarienne après
mise en place de stent, montre que la réserve reste basse après
angioplastie et augmente après administration de bloqueurs
alpha2 spécifiques des petits vaisseaux.
STENTING DIRECT
Le stenting sans prédilatation ou stenting direct pose des pro-
blèmes aussi bien philosophiques que techniques. Il représente
près de 30 % des procédures globales, et atteint 70 % dans cer-
tains centres. Il constitue un gain de temps, donc d’exposition
aux rayons X, et un gain financier, mais il comporte un risque
d’échec (il n’y a que 94 % de succès), et surtout une perte de
chance pour le patient, en exposant systématiquement celui-ci à
un risque de resténose intrastent, en particulier dans les lésions
longues. Il semble donc logique de le réserver à des indications
bien particulières : lésion courte, non calcifiée, de diamètre
>2,5 mm, sans bifurcation, de type A, B1, B2, en évitant les
lésions sur artères sinueuses, occluses, quand il est impossible
d’affirmer le diamètre du vaisseau et la longueur de la sténose,
ou quand le franchissement est incertain. Le stenting direct est
discutable chez le sujet âgé, sur les lésions ostiales, et en parti-
culier dans les greffons veineux où une dilatation incomplète sui-
vie de la pose d’un stent pourrait diminuer le risque d’embolie
distale.
A. Pichard apporte son expérience sur le stenting des artères
natives. Le stenting direct est guidé par l’exploration échogra-
phique de l’artère : cette méthode, dans une étude sur 438 lésions
comparant provisional stenting et stent direct, est en faveur du
stenting direct.
Faut-il stenter les petites artères ? Les résultats complets de
l’étude BESMART ont été présentés à l’ACC par R. Koening.
Sur une série de 381 patients (avec un MAjor Cardiac Event
[MACE] identique), il y a 52 % de resténose dans le groupe sans
stent et 23 % dans le groupe stenté. C’est le premier travail qui
va dans ce sens ; encore un French paradox...
Bifurcations
Les tenants de la voie radiale s’opposent à B. Chevalier, qui nous
a convaincus des avantages du matériel 5F pour les angioplasties
par voie fémorale, sans introducteur : il permet la mise en place
des stents, 75 % des patients sortent sans compression avec un
simple pansement et peuvent se lever
à la troisième heure. Il semble ainsi
possible de diminuer encore les
complications locales, qui avaient
nettement régressé avec le 6F.
M.C. Morice reste dans le traitement des bifurcations, favorable
au double stenting, avec des prothèses tubulaires, en débutant par
la branche principale et en complétant par un kissing1.Le TVR est
de 13 %, ce qui est à peine plus élevé que celui des lésions simples.
Tr aitements des pontages
Enfin A. Pichard, fidèle à cette réunion, a exposé ses réflexions
et propositions sur le traitement des pontages. D’abord, il vaut
mieux dilater l’artère native lorsque cela est possible ; en effet, il
existe un risque important d’embolisation distale (5 à 15 % selon
les travaux), et 38 % des patients augmentent leur CPK. On peut
proposer une protection avec le Percu-Surge qui met en place un
ballon occlusif dans la distalité du greffon pendant la dilatation
proximale ou la pose d’un stent. Il permet ensuite l’aspiration des
débris athéromateux. Une étude préliminaire sur 18 lésions a per-
mis d’éliminer les no reflow et les infarctus. A. Pichard propose
une intervention en deux temps : d’abord dilatation avec un petit
ballon, puis, après un mois de traitement anticoagulant et anti-
plaquettaire, mise en place d’un stent. L’utilisation des inhibi-
teurs GP2b3a reste à évaluer. Que dire des radiations ?
Génétique
La thérapie génique reste totalement expérimentale. Elle peut
intervenir à plusieurs niveaux :
–sur l’inhibition de la prolifération de la cellule musculaire lisse
dans la resténose, par le biais de vecteurs viraux qui induisent
une protéine inhibitrice,
–sur la multiplication de capillaires et de néovaisseaux.
INFORMATIONS
1. Kissing : jolie expression pour désigner la mise en place de deux ballons, un dans chaque
branche, avec des inflations successives.