ÉDITORIAL
les patients coïnfectés VIH-VHC. Bien malin celui qui s’y retrouve,
bien malin celui qui peut avoir une expérience personnelle pour
tous ces tests, autre que celle de l’analyse de la littérature.
POURQUOI DES TESTS NON INVASIFS DE FIBROSE ?
À de multiples reprises, les limites de la biopsie du foie ont été rap-
pelées. Il s’agit d’un test invasif, donc à risque, coûteux, car il néces-
site une hospitalisation, et entaché d’un certain nombre d’erreurs
liées à l’échantillonnage, à la répartition hétérogène des lésions
et aux différences interobservateurs. Ces limites sont maintenant
bien connues et acceptées par les hépatogastroentérologues. Elles
sont intégrées dans leur raisonnement diagnostique ou thérapeu-
tique. De même, les tests biochimiques de fibrose ont des limites
qui leur sont propres. Elles peuvent être liées soit aux fluctuations
des techniques de dosage, soit à leur manque de spécificité quant
à la pathologie du foie et à la fibrose. Les querelles entre “anciens”
et “modernes” d’il y a 2 à 3 ans apparaissent maintenant comme
d’une autre âge. Le problème n’est plus entre “toujours” et “jamais”
mais entre “quand” et “pourquoi”. En effet, en dehors de l’hépatite C,
la biopsie du foie reste indiquée habituellement pour faire le point
au cours de la pathologie alcoolique du foie, du syndrome dys-
métabolique ou de l’hépatite chronique B, par exemple. De même,
au cours de l’hépatite C, l’indication de la biopsie du foie n’a pas
disparu en cas de test non invasif non concluant ou de circonstances
particulières (coïnfection, alcool associé, post-transplantation, etc.),
finalement fréquentes.
NAISSANCE, VIE (ET MORT) D’UN TEST NON INVASIF
DE FIBROSE
Le point de départ est une population homogène de patients atteints
d’hépatite C dont les résultats de biopsies sont connus et chez qui
a été recherché un certain nombre de données biochimiques corres-
pondant à des marqueurs de la matrice extracellulaire soit directs
(acide hyaluronique, MMPS et TIMPS, PIIINP, collagène IV,
laminine, etc.), soit indirects (plaquettes, TP, etc.). La suite passe
par la sélection des variables d’intérêt et par la constitution d’un
algorithme correspondant (régression logistique). En ayant obtenu
ce test à partir de données rétrospectives, le but est de le valider par
des données prospectives, puis d’en obtenir la consécration par
une validation externe. À partir de là, les aléas de la postérité vont
dépendre, certes, de la qualité du test, de sa simplicité et de l’abon-
dance des publications, mais aussi de la force de conviction de
ses promoteurs.
QUEL TEST POUR QUELLE QUESTION ?
À quelle question veut-on répondre en proposant un test non inva-
sif de fibrose à ce patient atteint d’hépatite chronique C ? S’agit-il
de rechercher une maladie évoluée (F2, F3, F4), voire une cirrhose
(F4), et donc de poser une indication thérapeutique, ou au contraire
de rechercher une hépatite minime (F0, F1) et d’avoir des argu-
ments pour ne pas traiter maintenant ? Ce test s’inscrit-il dans le
bilan initial de la maladie de ce patient ou vient-il dans le suivi
après plusieurs biopsies du foie ? Toutes ces questions procèdent
d’un raisonnement différent. La biopsie du foie pouvait apporter
une réponse pour l’ensemble de ces questions. Un test non invasif
de fibrose devrait pouvoir également le faire. Ces différents tests
non invasifs ont des aires sous la courbe assez comparables entre
elles et pour différents degrés d’évolution de la maladie hépatique,
même si la concordance est souvent meilleure aux deux extrêmes
de la maladie, fibrose minime et cirrhose. Une des difficultés est
que ces données, validées sur des populations plus ou moins nom-
breuses et homogènes, sont utilisées pour des prises de décisions
à l’échelle individuelle.
QUEL EST LE RISQUE D’UN TEST NON INVASIF
DE FIBROSE ?
Un test non invasif de fibrose est également à risque. Le risque
n’est pas du même ordre que celui de la biopsie du foie. En effet,
la réalisation d’une biopsie du foie nécessite d’abord un point
complet de la pathologie, un examen clinique et la réalisation d’un
certain nombre d’examens biochimiques ou d’imagerie préalables,
analysés ensuite par un médecin qui en a l’expérience et qui en fera
la synthèse pour pouvoir proposer la biopsie du foie. Cette biopsie,
il en a la pratique, il en connaît les risques et, parfois, il a eu à en
gérer les complications. Le risque du test non invasif de fibrose
est que sa simplicité le ramène au rang de test de débrouillage et
qu’il est regardé d’un œil peu exercé et pressé. Finalement, ce
risque n’est pas lié au test, mais au médecin qui l’utilise.
À L’AVENIR
L’avenir des tests non invasifs de fibrose doit s’orienter dans quatre
directions :
–premièrement, après une phase de multiplication du nombre
des tests, une phase d’internationalisation de quelques-uns des
survivants, comme pour les scores histologiques, qui, bien qu’im-
parfaits, ont permis de parler une langue commune aux quatre coins
de la planète hépatologique ;
–deuxièmement, la validation d’algorithmes décisionnels intégrant
ces tests non invasifs passe non seulement par leur comparaison
mais également par leur association. À cet égard, l’association de
deux types de tests, comme les tests biochimiques directs et indi-
rects, ou les tests biochimiques et les tests physiques (élastométrie),
semble ouvrir des voies prometteuses ;
–troisièmement, ces tests devraient être suffisamment sensibles
pour permettre d’apprécier l’évolution de la maladie mais aussi,
au vu des progrès thérapeutiques, la régression de la fibrose, notam-
ment lorsque le malade en est au stade de cirrhose ;
–quatrièmement, l’un des buts de ces tests non invasifs pourrait
être également d’apporter une réponse plus en amont, au niveau du
dépistage de l’atteinte hépatique d’une maladie du foie, dépassant
l’hépatite C et englobant le problème majeur de santé publique que
représente l’alcool en France.
La lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 3 - vol. VIII - mai-juin 2005
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