Examiner le foie sans danger et sans douleur

Technique invasive, la biopsie présente un certain
risque. L’Aixplorer, un appareil d’imagerie médicale
super-puissant, permettra à l’avenir d’évaluer l’état
du foie sans eectuer de prélèvement.
PAR ALAIN DUCARDONNET INFOGRAPHIE ASK MEDIA
LA DÉCOUVERTE
Il porte, à quelques lettres près, le même nom que l’un
des plus anciens et célèbres navigateurs Internet. Mais
l’Aixplorer n’est pas un logiciel informatique. C’est un
appareil ultra-puissant mis au point en 2009 qui per-
met de réaliser une échographie rapide d’un organe en
mesurant, en profondeur, l’élasticité des tissus qui le
composent. Alors que l’Aixplorer a déjà fait ses preuves
dans le diagnostic du cancer du sein, des chercheurs
de l’Inserm viennent de prouver qu’il est aussi ecace
que la biopsie pour détecter et évaluer une maladie du
foie appelée fibrose hépatique.
COMMENT ÇA MARCHE
La fibrose hépatique est la complication commune
aux maladies chroniques du foie –hépatites ou alcoo-
lisme. La détérioration de cellules hépatiques par ces
maladies entraîne la formation de tissu cicatriciel
fibreux. Mais, lorsqu’il y en a trop, le fonc tionnement
de l’organe est bouleversé. Selon l’ampleur des dom-
mages subis par le foie, la fibrose est plus ou moins
importante. Il existe quatre stades d’évolution de
la fibrose : le stade F1 désigne une fibrose minime,
le stade F2, une fibrose modérée et le stade F3, une
fibrose sévère. On parle de cirrhose à partir du stade
F4, lorsqu’il y a du tissu cicatriciel dans tout le foie.
Celui-ci ne remplit alors plus ses fonctions normales :
il ne peut plus filtrer les substances contenues dans le
sang ou secréter la bile. Un cancer du foie peut surve-
nir dans les quinze à vingt ans qui suivent la forma-
tion d’une cirrhose.
Suivre et détecter l’apparition d’une fibrose hépatique
est donc très important, et l’on a souvent recours à la
biopsie. Celle-ci consiste à prélever avec une seringue
un petit morceau de la partie présumée touchée et de
l’analyser au microscope. Seul problème : la biopsie est
un examen lourd, invasif, qui se pratique sous anes-
thésie et qui comporte certains risques. Elle peut en
eet transformer des cellules anormales en cellules
cancéreuses ou entraîner des infections.
D’où le grand intérêt que suscite l’Aixplorer. Comparée
à la biopsie, cette technique a l’avantage d’être non
invasive, indolore et plus rapide. « Cet appareil per-
met de mesurer de façon très sensible la dureté d’un
tissu. Il associe une sonde, permettant d’évaluer à
distance l’intérieur des organes concernés grâce à
une onde focalisée, et un échographe ultra-rapide qui
enregistre la propagation de cette onde au rythme de
1 000 images par seconde », explique Mickaël Tanter,
directeur adjoint de l’institut de recherches Langevin,
à Paris. Plus le foie est dur, donc fibreux, plus la pro-
pagation de l’onde est rapide. En pratique, l’appareil
fournit une échographie de l’intégralité de l’organe et
superpose une seconde image en couleur qui révèle
l’élasticité du tissu, pixel par pixel, permettant ainsi de
localiser précisément les zones fibreuses.
Pour remplacer la biopsie par l’Aixplorer, il fallait qu’il
offre les mêmes performances. Une étude dirigée
par le professeur Stanislas Pol, chef du département
d’hépatologie de l’hôpital Cochin, à Paris, menée dans
son propre service et à l’institut Langevin, a comparé
les deux techniques sur 120 patients atteints de mala-
dies chroniques du foie. Les résultats se sont révélés
identiques avec les deux méthodes.
LES PERSPECTIVES
Actuellement, 950 Aixplorer ont été vendus, dans
50 pays. D’ici trois ans, cette méthode de diagnostic
remplacera la biopsie du foie. Pour Mickaël Tanter,
cet « outil incontournable dans l’étude du foie » ore
de belles perspectives. « Grâce à l’échographie ultra-
rapide, nous développons actuellement de nouvelles
options qui nous permettront d’obtenir des informa-
tions encore plus précises sur la pathologie étudiée »,
résume le professeur Pol.
En attendant, comme le rappellent les auteurs de
l’étude, l’Aixplorer a déjà prouvé son intérêt clinique
dans le dépistage du cancer : la mesure de l’élasticité
s’applique aussi aux autres organes, tels que le sein ou
la prostate, pour détecter des tumeurs.
perso I santé
Examiner le foie sans
danger et sans douleur
PHOTOS © VISUAL/L. GUÉRICOLAS/BFM TV
78 MAGAZINE DU VENDREDI 14 NOVEMBRE 2014 MAGAZINE DU VENDREDI 14 NOVEMBRE 2014 79
D’UNE MÉTHODE DE DIAGNOSTIC À L’AUTRE
SOURCE INSERM
AUJOURD’HUI
BIOPSIE
Un petit morceau du foie est prélevé
à l’aide d’une seringue puis analysé
au microscope.
Une sonde émet une onde,
qui se propage plus rapidement
dans les tissus durs. Celle-ci
est reliée à un échographe
qui produit une image révélant
l’état du foie.
Aixplorer
Cette méthode indolore permet de repérer avec
précision les zones fibreuses.
MÉTHODE
INVASIVE
La biopsie peut transformer des cellules
anormales en cellules cancéreuses et
provoquer des infections.
Foie
PROCHAINEMENT
AIXPLORER MÉTHODE
NON INVASIVE
Vieillissement cérébral Mal de dos Diabète
LES HORAIRES
DÉCALÉS MIS EN CAUSE
Travail de nuit et horaires décalés nuisent
à la rélexion et à la mémoire, selon
une étude menée à l’université de Toulouse,
publiée dans la revue Occupational
and Environmental Medicine. Les capacités
cognitives (mémoire, attention…) de
3000 salariés français de 32 à 62 ans ont
été évaluées durant dix ans. Elles déclinent
plus vite chez les personnes en horaires
décalés, qui auraient un cerveau « plus
vieux » de six ans et demi, « stressé »
par la perturbation de l’horloge biologique.
FUMER AGGRAVE
LA DOULEUR
Une étude parue dans la revue Human
Brain Mapping a révélé que le risque
de développer une douleur chronique
du dos est multiplié par trois chez les
fumeurs. En eet, la consommation
de tabac interagit avec le cerveau, qui
amoindrit la tolérance à la douleur. Des IRM
ont montré une connexion forte avec deux
zones du cerveau, dont l’activité ralentit
considérablement chez les sujets
qui ont arrêté de fumer, tout comme leur
sensibilité aux douleurs chroniques.
VIVE LA CHIRURGIE
DE L’OBÉSITÉ !
La chirurgie de l’obésité peut, chez certains
patients, aider à traiter leur diabète. Mais
elle pourrait aussi être « préventive »,
selon une étude parue dans The Lancet
Diabetes & Endocrinology. Une équipe du
King’s College de Londres a opéré plus
de 2000 patients obèses, en leur retirant
deux tiers de l’estomac ou en leur posant
un anneau gastrique. Après trois ans, leur
risque de développer un diabète de type 2
était de 80% inférieur à celui du groupe
témoin, n’ayant pas subi de chirurgie.
Le DrAlain
Ducardonnet
est
cardiologue
etmédecin
dusport
àParis.
Il mène depuis
plusieurs
années
unecarrière
de consultant
en matière
desanté pour
les médias.
Notre expert
ÉCHOS DE LA RECHERCHE